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Eglise du Saint-Sacrement à Liège - Page 58

  • Vient de paraître : Vérité et Espérance/Pâque Nouvelle, 4e trimestre 2013

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    SOMMAIRE

    Editorial : Une Parole dans la nuit 

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    Liturgie : embrouilles sur la traduction du « Notre Père »

    « Evangelii gaudium » : le pape François persiste et signe

    Europe : le Parlement rejette le « rapport Estrela »

    Belgique : la culture de mort se porte bien

    Des bourgeons sous la neige ? 

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    Projet d’amour fou : le tout-puissant se fait tout-petit

    Esotérisme et mystère chrétien

    L’Eglise et les personnes divorcées remariées

     

    Secrétaires de Rédaction : Jean-Paul Schyns et Ghislain Lahaye

    Editeur responsable: SURSUM CORDA a.s.b.l. ,

    Vinâve d’île, 20 bte 64 à B- 4000 LIEGE.

    La revue est disponible gratuitement sur simple demande :

    Tél. 04.344.10.89  e-mail : sursumcorda@skynet.be 

    Les dons de soutien sont reçus au compte IBAN:  BE58 0016 3718 3679   BIC: GEBABEBB de Vérité et Espérance 3000, B-4000 Liège

     

  • L’Eglise et les personnes divorcées remariées

    divorces.jpgLe pape François a convoqué un synode sur la famille pour l’automne 2014. On y traitera notamment de la délicate question des personnes divorcées-remariées et de leur accès à l’Eucharistie.

    A ce sujet, Mgr Gerhard Ludwig Müller, préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, a rappelé dans un article récent (Osservatore Romano du 23-10) la position de l’Eglise. Comme le signale Cathobel, il a pris cette initiative avec l’autorisation du pape. Le contraire eut été étonnant.

    Les personnes divorcées-remariées souffrent. Beaucoup veulent vivre sincèrement leur foi. Pour ce faire, elles ont droit à ce que les représentants de l’Eglise les aident à se situer dans la vérité. Celle-ci est double : d’une part, l’existence d’une blessure objective et, d’autre part, la révélation de la miséricorde inépuisable et du pouvoir infini de guérison de Dieu. Les deux vérités sont inséparables, car, pour guérir d’une blessure, il faut d’abord en reconnaître l’existence.

    Qu’a dit Mgr Müller ?

    Dans un texte à la fois nuancé et bien argumenté, l’archevêque commence par rappeler l’exégèse communément admise de l’Ecriture, la Tradition constante de l’Eglise ainsi que les prises de positions doctrinales les plus récentes sur la question. Plus loin, il évoque aussi les appels répétés des papes pour ne pas exclure les personnes divorcées-remariées de la communion de l’Eglise.

    Il rappelle bien entendu aussi le noyau du problème soulevé par l’état de divorcé-remarié (je dis bien « l’état », c’est-à-dire la situation objective, sans présumer des dispositions du cœur qui, à un moment du cheminement de la foi, peuvent se révéler bien meilleures que celles de beaucoup d’autres chrétiens). On pourrait le résumer ainsi : si l’on désire recevoir l’Eucharistie, c’est que l’on croit fermement à la parole de Jésus « Prenez et mangez, ceci est mon corps » et « Buvez-en tous, car ceci est mon sang, le sang de l’alliance, répandu pour beaucoup en rémission des péchés » (Mt26, 26-28) ; mais alors il faut croire tout aussi fermement cette autre parole du Seigneur, à propos du mariage : « Ainsi ils ne sont plus deux, mais une seule chair. Que l’homme ne sépare donc pas ce que Dieu a uni ! » (Mt 19, 6). Le sacrement du mariage est le signe efficace qui inscrit les conjoints dans une alliance qui les habilite à être fidèles, l’alliance « nouvelle et éternelle » du Christ et de l’Eglise, son Epouse, alliance qui est précisément célébrée dans chaque Eucharistie.

    Une réalité nouvelle

    Dans Familiaris Consortio, une exhortation apostolique de 1981, fruit d’un synode desS357.jpg évêques, Jean-Paul II, au n. 68, se posait la grave question de savoir si l’on pouvait accorder la célébration d’un mariage chrétien à qui ne vit pas la foi (et dont la demande répond par exemple à des motivations de caractère social). S’appuyant sur le droit fondamental au mariage et sur le fait que, pour un catholique, il n’y a pas de mariage en dehors du sacrement, le pape considérait que la simple demande du sacrement traduisait le minimum de foi nécessaire. Cette attitude manifeste la sollicitude maternelle de l’Eglise pour tous ses fidèles.

    Mais, chaque jour davantage, l’ignorance morale et religieuse se généralise, la notion de mariage est contredite par la pratique d’un grand nombre et battue en brèche par certaines législations.

    Dans ce contexte, de plus en plus de jeunes demandent le mariage chrétien, non seulement avec une foi déficiente, mais aussi avec une méconnaissance profonde des propriétés essentielles du mariage. En d’autres mots, ils vont au mariage sans savoir de quoi il s’agit.

    Ce constat et ses conséquences constituent, à mon sens, le point central de l’article de Mgr Müller : « La mentalité contemporaine se place largement en opposition à la compréhension chrétienne du mariage, notamment par rapport à son indissolubilité ou à l’ouverture à la vie. Étant donné que beaucoup de chrétiens sont influencés par cette mentalité, les mariages sont probablement plus souvent invalides de nos jours qu’ils ne l’étaient par le passé, parce que manque la volonté de se marier selon le sens de la doctrine matrimoniale catholique et que la socialisation dans le contexte vivant de foi est trop réduite. C’est pourquoi une vérification de la validité du mariage est importante et peut conduire à une solution de problèmes. »

    Il ne fait que relayer un souci déjà exprimé par Benoît XVI, partagé sans doute aussi par François : « Il faut œuvrer afin que s’interrompe, dans la mesure du possible, le cercle vicieux qui a souvent lieu entre une admission facile au mariage, sans une préparation adéquate et un examen sérieux des qualités prévues pour sa célébration, et une déclaration judiciaire parfois tout aussi facile, mais de sens inverse, où le même mariage est considéré nul uniquement sur la base de la constatation de son échec » (discours à la Rote Romaine, 22-1-11).

    Les voies de solution

    VanderWeydenmariageAnvers.jpgCes deux textes évoquent deux voies de solution. La première est « curative » : pour ceux qui ont eu recours au divorce, il faut, comme le dit Mgr Müller, examiner s’ils sont vraiment mariés. Si leur mariage est nul, leur divorce est inexistant et ils peuvent, dûment préparés, se marier à l’Eglise et bien évidemment recevoir l’Eucharistie. Il ne faut pas cacher que cette voie entraîne un défi, celui de prouver, devant le tribunal ecclésiastique, que manquait le discernement concernant les propriétés essentielles du mariage au moment de sa célébration. C’est sans doute l’une des questions qui sera abordée par le synode sur la famille convoqué par le pape François pour l’automne 2014.

    La deuxième voie est « préventive » et est évoquée par Benoît XVI dans le discours déjà cité. Il y rappelle la nécessité de veiller à ce que les jeunes soient pleinement conscients des caractéristiques essentielles du mariage, à savoir qu’il s’agit de l’union d’un homme et d’une femme pour toujours et ouverte à la vie, et de favoriser leur retour à une foi vivante. Pour ce faire, il signale l’importance fondamentale d’une préparation sérieuse au mariage et de l’examen prématrimonial réalisé par le curé. 

    Il y a ici un splendide défi pour les prêtres et les laïcs : « Le mariage sacramentel est un témoignage de la puissance de la grâce qui transforme l’homme et prépare toute l’Église pour la cité sainte, la nouvelle Jérusalem, l’Église, prête “comme une épouse parée pour son époux” (Ap 21, 2). L’Évangile de la sainteté du mariage doit être annoncé avec une audace prophétique. Un prophète fatigué cherche dans l’adaptation à l’esprit du temps son propre salut, mais pas le salut du monde en Jésus-Christ. (…) En vertu du sacrement du mariage, les époux participent à l’amour définitif et irrévocable de Dieu. Aussi peuvent-ils être des témoins de l’amour fidèle de Dieu, mais ils doivent nourrir constamment leur amour à travers une vie de foi et de charité. » (Mgr Müller).

    L’archevêque rappelle bien entendu aussi « les situations dans lesquelles la coexistence matrimoniale devient pratiquement impossible à cause de graves motifs » et qui peuvent justifier une séparation, sans rupture du lien conjugal.

    Loin de constituer une « ouverture doctrinale », comme préconisé par certains, les voies de solutions évoquées confirment la doctrine de toujours face à un monde changeant. Du reste, les « ouvertures doctrinales », en théologie catholique, ne naissent pas tant des idées personnelles des théologiens que de l’ouverture du cœur et de l’intelligence à la parole de Dieu, dont « la Tradition sacrée et la Sainte Écriture constituent l’unique dépôt sacré (…) qui ait été confié à l’Église » et au service duquel se place le Magistère qui « écoute pieusement la parole, la garde religieusement, l’explique fidèlement, et puise dans cet unique dépôt de la foi tout ce qu’il nous propose à croire comme étant divinement révélé » (Concile Vatican II, constitution dogmatique Dei Verbum, 10). 

    Abbé Stéphane Seminckx

    Source : didoc.be

    ___________ 

    Le texte de l’article de Mgr Müller peut être lu sur le site web du Vatican (http://www.vatican.va/roman_curia/congregations/cfaith/muller/rc_con_cfaith_20131023_divorziati-risposati-casramenti_fr.html)

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    Extrait :

    …dans chaque célébration de la Messe les fidèles sont tenus de s’examiner dans leur conscience s’il est possible de recevoir la Communion, ce à quoi s’oppose toujours un péché grave non confessé. Ils ont donc l’obligation de former leur conscience et de l’orienter selon la vérité ; ce faisant, ils obéissent également au magistère de l’Église, qui les aide « à ne pas dévier de la vérité sur le bien de l’homme, mais, surtout dans les questions les plus difficiles, à atteindre sûrement la vérité et à demeurer en elle » (Jean-Paul II, Lettre encyclique Veritatis splendor, n. 64).

    Lorsque des divorcés remariés sont subjectivement convaincus dans leur conscience qu’un précédent mariage n’était pas valide, cela doit être objectivement démontré par les tribunaux compétents en matière matrimoniale. En effet, le mariage ne concerne pas seulement le rapport entre deux personnes et Dieu ; il est aussi une réalité de l’Église, un sacrement, sur la validité duquel l’individu ne décide pas pour lui-même, mais l’Église, dans laquelle il est incorporé par la foi et le baptême. « Si le mariage précédent de fidèles divorcés et remariés est valide, leur nouvelle union ne peut être considérée en aucune circonstance comme conforme au droit et donc, pour des motifs intrinsèques, la réception des sacrements n’est pas possible. La conscience de chacun est liée, sans exception, par cette norme » (Card. Joseph Ratzinger, La pastorale du mariage doit se fonder sur la vérité, L’Osservatore Romano. Édition hebdomadaire en langue française, 8 décembre 2011, p. 5).

    La doctrine de l’epicheia, selon laquelle une loi est certes valable en termes généraux, mais ne recouvre pas toujours adéquatement l’agir humain concret, ne peut pas non plus être appliquée dans ce cas, car l’indissolubilité du mariage sacramentel est une norme de droit divin, qui n’est pas à la disposition du pouvoir discrétionnaire de l’Église. Celle-ci a cependant plein pouvoir – dans la ligne du privilège paulin – pour clarifier quelles conditions doivent être remplies pour qu’un mariage indissoluble existe selon le sens qui lui est attribué par Jésus. À partir de là, l’Église a établi des empêchements de mariage, reconnu des motifs de nullité de mariage et mis au point une procédure judiciaire détaillée.Une proposition supplémentaire en faveur de l’admission des divorcés remariés aux sacrements consiste à invoquer l’argument de la miséricorde. Étant donné que Jésus lui-même s’est solidarisé avec les personnes qui souffrent en leur donnant son amour miséricordieux, la miséricorde serait un signe spécial d’une sequela authentique. Cela est vrai, mais c’est un argument insuffisant en matière théologico-sacramentaire, parce que tout l’ordre sacramentel est une œuvre de la divine miséricorde et ne peut pas être révoqué en faisant appel à cette même miséricorde. À travers ce qui est objectivement un faux appel à la miséricorde, on court de plus le risque d’une banalisation de l’image de Dieu, selon laquelle Dieu ne pourrait rien faire d’autre que pardonner. Au mystère de Dieu appartiennent, outre la miséricorde, également sa sainteté et sa justice. Si l’on occulte ces attributs de Dieu et que l’on ne prend pas au sérieux la réalité du péché, on ne peut finalement pas non plus communiquer sa miséricorde aux hommes. Jésus a rencontré la femme adultère avec une grande compassion, mais il lui a aussi dit : « Va, ne pèche plus » (Jn 8, 11). La miséricorde de Dieu n’est pas une dispense des commandements de Dieu et des instructions de l’Église. Elle accorde plutôt la force de la grâce pour leur accomplissement, pour se relever après la chute et pour une vie de perfection à l’image du Père céleste.

  • Esotérisme et mystère chrétien

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    « Rien n’est caché qui ne deviendra manifeste, rien non plus n’est secret qui ne doive être connu et venir au grand jour » (Lc 8, 17; 12, 2). Cette affirmation catégorique de Jésus, reprise par les évangélistes Matthieu (10, 26) et Marc (4, 22), semble régler définitivement la question des rapports éventuels entre l’ésotérisme et le mystère chrétien : il n’y a pas et il ne peut pas y avoir d’hermétisme ou d’ésotérisme chrétien pour la raison évidente que le christianisme est une Révélation proposée à tous (l’Évangile est cette Bonne Nouvelle) et non une religion à mystères transmise à quelques initiés. Devant cette générosité inimaginable du Père céleste, Jésus a même exulté de joie : « Je te bénis, Père, Seigneur du ciel et de la terre, d’avoir caché cela aux sages et aux intelligents et de l’avoir révélé aux tout-petits » (Mt 11, 25).

    On pourrait en rester là et se contenter d’une simplicité évangélique exotérique, pour ainsi dire. Mais c’est le Maître lui-même qui provoque en nous la réflexion. Pourquoi, par exemple, dit-il à ses disciples en aparté : « À vous il a été donné de connaître les mystères du Royaume de Dieu; mais pour les autres, c’est en paraboles, afin qu’ils voient sans voir et entendent sans comprendre » (Lc 8, 10), comme si Dieu se plaisait à brouiller les pistes, à effacer ses traces… Comme s’il voulait réserver ses mystères à quelques initiés… Peut-il se contredire Celui qui affirme que « personne, après avoir allumé une lampe, ne la recouvre d’un vase ou ne la met sous son lit : on la met au contraire sur un lampadaire, pour que ceux qui pénètrent voient la lumière » (Lc 8, 16).

    « L’homme ne peut me voir sans mourir »  (Ex 33, 20)

    Mais alors à quoi Dieu joue-t-il ? Veut-il se montrer ou veut-il se cachetéléchargement (9).jpgr ? Veut-il se révéler à tous ou à quelques privilégiés? Que signifient ces jeux d’ombre et de lumière entre Lui et nous? En réalité, Dieu se révèle en se cachant et il se cache en se révélant. S’il agit de la sorte c’est par amour pour nous, car sa lumière est trop forte pour nos yeux, sa toute-puissance trop bouleversante pour notre fragilité : « L’homme ne peut me voir sans mourir » (Ex 33, 20), dit-il à Moïse, car il y a un abîme entre la sainteté de Dieu et l’indignité de l’homme, souligne la Bible de Jérusalem en commentant ce verset. Cette prévenance divine, cette souveraine délicatesse est la modeste porte d’entrée qui nous permet d’accéder au sens chrétien du mystère. : les sacrements ne sont rien d’autre que de simples fenêtres ouvertes sur l’infini, des signes matériels tangibles qui révèlent et voilent en même temps des réalités spirituelles agissantes et concrètes quoique ineffables et indicibles. Sous d’humbles apparences matérielles (pain, vin, eau, huile, souffle…), c’est l’Esprit de Dieu qui accepte de se donner par les pauvres mains et les paroles de l’homme. Pourra-t-on jamais mesurer l’humilité d’un tel Dieu qui, par pur amour, ose s’abandonner à nous ! Quand le prêtre élève l’hostie consacrée, c’est non seulement Jésus-Christ qui se montre sous les apparences du pain, c’est aussi le cosmos et tout ce qu’il renferme qui s’offre à nous, car c’est par Lui que tout fut créé (Jn 1, 3), Lui que le Père a aimé avant la fondation du monde (Jn 17, 24). Ainsi, par la foi, nous sont offerts l’amour et la « connaissance du Christ qui surpasse tout » (Ph 3, 8). Or, cette connaissance mystique ne s’analyse pas comme une règle de physique ou de mathématique, elle ne se cherche pas à la manière de l’alchimie quêtant la pierre philosophale, dans la numérologie, dans les astres, le spiritisme ou les cartes à jouer : comme l’écrit saint Paul, elle s’offre à nous et par nous à la manière d’un « parfum » (2 Co 2, 14).

    Le merveilleux chrétien renvoie toujours au mystère

    LABYRINTHE-CATHEDRALE-DAMIENS.jpgSans le savoir, les sciences occultes ont recherché de tous temps cette « bonne odeur du Christ » (2 Co 2, 15) dans les taillis touffus de la connaissance et les âpres maquis de la gnose. Les mythes païens, la connaissance gnostique n’étaient pas inconnus de saint Paul, mais l’Apôtre des nations vouait à la destruction la « sagesse de ce monde et des princes de ce monde » (1 Co 2, 6). Selon Origène (v. 185-v. 253), Paul faisait ainsi référence à la « prétendue philosophie secrète des Égyptiens, à l’astrologie des Chaldéens et des Hindous » et aux « multiples doctrines des Grecs sur la nature du divin ». Clément d’Alexandrie (v. 150-v. 220), son contemporain, investigua longuement les sentiers de la gnose préchrétienne ; il voulait rapatrier vers le Christ les éléments épars de la connaissance que l’Esprit avait disséminé dans les civilisations[1]. Mais tout en faisant converger les éléments positifs des sciences occultes vers leur source divine, « la vieille sagesse chrétienne a lutté farouchement, dès les premiers siècles, contre toute forme de fatalisme et, notamment contre l’astrologie, au nom de la souveraineté et de la liberté de Dieu face à toutes les puissances cosmiques ». Ce faisant, « elle n’a cependant pas nié l’existence de principes terrestres secondaires que la providence met à son service pour diriger le cours des choses ». Rappelant la doctrine paulinienne, le cardinal Balthasar, souligne que les « éléments du monde » (vénérés par beaucoup comme des puissances angéliques), les « dominations », les « autorités » et les « princes de ce monde » sont reconnus dans leur réalité et dans leur compétence, mais n’en doivent pas moins, tenus sous le joug du Christ, précéder son char triomphal (Col, 2, 15). L’ésotérisme et les sciences occultes ne sont jamais que des « réalités pénultièmes, accessibles seulement lorsqu’il est possible de les rapporter au mystère absolu de l’amour divin manifesté dans le Christ »[2]. En dehors de ces rapports de subsidiarité, elles risquent de conduire les téméraires sur des chemins d’orgueil vers des culs-de-sac spirituels ou des ronds-points sans issue. Dans la foi nous comprenons que le merveilleux chrétien renvoie toujours au mystère d’où il tire sa saveur particulière et que le mystère lui-même trouve sa source dans la puissance divine. « Le Puissant fit pour moi des merveilles », s’exclame la Vierge Marie ; ces merveilles sont comme le parfum qui émane de la fleur du mystère, sachant que le mystère chrétien n’est pas un secret caché, mais une lumière tellement intense qu’elle ne peut être supportée et manifestée qu’à travers le filtre de ce que nous appelons le miraculeux ou le merveilleux.[3] Le miracle tamise la puissance divine en même temps qu’il la manifeste, car ce que nous considérons comme merveilleux ou miraculeux constitue l’ordinaire de Dieu, si l’on peut dire.

    Dieu ne se révèle pas aux orgueilleux

    Dieu ne se révèle pas aux orgueilleux. La simplicité et l’humilité du cœur sont les seulesimages15.jpg clefs de l’amour et de la connaissance. Si Moïse a été initié aux mystères de Dieu pour tenir tête aux prêtres égyptiens et à leur magie, c’est qu’il fut « l’homme le plus humble que la terre ait porté » (Nb 12, 3). Quant à la mère du Christ, épouse de l’Esprit Saint, qui forma en son sein la Sagesse éternelle, elle peut être à juste titre qualifiée de sedes sapientiae, siège de la Sagesse. Son cœur immaculé fait déborder la connaissance divine sur ceux qui la vénère d’un cœur simple et droit.

    L’homme qui cherche à établir un contact avec le monde invisible est un homme normal, même s’il s’égare dans des chemins sans issue. L’homme qui cherche la clef de la connaissance répond à un appel profond qui retentit en son cœur. N’oublions pas que nous sommes d’abord des êtres spirituels qui faisons l’expérience de l’incarnation et non l’inverse, car nous sommes faits à l’image et à la ressemblance de Dieu qui est pur Esprit (Gn 1, 26). L’Église a reçu du Christ les clefs de la connaissance et la gestion des mystères sacrés : elle peut et elle doit enseigner à tous les hommes les voies de la connaissance qui mènent à l’union à Dieu, fussent-elles surprenantes et inattendues, car l’Esprit souffle non seulement où il veut, mais aussi comme il veut et quand il veut… « Malheur à vous, les légistes, parce que vous avez enlevé la clef de la science! Vous-mêmes n’êtes pas entrés, et ceux qui voulaient entrer vous les en avez empêchés! » (Lc 11, 52). Souhaitons que cette admonestation de la Sagesse incarnée ne s’adresse pas à nos pasteurs!

    En mangeant, à l’invitation de Satan, le fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal, l’homme primordial est entré par effraction dans l’enceinte de la connaissance parfaite et il en a goûté le fruit doux-amer : douceur du bien, amertume du mal. Et ce péché d’orgueil l’a conduit à la mort (Gn 2, 17). Ève chercha la connaissance dans les artifices du démon, Marie la trouva dans l’humilité et l’Esprit Saint : « Il s’est penché sur son humble servante » (Lc 1, 48).

    Seul le Ressuscité, véritable « arbre de vie », pouvait restaurer l’homme dans sa dignité première et le réintroduire dans l’enceinte sacrée de la con-naissance, le Cœur du Christ, là où « amour et vérité se ren-contrent » (Ps 84, 11).

     

     Pierre René Mélon

     

    [1]  Voir en particulier le livre VI des Stromates, Sources chrétiennes, éd. du Cerf.

    [2]  Hans Urs von Balthasar, in Méditations sur les 22 arcanes majeurs du Tarot,  Avant-Propos, pp. 14-15, Aubier, 1984.

    [3]  Voir le Dictionnaire des miracles et de l’extraordinaire chrétiens, collectif, sous la direction de P. Sbalchiero, Fayard, 2002.

  • Belgique : la culture de mort se porte bien

     

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    Selon l’association « Alliance Vita », depuis le vote de la loi dépénalisant l’euthanasie en Belgique en 2002, deux évolutions majeures peuvent être soulignées :

    - la volonté continuelle du lobby de l’euthanasie d’élargir les cas possibles, comme aux Pays-Bas : les mineurs, les personnes âgées de plus de 70 ans, les personnes considérées comme “démentes” (par exemple en cas de maladie d’Alzheimer), les adultes dépressifs (personnes anorexiques, handicapées, en prison…).

    -l’augmentation constante du nombre d’euthanasies pratiquées officiellement, avec un doublement du total tous les 4 ans : il est passé de 349 en 2004 à 704 en 2008, et à 1432 en 2012. Entre la première année compète d’application (235 cas en 2003) et 2012, le total a été multiplié par six.

    L’euthanasie est plus couramment pratiquée en Flandre (83%) qu’en Wallonie (17%) : des chiffres étonnants qui, pour les chercheurs, peuvent s’expliquer par des « différences de pratiques médicales ». La Commission de contrôle et d’évaluation a examiné plus de 2000 déclarations depuis sa création. Aucune n’a jamais fait l’objet d’un signalement au parquet….

    Les dérives de la loi de 2002 sur l’euthanasie 

     « La loi belge votée le 28 mai 2002 et au­to­risant l'euthanasie pose comme condi­tion préalable que le patient soit atteint d'une "maladie grave et incurable".

    Onze ans après, une extension de la pra­tique s'apprête à être votée alors que de nombreuses dérives sont constatées. Cette nouvelle législation pourrait en outre re­mettre en cause la liberté de conscience des médecins. En effet, "le législateur pourrait contraindre les médecins objec­teurs d'indiquer à leurs patients deman­dant à être euthanasiés le nom d'un con­frère favorable à cette pratique". 

    L'hebdomadaire Famille Chrétienne (An­toine Pasquier, 22/11/2013) se fait l'écho des dérives flagrantes constatées en Bel­gique

     D’une part, il s'agit, de dérives dans l’interpré­tation des dispositions légales. La Commission de contrôle semble éva­cuer de plus en plus le critère d'une mala­die "grave et incurable"(1). Le grand âge et la lassitude de vivre "sont devenus des condi­tions pour être euthanasiés' " s'in­digne le Dr Dopchie (2). De même en est-il pour la condition de "souffrance physique ou psy­chique constante et insupportable", que la Commission perçoit comme une "notion subjective", et qui renvoie désor­mais à "l'anticipation d'une souffrance future" précise Etienne Montero (3). Le cas de deux jumeaux, âgés de 45 ans, "nés sourds et euthanasiés en 2012 parce qu'un glau­come allait les rendre aveugle" en est un exemple flagrant. Ces dérives légales s'ex­pliquent par le fait que le contrôle de la Commission est exercé a posteriori, que le ministère public n'engage pas de pour­suite dans les cas où la loi est transgressée, et que les médecins eux mêmes "af­firme[nt] publiquement" [...] ne pas dé­clarer les actes euthanasiques qu'ils prati­quaient". Il faut noter en outre que les membres de la Commission de contrôle sont majoritairement "adhérents ou [...] collaborateurs de l'ADMD" [association pour le droit de mourir dans la dignité], comme par exemple Jacqueline Herre­mans, prési­dente de l'ADMD Belgique. 

    D’autre part, Il s'agit des dérives profes­sionnelles qui se traduisent par des eutha­nasies clandestines, comme le précise le Dr Dopchie qui a été témoin "d'accéléra­tions thérapeutiques" consistant en "des surdosages abusifs de produits utilisés pour calmer la douleur" mais qui "provoqu[e] la mort des patients à leur insu et à celui des familles". 

    Enfin, l'ultime dérive, et non la moindre, s'entend lorsque les patients réclament le "droit" à bénéficier d'une euthanasie qui serait "devenu une alternative thérapeu­tique" pour certains. Et pour cause, "l'offre crée la demande" commente Etienne de Montero. 

    Parmi les Belges, peu nombreux sont ceux qui ont pris conscience de ces dérives. Mais des voix d'universitaires, de juristes, et de professionnels de santé ou de simples citoyens commencent à se faire entendre grâce au site internet « euthanasieStop ». Pour Michel Ghins (4), un des initiateurs du projet, "le site a permis de libérer la parole de citoyens ressentant un certain malaise vis-à-vis de cette législation ou d'une déci­sion prise par un proche". Source: genethique.org, 22.11.2013

    ______________

    (1) "certains membres de la Commission ont estimé que la souffrance et la demande d'eu­thanasie étaient plutôt liées aux conséquences naturelles liées à l'âge qu'aux affections dont [les patients] étaient atteints": Cinquième rap­port de la Commission fédéral de contrôle et d'évaluation de l'euthanasie, rendu aux chambres législatives belges, pour les années 2010-2011

    (2) Oncologue et chef du service de Soins pal­liatifs au Centre Hospitalier de Wallonie picarde à Tournai.

    (3) Doyen de la Faculté de droit de Namur et auteur de l'ouvrage "Rendez-vous avec la mort. Onze ans d'euthanasie légale en Belgique".

    (4) Professeur de philosophie des sciences à l’U.C.L., président d’ « Action pour la Famille ».

       

    Etienne Montero : Rendez-vous avec la mort

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    Vient de paraître : « Rendez-vous avec la mort.10 ans d’euthanasie légale en Belgique », par Étienne Montero , professeur ordinaire à l’Université de Namur, doyen de la Faculté de droit.

    Après dix années d’application de la loi sur l’euthanasie en Belgique (2002), le moment est venu de dresser un bilan critique :

    •Peut-on soutenir que l’euthanasie est adéquatement balisée, sa pratique rigoureusement contrôlée et ses conditions légales parfaitement respectées ?

    •Est-il vrai qu’aucun effet de « pente glissante » ne se manifeste en Belgique ?

    •Peut-on parler sans fard du « modèle belge des soins palliatifs intégraux » au sens où, dans ce pays, l’euthanasie serait une composante intégrante des soins palliatifs ?

    •Peut-on affirmer que la dépénalisation de l’euthanasie n’a nullement altéré la confiance dans les médecins ?

    L’objectif de cet ouvrage est de répondre à ces questions et de permettre au lecteur d’approfondir sa réflexion en la confrontant à celle d'un expert : 140 pages - 29 €  - (5 € de frais de port pour la Bel. en sus) Vous pouvez commander cet ou­vrage :Par fax : 010 40 21 84  Par mail : commande@anthemis.be Via le site : www.anthemis.be

     

     
    Légalisation de l’euthanasie des mineurs

    4000197388815.jpgLe mercredi 27 novembre dernier, les Commis­sions réunies des Affaires sociales et de la Justice du Sénat de Belgique ont adopté par 13 voix contre 4 la proposition de loi qui vise à étendre le cadre légal autorisant l'euthanasie, dans certaines conditions, aux mineurs d'âge dont un psycho­logue aura reconnu la capacité de discernement. Seuls les mineurs faisant face à des souffrances physiques insuppor­tables et inapaisables, en phase terminale, pourront, encadrés par une équipe médi­cale, et moyennant l'ac­cord parental, bénéficier de l'euthanasie qu'ils auront sollicitée. Les socia­listes et les libéraux, francophones et néerlandophones, les Verts, ainsi que la N-VA ont voté en faveur de la proposition de loi. Les élus cdH, CD&V et Vlaams Belang ont voté contre. Le texte doit ensuite être examiné en séance plénière

    Les manifestants ont été relâchés

    Les  'veilleurs' arrêtés le mardi 26 no­vembre devant le Sénat à Bruxelles après avoir ma­nifesté contre l'élargissement de la loi sur l'euthanasie, ont été relâchés en soirée, a indiqué mercredi la police de la zone de Bruxelles Capitale-Ixelles. Les mili­tants seront poursuivis devant le tribunal correctionnel pour avoir manifesté en zone neutre. Depuis plusieurs semaines, un groupe de 'veilleurs' se réunissait en silence chaque mardi aux abords du Sénat à Bruxelles. Leur action s'inscrit dans le cadre des discussions portant sur l'extension aux mineurs du cadre légal sur l'euthanasie (« La Libre », citant Belga)

    Mais, du Sénat (le vote en séance plénière a eu lieu le 12 décembre 2013 : 50 voix pour,images (13).jpg 17 contre) à la Chambre jusqu’à la signature du Roi, il reste encore un chemin à parcourir pour conclure : sera-ce avant les élections gé­nérales de mai 2014 ? Si non, la proposition devra être relevée de caducité (dans un contexte nouveau: le sénat va perdre sa capacité législa­tive). La majorité gouver­nementale (celle-ci ou la suivante) jouera-t-elle les « ponce-pilate » en se lavant les mains, comme d’habitude, dans l’eau de la liberté de conscience ?  

    JPS 

  • Liturgie : embrouilles sur la traduction du « Notre Père »

     

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    La formule théologiquement contestable de la sixième demande du Pater "Et ne nous soumets pas à la tentation" remonte à un accord obtenu entre catholiques, protestants et orthodoxes, entre 1964 et 1966, au moment du Concile et de sa volonté d'ouverture oecuménique. Elle suscite aujourd’hui plus que jamais la controverse :

    "Et ne nous soumets pas à la tentation" ?

    images (1).jpgSur le site de « La Vie » (14.10.2013, extraits) Anne-Cécile Juillet  note que  «  (…) dans la nouvelle traduction française de la Bible liturgique, diffusée en France par les éditions Mame/Fleurus à partir du 22 novembre 2013, on ne lira plus "Et ne nous soumets pas à la tentation", mais "Et ne nous laisse pas entrer en tentation". En effet, cet été, le Vatican a donné son accord à la publication d'une nouvelle traduction française complète de la bible liturgique (qui comprend l'Ancien Testament, les psaumes et le Nouveau Testament), dont la dernière version remontait à 1993 ».

    La prière récitée du Notre-Père changera-t-elle pour autant?  Pour l'instant, il est difficile de le savoir. Pour cela, il faudrait que cette nouvelle traduction soit également validée dans le Missel. Sur ce point, les sources auxquelles se réfère le site web de « La Vie », divergent. "Oui, c'est absolument certain, elle s'imposera dans le futur missel", disent les uns. "Non, ce n'est pas sûr du tout puisque la commission, au Vatican, qui s'occupe du contenu du Missel romain est distincte de celle qui a validé la nouvelle traduction", estiment d'autres. 

    Face au buzz médiatique, Mgr Bernard Podvin, porte-parole des évêques de France, cité par l’agence Zenit, a tenu à préciser que « rien ne change actuellement pour la prière du Notre Père, y compris à la Messe. Un changement pourra intervenir dans quelques années lorsqu'entrera en vigueur la nouvelle traduction du Missel Romain, qui est encore en chantier ».

    Comme le rappelle le directeur du journal « L’Homme Nouveau » sur le blog de sa publication, c’est en 1966 que fut inventée l’actuelle « version œcuménique ». Celle-ci fut cependant critiquée par les plus sérieux de nos frères protestants et orthodoxes. Et ce n’est pas avant 2015 que la nouvelle version figurera dans les missels. La patience est une vertu fortement recommandée aux fidèles de l’Église catholique.

    L’exégèse de Monseigneur Léonard 
     
    Dans notre enfance préconciliaire on priait : « ne nous laissez pas succomber à latéléchargement (8).jpg tentation ». Après Vatican II, on introduisit un contresens théologique en traduisant le grec de référence « κα μ εσενέγκς μς ες πειρασμόν » par « ne nous soumets pas à la tentation ». N’eût-il pas été possible de dire plutôt : "ne nous soumets pas à l’épreuve", le substantif « peirasmos » ayant aussi parfois ce sens ? De bons linguistes classiques assurent que non.

    Sur la question, dans son livre « Que Ton Règne vienne », (Edi­tions de l’Emmanuel, 1998), Monseigneur Léonard, conserve le sens de « tentation » mais explique, un peu longuement, que la formule grammaticale grecque provient d’un hébraïsme mal tra­duit :

     « Il s’agit, écrit-il, de bien com­prendre l’usage de la négation devant un verbe dont le substantif hébreu est conju­gué à la forme causative, celle qui permet de passer de l’idée de « dormir », par exemple, à celle de « faire dormir ».

     En français, nous avons besoin de deux mots pour le dire. En hébreu, il suffit d’utiliser la forme causative ou factitive du verbe. C’est elle qui permet, dans notre texte, de passer de l’idée de « entrer dans la tenta­tion » à celle de « faire entrer dans la ten­tation ». Que se passe-t-il si l’on met une négation devant la forme causative de la sixième demande ? Faut-il comprendre « ne nous fait pas entrer dans la tentation » ou bien « fais que nous n’entrions pas dans la tentation » ? Tel est exactement le pro­blème.

    Pour un Sémite, la réponse est évi­dente d’après le contexte. La demande signifie : « Fais que nous n’entrions pas dans la tentation ». Exactement comme pour nous en français, si je dis : « je n’écris pas ce livre pour m’amuser », chacun comprend que j’écris effectivement ce livre (la preuve !), en dépit de la négation qui semble affecter  le verbe, mais que ce n’est pas pour m’amuser. Malgré les ap­parences, la négation ne porte pas sur « écrire », mais sur « pour ». Mais, dans son incommensurable bêtise, un ordinateur aurait pu comprendre que, pour pouvoir m’amuser, je n’écrivais pas ce livre… Qu’a fait ici le premier traducteur grec du « Notre Père » sémi­tique ?

    Le grec n’ayant pas de forme causative et ne connaissant pas davan­tage la tournure fran­çaise « faire en­trer », il a pris un autre verbe qu’ « entrer » , un verbe exprimant d’un seul mot, comme en hé­breu, l’idée de « faire entrer », à savoir le verbe grec « intro­duire » et il a mis une né­gation devant ! Pour les lecteurs grecs connaissant encore les tournures sémi­tiques, l’interprétation correcte allait de soi.

    22846792.jpgMais par la suite, l'expression allait forcément être mal comprise et prêter à scan­dale. Le problème est résolu si, instruit de ces petites ambiguités linguistiques, on traduit : « Fais que nous n’entrions pas dans la tentation » ou « Garde-nous de consentir à la tentation ». De ce point de vue, l’ancienne traduction française du « Notre Père » était moins heurtante que l’actuelle (sans être parfaite), puisqu’elle nous faisait dire : « Et ne nous laissez pas succomber à la tentation ». La même  difficulté existant dans de nombreuses langues euro­péennes, plusieurs onférences épisco­pales ont entrepris de modifier la traduc­tion du « Notre Père » en tenant compte du problème posé par la version actuelle. Espérons que les conférences épiscopales francophones feront un jour de même. Si nous traduisons correctement la sixième demande (« Garde nous de consentir à la tentation » !) alors tout s’éclaire. Dans la cinquième demande, nous avons prié le Père de nous remettre nos dettes passées. Dans la septième, nous allons lui deman­der de nous protéger, à l’avenir, du Tenta­teur. Dans la sixième, nous lui demandons logiquement, pour le présent, de nous pré­server du péché en nous gardant de suc­comber à la tentation ».

    JPS

  • LIEGE : EPIPHANIE POUR UN ANNIVERSAIRE

    images (13).jpgLes fêtes du mystère de la Nativité se sont clôturées ce samedi 4 janvier 2014 à l’église du Saint-Sacrement : trois cents fidèles y ont pris part à la messe solennelle de l’Epiphanie. Mozart lui-même était parmi eux, grâce à l’excellente interprétation de sa « Missa Brevis » par le chœur de Sainte-Julienne dirigé par Margaret Todd et accompagné à l’orgue par Patrick Wilwerth : une prestation alliant aussi un florilège de chants de noël et le propre grégorien du jour au service de l’esprit de la liturgie. Celle-ci était célébrée par les abbés Jean Schoonbroodt, Louis-Dominique Kegelin (diacre) et Claude Germeau (sous-diacre). Un merci amical s’adresse à eux comme aux servants de messe : Jacques, Ghislain, Raphaël et à tous les prestataires de l’église pour leur active contribution : les deux Luc, Emmanuel, Jacqueline , Anne-Marie, Alain  et les autres…

    On fêtait aussi, ce 4 janvier 2014, le dixième anniversaire du sauvetage (par l’association « Sursum Corda ») de l’église du Saint-Sacrement à Liège, alors (2003) menacée de sécularisation.

    A défaut de hauts personnages dans l’Eglise ou dans l’Etat, c’est un humble prêtre auxiliaire, certes bien connu des Liégeois, qui exprima le sentiment de la foule assemblée. Voici le texte de son homélie : 

    Copie (2) de P1010241.JPG

    «  ‘Nous avons vu se lever son étoile et nous sommes venus l’adorer !’. Aujourd’hui, quelle est l’étoile qui nous conduit à Jésus ? Il faut bien reconnaître que nous sommes largement imprégnés par le matérialisme («  je ne crois que ce que je vois »), l’utilitarisme (« j’ai besoin de toi, je te trouve ; je n’ai plus besoin de toi, je t’oublie »), l’individualisme (« chacun pour soi »), le relativisme (« il n’y a plus de vérité »). L’étoile s’est obscurcie : on oublie la personne du Christ, on le connaît plus le Christ ni Son évangile, on ne sait plus ce qu’est la sainte Messe.

    Aujourd’hui, par la présente Eucharistie, nous célébrons le 10e anniversaire de la libération de cette église de la sécularisation : on l’a rachetée grâce aux efforts de quelques chrétiens, à la générosité de beaucoup, dont le Père-Abbé de l’abbaye de Rochefort, le Père-Abbé de l’abbaye de Clervaux ! Ces efforts furent encouragés par notre ancien évêque Mgr van Zuylen ainsi que par notre archevêque, Mgr Léonard, qui a célébré la messe ici quelques fois.

    Qu’il me soit permis d’exprimer, en votre nom à tous, notre vive gratitude et notre profonde reconnaissance aux responsables de l’asbl « Sursum Corda » pour leur courage, leur détermination, leur fidélité, leur constance à assumer les multiples démarches pour le fonctionnement de cette église, sans le concours d’aucun subside officiel.

    Ils ont voulu demeurer fidèles à la tradition religieuse de ce lieu : sa vocation au culte eucharistique. Pendant de très nombreuses années, les religieuses du couvent du Saint-Sacrement sont venues ici, quotidiennement deux par deux, adorer le Seigneur dans l’Eucharistie durant toute la journée. Ce culte eucharistique a vu le jour à Liège, grâce à sainte Julienne de Cornillon (1192-1258). On a donc voulu rester fidèle à une grande et profonde tradition religieuse, créée dans cette ville eucharistique.

    Aujourd’hui, on a trop souvent tendance à ne voir l’avenir qu’avec des projets d’innovations, sans tenir compte de nos aînés dans la foi. Or, quand on conduit sa voiture, il faut certes regarder devant soi, mais aussi parfois dans le rétroviseur.

    On oublie de regarder nos aînés, qui ont fait l’Eglise en Belgique : 

    -     le Cardinal Cardijn, qui formait avec enthousiasme des jeunes à la Foi ;

    -     le Père Vincent Lebbe, qui voulait susciter des évêques chinois : mis à la porte de la Chine par ses confrères, revenu en Belgique, il rencontre le Cardinal Mercier qui parle de lui à Rome où le pape lui-même va alors consacrer six évêques chinois ;

    -     le Père Damien, qui déclare : « c’est grâce à la prière fréquente devant le Saint-Sacrement que j’ai  trouvé la force de rester et d’aimer mes frères lépreux ! » ;

    -     Dom Columba Marmion, ancien Père-Abbé de l’abbaye de Maredsous, qui donnait de magnifiques retraites sur le Christ, à partir du témoignage de saint Paul ;

    -     L’abbé Edouard Poppe, humble vicaire à Gand : catéchiste des enfants, il meurt à trente trois ans et son exemple connaît un grand rayonnement international ;

    -     Le Frère Mutien-Marie, non moins humble Frère des Ecoles chrétiennes à Malonne constamment voué à la prière.

    Dans notre monde si souvent enténébré par les mauvaises nouvelles d’attentats, de guerres et de réfugiés mais aussi, chez nous, de tant de ménages cassés, de jeunes isolés et sans travail, de personnes âgées oubliées, ces grands aînés sont de vrais témoins qui nous donnent l’espérance, la lumière, l’amour, la vérité.

    Par leur vie, ils nous montrent deux choses :

     1. la Vérité de l’homme, c'est-à-dire les vraies valeurs : le sens du devoir, l’honnêteté, la fidélité, le service, la gratuité, la compréhension, le pardon ; toutes valeurs, perdues parce que non rentables, et cependant indispensables pour trouver le bonheur ;

     2. la prière : non pas adressée à un Dieu lointain, mais proche des événements de ma vie. A travers ces aînés exemplaires, le Christ revit Sa propre Vie. Ils sont des icônes du Christ. Ainsi, ils sont une réponse prodigieuse à tant de personnes qui, aujourd’hui, faute de repères, en ont marre de vivre et s’adonnent à l’alcool, la drogue, les médicaments ou le suicide.

    Que le dixième anniversaire de la restitution de cette église au culte du Saint-Sacrement nous apporte plus de conviction et d’enthousiasme dans notre foi au Christ.

    A cet égard, trois appels existent ici-même :

    1. chaque mardi, de 17h à 19h : silence, adoration, lecture d’évangile, confession ;

    2. le dimanche, saintes messes à 10h et 11h15 : que le sacrifice du Christ opère notre conversion pour quitter l’esprit de consommation afin de retrouver Son esprit d’immolation ;

    3. manifestons notre soutien, notre sympathie, notre générosité pour la cause de cette église du Saint-Sacrement.

    Un jour, le Cardinal Cardijn disait à des jeunes : « Si à 40 ans, je n’ai pas plus de foi et d’idéal qu’à 20 ans ; si à 60 ans, je n’ai pas plus de conviction et d’enthousiasme  qu’à 40 ans ; si à 80 ans, je n’ai pas plus de certitude pour allumer le feu dans les âmes et soulever le monde, j’ai raté ma vie ! »

    Oui, le Christ, je L’ai rencontré. Il a bouleversé ma vie.

     Abbé Claude Germeau ».

  • Fêtez les Rois à l'église du Saint-Sacrement à Liège

     

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    EGLISE DU SAINT-SACREMENT 

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    Boulevard d’Avroy, 132 à Liège

    SAMEDI 4  JANVIER 2014 À 17 HEURES 

    MESSE SOLENNELLE DE L’ÉPIPHANIE 

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    avec le concours de la

    CHORALE SAINTE-JULIENNE

    et ses petits chanteurs verviétois 

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    Direction : Margaret Scott-Todd

    Orgue : Patrick Wilwerth  

     

    MISSA BREVIS  À QUATRE VOIX MIXTES

    DE WOLFGANG AMADEUS MOZART

     (1756-1791) 

    MOTETS POPULAIRES, ANCIENS ET CLASSIQUES

     (XIIIe – XXe siècles)

    POUR LE TEMPS DE NOËL

    PROPRE GRÉGORIEN DE LA FÊTE 

     

    FÊTER LES ROIS

    Le samedi 4  janvier 2014  à 17 heures 

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    à l’église du Saint-Sacrement

    Boulevard d’Avroy, 132 à Liège

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     La procession des rois mages à la crèche suivie de la solennité de l’Épiphanie célèbre la manifestation du Christ comme Lumière du monde, attirant à Elle tous les peuples de la terre.

     Le programme des chants liturgiques alternera la polyphonie de la Missa Brevis K 192  à quatre voix mixtes de Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791), le propre grégorien de la fête et sept chorals ou motets anciens pour le temps de noël : Adeste fideles (dont les origines remontent au XIIIe s.), In dulci jubilo (XIVe s., arr. Réginald Jacques), Cantate Domino (Giuseppe Ottavio Pitoni 1657-1743), Hodie Christus natus est  et O Magnum Mysterium (Francis Poulenc, 1899-1963). A la sortie : The three kings (Peter Cornelius, 1824-1874)

    La Chorale Sainte-Julienne de Verviers est un ensemble vocal de jeunes musiciens verviétois dirigé par l’écossaise Margaret Scott-Todd, professeur de musique et pianiste formée à Londres, Paris et Budapest. Au cours de sa carrière de concertiste européenne, Margaret Scott a notamment obtenu un prestigieux prix Mozart avec le concerto K 488 diffusé sur les ondes de la BBC. Patrick Wilwerth est professeur d’orgue au conservatoire de Verviers.   

    Après la messe, célébrée selon le missel romain de 1962, l’assistance est invitée à partager la galette des rois et ses vœux pour l’année nouvelle. Entrée libre pour tous.

    Renseignements : tél.04.344.10.89

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  • Une Parole dans la nuit

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     NOËL 2013 À LIÈGE

    en grégorien et en polyphonie ancienne

     

     

     

    Église du Saint-Sacrement

    (Boulevard d’Avroy, 132) 

    MERCREDI 25 DÉCEMBRE 

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    10h00, messe du jour de noël en latin (missel de 1962) 

    Propre grégorien de la messe « Puer natus est »

    Kyriale IX « cum jubilo »

    Noëls polyphoniques anciens

    « Gaudens in Domino » (conduit diaphonique, XIIe s.)

     et  « In dulci iubilo » (motet att .à Henri Suso, circa 1328).

    Hymne « Adeste fideles » (XIIIe s.)

    par

    la Schola du Saint-Sacrement et Michèle Viellevoie, soprano solo

    A l’orgue : Patrick Wilwerth

    11h15, messe du jour de noël, en français (missel de 1970)

    Chants grégoriens et motets de noël. Mutien-Omer Houziaux (orgue)

    et Octavian Morea (violoncelle) 

     adoration et confessions: mardi 24 décembre, de 17 à 19 heures

    « Celui qui aujourd’hui veut entrer dans l’église de la Nativité de Jésus à Bethléemtéléchargement.jpg découvre que le portail, qui un temps était haut de cinq mètres et demi et à travers lequel les empereurs et les califes entraient dans l’édifice, a été en grande partie muré. Est demeurée seulement une ouverture basse d’un mètre et demi. L’intention était probablement de mieux protéger l’église contre d’éventuels assauts, mais surtout d’éviter qu’on entre à cheval dans la maison de Dieu. Celui qui désire entrer dans le lieu de la naissance de Jésus, doit se baisser. Il me semble qu’en cela se manifeste une vérité plus profonde, par laquelle nous voulons nous laisser toucher en cette sainte Nuit : si nous voulons trouver le Dieu apparu comme un enfant, alors nous devons descendre du cheval de notre raison « libérale ». Nous devons déposer nos fausses certitudes, notre orgueil intellectuel, qui nous empêche de percevoir la proximité de Dieu. Nous devons suivre le chemin intérieur de saint François – le chemin vers cette extrême simplicité extérieure et intérieure qui rend le cœur capable de voir. Nous devons nous baisser, aller spirituellement, pour ainsi dire, à pied, pour pouvoir entrer à travers le portail de la foi et rencontrer le Dieu qui est différent de nos préjugés et de nos opinions : le Dieu qui se cache dans l’humilité d’un enfant qui vient de naître."

    Cette parole dans la nuit, c’est Benoît XVI qui l’a prononcée le soir de Noël en 2011. Une parole qui vaut pour chacun d’entre nous qui cherchons, tant bien que mal, le visage de Dieu. Mais pour le trouver, il faut constamment purifier notre regard, sur Lui comme sur les autres. « Amen, je vous le dis, si vous ne faites pas demi-tour pour devenir comme les enfants, vous n’entrerez jamais dans le royaume des cieux. (Mt.18-3) » JPS

  • Plain-chant sur Liège avec Marcel Pérès

    Un séminaire sur le chant vieux romain

     

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    Du vendredi 20 décembre (17h00) au dimanche 22 décembre prochains (même heure), l’abbaye des Bénédictines de Liège (Bd d’Avroy, 54) accueille l’un des meilleurs spécialistes du chant médiéval : Marcel Pérès, directeur de l’Ensemble vocal « Organum » et du CIRMA (Centre Itinérant de Recherche sur les Musiques Anciennes) fondé en en 2001 à l’abbaye historique de Moissac (Midi-Pyrénées )

    Durant ce week-end, Marcel Pérès animera pour tous les amateurs du répertoire de l’antiquité tardive et du haut moyen âge, une session consacrée à l’une des sources de la composition des mélodies grégoriennes : le chant vieux romain.

    Redécouvert il y a plus d’un siècle, le chant vieux-romain n’a toujours pas reçu toute l’attention qu’il mérite, sa connaissance est pourtant essentielle pour comprendre l’histoire du chant grégorien, de sa notation et de sa pratique.

    Beaucoup de questions sur l’interprétation du chant grégorien trouvent des éléments de réponse dans ce chant de Rome. En dehors de certains cercles  musicologiques extrêmement restreints, ce répertoire est aujourd’hui inconnu des musiciens, des ecclésiastiques et du public. Pourtant il nous livre la plus ancienne version de la musique gréco-latine de l’antiquité tardive et représente le chaînon manquant entre le chant byzantin, le chant copte, le chant syriaque, la musique arabe et la musique occidentale.

    Marcel Pérès

    Cette session n’et pas réservée aux seuls spécialistes : elle est aussi ouverte à tous les amoureux du chant et aux esprits férus d’histoire de la musique ou de culture musicale.

     Renseignements : Académie  de  Chant  grégorien à Liège

    Secrétariat : Jean-Paul Schyns,  Quai Churchill , 42/7  4020  Liège

    E-mail : jpschyns@skynet.be Tél. +32 4.344.10.89 

    Site :    http://www.gregorien.com

    S’informer :  prospectus

    Décider : Inscription en ligne  ou téléphoner 04.344.10.89

     

    Pour ceux qui souhaitent approfondir le sujet:

     

     

    Le chant vieux romain :

    nouveaux horizons pour la compréhension

    du chant grégorien et des répertoires des Eglises orientales.

     

    Une communication de Marcel Pérès

    au Congrès de l’Institur Pontifical de Musique Sacrée

    (Rome, 26 mai-1er juin 2011)

      

     

              Lorsque les manuscrits de vieux romain furent découverts, il y a un peu plus d’un siècle, l’Eglise catholique était à la veille d’une grande réforme du chant consacrée par le Motu Proprio de saint Pie X. L’effort accompli par les bénédictins de Solesmes pour restaurer le chant grégorien et la liturgie romaine était sur le point d’aboutir.

             Or ces cinq manuscrits, des XIe et XIIe siècles, montraient que le chant grégorien était bien pratiqué partout en Europe occidentale sauf … à Rome.[1] De plus, la nouvelle méthode de chant, élaborée par les moines de Solesmes pour servir de modèle, était inapplicable à ce répertoire. Ce chant de Rome faisait éclater le cadre des codifications esthétiques autour desquelles s’était constituée la nouvelle esthétique du chant ecclésiastique. On écarta ces témoignages musicaux en affirmant qu’ils représentaient un état primitif, voire décadent de la véritable tradition, sans grand intérêt musical.

             C’est pourquoi il fallut attendre le milieu du XXe siècle pour que commence vraiment l’étude de ces manuscrits, d’abord sous l’angle liturgique et musicologique, puis les années 1980 pour que l’ensemble Organum commence à en étudier l’interprétation.[2] Aujourd’hui encore, bien peu de chanteurs se risquent à l’interpréter. Ce répertoire, pourtant central pour comprendre l’histoire du chant ecclésiastique, reste toujours marginal. En ce sens, l’histoire de sa découverte constitue un cas extrêmement intéressant qui dépasse de beaucoup le domaine de la musicologie, et nous plonge directement dans toutes les problématiques liées aux différentes façons dont une société se représente son passé à la lumière de ce qu’elle attend de son futur. La problématique globale du vieux-romain nous interroge profondément sur l’image que notre société européenne du vingtième siècle attendait de sa quête du passé.

             Au début du XXe siècle, la découverte des manuscrits de chant vieux-romain dérange, et vient ébranler la belle représentation du chant liturgique des origines qui avait patiemment été construite, au prix de grands efforts, depuis plus d’un demi siècle. Que changent ces manuscrits dans l’imaginaire collectif du moment, autour de 1900 ?

             Cette découverte aurait pu conduire à reconsidérer les paramètres de la savante construction méthodologique mise en place depuis le milieu du dix-neuvième siècle pour retrouver l’archétype des mélodies grégoriennes. Le travail des bénédictins de Solesmes montrait une admirable concordance entre tous les manuscrits d’Europe occidentale. Mis à part quelques variantes, souvent infimes, les différents manuscrits livraient des versions assez semblables. Nous étions véritablement en face d’un corpus d’une grande cohérence. On pouvait ainsi raisonnablement espérer, un jour, établir une édition critique des mélodies grégoriennes et… pourquoi pas, remonter à l’archétype directement transmis à Saint Grégoire par l’Esprit Saint.

             Ces cinq manuscrits de vieux-romain montraient qu’à Rome même on pratiquait un autre chant, assez proche du chant grégorien, quasiment semblable pour les textes et la liturgie, mais musicalement présentant des variantes mélodiques parfois très différentes de la version standard répandue dans toute l’Europe occidentale. Ecoutons en quels termes en parle Dom Mocquereau, maître de chœur à l’Abbaye de Solesmes et qui fut parmi les premiers à découvrir ces manuscrits.[3]    

    «Nous laisserons dans leur singulier isolement & leur indépendance bizarre de la tradition grégorienne trois manuscrits extrêmement curieux du XIIe & du XIIIe siècle (Vatican, n° 5319, & Archives de Saint-Pierre, n° F.22, & n° B. 79), les seuls de ce genre. Ce ne sont plus ici des variantes ou des altérations qui s'offrent à nous : c'est un chant réellement distinct, aussi bien de l'ambrosien que du grégorien. Néanmoins le fond mélodique est ordinairement emprunté à la cantilène grégorienne: sous les fioritures, les broderies, ou, comme on dit encore, les machicotages[4] qui la défigurent, on reconnaît le dessin primitif...

             On le sait, du reste, il est du goût des Italiens, avec leur souplesse de voix, d'ajouter volontiers des notes d'agrément au fond principal de la mélodie; & il en était sans doute autrefois de même. Mais il est curieux de voir un usage quelque peu analogue, bien qu'il n'ait pas laissé de trace dans les manuscrits, exister dans l'Église de Lyon. Là aussi on s'est permis pour le plain-chant l'usage des fioritures dans les intonations & dans les parties que le chantre devait exécuter seul ou à deux. Il n'en est question, il est vrai que dans un document récent (Mémoire sur une méthode pour noter le plain-chant, par M. l'abbé de Valernod, 1751, Bibliothèque de l'Académie de Lyon, n°145, pièce 15e); mais l'Église de Lyon s'était toujours si bien mise en garde contre les nouveautés, Ecclesia Lugdunensis nescit novitates, qu'un usage de cette nature n'aurait pu s'introduire, même à cette époque, sans être signalé comme une innovation & réprouvé comme tel. Il remontait donc beaucoup plus haut. Faut-il pour cela rattacher historiquement & considérer comme appartenant à la même tradition, les superfétations mélodiques de la Vaticane & celles de l'Église de Lyon ? Rien ne nous y autorise. Ce que nous voulons simplement conclure de ce rapprochement entre des faits non identiques , mais seulement analogues, c'est qu'ils se concilient très bien les uns & les autres avec la conservation intacte des mélodies grégoriennes, aussi bien à Lyon & à Rome que partout ailleurs, comme le témoignent tous les manuscrits. Le caractère particulier des trois manuscrits que nous venons de signaler ne va pas contre l'universalité & la constance de la tradition grégorienne; ici l'exception confirme la règle.»

    Ce texte est extrêmement intéressant car il résume l’attitude mentale qui va dominer, pendant tout le vingtième siècle, chez les grégorianistes. Et qui se définit comme suit :

             - Ces manuscrits de vieux-romain sont considérés comme à part, isolés, sans portée universelle.

             - Les traditions vivantes de chant ecclésiastique sont considérées comme négligeables et sans intérêt, même si, comme le remarque Dom Moquereau, il apparaît de grandes similitudes de conduites vocales concernant l’art de l’ornementation dans des contextes apparemment très différents. Dans son texte, Dom Mocquereau essaie de comprendre les bizarreries du chant vieux-romain en les comparant avec des pratiques ornementales toujours vivantes chez les Italiens et dans la tradition antique et vénérable de l’Eglise de Lyon. Il refuse cependant d’explorer cette voie.

             - La seule autorité est l’écrit. Mais un écrit lu avec les habitudes culturelles du dix-neuvième siècle que l’on peut résumer par la formule : une note écrite équivaut à un son émis. L’art de l’ornementation est totalement ignoré et lorsqu’il est évoqué c’est toujours en des termes très négatifs : 

    « …on s'est permis pour le plain-chant l'usage des fioritures »

    «… les machicotages qui … défigurent…le dessin primitif... »

    « … les superfétations mélodiques… »

             - Pour Dom Mocquereau et ses contemporains, l’antique chant de Saint Grégoire ne peut être accessible qu’au travers d’une étude philologique reposant sur une analyse des notations musicales et en aucune manière au travers d’une étude phonétique qui consisterait à rechercher dans les témoignages vivants une filiation génétique qui remonterait au Moyen-Âge et même à l’Antiquité tardive.

             - On écarte également toute approche anthropologique qui consisterait à s’interroger sur les relations complexes entre l’écrit et l’acte dont il est le signe. Dans ce registre, on considère que l’acte de lire tel qu’il existait au dix-neuvième siècle serait le même qu’aux époques antérieures et aurait les mêmes conséquences sur sa traduction sonore.

             - On se positionne fondamentalement dans ce que l’on pourrait appeler une vision négative de l’histoire du chant ecclésiastique en considérant que depuis un certain âge d’or, dont on situe approximativement les limites temporelles entre la vie de Saint Grégoire et la fin du premier millénaire, le chant monodique de l’Europe occidentale n’a connu qu’une constante décadence, attendant sans le savoir, la restauration salvatrice que les hommes de la fin du dix-neuvième siècle, grâce à leur maîtrise toute nouvelle des sciences historiques, allaient pouvoir enfin offrir à l’Eglise. Ce positionnement mental a ainsi écarté, pendant près d’un siècle, la plupart des grégorianistes de ce qui aurait pu être une autre méthode ; elle aurait consisté, tout simplement, à remonter le temps, à partir des éléments contemporains encore en usage, pour progressivement aller vers le passé. Mais pour les hommes de la fin du dix-neuvième siècle, les traditions vivantes n’avaient pas de valeur, car à leurs yeux elles étaient beaucoup trop marquées par l’esthétique du dix-huitième siècle dont ils voulaient impérativement se distinguer. Pourtant beaucoup d’éléments d’esthétiques très anciennes étaient encore en usage à cette époque, mais ils ne leur accordaient aucune valeur.

             - Enfin, on n’imagine même pas que d’autres traditions extérieures à l’Eglise catholique romaine -  le chant byzantin, le chant syriaque ou d’autres – puissent servir de référence pour comprendre les mécanismes de formation du chant grégorien et son interprétation. D’ailleurs, Dom Mocquereau n’accorde même pas d’intérêt aux traditions encore vivantes en Italie ou en France. 

            Une autre citation de Dom Pothier, tirée de son livre Les mélodies grégoriennes, publié en mille huit cent quatre vingt, mérite que l’on s’y arrête un moment :[5] 

             « Il serait à désirer que l'on pût rétablir dans le chant les signes d'ornement dont il vient d'être question. Leur suppression n'altère cependant pas la substance de la mélodie, et cette suppression est préférable à une exécution défectueuse de ces formules. Mieux vaut donc renoncer à la note trémulante du quilisma, aux sons vibrés du strophicus, à  l'ondulation de la voix marquée par l'oriscus, que de mal exprimer ces nuances délicates. » 

    Suit une proposition de substitution pour éviter de faire ces ornements: 

    « Il suffit, pour le strophicus et l'oriscus de prolonger le son, en proportion du nombre de notes qui se rencontrent, unies sur le même degré. Le quilisma, par exemple dans sursum corda, peut se rendre ainsi : la voix appuie assez fortement sur la note la, à laquelle il convient en cette circonstance de donner du mordant; puis elle passe, aussi légèrement que possible mais sans secousse, sur le si pour arriver à l'ut, qui a sa valeur ordinaire. »  

             Comme nous le voyons, l'ornementation du chant grégorien était bien connue des restaurateurs solesmiens. En premier lieu parce qu'à leur époque les chantres d’église la pratiquaient toujours, ensuite parce que les textes médiévaux les plus anciens l'évoquaient, parfois en des termes très précis, et enfin parce que les notations musicales dites neumatiques, indiquent clairement toutes sortes de mouvements vocaux relevant du domaine de l'ornementation.  Mais l’ornement faisait et fait encore peur, parce qu’il semble introduire, dans une démarche qui se veut scientifique, des éléments relevant trop de l’initiative personnelle. Dans les textes issus de milieux monastiques de cette époque on observe une véritable phobie de tout ce qui pourrait relever d’une initiative personnelle souvent qualifiée de fantaisiste. Les chercheurs de la fin du XIXe siècle, obsédés par l'idée d'une restauration du chant de Saint Grégoire, ne considéraient pas comme fiables les témoignages vivants de l'histoire. Le XVIIIe siècle était encore proche et cet art de l'ornementation leur faisait penser à un passé trop récent. Ensuite, dans le contexte de la démarche de philologie musicale qu'ils avaient entreprise en comparant les notes et la notation des mélodies, tout ce qui est ornement, son tremblé, port de voix, glissement de la voix, introduisait des éléments qui dans leur classification apparaissaient comme irrationnels. Comment, dans une étude statistique des notes d'une mélodie, intégrer un ornement qui va transformer une note en une vibration ou une formule de 3, 4, voire même 10 sons ? Ces éléments sont difficilement quantifiables et dépendent beaucoup trop du savoir-faire et de la dynamique propre à chaque interprète, porte ouverte à ce que l'on pourrait considérer comme de la fantaisie personnelle, attitude à exclure, à leurs yeux, de la sphère du religieux.

            Il est étonnant d'observer que, plus d'un siècle après, la quasi totalité des interprètes du chant grégorien, ou même de la musique médiévale, suivent encore les recommandations de Dom Pothier : ne rien faire, en matière d'ornementation, plutôt que de risquer de mal faire. Même les différentes tendances qui se sont développées à partir de la fin des années 1970, à la suite des études de Dom Cardine sous le vocable de "sémiologie grégorienne", ont systématiquement écarté le problème de l'ornementation de leurs réflexions et de l’exécution vocale. Pourtant, dans la classification des signes neumatiques confirmée par Dom Cardine apparaît bien une rubrique "neumes d'ornement". Mais leur réalisation risquerait de remettre en cause beaucoup trop de choses, bien au delà du seul plaisir de chanter. Ce champ d'investigation immense, qui détermine profondément l'esthétique du chant religieux dans sa globalité, a été éludé, nous ne dirons pas délibérément, car la manière dont l'ornementation est niée relève plus de l'irrationnel que d'une volonté déterminée. Visiblement, nous touchons là un domaine très sensible de l’inconscient collectif, ressenti comme un élément important et même vital de la conscience identitaire. C’est dans ce contexte qu’apparaissent, au début du vingtième siècle, les cinq manuscrits de chant vieux-romain.[6] 

            Lorsque l’on regarde la bibliographie du chant vieux-romain, on constate qu’il y a très peu de publications avant les années mille neuf cent cinquante. A ce moment vont réellement commencer les études sur ces cinq manuscrits, grâce à quelques grandes figures de la musicologie du vingtième siècle, à qui nous rendons ici hommage : Michel Huglo, Bruno Stäblein, Helmut Hucke. 

             Il aura fallu un demi siècle pour trouver un nom à ce répertoire étrange – altrömische Gesänge, vieux-romain - proposé par Bruno Stäblein, à Rome en 1950 lors d’un congrès de musique sacrée.[7] Il publia en 1970, avec Margareta Landwehr-Melnicki  une transcription complète du plus important manuscrit de vieux-romain, le latin 5319 de la bibliothèque vaticane avec une introduction qui synthétisait les connaissances qu’alors on pouvait avoir sur ce répertoire.[8] Ce livre d’une grande valeur historique eut cependant un effet pervers sur la perception que le monde de la musique développa sur le vieux-romain. Les transcriptions de Margareta Landwehr-Melnicki, très précises quand à la notation des degrés des mélodies, avaient cependant un défaut. La notation utilisée ne ressemblait à aucune notation médiévale, les degrés étaient liés comme par des ligatures, mais chaque note était représentée par un point assez épais. C’est au travers de cette notation, inventée pour l’occasion, que la plupart des musicologues et des musiciens sont entrés en contact avec le chant vieux-romain. Inconsciemment, l’aspect d’une notation influence profondément la relation qui se crée avec celui qui cherche à l’interpréter. C’est en grande partie par la faute de ces transcriptions que beaucoup de commentateurs ont écrit et continuent à penser que le chant vieux-romain est lourd, sans architecture, mal composé, sans aucune nuance rythmique. 

             La notation pourtant si riche du vieux-romain a été négligée par les grégorianistes. On continue encore aujourd’hui à lire dans des articles ou des commentaires, que cette notation est imprécise, n’offre aucune indication sur les durées, et ne laisse rien entrevoir de son interprétation. Le sommet de cette lacune est atteint par le livre de Philippe Bernard : « Du chant romain au chant grégorien ». L’ouvrage comporte près de mille pages et pas une seule ligne n’est consacrée à la notation romaine. Les seuls exemples qu’il donne de chant romain sont des reproductions des transcriptions de Margareta Landwehr-Melnicki. [9] 

             Pourtant, la notation romaine est extrêmement précise et claire. Pour la lire, il suffit de suivre le ductus, c’est à dire le geste de la main du scribe lorsqu’il écrit. Là où la plume fait un arrêt, la voix se pose, là où le geste est continu, la voix reproduit le même mouvement. Là où le trait est épais, le débit de la voix ralentit.  Nous sommes en présence d’une notation totalement iconique, véritable image du son.  Cependant, pour accéder à ce niveau de lecture, il faut avoir l’imagination nourrie de références liées à l’art de la cantilation. Et là se trouve la clé du problème.       

             L’art de cantiler un texte sacré a disparu de l’imaginaire catholique depuis plus d’un siècle. Les textes se chantent aujourd’hui, dans l’Eglise latine, sur une simple note, sans aucun ornement, de la manière, volontairement, la plus impersonnelle possible. On y trouve encore la peur de trop privilégier une interprétation personnelle qui risquerait de théâtraliser la diction, d’induire une mauvaise interprétation, ou de mettre en avant l’ego ou la belle voix du lecteur. En réalité l’art de la cantilation constituait la base du savoir faire du chantre, du diacre et du prêtre. Ici réside la substance de la fonction de chacun de ces trois ordres : savoir dire et transmettre un texte pour que l’auditeur puisse en accéder au sens. Tout l’art consiste à avoir l’attitude juste pour être à la fois toujours dans le texte en évitant de projeter une volonté personnelle mais en laissant agir l’Esprit dont la manifestation physique se traduit par le souffle, le pneuma, le neuma ; la rencontre entre le verbe et l’auditeur, devant se faire par la voix du lecteur. C’est une relation tripartite précisément évoquée au début de l’Apocalypse :[10] 

    « Beatus qui legit et qui audiunt verba prophetiae et servant ea quae in ea scripta sunt

    tempus enim prope est. »

    « Heureux celui qui lit, heureux ceux qui écoutent les paroles de la prophétie et observent ce qui y est écrit, car le temps est proche. » 

             Techniquement, la base de la cantilation repose sur la maîtrise de l’ornement qui manifeste le savoir-faire et donc la légitimité du chantre. Car l'ornement, est avant tout au service du texte, dont il met en relief les incises, les périodes. Il permet de souligner les articulations syllabiques en attirant l'attention des auditeurs sur les sonorités complexes des mots : les diphtongues, les liquescences, la percussion de certaines consonnes importantes pour la compréhension du mot. L'art de l'ornementation, dûment maîtrisé, ouvre les esprits aux multiples résonances du texte qui est proféré, car chaque mot est ciselé, sculpté comme peut l'être une pierre précieuse dans laquelle chaque entaille, en reflétant les rayons qu'elle reçoit, projette les scintillements de la lumière. [11] 

             Concrètement, pour accéder à ce savoir faire, il faut d’abord comprendre qu’une durée n’est jamais un élément statique. Plus une durée est longue, plus elle manifeste le mouvement interne qui la compose. C’est ainsi qu’il faut entendre le «cantus obscurior» dont parlait Cicéron lorsqu’il voulait évoquer l’énergie interne qui crée le mouvement du discours.[12] Au treizième siècle, Jérôme de Moravie décrit très bien ce phénomène en des termes qui, à première vue, semblent éloignés du monde du vieux-romain, mais qui en fait font référence à des processus fondamentaux de l’acte du chant. Ces processus revêtent au cours du temps des formes extérieures différentes, mais leur mode de fonctionnement reste le même. [13]

             Dans l'acte du chant que décrit Jérôme de Moravie les durées et les ornements font partie d'une même réalité, il s'agit en fait d'aspects différents d'un même processus. Pour comprendre le fonctionnement de ce processus il faut se reporter au début du chapitre 25. La valeur de base du chant est la brève. Cette brève est elle-même constituée de trois valeurs appelées des instants, mot dérivé du latin in-stare c'est à dire se tenir à l'intérieur, là - au seuil de la conscience - où s'éveille le sentiment d'être. D'ailleurs, l'instant en question ici est la plus petite unité de temps et de son perceptible à l'oreille et reproductible par la voix. Ainsi, chaque valeur de base qui constitue l'unité organique du chant - la brève - est elle-même habitée par un mouvement constant, celui constitué par l'enchaînement des instants qui la composent. Dès lors une durée n'est pas un phénomène statique mais l'expression d'un dynamisme interne à la production du son par la voix. C'est dans ce contexte qu'il faut comprendre la véritable nature des ornements. Ils sont, en définitive, l'expression extériorisée de ce mouvement intérieur qui sous-tend toute durée, qui frémit constamment à l'intérieur de l'interprète et qui, à certains moments lorsque la pression interne se fait trop forte, jaillit à l'extérieur pour souligner et mettre en valeur les méandres du discours musical et textuel. Ce jaillissement on l'appelait la fleur harmonique. Harmonique, car ce jaillissement se manifeste à l'intérieur des proportions de durées qui façonnent le déploiement mélodique dans le temps. Fleur, car ces ornements constituent la beauté du chant, l'aboutissement du flux substantiel - la sève pneumatique - qui irrigue l'acte cantoral, fleur également car l'ornement féconde le chant et porte en lui la graine qui fait de l'interprète l'artisan d'un acte créateur. [14] 

             D'un point de vue strictement musical l'ornement permet de préparer un changement de degré en douceur, comme si les sons émergeaient les uns des autres sans discontinuité ni cassure. [15]

    On observe trois catégories d'ornements.

             -  Les ornements qui affectent une note isolée.

    Il peut s'agir d'un tremblement, avec toutes les nuances d'intervalle, de lenteur et de rapidité possible. Cet ornement peut être mesuré, dans ce cas il manifeste les plus petites unités rythmiques qui constituent la dynamique interne de toutes les durées. La note isolée peut également recevoir un port de voix, c'est à dire une petite note qui précède la note principale. C'est ce que décrit Jérôme de Moravie dans la première partie du chapitre 25. [16]

             - Les ornements qui agrémentent un intervalle.

    Pour aller d'une note vers une autre, on ajoute une ou plusieurs petites notes. Elles peuvent également être plus ou moins rapides. Jérôme en parle dans la deuxième partie du même chapitre dans ce qu'il appelle la manière française.

             - Les ornements qui ponctuent un mot ou une phrase.

               Il peut s'agir d'une petite formule ou parfois d'une véritable phrase musicale que l'on ajoute à un mot ou une phrase que l'on veut particulièrement mettre en exergue. Ce sont ces vocalises sans textes que l'on appelait au Moyen-Âge le neuma. La plupart furent codifiés dès le XIIIe siècle et, selon les traditions, était appliqués à des moments bien précis du cycle liturgique souvent à la reprise d'antiennes psalmodiques pour les grandes solennités. Mais il semble que cette pratique était beaucoup plus répandue antérieurement comme le laissent transparaître certaines sources du XIe siècle. [17] 

            C’est avec tous ces éléments à l’esprit qui faut apprendre à lire le chant vieux-romain, et, au travers de lui, retourner lire les premiers neumes du répertoire que nous appelons aujourd’hui grégorien. La comparaison des mélodies du grégorien et du vieux-romain montre quatre cas de figure :

             - Les mélodies sont très proches, voire semblable, c’est notamment le cas des traits du huitième mode. Ceci arrive parfois

    -          Les mélodies sont très différentes, comme pour l’Introït de Noël Puer natus est. Ce qui arrive assez rarement.[18]

    -          Les mélodies ont la même structure, mais le développement mélismatique est plus développé dans le vieux-romain. Cela arrive souvent.

    -          Le chant grégorien, en certains endroits, présente une version plus développée que celle du vieux romain. Cela arrive parfois. 

             Nous n’allons pas développer ici chacun de ces aspects que d’autres musicologues ont d’ailleurs abondamment développé.[19] Nous aimerions attirer l’attention sur quelques détails qui pourraient nous conduire à lire différemment les neumes des dixième et onzième siècles. [20] 

             Dans les manuscrits de Saint Gall ou de Laon, il arrive que des neumes marqués d’un épisème ou recevant une lettre significative comme a (augete : augmenter, enrichir, développer) ou t (tenete : tenir, allonger), ou encore des pressus ou des torculus spéciaux, correspondent dans le vieux romain à une formule caractéristique. Aujourd’hui, la sémiologie grégorienne considère ces signes uniquement comme des allongements de durées, mais la comparaison avec le chant vieux-romain montre clairement qu’il s’agit de signes d’ornementation, ce qui correspond également aux descriptions de Jérôme de Moravie.  

             Pour résumer, il nous semble que le chant vieux-romain est tout simplement… du chant grégorien, mais le contexte dans lequel il a été écrit est très différent de celui dans lequel ont été écrit les premiers manuscrits des Xe et XIe siècles. Les notateurs du vieux romain n’avaient pas dans l’esprit la volonté de créer une norme, ils ont simplement noté, avec une grande précision, les formules vocales qui à leurs yeux caractérisaient un style.  Ils l’ont noté à la fin du onzième siècle sans se préoccuper des versions antérieures, car pour eux la tradition du chant ne résidait pas dans la chose écrite mais dans un acte oratoire. La première référence qui comptait pour eux était d’ordre acoustique.[21]              

    D’ailleurs, remarquons qu’il reste un tout petit nombre de manuscrits de vieux-romain, je suis persuadé que si nous en avions conservés plus, nous aurions encore d’autres versions ornementales. Ces manuscrits nous informent sur la manière dont les hommes du premier millénaire formaient ce que nous appelons aujourd’hui un répertoire. Il s’agissait d’abord d’un son, d’une manière de chanter, ce que l’on appelait parfois la nota, que l’on trouve dans l’expression « nota romana ».[22] Le fondement du chant ecclésiastique reposait d’abord sur l’art de la cantilation des textes sacrés, tout le reste du matériel musical, n’est que commentaire ou introduction à l’acte de la proclamation du texte sacré.[23] L’art de la cantilation est simultanément le domaine d’une grande liberté et celui d’une parfaite maîtrise de la langue et du discours. Ce savoir faire, qui aujourd’hui nous émerveille, était pourtant vraiment commun autrefois. Nous pouvons en avoir une petite idée en observant les pratiques contemporaines dans le monde musulman. Les chantres qui pratiquent la lecture du Coran créent, à chaque performance, des mélodies nouvelles. Il est très significatif, pour comprendre leur mentalité, d’observer que lorsqu’on leur pose une question sur les règles musicales qu’ils utilisent, ils vous arrêtent tout de suite en précisant que ce qu’ils font n’est ni de la musique, ni du chant, c’est simplement de la lecture. Lorsqu’ils lisent publiquement le Coran ils ont juste le sentiment de dire le texte sur un registre autre, qui est celui où l’on s’ouvre sur la contemplation par la prononciation méticuleuse de chaque syllabe des mots, eux-mêmes ordonnés à l’intérieur d’une phrase puis d’une période.  Ce que nous appelons le chant n’est rien d’autre pour eux qu’une manière plus efficace et attentive de dire un texte. 

               Ainsi, le chant vieux-romain, par les incongruités qu’il introduit dans l’édifice historiographique de la musicologie occidentale du XXe siècle, nous informe sur le processus même qui au cours du premier millénaire s’est concrétisé par la création de différents corpus de chants, que nous appelons des répertoires, grâce au prodigieux développement de la notation musicale. L’étude critique et statistique des mélodies grégoriennes, commencée par les moines de Solesmes, a permis de consolider la connaissance de la matière musicale qui sert de fondement à l’acte du chant liturgique, le chant vieux-romain nous informe sur la manière dont l’énergie interne, que génère le chantre, met en mouvement cette matière. C’est pourquoi, ce chant vieux-romain nous conduit naturellement vers tous les autres répertoires qui se sont développés autour du bassin méditerranéen en suivant le même parcours géographique et culturel que l’on pourrait résumer comme un mouvement de migrations musicales qui part de Palestine et se répand dans le monde civilisé antique en intégrant les savoir-faire des peuple qu’il traverse. Mais surtout la clé pour comprendre cette communauté génétique est à chercher dans le processus même de construction de ces répertoires et de ces identités. Nous l’avons vu, il se situe dans l’art de la lecture d’un texte sacré. C’est pourquoi aujourd’hui  une réévaluation des relations culturelles et spirituelles, que voudrait développer l’Eglise de Rome avec les Eglises Orientales et le monde musulman, devrait être fondée sur une connaissances pratique de ce que nous apprend le chant vieux-romain, connaissance pratique signifiant la réintroduction de ce répertoire et de qu’il implique dans le déploiement de l’action liturgique.[24]      

             Le chant vieux-romain qui apparaissait aux yeux de ses découvreurs comme une anomalie absolue, représente en fait le témoignage de ce qui constitue la substance même du chant ecclésiastique : le chant vieux-romain n’est pas seulement une collection de mélodies qui s’égrènent note à note, mais une parole vivante qui vit de la vie de celui qui la profère.

             En définitive, le chant vieux-romain nous enseigne qu’un répertoire, même s’il est noté, continue à être l’expression d’un corpus dont le domaine d’existence est d’abord un art oratoire

     Marcel Pérès 


    [1]Seulement cinq manuscrits contenant l’ancien chant de l’Eglise de Rome ont été conservés : trois pour la messe et deux pour l’office.

    Graduels :

    Cologny (Genève) : Fondation Martin Bodmer, manuscrit 74 (écrit en 1071) ; à l’usage de la basilique Sainte Cécile du Trastevere.

    Rome : Bibliothèque Vaticane, Vat.lat.5319 (début du XIIe s.) ; à l’usage de la basilique Saint Jean du Latran.

    Rome : Archivio San Pietro F.22 (deuxième moitié du XIIe s.); à l’usage de la basilique Saint Pierre

    Antiphonaires :

    Rome : Archivio San Pietro F.79 (deuxième moitié du XIIe s.) ; à l’usage de la basilique Saint Pierre

    Londres, British Museum Add. 29 988 (XIIe s.) ; à l’usage de la basilique Saint Jean du Latran ( ?)

     

    Pour les premières recensions et réflexions sur le chant vieux-romain, voir :

    Raphaël ANDOYER, Le Chant romain antégrégorien (01), Revue de Chant grégorien, 1912, n°.3, p. 69-75

    R. ANDOYER, Raphaël. Le Chant romain antégrégorien (02), Revue de Chant grégorien, 1912, no.4, p. 107-114

    Plus récemment : Paul F. CUTTER, Musical Sources of the Old-Roman Mass. American Institute of Musicology – Neuhausen-Stuttgart, Hänssler Verlag, 1979. 506 p. (Musicological studies and Documents, 36.)  

    [2]Hourlier (Jacques) - Huglo (Michel), « Un important témoin du chant ‘vieux-romain’: Le Graduel de Sainte Cécile du Trastévère », Revue Grégorienne, xxxi, 1952, pp. 26-37.

    Huglo (Michel), Antiennes de la Procession des Reliques: Vestiges du Vieux-Romain dans le Pontifical, Revue grégorienne, vol. 31, n. 4, 1952, pp. 136-139.

    ID., Le chant vieux-romain. Liste des manuscrits et témoins indirects, Sacris Erudiri, 1954, pp. 96-124.

    Hucke (Helmut), Improvisation im Gregorianischen Gesang, Kirchenmusikalisches Jahrbuch, 1954, pp. 5-8.

    ID., Gregorianischer Gesang in altrömischer und fränkischer Ûberlieferung, Archiv für Musikwissenschaft, 1955, pp. 74-87.

    P. Van Dijk, S.J. Sources of the Roman Graduel, Scriptorium, 1960, pp. 98-100

    ID.,  The authentic Missal of the papal Chapel, Scriptorium, 1960, pp. 257-314

    ID., The Urban and Papal Rites in 7th and 8th c. Rome, Sacris Erudiri, 1961, pp. 411- 487.

    ID., The Old-Roman Rite, Studia Patristica, 1962, n.5, pp. 185-205.

    ID., Recent developments in the Study of the Old-Roman Rite, Studia Patristica, 1966, n.8, pp. 299-319.

    ID., The Medieval Easter Vespers of the Roman clergy, Sacris Erudiri, 1969, pp.261- 363.

    Jammers (Ewald), Musik in Byzanz, im päpstlichen Rom und im Frankenreich. Der Choral als Musik der Textausspreche; Heidelberg, C. Winter, 1962.

    Ces études ont été précédées par le travail de Louis Brou qui, dès les années trente avait commencé à considérer les liens reliant les répertoires en grec et en latin.

    Brou (Louis), L'Alleluia gréco-latin Dies sanctificatus (mélodie type) (1), Revue grégorienne, vol. 5, 1938, pp. 170-175.

    ID.,  L'Alleluia gréco-latin Dies sanctificatus (mélodie type)(2) , Revue grégorienne, vol. 1, 1939, pp. 1-8.

    ID., L'Alleluia gréco-latin Dies sanctificatus (mélodie type) (3), Revue grégorienne, vol. 3, 1939, pp. 81-89.

    ID., L'Alleluia gréco-latin Dies sanctificatus (mélodie type) (4), Revue grégorienne, vol. 6, 1939, pp. 202-213.

    ID., Les chants en langue grecque dans les liturgies latines (1), Sacris Erudiri, 1948, pp. 165-180.

    ID., Les chants en langue grecque dans les liturgies latines (2), Sacris Erudiri, 1952, pp. 226-238.

    Discographie:

    Schola Hungarica:

    - Old Roman Liturgical, Chants Hungaroton HCD 12741 (1986).

    - Old Roman Liturgical, Chant Hungaroton HCD 32358 (2006).

    Ensemble Organum:

    - Chant de l’Eglise de Rome, Messe de Pâques. HMC 901218; 1986.                 

    - Messe de Saint Marcel et Office de l’Adoration de la Croix. HMC 901382; 1990.

    - Vêpres du jour de Pâques. HMC 901604; 1998.

    - Incarnatio Verbi, messes de la Nativité. ZTT081001; 2008.

     [3] Paléographie Musicale, tome II, p.4 note 1 

    [4]Le machicotage désignait une technique d’ornementation. D’après les descriptions succinctes de quelques auteurs du xviiie siècle, il apparaît que certains chantres, appelés les machicots, étaient spécialisés dans cette pratique. C’était une science de l’ornementation du plain-chant qui consistait à remplir les intervalles et à créer ainsi des consonances avec le plain-chant chanté simultanément sans ornements. L’abbé Lebeuf l’évoque comme une pratique immémoriale.  

    «Il n'est presque personne parmi ceux qui se sont un peu appliqués au Chant Grégorien, & même parmi certain nombre de laïques, qui venant de Province dans la ville de Paris, & y entendant chanter des Répons et des Graduels, ne s'aperçoive, lorsqu'on est venu au verset de ces pièces de Chant, d'un tour de composition qui leur paroît extraordinaire. Ce tour même a le malheur de déplaire d'abord à la plus grande partie de ceux qui y prêtent l'oreille; parce qu'ils n'y sont pas accoutumés, & que les descentes fréquentes à la tierce n'ont pas pour euxle même agrément que la composition ordinaire des livres romains. Ce n'est pas d'aujourd'hui que cette remarque se fait, c'est de tems immémorial, & depuis qu'on a introduit dans ces versets des additions & des compositions de notes, qu'on appelle Machicotage, du nom des Ecclésiastiques Machicots qui l'executoient le plus souvent autrefois après les enfans-de-Choeur.» 

    Traité historique et pratique sur le chant ecclésiastique, Paris 1741, p.95-96. 

    Gilles Ménage, dans son Dictionnaire étymologique de la langue françoise, Paris, 1750, signale l’utilisation de ce mot en italien sous la forme de macechonchi, massaconici en latin, à l’église de Milan, ainsi qu’à l’église métropolitaine S. Laurent de Gênes. (Tome second, p.148) 

    Le Dictionnaire de l’Académie française de 1762 précise qu’à certaines fêtes, les machicots sont obligés de porter une chape. Ce qui montre le caractère solennel de leur fonction. Cette pratique est à considérer dans la continuité de la manière française de chanter le plain-chant pour les fêtes solennelles, décrite par Jérôme de Moravie au xiiie siècle.

    Cf. M. Pérès, Jerónimo de Moravia (Siglo XIII) y los origines del canto llano figurado. La misa Solemne Popular en latín en la tradición Salmantina, p. 99-122. Coordinación: Miguel Manzano Alonso. Centro de Cultura Tradicional “Angel Carril”; Diputación de Salamanca 2008.

    La tradition du Machicotage était bien établie à Notre Dame de Paris jusqu’à la révolution, comme le montrent les actes capitulaires. Cf. François Léon Chartier, L’ancien chapitre de Notre-Dame de Paris et sa maîtrise d’après les documents capitulaires (1326-1790), Paris 1897.

    Cette tradition est dénigrée au cours du xixe siècle et machicot désigne parfois un mauvais chantre. Cf. Jean-Baptiste-Bonaventure de Roquefort, Dictionnaire étymologique de la langue françoise, 2 Par 1829, p.44 : Machicot : chantre d’église; mauvais chanteur. 

    [5] Dom J. POTHIER, Les melodies gregorianes, 1880, Desclée Lefebvre et Cie. Réédition, 1980, Editions Stock, pp.128-129.

    [6] M. Pérès - J. Cheyronnaud, Les voix du plain-chant, Paris, Desclée de Brouwer, 2001, pp. 33 et ss.

    [7]B. Stäblein, “Zur Frühgeschichte des römischen Chorals”, Atti del Congresso Internationale di Musica Sacra, Roma, 1950, Tournai, Desclée, 1953, pp. 271-276.

    [8]B. Stäblein - M. Landwehr-Melnicki, Die Gesänge des altrömischen Graduale Vat. lat. 5319, Monumenta Monodica Medii Aevi (Kassel, Bärenreiter), Bd. II 1970. 

    [9]Ph. Bernard, Du chant romain au chant grégorien, Paris, éditions du Cerf, 1996. 

    [10] Apocalypse I, 3

    [11]M. Pérès, J. Cheyronnaud, Les voix du plain-chant, op. cit. p.39-45 : l’ornement perturbateur 

    [12]M. T. Cicero, Orator, 57 (Μira est enim quaedam natura uocis cuius quidem e tribus omnino sonis, inflexo acuto graui, tanta sit et tam suauis uarietas perfecta in cantibus. Εst autem etiam in dicendo quidam cantus obscurior).

    Cf. J. Viret , Le chant grégorien et la tradition grégorienne,  L’âge d’homme, Lausanne 2001, p. 390. ss. 

    [13] Hieronymus de Moravia O. P., Tractatus de Musica, ed. Simon M. Cserba, Regensburg, 1935 (Freiburger Studien zur Musikwissenschaft). Une nouvelle édition réalisée par Christian Meyer et une traduction française de ce traité, réalisée par Esther Lachapelle, Guy Lobrichon et Marcel Pérès paraîtra en 2013 aux éditions Brepols. 

    [14] Cf. M. Pérès, Jerónimo de Moravia (Siglo xiii) y los origines del canto llano figuradop.111 

    [15] Guido d’Arezzo,  Micrologus cap xv, 57. 

    [16] Cf. M. Pérès, La notation cuadrada en el siglo xiii, in: Jerónimo de Moravia… p.108 

    [17]M.Huglo, "Aux origines des tropes d'interpolation : Le trope méloforme d'introït", Revue de Musicologie, 64 (1978). 

    [18] Remarquons que la version grégorienne est en 7ème mode tandis que la version en vieux-romain est en 1er mode, mais le trope d’introduction dans le graduel de Sainte Cécile est en mode de sol.

    [19]Max Haas, Mündliche Überlieferung und altrömischer Choral: Historische und Analytische computergestützte Untersuchungen (Bern, 1996).

    K. Levy, A New Look at Old Roman Chant, Early Music History, vol. 19, (2000), pp. 81-104

    E. Hornby, Gregorian and Old Roman Eighth-Mode Tracts: A Case Study in the Transmission of Western Chant. Ashgate, Aldershot 2002.

    N. Moran, A second medial mode palestinian in Old Roman, Beneventan and Frankish sources, Plainsong and Medieval Music, Cambridge (2010), 19, pp. 1-19.

    E. Hornby, Medieval Liturgical Chant and Patristic Exegesis: Words and music in the Second-Mode Tracts. The Boydell Press, Woodbridge, Suffolk, 2009.

    E. Nowacki, Text declamation as a determinant of melodic form in the Old Roman eighth-mode tracts, Early Music History 01 October 1986, pp. 193-226. 

    [20]M. Pérès, L’interprétation des polyphonies vocales du xiie siècle et les limites de la paléographie et de la sémiologie, Actes du Colloque de Poitiers, 9-10 mai 1986, La notation des musiques polyphoniques aux xie-xiiie siécles; Cahiers de civilisation médiévale, année xxxi, nº 2, Avril-Juin 1988, p. 169-178. 

    [21]Il faut ici rappeler les controverses sur le chant qui animèrent les premiers Cisterciens, à la même époque, au début du xiie siècle. Etienne Harding, troisième abbé de Cîteaux, voulut  prendre pour modèle le chant de Rome. Il envoya ses chantres à Metz pour l‘apprendre, car, lui, qui avait été à Rome, pensait que Metz conservait un chant très proche de celui de Rome. Les jeunes cisterciens - dont Saint Bernard - n’étaient pas d’accord et à la mort d’Etienne Harding ils firent une réforme radicale du chant. Cet épisode est l’expression caractéristique de deux conceptions radicalement différentes de l’autorité. Pour E. Harding, celle-ci repose sur une transmission orale, vivante et personnelle d’un maître à un disciple, pour les jeunes cisterciens l’autorité doit reposer sur la raison. Cf. M. Pérès, La réforme cistercienne, ou comment la raison supplanta la tradition, Les voix du Plain-chant, op. cit. p. 49 ss.

    C. Maître, La réforme cistercienne du plain-chant, étude d'un traité théorique, Brecht 1995. 

    [22]A-M. Bautier-Regnier, A propos du sens de neuma et de nota en latin médiéval, Revue Belge de Musicologie, 1964, pp. 1-9. J. Grier, Adémar de Chabannes, Carolingian Musical Practices, and Nota Romana, Journal of the American Musicological Society, vol.56, n. 1, Spring 2003. 

    [23]Tertullien, début du troisième siècle : « Ils lisent les écritures, chantent des psaumes, profèrent des sermons, ou adressent des demandes  « Iamvero prout scripturae leguntur aut psalmi canuntur aut allocutiones proferuntur aut petitiones delegantur », De Anima, IX, 4, éd.

    A. Reifferscheid et G. Wissowa, Coll. « Corpus Scriptorum Ecclesiasticorum Latinorum », 20, 1890, p. 310 ; rééd. Coll. « Corpus Christianorum II », 1954, p. 792. 

    [24] Pour faciliter la réintroduction du chant vieux-romain dans la pratique musicale, nous avons publié, en notation originale, les messes les plus importantes de l’année liturgique.  Cf. M. Pérès - Malcolm Bothwell, Cantilena romana, anno domini 1071, Collection Scriptorium; Centre Itinérant de Recherche sur les Musiques Anciennes, Editions Fragiles, 2009.

      

     

    Deux autres week-ends du plain-chant sont  programmés à Liège en 2014 :  

     

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    La notation carrée : 10-12 janvier 

    La situation de la notation carrée est paradoxale. Tous ceux qui pratiquent le chant grégoriens sont persuadés la connaître, c’est pourquoi très peu de recherches lui sont consacrées, de plus, pour la plupart des grégorianistes cette notation, qui apparaît dans la deuxième moitié du XIIe siècle, représente une décadence par rapport aux notations antérieures dites neumatiques. C’est la raison pour laquelle elle est très mal connue. 

    Pourtant cette notation est surprenante. Premièrement par sa longévité. Près de neuf siècles après son invention elle est toujours en usage. C’est grâce à elle que l’Occident médiéval a réussi à rationaliser les durées musicales. De plus, cette notation est multiforme. Il existe une très grande variété de notations carrées qui toutes témoignent de la relation très complexe, mais extrêmement féconde, que les musiciens d’avant le XIXe siècle entretenaient avec la notation musicale dans l’acte de lire en chantant. 

    La connaissance des multiples sens de la notation carrée nous ouvre aux pratiques réelles du plain-chant en Occident pendant les huit derniers siècles du deuxième millénaire. 

    Le plain chant médiéval entre Meuse et Rhin : 7-9 mars

    Depuis l’époque carolingienne, cette région située entre Meuse et Rhin fut une terre où les traditions de plain chant furent transmises avec le plus grand soin. On y créa aussi beaucoup d’offices pour les grands saints locaux. Le répertoire est immense. Pour aborder cette  musique, il est nécessaire d’avoir une vision claire du chant vieux romain et de la notation carrée. Le chant vieux romain, car cette région fut celle où la graine du chant romain fut semée et cultivée pour servir de modèle au reste de l’empire carolingien. La notation carrée, car à l’époque gothique cette terre développa, avec une magnificence jamais égalée, l’art de la polyphonie qui repose sur l’interprétation vivante du plain chant dont la notation carrée est l’outil de transmission.

    Marcel Pérès

     

     

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  • A la venue de Noël...

     

    ... chacun se doit bien réjouir, car c'est un testament nouvel que tout le monde doit tenir (comptine provençale).

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    Pierre Matot a débuté sa carrière comme professeur d’orgue, d’harmonie et de solfège au conservatoire de Huy. Il fut ensuite chargé de cours d’orgue et professeur d’harmonie au conservatoire royal de Liège et termina sa carrière d’enseignant comme directeur de l’Académie Grétry à Liège. Ses récitals d’orgue l’ont conduit dans plusieurs pays d’Europe, aux Etats-Unis et au Mexique. Notamment associé au corniste Francis Orval, au violoniste Michel Leclerc, à la mezzo Cécile Leleux, il participa aussi à plusieurs concerts donné par l’orchestre philharmonique de Liège.

    Au programme de son récital :  kyrie anonyme (XIVe s.), œuvres de Conrad Paumann (XVe s.),Thomas de Santa Maria, Antonio de Cabezon et trois anonymes (XVIe s.), Johann Pachelbel (XVIIe s.), Jean-Sébastien Bach et Wolfgang-Amadeus Mozart (XVIIIe s.) et César Franck (XIXe s.).

    L’orgue de l’église du Saint-Sacrement est un instrument reconstitué et harmonisé à l’ancienne en 1983 par le facteur d’orgue André Thomas (Ster-Francorchamps), à partir des vestiges de l’orgue de Sibret, près de Bastogne. Il servit jusqu’en 1995 à la chapelle Saint-Lambert (XVIIIe s.) à Verviers, avant d’être racheté pour l’église du Saint-Sacrement à Liège (édifice achevé en 1766).

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    1316118213bmx.jpgNOËL A L'ORGUE

    Eglise du Saint-Sacrement à Liège (Bd d’Avroy, 132), samedi 7 décembre 2013, 11 heures. Entrée libre. Apéritif offert à l’issue du concert, dans les locaux attenant à l’église.

     

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