
Antoine Pasquier et Jean-Marie Dumont exposent cette excellente synthèse sur le site web de « Famille chrétienne » :
« EXCLUSIF MAGAZINE - Réaffirmant la doctrine sur l’indissolubilité du mariage, le rapport final publié le 24 octobre ouvre aussi certaines pistes « pastorales » pour aider et soutenir les familles.
Concluant samedi 24 octobre le Synode sur la famille, le pape François s’est livré à un tout premier bilan. Avec prudence, car comment évoquer en quelques mots ces trois semaines qui ont réuni, au Vatican, 270 responsables de l’Église venus des quatre coins du monde, ces 328 interventions en congrégations générales (54 heures…), ces 39 rapports de groupes de travail (36 heures de travaux) ? Ce Synode, déclare entre autres le pape, a « incité tout le monde à comprendre l’importance de l’institution de la famille et du mariage entre un homme et une femme, fondée sur l’unité et l’indissolubilité, et à l’apprécier comme base fondamentale de la société et de la vie humaine ». Une clé de lecture qui, si elle semble assez éloignée de la version médiatique du Synode (pour mémoire, 80% des journalistes accrédités venaient d’Europe), fait écho pour une large part au rapport final, remis au pape par les Pères synodaux au terme de leurs travaux.
Renouveler la préparation au mariage
Le travail des groupes linguistiques qui se sont réunis chaque semaine au Synode a porté ses fruits. Comme un grand nombre d’entre eux le proposait, le rapport final remis au pape le 24 octobre a repris à son compte les trois étapes déjà indiquées en 1984 par l’exhortation apostolique Familiaris Consortio de Jean-Paul II concernant la préparation au mariage : lointaine, « avec la transmission de la foi et des valeurs chrétiennes au sein de la famille », prochaine qui « coïncide avec les itinéraires de la catéchèse » et enfin immédiate, dans les mois qui précèdent le mariage. Pour cette dernière, le document insiste en faveur d’une amélioration de la catéchèse – « parfois pauvre en contenu » – enseignée aux fiancés et sur « la nécessité d’un élargissement des sujets dans les itinéraires de formation avant le mariage, afin qu’ils deviennent les chemins de l’éducation à la foi et à l’amour ».
Les Pères synodaux ont aussi fait leur la proposition d’un cercle mineur anglophone, dont le rapporteur était l’américain Mgr Chaput, jugeant indispensable de « rappeler l’importance des vertus, comme la chasteté, comme condition inestimable de la croissance réelle de l’amour entre les personnes ».
Dans cet accompagnement au mariage, mais aussi dans les premières années de la vie conjugale, les couples mariés doivent jouer un rôle central dans l’accompagnement, car « l’utilisation pastorale de relations personnelles encourage l’ouverture progressive des esprits et des cœurs à la plénitude du plan de Dieu ». Pour les Pères du Synode, l’accompagnement humain et spirituel des fiancés ne s’arrête pas le jour des noces, mais se prolonge après la cérémonie. Cette dernière étant aussi un lieu indiqué « pour annoncer l’Évangile du Christ » à des personnes qui participent peu à la vie ecclésiale ou appartiennent à d’autres confessions.
Mieux accompagner les jeunes familles
Le sacrement du mariage n’est pas l’aboutissement, mais le commencement de la vie d’un couple. Mais qu’existe-t-il pour les accompagner une fois la préparation au mariage achevée ? Pas grand-chose, constatent les Pères du Synode, qui entendent combler cette lacune. L’Église locale, et donc la paroisse, doit « initier et coordonner une pastorale des jeunes familles ».
Des couples expérimentés pourraient ainsi prendre sous leurs ailes des plus jeunes, avec la contribution possible d’associations, de mouvements ecclésiaux et de communautés nouvelles. « La consolidation du réseau de relations entre les couples et la création de liens significatifs sont nécessaires à la maturation de la vie chrétienne de la famille. » Ces jeunes familles sont exhortées à ne pas se renfermer sur elles-mêmes, mais à se réunir « régulièrement avec d’autres couples pour favoriser la croissance de la vie spirituelle et de la solidarité dans les besoins concrets de la vie ». Elles sont aussi appelées à cultiver leur vie spirituelle par la prière, la participation à la messe dominicale et la lectio divina.
Une annonce plus fidèle de la doctrine de l’Église
Conformément au désir exprimé au cours de ces trois semaines de travaux, le rapport final fait largement référence au magistère de l’Église sur le mariage et la famille. Un chapitre entier est consacré aux textes les plus récents, d’Humanae Vitae à Familiaris Consortio. Le rapport invite ainsi l’Église à « redécouvrir » ces textes, souvent tenus à distance voire directement critiqués par certaines parties de l’Église.
Dans cet effort de formation fondamentale, le rapport accorde une place spécifique aux prêtres : les séminaires « doivent préparer les futurs prêtres à devenir des apôtres de la famille ». Le rôle des écoles catholiques, « soutien des parents dans l’éducation de leurs enfants », fait également l’objet d’un développement : « L’éducation catholique aide la famille, assure une bonne préparation, éduque à la vertu et aux valeurs, instruit aux enseignements de l’Église, […] aide les élèves à devenir des adultes mûrs, capables de voir le monde à travers le regard d’amour de Jésus, comprenant la vie comme un appel à servir Dieu ».
La vie : une bénédiction
De nombreux passages du rapport final concernent aussi la transmission de la vie, les enfants, et les familles nombreuses. Celles-ci sont « une bénédiction pour la communauté chrétienne et pour la société ». Rappelant le « lien intrinsèque » entre amour conjugal et procréation, les Pères synodaux voient dans les enfants « le fruit le plus précieux » de l’amour conjugal, qui « transcendent ceux qui l’ont généré ».
L’Église, déclarent-ils, « rejette de toutes ses forces les interventions coercitives de l’État en faveur de la contraception, de la stérilisation ou même de l’avortement ». Les États sont appelés à « promouvoir des politiques familiales qui soutiennent et encouragent les familles, en premier lieu celles qui sont le plus démunies », de même que « les jeunes » qui « ont le projet de fonder une famille ».
Dans un passage consacré à « la femme », le rapport dénonce le fait que « dans de nombreux contextes », « le don même de la maternité est pénalisé au lieu d’être valorisé ». Ailleurs est évoquée la « révolution biotechnologique dans le champ de la procréation humaine », qui « a introduit la possibilité de manipuler l’acte génératif, en le rendant indépendant de la relation sexuelle entre un homme et une femme », rendant « la vie humaine […] largement sujette aux désirs d’individus ou de couples ».
Divorcés remariés : un texte en retrait
Le rapport final ouvre-t-il l’accès de la communion aux fidèles divorcés remariés ? À la lecture des articles 84 à 86 ayant trait à ce sujet, les avis et les interprétations divergent. Pourtant, les choses semblent relativement claires. Dans le premier article, le Synode invite, comme l’avait déjà fait Familiaris Consortio en 1981, à mieux accueillir les personnes divorcées remariées au sein de la communauté. Principale nouveauté, il propose de lever certaines interdictions qui frappent ces personnes dans le service « liturgique, pastoral, éducatif et institutionnel ». Souvent citée dans les groupes linguistiques, Familiaris Consortio est réaffirmée, dans l’article 85, comme document de référence pour évaluer les différentes situations des personnes divorcées remariées.
Autre nouveauté introduite dans ce texte qui apparaît comme en retrait par rapport aux propositions du cardinal Kasper, les Pères synodaux estiment qu’il est « du devoir des prêtres d’accompagner les personnes concernées sur la voie du discernement suivant l’enseignement de l’Église et les orientations de l’évêque ». Dans cet accompagnement, « il sera utile de faire un examen de conscience ». Le but de cette démarche est « d’orienter les fidèles à prendre conscience de leur situation devant Dieu », à « former un jugement cohérent sur ce qui constitue un obstacle à la possibilité d’une participation plus pleine à la vie de l’Église et sur les pas à réaliser pour la favoriser et la faire grandir ». À part les ouvertures éventuelles de certains « services d’Église » (lecture, catéchisme…) et l’accompagnement plus proche par les pasteurs, il semble que le rapport ne contienne pas d’autre proposition que celles déjà présentes dans l’exhortation apostolique Familiaris Consortio.
Les Pères synodaux fidèles au Magistère semblent donc avoir réussi à déjouer les pronostics qui prédisaient un changement notable de la doctrine ou de la discipline de l’Église. Les cardinaux et évêques africains – échaudés par la première phase du Synode en octobre 2014 où ils avaient été mis sur la touche – ont parlé cette fois-ci d’un seul bloc. Menés par les cardinaux Sarah et Napier (Afrique du Sud), ils ont pu compter sur une similitude de vues avec plusieurs Pères synodaux issus des États-Unis, d’Europe de l’Est ou encore d’Australie en la personne du cardinal Pell, membre influent du conseil des neuf cardinaux du pape. Preuve de cette influence grandissante, les Pères synodaux ont élu plusieurs figures de ce courant (Sarah, Napier, Pell, Chaput, Ouellet, Lebouakehan) au sein du conseil des « douze » qui se joindra à la Secrétairerie du Synode jusqu’à la prochaine session ordinaire.
Et après ?
En remettant leur rapport final au pape, les Pères du Synode ont insisté pour préciser qu’il s’agissait de leurs réflexions, issues de trois semaines de travail intensives, et « non d’un texte ayant valeur législative », a commenté Mgr Gérald Cyprien Lacroix, archevêque de Québec. Que va en faire le pape ? Pour l’heure, rien n’a encore filtré du Vatican.
En principe, et selon le processus synodal, le Souverain Pontife devrait rédiger une lettre ou une exhortation apostolique, comme l’ont généralement fait ses prédécesseurs dans la foulée des précédents synodes. Les Pères synodaux l’ont d’ailleurs invité à aller dans ce sens : « Nous demandons humblement au Saint-Père d’envisager la possibilité de publier un document sur la famille, pour qu’en elle, Église domestique, brille toujours plus le Christ, lumière du monde ».
Ce qui pourrait faire polémique
Comme l’an dernier, la Relatio finale du Synode sur la famille ne devrait pas manquer de susciter discussions et lectures critiques. Parmi les passages sur la sellette figureront à n’en pas douter les paragraphes 84, 85 et 86 (sur les divorcés remariés), adoptés à une très faible majorité par les Pères synodaux lors du vote final, samedi 24 octobre, article par article. Sans revenir sur les éléments présentés dans l’exhortation apostolique Familiaris consortio, ils contiennent néanmoins des formules floues, pouvant prêter à confusion ou facilement « détournables » par les médias. D’une manière plus générale, d’autres critiques pourraient concerner la tonalité du document, partagé entre désir d’affirmer clairement la doctrine de l’Église sur le mariage et la famille (ce qu’il fait), et attention à ne pas « choquer » ceux qui en sont loin. Sur certains points (comme les questions de société), on se demande ainsi pourquoi le rapport final n’est pas beaucoup plus offensif. Un vieux problème que, l’an dernier, le Synode avait tenté de résoudre en publiant deux documents : une « déclaration » au monde, et un document qui se voulait interne.
Antoine Pasquier et Jean-Marie Dumont »
Ref. Synode sur la famille : ce que dit le rapport final







En vue du Synode sur la famille d’octobre prochain, l’Université Pontificale de la Sainte Croix à Rome a organisé un symposium sur « Mariage et famille. La question anthropologique et l’évangélisation de la famille ». La leçon inaugurale était confiée au cardinal-archevêque de Bologne Carlo Caffarra qui a parlé de la manière de proposer une vision chrétienne du mariage dans une culture occidentale qui a démoli le mariage naturel. Présentation sur le site web « didoc.be » :




Il est dans la campagne attique, sur la route qui mène d’Athènes à Eleusis, un patelin oublié aujourd’hui de tous, qui a nom Corydalle. Il importerait peu d’en ressusciter ici le souvenir, si l’endroit n’avait été le théâtre autrefois d’une affaire atroce ; mythologique sans doute, mais donc intemporelle, et, hélas ! ― par le fait même ― toujours bien d’actualité...


La nouvelle s’est répandue comme le feu dans la paille : la sœur Clara n’a pas pu tenir sa langue très longtemps ; c’est qu’on n’avait pas vu un tel événement depuis des siècles, et encore c’était en Italie, pendant le Moyen Age, mais ici, en Westphalie, sous l’occupation française, dans la petite ville de Dülmen... ! C’est arrivé chez la veuve Roters, dans la chambre qu’occupe la sœur Anne-Catherine depuis le Carême 1812. Son couvent avait été fermé en décembre 1811 et les autres religieuses étaient parties l’une après l’autre, mais Anne-Catherine avait dû attendre quelques mois pour que cette brave veuve lui prête un coin de sa maison. On ne la voyait presque jamais dehors ; elle ne sortait péniblement que pour la messe du dimanche à l’église paroissiale ; on l’avait vue en septembre à l’Hermitage, un lieu de pèlerinage local. Elle est sortie pour la dernière fois à l’église en novembre 1812. Trois jours avant la fin de l’année, la fille de la veuve Roters a trouvé Anne-Catherine en train de prier, les bras étendus, comme en extase : du sang jaillissait de la paume de ses mains, mais elle a cru que c’était suite à une blessure. Le 31 décembre, le père Limberg
« Introduits dans une vraie chaumière, nous avons trouvé, dans une petite chambre où tout respirait la propreté et la simplicité, Emmerich, couchée dans un lit sans rideaux, modestement et proprement vêtue. Elle avait passé une très mauvaise nuit, son visage annonçait qu’elle endurait de grandes souffrances. Elle avait la poitrine si oppressée qu’elle ne pouvait pas articuler un seul mot à voix haute. Nous considérâmes ses pieds et ses mains seulement et nous les trouvâmes absolument dans l’état où les décrit M. de Druffel, dès l’an 1813.
Quant à Corneille, il est ordonné prêtre l’année qui suit cette visite bouleversante, le 8 juin 1816. Le Royaume des Pays-Bas est maintenant libéré de l’occupation française et le Congrès de Vienne (1815) a même étendu ses limites jusqu’à lui incorporer la Belgique. Corneille peut donc quitter l’Allemagne et retourner au pays. Soucieux de se vouer à l’éducation de la jeunesse sacerdotale, le jeune prêtre décide avec deux anciens condisciples (dont l’abbé van Niel qui l’avait accompagné au chevet d’Anne-Catherine Emmerich) d’ouvrir un collège catholique à Hageveld, en Hollande septentrionale. L’expérience ne durera que huit ans puisqu’en juin 1825, sous la pression des protestants et des francs-maçons, le roi des Pays-Bas décrète la fermeture des collèges et petits séminaires.
Après son ordination sacerdotale, Corneille van Bommel quitte l’Allemagne pour les Pays-Bas. Il fonde à Hageveld (près de Harlem) une école pour la formation des prêtres. C’est à cette époque qu’il visite une nouvelle fois Anne-Catherine Emmerich. La veille de son arrivée, celle-ci confie à Clemens Brentano : « Demain, je reçois la visite d’un prêtre accompagné de deux de ses amis. Ce prêtre sera un jour évêque et fera beaucoup de bien pour la foi ». La prophétie se réalise quelques années plus tard, quand Corneille van Bommel est installé évêque de Liège en 1829. Il sera un témoin direct de la révolution belge de juillet 1830. Pendant ces événements dramatiques, son comportement apaisant est celui d’un véritable pasteur.