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Eglise du Saint-Sacrement à Liège - Page 57

  • Université de Liège, le 12 mars 2014 : écologie de la nature et écologie de l’homme

     

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    avec la collaboration du forum de conférences « Calpurnia »

     

     Cycle de Débats  

    HUMANISME CHRÉTIEN, TRAVAIL ET SOCIÉTÉ

    PERSONNALISME ET DÉVELOPPEMENT INTÉGRAL

     

    Mercredi 12 mars 2014 à 18h00

    Ecologie de la nature et Ecologie de L’Homme

     Une réflexion à la lecture du discours du pape Benoît XVI au Bundestag (Berlin, septembre 2011) 

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    Jean-Michel JAVAUX

    Bourgmestre d’Amay, 
    ancien co-président du parti Ecolo et ancien membre du parlement wallon

     Le débat sera modéré par Paul VAUTE, 

    chef d'édition de la Libre Belgique-Gazette de Liège 

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    La rencontre se tient à la salle des professeurs dans le bâtiment du Rectorat de l’Université de Liège, Place du XX août, 7, 1er ét. (accès par la grande entrée : parcours fléché)

    Horaire : apéritif à 18h00 ; exposé suivi du lunch-débat : de 18h15 à 20h30. P.A.F : 10 €. Etudiants : 2 € (à régler sur place).

    Inscription obligatoire trois jours ouvrables à L’AVANCE par TEL. 04.344.10.89 ou e-mail adressé à  info@ethiquesociale.org

     

    RSVP avant le 7 mars 2014 

    E-mail: info@ethiquesociale.org   internet: http://www.ethiquesociale.org/

    Union des étudiants catholiques de Liège : Jean-Paul Schyns, Quai Churchill, 42 4020 Liège / Tél. 04.344.10.89  jpschyns@skynet.be

    Groupe de réflexion sur l’éthique sociale : Elio Finetti, Quai Orban, 34 4020 Liège / Tél. 0475 83 61 61 : finetti@ethiquesociale.org

    Calpurnia - Forum de conférences, débats : Philippe Deitz, Rue Henri Maus, 92 - 4000 Liège / Tel. 04.253. 25.15 ;  calpurnia.musée@gmail.com

    Durant ces trente dernières années, les sociétés occidentales se sont profondément libéralisées. Cette libéralisation a rendu possible de réels progrès sociaux, mais elle s’est également accompagnée d’une perte de confiance dans l’Etat, d’une instabilité financière et d’une dilution du lien social, ainsi que d’un affaiblissement de la solidarité interpersonnelle et d’un sentiment de perte de sens. Cette face sombre de la libéralisation nourrit aujourd’hui l’émergence de phénomènes réactifs dont témoigne la recrudescence des replis « identitaires » de type nationaliste, populiste et autres.

    Vouloir poursuivre le mouvement de progrès social nécessite par conséquent de repenser le sens que doit avoir aujourd’hui le politique. La philosophie politique dominante dans les principaux partis de gauche comme de droite, le libéralisme politique, doit être dépassée au profit d’une conception humaniste de la nature, de la raison et de la conscience, comme l’a justement montré le pape Benoît XVI dans son discours mémorable au Bundestag à Berlin le 22 septembre 2011:  

     

    DISCOURS DU PAPE BENOÎT XVI 
    DEVANT LE BUNDESTAG
     

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    Berlin
    Jeudi 22 septembre 2011

    (Vidéo) 

    Monsieur le Président de la République, 
    Monsieur le Président du Bundestag, 
    Madame la Chancelière fédérale, 
    Madame le Président du Bundesrat, 
    Mesdames et messieurs les Députés,

    C’est pour moi un honneur et une joie de parler devant cette Chambre haute – devant le Parlement de ma patrie allemande, qui se réunit ici comme représentation du peuple, élue démocratiquement, pour travailler pour le bien de la République fédérale d’Allemagne. Je voudrais remercier Monsieur le Président du Bundestag pour son invitation à tenir ce discours, ainsi que pour les aimables paroles de bienvenue et d’appréciation avec lesquelles il m’a accueilli. En cette heure, je m’adresse à vous, Mesdames et Messieurs – certainement aussi comme compatriote qui se sait lié pour toute la vie à ses origines et suit avec intérêt le devenir de la Patrie allemande. Mais l’invitation à tenir ce discours m’est adressée en tant que Pape, en tant qu’Évêque de Rome, qui porte la responsabilité suprême pour la chrétienté catholique. En cela, vous reconnaissez le rôle qui incombe au Saint Siège en tant que partenaire au sein de la communauté des Peuples et des États. Sur la base de ma responsabilité internationale, je voudrais vous proposer quelques considérations sur les fondements de l’État de droit libéral.

    Vous me permettrez de commencer mes réflexions sur les fondements du droit par un petit récit tiré de la Sainte Écriture. Dans le Premier Livre des Rois on raconte qu’au jeune roi Salomon, à l’occasion de son intronisation, Dieu accorda d’avancer une requête. Que demandera le jeune souverain en ce moment? Succès, richesse, une longue vie, l’élimination de ses ennemis? Il ne demanda rien de tout cela. Par contre il demanda: «Donne à ton serviteur un cœur docile pour gouverner ton peuple, pour discerner entre le bien et le mal» (1 R 3, 9). Par ce récit, la Bible veut nous indiquer ce qui en définitive doit être important pour un politicien. Son critère ultime et la motivation pour son travail comme politicien ne doit pas être le succès et encore moins le profit matériel. La politique doit être un engagement pour la justice et créer ainsi les conditions de fond pour la paix. Naturellement un politicien cherchera le succès sans lequel il n’aurait aucune possibilité d’action politique effective! Mais le succès est subordonné au critère de la justice, à la volonté de mettre en œuvre le droit et à l’intelligence du droit. Le succès peut aussi être une séduction, et ainsi il peut ouvrir la route à la contrefaçon du droit, à la destruction de la justice. «Enlève le droit – et alors qu’est ce qui distingue l’État d’une grosse bande de brigands?» a dit un jour saint Augustin[1]. Nous Allemands, nous savons par notre expérience que ces paroles ne sont pas un phantasme vide. Nous avons fait l’expérience de séparer le pouvoir du droit, de mettre le pouvoir contre le droit, de fouler aux pieds le droit, de sorte que l’État était devenu une bande de brigands très bien organisée, qui pouvait menacer le monde entier et le pousser au bord du précipice. Servir le droit et combattre la domination de l’injustice est et demeure la tâche fondamentale du politicien. Dans un moment historique où l’homme a acquis un pouvoir jusqu’ici inimaginable, cette tâche devient particulièrement urgente. L’homme est en mesure de détruire le monde. Il peut se manipuler lui-même. Il peut, pour ainsi dire, créer des êtres humains et exclure d’autres êtres humains du fait d’être des hommes. Comment reconnaissons-nous ce qui est juste? Comment pouvons-nous distinguer entre le bien et le mal, entre le vrai droit et le droit seulement apparent? La demande de Salomon reste la question décisive devant laquelle l’homme politique et la politique se trouvent aussi aujourd’hui.

    Pour une grande partie des matières à réguler juridiquement, le critère de la majorité peut être suffisant. Mais il est évident que dans les questions fondamentales du droit, où est en jeu la dignité de l’homme et de l’humanité, le principe majoritaire ne suffit pas: dans le processus de formation du droit, chaque personne qui a une responsabilité doit chercher elle-même les critères de sa propre orientation. Au troisième siècle, le grand théologien Origène a justifié ainsi la résistance des chrétiens à certains règlements juridiques en vigueur: «Si quelqu’un se trouvait chez les Scythes qui ont des lois irréligieuses, et qu’il fut contraint de vivre parmi eux… celui-ci certainement agirait de façon très raisonnable si, au nom de la loi de la vérité qui chez les Scythes est justement illégalité, il formerait aussi avec les autres qui ont la même opinion, des associations contre le règlement en vigueur…»[2].

    Sur la base de cette conviction, les combattants de la résistance ont agi contre le régime nazi et contre d’autres régimes totalitaires, rendant ainsi un service au droit et à l’humanité tout entière. Pour ces personnes il était évident de façon incontestable que le droit en vigueur était, en réalité, une injustice. Mais dans les décisions d’un politicien démocrate, la question de savoir ce qui correspond maintenant à la loi de la vérité, ce qui est vraiment juste et peut devenir loi, n’est pas aussi évidente. Ce qui, en référence aux questions anthropologiques fondamentales, est la chose juste et peut devenir droit en vigueur, n’est pas du tout évident en soi aujourd’hui. À la question de savoir comment on peut reconnaître ce qui est vraiment juste et servir ainsi la justice dans la législation, il n’a jamais été facile de trouver la réponse et aujourd’hui, dans l’abondance de nos connaissances et de nos capacités, cette question est devenue encore plus difficile.

    Comment reconnaît-on ce qui est juste? Dans l’histoire, les règlements juridiques ont presque toujours été motivés de façon religieuse: sur la base d’une référence à la divinité on décide ce qui parmi les hommes est juste. Contrairement aux autres grandes religions, le christianisme n’a jamais imposé à l’État et à la société un droit révélé, ni un règlement juridique découlant d’une révélation. Il a au contraire renvoyé à la nature et à la raison comme vraies sources du droit – il a renvoyé à l’harmonie entre raison objective et subjective, une harmonie qui toutefois suppose le fait d’être toutes deux les sphères fondées dans la Raison créatrice de Dieu. Avec cela les théologiens chrétiens se sont associés à un mouvement philosophique et juridique qui s’était formé depuis le IIème siècle av. JC. Dans la première moitié du deuxième siècle préchrétien, il y eut une rencontre entre le droit naturel social développé par les philosophes stoïciens et des maîtres influents du droit romain [3]. Dans ce contact est née la culture juridique occidentale, qui a été et est encore d’une importance déterminante pour la culture juridique de l’humanité. De ce lien préchrétien entre droit et philosophie part le chemin qui conduit, à travers le Moyen-âge chrétien, au développement juridique des Lumières jusqu’à la Déclaration des Droits de l’homme et jusqu’à notre Loi Fondamentale allemande, par laquelle notre peuple, en 1949, a reconnu «les droits inviolables et inaliénables de l’homme comme fondement de toute communauté humaine, de la paix et de la justice dans le monde».

    Pour le développement du droit et pour le développement de l’humanité il a été décisif que les théologiens chrétiens aient pris position contre le droit religieux demandé par la foi dans les divinités, et se soient mis du côté de la philosophie, reconnaissant la raison et la nature dans leur corrélation comme source juridique valable pour tous. Saint Paul avait déjà fait ce choix quand, dans sa Lettre aux Romains, il affirmait: «Quand des païens privés de la Loi [la Torah d’Israël] accomplissent naturellement les prescriptions de la Loi, … ils se tiennent à eux-mêmes lieu de Loi; ils montrent la réalité de cette loi inscrite en leur cœur, à preuve le témoignage de leur conscience…» (2, 14s.). Ici apparaissent les deux concepts fondamentaux de nature et de conscience, où «conscience» n’est autre que le «cœur docile» de Salomon, la raison ouverte au langage de l’être. Si avec cela jusqu’à l’époque des Lumières, de la Déclaration des Droits de l’Homme après la seconde guerre mondiale et jusqu’à la formation de notre Loi Fondamentale, la question des fondements de la législation semblait claire, un dramatique changement de la situation est arrivé au cours du dernier demi siècle. L’idée du droit naturel est considérée aujourd’hui comme une doctrine catholique plutôt singulière, sur laquelle il ne vaudrait pas la peine de discuter en dehors du milieu catholique, de sorte qu’on a presque honte d’en mentionner même seulement le terme. Je voudrais brièvement indiquer comment il se fait que cette situation se soit créée. Avant tout, la thèse selon laquelle entre l’être et le devoir être il y aurait un abîme insurmontable, est fondamentale. Du fait d’être ne pourrait pas découler un devoir, parce qu’il s’agirait de deux domaines absolument différents. La base de cette opinion est la conception positiviste, aujourd’hui presque généralement adoptée, de nature. Si on considère la nature – avec les paroles de Hans Kelsen – comme «un agrégat de données objectives, jointes les unes aux autres comme causes et effets», alors aucune indication qui soit en quelque manière de caractère éthique ne peut réellement en découler [4].

    Une conception positiviste de la nature, qui entend la nature de façon purement fonctionnelle, comme les sciences naturelles la reconnaissent, ne peut créer aucun pont vers l’ethos et le droit, mais susciter de nouveau seulement des réponses fonctionnelles. La même chose, cependant, vaut aussi pour la raison dans une vision positiviste, qui chez beaucoup est considérée comme l’unique vision scientifique. Dans cette vision, ce qui n’est pas vérifiable ou falsifiable ne rentre pas dans le domaine de la raison au sens strict. C’est pourquoi l’ethos et la religion doivent être assignés au domaine du subjectif et tombent hors du domaine de la raison au sens strict du mot. Là où la domination exclusive de la raison positiviste est en vigueur – et cela est en grande partie le cas dans notre conscience publique – les sources classiques de connaissance de l’ethos et du droit sont mises hors jeu. C’est une situation dramatique qui nous intéresse tous et sur laquelle une discussion publique est nécessaire; une intention essentielle de ce discours est d’y inviter d’urgence.

    Le concept positiviste de nature et de raison, la vision positiviste du monde est dans son ensemble une partie importante de la connaissance humaine et de la capacité humaine, à laquelle nous ne devons absolument pas renoncer. Mais elle-même dans son ensemble n’est pas une culture qui corresponde et soit suffisante au fait d’être homme dans toute son ampleur. Là ou la raison positiviste s’estime comme la seule culture suffisante, reléguant toutes les autres réalités culturelles à l’état de sous-culture, elle réduit l’homme, ou même, menace son humanité. Je le dis justement en vue de l’Europe, dans laquelle de vastes milieux cherchent à reconnaître seulement le positivisme comme culture commune et comme fondement commun pour la formation du droit, alors que toutes les autres convictions et les autres valeurs de notre culture sont réduites à l’état d’une sous-culture. Avec cela l’Europe se place, face aux autres cultures du monde, dans une condition de manque de culture et en même temps des courants extrémistes et radicaux sont suscités. La raison positiviste, qui se présente de façon exclusiviste et n’est pas en mesure de percevoir quelque chose au-delà de ce qui est fonctionnel, ressemble à des édifices de béton armé sans fenêtres, où nous nous donnons le climat et la lumière tout seuls et nous ne voulons plus recevoir ces deux choses du vaste monde de Dieu. Toutefois nous ne pouvons pas nous imaginer que dans ce monde auto-construit nous puisons en secret également aux «ressources» de Dieu, que nous transformons en ce que nous produisons. Il faut ouvrir à nouveau tout grand les fenêtres, nous devons voir de nouveau l’étendue du monde, le ciel et la terre et apprendre à utiliser tout cela de façon juste.

    Mais comment cela se réalise-t-il? Comment trouvons-nous l’entrée dans l’étendue, dans l’ensemble? Comment la raison peut-elle retrouver sa grandeur sans glisser dans l’irrationnel? Comment la nature peut-elle apparaître de nouveau dans sa vraie profondeur, dans ses exigences et avec ses indications? Je rappelle un processus de la récente histoire politique, espérant ne pas être trop mal compris ni susciter trop de polémiques unilatérales. Je dirais que l’apparition du mouvement écologique dans la politique allemande à partir des années soixante-dix, bien que n’ayant peut-être pas ouvert tout grand les fenêtres, a toutefois été et demeure un cri qui aspire à l’air frais, un cri qui ne peut pas être ignoré ni être mis de côté, parce qu’on y entrevoit trop d’irrationalité. Des personnes jeunes s’étaient rendu compte qu’il y a quelque chose qui ne va pas dans nos relations à la nature; que la matière n’est pas seulement un matériel pour notre faire, mais que la terre elle-même porte en elle sa propre dignité et que nous devons suivre ses indications. Il est clair que je ne fais pas ici de la propagande pour un parti politique déterminé – rien ne m’est plus étranger que cela. Quand, dans notre relation avec la réalité, il y a quelque chose qui ne va pas, alors nous devons tous réfléchir sérieusement sur l’ensemble et nous sommes tous renvoyés à la question des fondements de notre culture elle-même. Qu’il me soit permis de m’arrêter encore un moment sur ce point. L’importance de l’écologie est désormais indiscutée. Nous devons écouter le langage de la nature et y répondre avec cohérence. Je voudrais cependant aborder avec force un point qui aujourd’hui comme hier est –me semble-t-il- largement négligé: il existe aussi une écologie de l’homme. L’homme aussi possède une nature qu’il doit respecter et qu’il ne peut manipuler à volonté. L’homme n’est pas seulement une liberté qui se crée de soi. L’homme ne se crée pas lui-même. Il est esprit et volonté, mais il est aussi nature, et sa volonté est juste quand il respecte la nature, l’écoute et quand il s’accepte lui-même pour ce qu’il est, et qu’il accepte qu’il ne s’est pas créé de soi. C’est justement ainsi et seulement ainsi que se réalise la véritable liberté humaine.

    Revenons aux concepts fondamentaux de nature et de raison d’où nous étions partis. Le grand théoricien du positivisme juridique, Kelsen, à l’âge de 84 ans – en 1965 – abandonna le dualisme d’être et de devoir être. (Cela me console qu’avec 84 ans, on puisse encore penser correctement) Il avait dit auparavant que les normes peuvent découler seulement de la volonté. En conséquence, la nature pourrait renfermer en elle des normes seulement -ajouta-t-il- si une volonté avait mis en elle ces normes. D’autre part disait-il, cela présupposerait un Dieu créateur, dont la volonté s’est introduite dans la nature. «Discuter sur la vérité de cette foi est une chose absolument vaine», note-t-il à ce sujet [5]. L’est-ce vraiment? – voudrais-je demander. Est-ce vraiment privé de sens de réfléchir pour savoir si la raison objective qui se manifeste dans la nature ne suppose pas une Raison créatrice, un Creator Spiritus?

    À ce point le patrimoine culturel de l’Europe devrait nous venir en aide. Sur la base de la conviction de l’existence d’un Dieu créateur se sont développées l’idée des droits de l’homme, l’idée d’égalité de tous les hommes devant la loi, la connaissance de l’inviolabilité de la dignité humaine en chaque personne et la conscience de la responsabilité des hommes pour leur agir. Ces connaissances de la raison constituent notre mémoire culturelle. L’ignorer ou la considérer comme simple passé serait une amputation de notre culture dans son ensemble et la priverait de son intégralité. La culture de l’Europe est née de la rencontre entre Jérusalem, Athènes et Rome – de la rencontre entre la foi au Dieu d’Israël, la raison philosophique des Grecs et la pensée juridique de Rome. Cette triple rencontre forme l’identité profonde de l’Europe. Dans la conscience de la responsabilité de l’homme devant Dieu et dans la reconnaissance de la dignité inviolable de l’homme, de tout homme, cette rencontre a fixé des critères du droit, et les défendre est notre tâche en ce moment historique.

    Au jeune roi Salomon, au moment de son accession au pouvoir, une requête a été accordée. Qu’en serait-il si à nous, législateurs d’aujourd’hui, était concédé d’avancer une requête? Que demanderions-nous? Je pense qu’aujourd’hui aussi, en dernière analyse, nous ne pourrions pas désirer autre chose qu’un cœur docile – la capacité de distinguer le bien du mal et d’établir ainsi le vrai droit, de servir la justice et la paix. Je vous remercie pour votre attention.


    [1] De civitate Dei IV, 4, 1.

    [2] Contra Celsum GCS Orig. 428 (Koetschau); cfr A. Fürst, Monotheismuis und Monarchie. Zum Zusammenhang von Heil und Herrschaft in der Antike. In: Theol. Phil. 81 (2006) 321-338; citation p. 336; cfr également J. Ratzinger, Die Einheit der Nationen. Eine Vision der Kirchenväter (Sazburg-München 1971) 60.

    [3] Cf. W. Waldstein, Ins Herz geschrieben. Das Naturrecht als Fundament einer menschlichen Gesellschaft (Augsburg 2010) 11ss; 31-61.

    [4] Waldstein, op. cit. 15-21.

    [5] Cfr. W. Waldstein, op. cit. 19.

    Réf. : http://www.vatican.va/holy_father/benedict_xvi/speeches/2011/september/documents/hf_ben-xvi_spe_20110922_reichstag-berlin_fr.html

     

  • A l’Université de Liège : Mgr Delville a ouvert un nouveau cycle de lunchs débats sur le rôle de l’humanisme chrétien dans la société.

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    175px-Delville20130714.jpgLe nouvel évêque de Liège, Monseigneur Jean-Pierre Delville, a inauguré un nouveau cycle de lunchs débats à l’Université de Liège. Le cycle est organisé par le groupe « éthique sociale » de l’Union des étudiants catholiques, sur le thème « Humanisme chrétien, Travail et Société ».

    La conférence de Mgr Delville était intitulée « l’humanisme dans l’engagement social de l’Eglise, hier et aujourd’hui ».  Docteur en Philosophe (UCL), théologien (Université grégorienne à Rome) et musicien (prix d’orgue du Conservatoire royal de Liège), Mgr Delville est aussi licencié en histoire de l’Université de Liège.  Au moment de sa nomination épiscopale (31 mai 2013), il était professeur ordinaire à l’Université catholique de Louvain, où il enseigna l’histoire du christianisme.

    « Deus caritas est » : C’est le lien de l’amour qui constitue l’unicité de Dieu  dans l’altérité des personnes trinitaires. À la suite de saint Jean, Benoît XVI, dans sa première encyclique, a développé les conséquences cette affirmation, avec beaucoup d’intelligence et de fraîcheur d’âme.

    De là résulte que l’autre, dans la foi, est toujours pour nous le visage de Dieu, même s’il est parfois bien défiguré.

    Jésus est formel. Au jour du jugement, lorsque toutes les nations seront rassemblées devant lui, il dira à ceux qui sont à sa droite : «  j’avais faim, et vous m’avez donné à manger ; j’avais soif, et vous m’avez donné à boire ; j’étais un étranger, et vous m’avez accueilli ; j’étais nu, et vous m’avez habillé ; j’étais malade, et vous m’avez visité ; j’étais en prison, et vous êtes venus jusqu’à moi : chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces petits qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait » Et aux autres : « Allez-vous-en loin de moi, maudits, dans le feu éternel préparé pour le démon et ses anges » (cfr  Matthieu, 25, 31-46)

    De cette Parole, qui émaille aussi sous d’autres formes tous les textes évangéliques, procède une double démarche : l’amour inconditionnel des pauvres, quels qu’ils soient, et la recherche de la pauvreté spirituelle qui purifie l’âme. Au fil de son histoire, même peuplée par tous les vices des cercles de l’enfer de Dante, la chrétienté l’a toujours su et exalté cet idéal. C’est ce que nous rappelle d’abord l’orateur. 

    Mais, au XVIIIe siècle, dans la société occidentale a pris naissance un profond bouleversement de la condition humaine issu de ce que Paul Hazard a appelé « la crise de la conscience européenne » : la révolution des lumières philosophiques et celle de l’industrialisation qui s’en suivirent ont introduit  dans la vie sociale une rupture inédite, exaltant la liberté de l’homme pour mieux l’asservir. Aux idéologies contradictoires qui l’expriment et ambitionnent de tenir  lieu de religion à l’ère du progrès industriel et technique, l’Eglise a opposé une doctrine sociale tirée de l’Evangile. Monseigneur Delville nous montre en quoi il ne s’agit pas d’une idéologie de plus. On lira ci-dessous la transcription in extenso de l’enregistrement de sa conférence (les intertitres sont de notre fait) :

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     1.  Introduction

     Cette journée est en quelque sorte historique pour traiter de l’engagement social de l’Eglise dans son cadre humaniste, puisque le pape vient de publier aujourd’hui une Exhortation apostolique Evangelii Gaudium , la Joie de l’Evangile, consacrée à l’évangélisation dans la société actuelle. Cette Exhortation fait suite au synode des évêques d’il y a deux ans consacré à ce sujet et le pape a repris pas mal de conclusions présentées par les évêques mais il y a manifestement ajouté son grain de sel, et plus qu’un grain. Vous en aurez quelques éléments en primeur à la fin de cette conférence. Voilà pour le grand angle, mais si je prends la loupe je dois dire que j’ai vécu personnellement aujourd’hui une rencontre importante et intéressante avec la concertation des Eglises chrétiennes du diocèse de Liège, catholique orthodoxe, syriaque, anglicane et protestante ; nous avions programmé de rencontrer les syndicats FGTB et CSC sur le grand drame social qui pouvait éclater d’ici la fin de l’année à Liège : plus de 1000 personnes menacées de licenciement chez Arcelor Mittal. On ne sait pas dans quelles conditions cela se fera, on espère qu’il y aura une capacité de procurer des prépensions mais ce n’est pas évident a priori. C’est pourquoi, comme Eglises, nous avons voulu en quelque sorte nous documenter, être au courant de la situation pour être prêts à réagir. Et donc cette rencontre a été très instructive pour moi. Il y en a eu un petit écho dans le journal.

    Tout ceci est pour dire que nous sommes en train de traiter ce soir d’une question d’actualité : le pape en parle, à Liège, on en parle. Je parle donc de cette justice sociale promue par le christianisme dans le cadre de sa sensibilité humaniste dès la racine, dès les débuts, par Jésus Lui-même, mais aussi dans l’histoire jusqu’à aujourd’hui. Et donc je vais structurer ma présentation en trois étapes ; ma première étape sera plutôt biblique et je me référerai à des textes fondamentaux du Nouveau Testament ; la seconde étape sera historique et j’évoquerai quelques éléments de l’histoire de l’Eglise sans cependant m’y attarder trop ; la troisième étape sera davantage locale, consacrée au rôle de Liège dans le développement de la doctrine sociale de l’Eglise pour aboutir alors à l’actualité et aux lignes qui s’imposent aux chrétiens aujourd’hui.

    2.  L’engagement social vis-à-vis des pauvres, selon l’évangile

    « Heureux, vous les pauvres » (Lc 6,20) et Mt 5,3 « Heureux les pauvres en esprit » (Mt 5,3) : dans les béatitudes, Jésus a eu cette parole de défi, puisqu’il s’agit d’une contradiction apparente : un pauvre est malheureux mais Jésus lance, au contraire, « heureux, les pauvres » ! En disant cela, forcément, Jésus laisse entrevoir la nouveauté de sa manière à lui de rencontrer les pauvres qui est la manière personnelle, la rencontre personnelle : Jésus touche les personnes malades et procure la guérison. Souvent, les évangiles racontent un dialogue entre Jésus et une personne malade ou une personne souffrante. Parfois ce dialogue se conclut par cette phrase : « ta foi t’a sauvé ». Donc, Jésus procure une rencontre « humaniste », interpersonnelle et, par cette rencontre, il guérit et c’est par le constat de cette guérison, de cette prise en compte d’une situation personnelle que Jésus peut déjà dire d’une manière visible : « heureux les pauvres », voyez ce qui se passe. Cette pauvreté, Jésus la voit aussi d’un point de vue spirituel. Si l’on prend l’évangile de Matthieu : « Heureux les pauvres en esprit », là il s’agit d’un autre paradoxe : il s’agit de la pauvreté au sens de l’humilité de celui qui ne se prend pas pour un grand, celui qui accepte sa pauvreté personnelle et donc son besoin de l’autre. Ici encore apparaît une dimension humaniste : la qualité de l’être humain n’est pas dans sa perfection mais dans sa pauvreté, c’est-à-dire dans son besoin des autres, dans la solidarité que la pauvreté implique.

    Voilà donc un premier motif d'engagement social: cette dimension de bonheur pour les pauvres, et on va le constater d'emblée dans le message qu'il va diffuser. Par exemple dans la synagogue de Nazareth, lorsqu'il entre dans sa vie publique, reprenant une phrase du prophète Isaïe, Jésus proclame devant l'assemblée réunie: je suis venu apporter la bonne nouvelle aux pauvres (Luc, 4, 18) et, en réponse aux disciples de Jean-Baptiste: " la bonne nouvelle est annoncée aux pauvres" (Mt. 11, 5).

    Bonne nouvelle aux pauvres : tel est le ministère que Jésus s’assigne. Voici quelques exemples concrets : lorsqu’ il rencontre un jeune homme riche qui lui demande : « Que dois-je faire pour entrer dans le Royaume de Dieu ? » Jésus lui répond : « Observe les commandements. » Mais, comme le jeune homme lui répond : « cela, je l’ai fait toute ma vie. », Jésus lui réplique (Mt 19,21) : « Alors, ton argent, donne-le aux pauvres, tu auras un trésor dans le ciel. » On sait que ce jeune homme s’en alla triste parce qu’il n’osait pas entendre cette parole. C’était pourtant la pointe du message de Jésus : la capacité de partager.

    Ce message, un autre l’a entendu, c’est le fameux Zachée, un « richard », un collecteur d’impôt public qui met dans sa poche beaucoup d’argent qu’il récolte pour l’Etat romain et dont il garde une partie pour lui. Zachée veut malgré tout voir Jésus. Il y a au cœur de cet homme qui était possédé par un esprit d’avarice, un attachement à l’argent, un autre désir : voir Jésus. Il monte sur un sycomore pour le voir Jésus, ce qui n’est pas banal (imaginons aujourd’hui un banquier escaladant un platane dans des circonstances analogues !) ; il ose aller jusqu’au bout de ce désir. Les Pères de l’Eglise donnent un beau commentaire dans lequel ils affirment que ce sycomore, c’est en fait les chrétiens qui nous ont précédés, ceux qui nous ont précédés dans la foi, et nous montons sur leurs épaules pour voir Jésus. Grâce à la Tradition qui nous est transmise, nous pouvons voir Jésus. Zachée monte donc sur ce sycomore, voit Jésus, mais surtout Jésus le voit, c’est le croisement des regards. Jésus vit Zachée ; ceci est très important. Vous remarquez cela souvent dans l’évangile : Jésus, au lieu de passer tout droit et de ne pas regarder ni à gauche ni à droite comme nous le ferions pour ne pas être harcelés, distraits, etc., lui, Jésus regarde et s’arrête ; il voit Zachée et lui dit : « Zachée, descends de cet arbre, aujourd’hui, je dois aller loger chez toi. » Jésus a ce raccourci : comprenant que Zachée est devenu un homme disponible puisqu’il cherche Jésus du regard, Jésus anticipe et dit carrément : « je vais chez toi ! ». Jésus ne lui demande rien mais spontanément Zachée déclare : (Lc 19,8) « Je vais donner la moitié  de mes biens aux pauvres. » Jésus ne lui a rien demandé mais Zachée a décidé lui-même et il a mis un taux : 50% ! Voilà, c’est important : tout chrétien, tout homme est invité à faire un choix dans ses partages. Le christianisme ne dit pas autant ; chacun fait sa propre sélection, choisit ce qu’il veut donner, ce qu’il veut partager. Zachée est mis en valeur par l’évangéliste saint Luc qui est le seul à raconter cet épisode. Et donc Zachée manifeste cette dimension du chrétien, du disciple du Christ qui, par voie de conséquence, commence à partager. Donc, on voit comment l’approche humaniste, ce regard de Jésus sur Zachée , débouche sur un engagement social.

    Autre exemple, lors de l’onction à Béthanie, avec cette femme qui vient oindre les pieds de Jésus. L’hôte de Jésus qui était un pharisien murmure : « cela, ce parfum pourrait être vendu bien cher et être donné aux pauvres » (Mt 26,9). Jésus rétorque : « les pauvres, vous en aurez toujours avec vous. » (Mt 26,11) Donc Jésus fait de cette réflexion, un peu ironique, quelque chose à prendre au sérieux : « vous en aurez toujours avec vous ». Sous-entendu : le chrétien est toujours confronté à la question de la justice sociale.

    Dans saint Luc, il y a cette parabole des invités au festin (Lc 14,13). Les  invités sont nombreux à être conviés mais personne ne vient. Alors le maître dit à ses serviteurs : « invitez  des pauvres, des estropiés, des boiteux ». Ce geste du serviteur, c’est un peu l’idée de Jésus : le royaume de Dieu est en quelque sorte destiné à ces pauvres qui en ont le plus besoin et ceux qui, étant invités, prenaient cette invitation de haut ne profitent pas de la situation.

    Dans l’évangile de Luc encore, la parabole du pauvre nommé Lazare (Lc 16,20) qui se trouvait aux pieds de ce riche qui dépensait sans compter. Voilà une parabole, c’est sans doute la seule de l’évangile, où le héros a un nom : Lazare (qui signifie « Dieu aide »). Cette parabole de Lazare face au riche est, pour saint Luc, un grand message, un message sur la valeur de la dignité de cette personne pauvre qui apparaissait rejetée, méprisée et puis qui, dans la vie éternelle, est dans le sein d’Abraham, dans le paradis.

    Voilà donc quelques échos de l’évangile où l’on se rend compte de l’orientation importante du rôle du pauvre dans l’ouverture du Royaume de Dieu, l’ouverture au salut.

    On peut aussi citer trois passages des lettres apostoliques :

    Dans la Lettre de saint Jacques, 2, 2-6, il y a cette comparaison, cette évocation imagée, en somme, que fait l’apôtre. « S’il entre dans vos assemblées un riche aux bagues d’or et qu’il entre un pauvre en habits malpropres, si au riche vous dites : assieds-toi à cette bonne place, et au pauvre vous dites : tiens-toi debout, n’avez-vous pas fait en vous-même une discrimination ? N’est-ce pas Dieu qui a choisi ceux qui sont pauvre aux yeux du monde pour les rendre riches en foi et héritiers du royaume ? Mais vous, vous avez privé le pauvre de sa dignité ! » Par cette évocation, saint Jacques montre des situations concrètes. On a tendance à mettre le pauvre sur le côté, à valoriser le riche. Mais saint Jacques reprend la thèse de Jésus : celui qui est pauvre aux yeux du monde est riche en foi, riche dans la place qu’il occupe dans le Royaume de Dieu. Et il ajoute en plus cette notion de dignité du pauvre.

    Saint Paul dans la seconde lettre aux Corinthiens, 8,9, reprend cette comparaison du Christ avec le pauvre : « Le Christ, pour vous s’est fait pauvre, de riche qu’il était, afin de vous enrichir par sa pauvreté ». Cela devient de la dialectique : le Christ qui était riche en gloire, riche par sa divinité, s’est fait pauvre, il s’est dépouillé de son prestige, il s’est fait petit enfant, il s’est fait personne souffrante. Mais, grâce à cela, il nous rend riches par sa pauvreté, riches spirituellement, humainement, par notre solidarité, par cette pauvreté, par le salut qu’il nous accorde à travers le don de soi qui est une pauvreté. Donc, ici, saint Paul montre bien cette importance de la pauvreté spirituelle, de l’humilité, comme base d’une richesse d’amour.

    Troisième passage : la Lettre de saint Paul à son ami Philémon (15, 16) qui avait un esclave, Onésime, qui s’était enfui. Onésime était devenu chrétien et avait trouvé refuge chez saint Paul. Alors, Paul est embêté ; qu’est-ce que je vais faire avec cet esclave fugitif devenu chrétien ? Est-ce que je vais respecter la loi et renvoyer l’esclave chez son patron qui, de toute façon, est aussi un ami ou est-ce que je vais demander la libération de l’esclave au nom de la dignité chrétienne ? Face à cette question, Paul a une réponse extraordinaire qui est un appel à la conscience de Philémon ; il ne lui dit pas ce qu’il doit faire mais il le fait raisonner à partir de la notion de dignité humaine et de fraternité. La phrase clef est aux versets 15 et 16 : « Cher Philémon, peut-être Onésime, ton esclave, n’a-t-il été séparé de toi pour un temps qu’afin de t’être rendu pour l’éternité, non plus comme un esclave, mais comme bien mieux qu’un esclave : un frère bien-aimé. » Peut-être que… réfléchis ! Paul ne donne pas une loi nouvelle à suivre, il fait appel à la réflexion de Philémon : réfléchis ! Ton esclave est devenu un frère, il s’est converti au christianisme, ça fait apparaître sa dignité. Maintenant décide ce que tu veux. On ne sait jamais. La réponse de Philémon, on ne la connaît pas mais on peut la deviner.  De ces éléments, je tire également une conclusion très importante : la doctrine chrétienne au niveau de l’engagement social, n’est pas une doctrine toute faite avec des injonctions incontournables dans le sens de pratiques obligatoires ; elle est le résultat d’une élaboration, d’un travail de la conscience qui doit s’appliquer sur le terrain, progressivement. Si saint Paul avait dit, dans cette lettre à Philémon : « cher ami, tu es devenu chrétien, or un chrétien croit dans la dignité de l’homme ; un esclave est un homme rendu indigne, donc tu dois libérer ton esclave », Paul aurait parlé contre l’esclavage d’une manière absolue. Dans la société romaine où plus de la moitié des gens étaient esclaves, cette injonction aurait été complètement inapplicable, absolument inapplicable, complètement impensable pour le fonctionnement de la société. Si Paul avait dit les choses aussi platement, il aurait lancé une suggestion complètement inapplicable et dès lors il aurait discrédité tout le reste de son message. Mais il a été plus malin, il a invité à réfléchir en commençant par un cas précis, celui d’Onésime, et remarquons-le, il faudra 1900 ans pour que la suggestion de saint Paul devienne une loi dans le monde et pour que l’on supprime, du moins en théorie, l’esclavage, mais on y est arrivé et il aura fallu pratiquement 1900 ans.

    Voilà donc mon premier chapitre, cette évocation de la position chrétienne sur l’engagement social, le souci du pauvre, le souci de l’esclave, comme conséquence de la foi ou plutôt comme partie prenante de la foi mais aussi comme résultat non pas d’une théorie toute faite mais d’une relation personnelle.

    3. Histoire de l’Eglise

    Quelques « flashes » sur l’histoire de l’Eglise.

    Saint Martin (†397) et le partage du manteau 

    Quand j’étais vicaire à Saint-Martin ici à Liège, j’ai eu l’occasion de me pencher sur la vie de saint Martin et cela m’a beaucoup frappé, parce que Martin qui apparaît dans les images comme un chevalier médiéval est en fait un père de l’Eglise du IVe siècle, plus ancien même que saint Augustin. C’est donc un vénérable père de l’Eglise mais qui n’est pas connu pour ses écrits comme les autres pères de l’Eglise parce qu’il n’a rien écrit. Par contre, il a agi et cela a frappé énormément les chrétiens de nos régions et même les gens, les habitants. C’était son type d’action.

    L’épisode le plus célèbre, vous le connaissez : Martin était caserné à Amiens en France, soldat romain, à l’âge de dix-huit ans, jeune homme en somme. Il avait des sympathies pour le christianisme mais n’était pas baptisé. Voilà que, à la porte de la ville où il était en stationnement, passe un pauvre qui lui demande l’aumône et Martin est embêté parce qu’il n’a pas d’argent à donner mais il a ce coup de génie : il prend son manteau, il prend son épée, il coupe son manteau en deux et donne la moitié au pauvre. C’est le premier épisode, c’est le plus connu. Quand on s’arrête là, les chrétiens hyper bien-pensants objectent : s’il avait été un si grand saint, il aurait donné tout son manteau, pas seulement la moitié.

    Certains répondent à cette objection que la loi romaine interdisait aux soldats de donner plus de la moitié de leur attirail. Mais, il y a une raison plus profonde, car l’épisode ne s’arrête pas là. La nuit suivante, Martin dort dans sa tente et a un rêve. Dans ce rêve apparaît devant lui la cour céleste avec le Christ entouré de tous les saints et de tous les anges. Et le Christ, à un moment donné, fait signe à quelqu’un qui se trouve au fond : « venez un petit peu là, vous » et Martin se sent interpellé, car il était au fond de la salle. « Avancez ». Martin s’avance, et le Christ dit devant toute l’assemblée : « Regardez, ce jeune homme, Martin, m’a donné ce matin la moitié de son manteau. » Et au moment où le Christ dit ça, Martin voit sur les épaules du Christ le demi manteau qu’il avait donné le matin. Et il se réveille. Par ce rêve, Martin comprend qu’en donnant la moitié de son manteau au pauvre, il a fait non seulement un geste d’amour, mais il a fait un geste d’alliance avec le Christ. Le Christ porte son manteau. Les deux parties du manteau sont sur les épaules du Christ et sur celles de Martin, et donc, cela fait partie désormais de sa foi : son geste de charité est devenu la base de sa relation au Christ qui s’identifie au pauvre, qui fait alliance avec celui qui a donné au pauvre. Donc, Martin, par ce geste devient en quelque sorte le symbole d’un christianisme au cœur duquel se trouve le partage.

    D’autres épisodes dans sa vie attestent de cette dimension. Martin, devenu évêque, donne aussi une partie de son manteau, de son aube pour être plus précis, dans la sacristie de la cathédrale où il célèbre parce qu’un pauvre était entré par la porte de derrière et au moment où il célèbre la messe et qu’il élève les mains pour la consécration, la chasuble tombe de ses bras, les montrant nus parce qu’il avait donné son aube au pauvre. Alors, il paraît qu’un ange intervint aussitôt pour relever la chasuble et cacher les bras nus aux yeux des fidèles car ce n’est pas décent pour un prêtre d’avoir les bras nus pendant la messe. A Tours, où se trouve le tombeau de saint Martin, on montrait les manchons de saint Martin qui sont ces espèces de manchons que l’ange lui avait mis sur les bras pour cacher sa nudité. C’est la petite histoire mais cela montre cette continuité.

    Martin est devenu le symbole du chrétien qui partage et cela va être connu à l’époque et davantage encore au Moyen Age, cinq cents ans plus tard, où Martin est le symbole du chrétien et même, dans nos régions, du laïc chrétien, du seigneur chrétien, parce que c’est un soldat et donc cette qualité de soldat va le hisser au sommet du symbolisme. C’est pourquoi, dans toutes les villes du monde, il y a une église Saint-Martin, en tout cas, en Europe occidentale.

    Saint Basile († 379) et l’invention de l’hôpital

    A la même époque que saint Martin mais en Orient, saint Basile, évêque de Césarée fonde une institution que nous connaissons tous et qui s’appelle l’hôpital. Nous sommes au IVe siècle. Jusque là, dans les villes, il n’existe pas d’hôpital. Il peut y avoir d’immenses villes comme Rome, comme Antioche, comme Alexandrie, comme Athènes, mais il n’y a pas d’hôpital. C’est-à-dire qu’il n’y avait pas d’endroit pour soigner les gens autre qu’à la maison. L’hôpital, c’est une invention chrétienne. C’est l’idée de réunir les malades, de les accueillir dans une hospitalité, un accueil, de soigner ces malades et d’avoir des gens qui s’en occupent. A Césarée, saint Basile invente donc l’hôpital et cela va devenir une institution qui ne fera que grandir et s’étendre dans les siècles suivants, bien sûr progressivement mais tout de même avec une ampleur aujourd’hui énorme.

    Saint Benoît († 547) et le monachisme

    Autre exemple : les moines, fondés par S. Benoit (†547), les Bénédictins, vont recevoir comme mot d’ordre dans leur Règle l’accueil du pauvre dans leurs monastères. Dans chaque monastère de l’ordre de saint Benoît, il y a une pièce pour l’accueil du pauvre.

    Saint François d’Assise († 1226) : le choix de la pauvreté

    Autre exemple encore , saint François d’Assise (†1226). Nous sommes alors à un tournant : la société se constitue en villes alors que, jusque-là , l’Europe était surtout constituée de petits villages. Les villes s’enrichissent grâce au commerce et par conséquent elles produisent aussi de grandes disparités sociales. François d’Assise va manifester au cœur de la ville riche le choix de la pauvreté. Il décide clairement de renoncer à tous ses biens et il se dédie à Dame Pauvreté. Le choix de la pauvreté est aussi, pour saint François, le choix de la solidarité. Sa vocation va être confirmée par sa rencontre avec le lépreux sur le chemin. Il embrasse le lépreux, et à partir de ce jour-là, il a compris que lui et ses frères, les frères mineurs, sont appelés à l’amour des pauvres.

    Sainte Julienne de Cornillon († 1258), maîtresse de l’hôpital de Cornillon, promeut la fête du Corps du Christ 

    A la même époque que saint François d’Assise, nous avons sainte Julienne de Cornillon. Sainte Julienne était directrice d’hôpital, l’hôpital de Cornillon à Liège, sur la route de Fléron, en direction d’Aix la Chapelle. Là, Julienne s’ingénie à accueillir les lépreux et autres malades dans une double communauté : une communauté d’hommes et une communauté de femmes malades, une communauté d’hommes et une communauté de femmes soignantes. En fait, quatre communautés : c’est la structuration d’un hôpital médiéval. Julienne va en tirer une mystique, la mystique du Corps du Christ et va en tirer l’idée qu’il faut une fête pour le Corps du Christ, la fête du Corps et du Sang du Christ. N’oublions pas que Julienne a d’abord soigné les corps des malades et, petit à petit, elle a découvert l’importance du Corps du Christ que nous recevons en communion. C’est ainsi qu’elle va réussir à convaincre l’évêque et plus tard même le pape d’instaurer une fête pour le Corps du Christ.

    Ombres et lumières

    Ce sont de grands noms, ce sont de grandes étapes, mais, bien sûr, il y a des ombres au tableau.

    Les grands monastères du Moyen Age ont des esclaves, en tout cas des serfs, des paysans qui ne pouvaient pas quitter les terres de leurs seigneurs et tous les seigneurs en avaient. Nous sommes dans une société inégalitaire, dans une société de privilèges où il y a trois ordres : le clergé, la noblesse et les corporations, le reste constituant le tiers état. Il y a donc une société inégale qui en partie certainement est victime d’injustices même si, ne l’oublions pas, chaque église paroissiale doit avoir une table des pauvres. A côté de la table de l’Eucharistie, chaque paroisse doit avoir une table des pauvres. C’est l’ancêtre du Centre Public d’Aide Sociale (CPAS) et, d’ailleurs, tout le patrimoine des tables des pauvres a été transféré aux CPAS. A Liège, le musée du CPAS nous montre encore des héritages remontant au XVe siècle.

    Pire encore, les Portugais et les Espagnols en faisant la navigation sur les côtes de  l’Afrique d’abord, en direction de l’Amérique ensuite, vont organiser le commerce des esclaves africains. Les Portugais vont faire des razzias en Guinée et importent des esclaves au Portugal ; plus tard, on va les conduire en Amérique. Donc les chrétiens ont pratiqué l’esclavage, qui est totalement injuste.

    Mais, il y a eu des réactions, notamment au XVIe siècle, au siècle de l’humanisme. L’humanisme du 16e s. a contribué à promouvoir la justice sociale.

    Erasme, par exemple, (1469-1536) mettait en valeur l’être humain, la valeur de l’être humain. Erasme le montre bien dans ses commentaires de l’évangile, les paraphrases. Chaque fois qu’il le peut, il fait apparaître la valeur humaine des attitudes de Jésus et des interlocuteurs de Jésus. Il va faire un célèbre poème intitulé Le silène. Le silène, d’après la mythologie grecque, c’est le plus affreux des êtres mais, en fait, ce plus affreux des êtres est celui qui a un cœur d’or, qui est en même temps le plus généreux. Alors, Erasme décrit le silène et à la fin dit : le vrai silène, c’est le Christ. Le Christ est affreux sur la croix et pourtant c’est lui le plus grand cœur d’or de l’humanité. Donc, il y a cette mise en valeur de l’humanité dans l’évangile par Erasme.A la même époque, Jean-Louis Vivès (1492-1540) fait un plan de lutte contre la pauvreté pour la ville de Bruges. La ville de Bruges était une des plus grandes villes de l’Occident et comptait un grand nombre de pauvres et Vivès procure à l’administration de la ville de Bruges un plan de lutte contre la pauvreté, un des premiers plans sociaux qui existe.

    On peut encore citer Thomas More (1478-1535), chancelier d’Angleterre, premier ministre, qui dans son livre célèbre, l’Utopie, imagine une ville parfaite, et dans cette ville parfaite, il n’y a pas de pauvreté, il y a le respect mutuel. Donc, au XVIe siècle, éclot cette promotion de l’humanisme vu non seulement sous l’angle religieux, à partir de l’interprétation évangélique, mais carrément étendu d’une manière philosophique à toute pensée humaine.

    4. Christianisme social et démocratie chrétienne, à Liège en particulier

    Le XIXe siècle se lance dans la fameuse « révolution industrielle ». Nous l’illustrerons en évoquant cette époque dans l’histoire liégeoise

    Liberté d’entreprendre et révolution économique

    Après la révolution française qui évacue la société inégalitaire de l’ancien régime, nous avons une deuxième révolution, une révolution économique qui découle de la première parce que, grâce à la liberté du commerce et de l’entreprise, on peut désormais lancer de grandes entreprises sans être freiné, comme autrefois, par le contrôle des corporations qui règlementaient l’activité économique. La suppression des corporations et des règlementations va donner libre cours à l’activité économique.

    Les inventions technologiques se succèdent, en particulier des procédés de fabrication de l’acier, une merveille incroyable puisqu’il s’agit d’un métal qui ne rouille pas et qui ne casse pas. Grâce à l’acier, on va pouvoir produire des pièces métalliques de grandes dimensions tels que les rails. L’acier est à la base d’une nouvelle société qui va de pair avec la découverte de la machine à vapeur. La machine à vapeur produit l’énergie, l’acier procure le « contenant », par exemple le chemin de fer. Ainsi pourra-t-on obtenir des constructions immenses telles que la Tour Eiffel, mais aussi les pianos dont les cordes sont en acier, et des milliers d’autres choses. Donc l’acier devient un véritable moteur de la société. Or l’acier est précisément fabriqué ici à Liège où John Cockerill s’installe avec le feu vert du roi des Pays-Bas et lance son entreprise sidérurgique. C’est très important. La sidérurgie constitue un véritable pilier de civilisation. Cela nécessite également une main d’œuvre importante.

    De toutes les campagnes environnantes, on vient travailler dans les mines qui produisent le charbon lequel alimente les hauts-fourneaux qui produisent l’acier et c’est alors qu’on met à l’ouvrage les enfants de quel qu’âge qu’ils soient, les femmes avec de petits salaires, les hommes avec des heures de travail immenses. On fabrique également du cristal au Val Saint-Lambert en alliant du verre avec du plomb. En 1843, les verreries du Val-S.-Lambert écrivent à ce sujet  : « Le travail des enfants étant nécessaire et ayant lieu simultanément avec celui des ouvriers adultes, il est tout-à-fait impossible d’apporter des changements au mode actuel. » Et la Chambre du commerce de Liège d’ajouter : « Nous avons remarqué bien des fois que l’enfant qui était entré dans un atelier, blême, languissant et déformé, y reprenait bientôt de la vie, de la gaîté et s’y redressait. »

    Il semblait donc qu’à l’époque on ne pouvait pas supprimer le travail des enfants. Et pourtant, cinquante ans plus tard, on va l’interdire. Pourquoi ? Parce que ce qui peut paraître comme une impossibilité sociale à un moment donné pourra devenir possible plus tard, grâce à la pensée de précurseurs, ceux qui ont pensé à l’avance.

    Dans notre région, beaucoup d’initiatives sociales furent prises dans ces années de 1830 à 1850. Il faut savoir que la révolution belge de 1830 a permis, elle aussi, une grande nouveauté : c’est la liberté d’association. Jusque-là, le régime hollandais mettait des freins à l’association et c’est ainsi que des communautés de religieux ou de religieuses ne pouvaient tout simplement pas exister. Interdiction des couvents jusqu’en 1830 ! Au contraire, la révolution belge va jusqu’au bout de ses principes libéraux et autoriser l’association. C’est ainsi que les communautés religieuses vont pouvoir exister. D’un seul coup on assiste à l’éclosion d’innombrables communautés religieuses qui vont se mettre au service des plus pauvres dans la société, qui vont se lancer dans l’enseignement des enfants sans argent et aussi celui des filles - ce qui était révolutionnaire, car jamais les filles n’avaient été envoyées à l’école. Mais voilà que les Filles de la Croix « inventent » (en forçant un peu la note) l’école pour filles. C’est en tout cas le premier grand moment de développement de l’école pour filles. Beaucoup d’initiatives se prennent alors sur le terrain, à partir de ce sentiment humaniste, et en particulier des « patronages » où les patrons vont patroner les apprentis, les guider.

    L’émergence de la pensée marxiste

    Mais, à un moment donné, ce mode d’approche sociale plutôt interpersonnelle va être critiqué par le monde socialiste et par l’émergence de la pensée marxiste (1848 : Manifeste du Parti Communiste de Karl Marx).

    Dans les années 1880, le Parti Ouvrier Belge (fondé en 1883) se développe ; à ce moment-là surgit donc un tout autre mode de pensée, une pensée qui, pour venir à bout des injustices sociales et de la pauvreté du prolétariat, prône la lutte des classes, la lutte des prolétaires contre les possédants, les capitalistes. Elle justifie cette lutte des classes par le matérialisme historique, c’est-à-dire la théorie selon laquelle l’histoire n’a jamais avancé que par la lutte des pauvres et des exploités, contre les puissants. Cela s’accompagne d’un athéisme convaincu, d’une condamnation du droit de propriété privée, en faveur d’une propriété collective. Avec cette vision des choses, on peut révolutionner la société, car on a des moyens à sa disposition : l’association ouvrière, c’est-à-dire le syndicat enfin permis grâce au droit d’association ; la coopérative de travail ou de consommation qui réunit des ouvriers devenant leurs propres patrons ; l’engagement politique, l’idée que tout devrait être contrôlé par des lois grâce au pouvoir politique.

    Ces trois outils (l’association ouvrière, la coopérative, l’action politique) vont être reconnus comme valables par les milieux chrétiens ; par contre la théorie (lutte des classes, matérialisme historique, propriété collective) est « imbuvable » d’un point de vue chrétien. On ne peut baser la vie en société sur la lutte des classes, c’est contraire à l’amour du prochain ; on ne peut pas refuser le droit à la propriété, c’est un droit naturel ; enfin on ne peut pas théoriser l’histoire comme un pur matérialisme puisque l’on croit à la dimension spirituelle. Donc, le marxisme socialiste a trois aspects complètement impossibles à digérer pour un chrétien mais trois outils assimilables pour des chrétiens.

    Une réponse chrétienne : l’école liégeoise de sociologie

    Qui va faire ce « tri » ? C’est « l’école liégeoise », aussi appelée « école liégeoise de sociologie » ou « de sciences sociales », dirigée par l’abbé Antoine Pottier, professeur au séminaire de Liège, avec l’appui actif de l’évêque, Mgr Doutreloux. Antoine Pottier réfléchit à partir de la pensée de saint Thomas d’Aquin. Dans saint Thomas, il lit notamment ceci : « il y a deux sortes de justice : la justice contractuelle et la justice générale. » La justice contractuelle est basée sur un contrat qui est juste, c’est-à-dire : un patron vient trouver un ouvrier et lui dit : « je t’engage et je te paie un franc, es-tu d’accord ? » L’ouvrier lui répond : « ce n’est pas beaucoup », mais le patron lui rétorque : « c’est à prendre ou à laisser, c’est un contrat ; si tu es d’accord, on tope là et je m’engage à respecter ce contrat. » C’est ce qu’on appelle la « justice contractuelle ». Le contrat est « juste » ; il est clair et les deux parties se sont mises d’accord. Mais il y a aussi la justice générale ; d’après saint Thomas, le raisonnement est le suivant : « l’être humain est né parce que Dieu a voulu qu’il naisse et nous sommes là, tous les êtres humains ; Dieu a voulu que nous naissions. Si un être humain est né, il a donc le droit de vivre. Sinon Dieu ne l’aurait pas fait naître. S’il a le droit de vivre, il a le droit de vivre décemment, sinon il ne peut pas vivre réellement. » Et s’il a le droit de vivre décemment, ajoute Antoine Pottier, il a le droit d’avoir un salaire juste. Cette étape supplémentaire ajoutée par l’abbé Pottier est justifiée de la manière suivante : à l’époque de l’agriculture, il n’y avait pas besoin de salaire ; chacun avait son jardin pour cultiver ce dont il avait besoin et vivre dignement, mais, quand on est dans une grande ville, il n’y a plus de jardin et il faut vivre de son salaire. Le salaire fait partie de la justice générale, fait partie du droit de vivre. Si le salaire juste fait partie du droit à la vie, qui va déterminer le salaire juste ? L’Etat.

    Donc, l’Etat doit légiférer sur un salaire juste. Ce raisonnement va s’appeler la « justice sociale ». C’est donc l’invention du concept de « justice sociale », dans les années 1880, à Liège et à Lille, contrées industrielles. Ce concept est fondamental parce que, grâce à ce raisonnement, Pottier rejoint un des « outils » des socialistes : l’action à travers l’Etat, chose qui jusque-là était impensable dans les milieux chrétiens, l’Etat n’étant pas censé s’occuper des affaires sociales : il n’y a pas de ministre du travail !

    À travers ce raisonnement de Pottier, on en conclut donc que les chrétiens ne doivent plus se contenter d’avoir des actions de charité dans leurs œuvres mais doivent, comme les socialistes, exiger de l’Etat la définition d’un salaire juste, des conditions de travail correctes, et éviter les abus, tel par exemple le travail des enfants. Bref, la législation sociale, pour Pottier, fait partie pratiquement de la loi naturelle, c’est une conséquence obligatoire de la loi naturelle qui est le droit de vivre.

    Naissance de la démocratie chrétienne

    Evidemment, ces idées vont heurter et on dira que l’abbé Pottier qui veut que l’Etat légifère en matière sociale est socialiste ; ne veut-il pas promouvoir cette idée non seulement par des tracts mais par des syndicats qui vont pousser à ce que l’Etat décide ? Et il faudra que ces syndicats soient poussés par des hommes politiques de leur bord. Donc, il faut que, dans le Parti Catholique, il y ait des personnes émanant des syndicats et qui puissent promouvoir une législation sociale. Ce mouvement syndicaliste va progressivement s’appeler « les syndicats chrétiens » et le mouvement politique « la démocratie chrétienne ».

    Grâce à cette fondation qui se fait progressivement aux alentours des années 1890, la Belgique va promouvoir une législation sociale à l’aide de la pression des syndicats et d’un personnel politique et ceux qui vont réaliser cela c’est exclusivement le Parti Catholique qui est au pouvoir de façon ininterrompue de 1884 à 1914, et non les socialistes qui n’arriveront au pouvoir qu’après la première guerre mondiale.

    Toute la législation sociale belge de base est due aux catholiques. Mais les catholiques se sont inspirés des socialistes. Ils ont pris aux socialistes leurs idées de syndicat, d’investissement politique, de bien commun, ou plutôt ils ont transformé l’idée de propriété collective en idée du bien commun. Il y a donc eu une influence mais en même temps un tri et à partir de là on comprend pourquoi il y a des syndicats chrétiens, parce que être syndicaliste en 1890, si c’était du côté socialiste, c’était complètement impossible et contradictoire du côté du christianisme : vous deviez être pour la lutte des classes, pour l’abolition de la propriété privée, etc. Mais par contre, le syndicat chrétien voit les choses autrement et donc, par le fait du syndicat chrétien, la justice sociale devient une ligne de faîte.

    Développement de la doctrine sociale de l’Eglise

    Cette idée va alors être généralisée par le pape Léon XIII dans l’encyclique Rerum Novarumen 1891, Léon XIII qui connaissait très bien l’expérience liégeoise car il avait été nonce à Bruxelles. Il prône donc la fondation d’associations professionnelles, entre autres de syndicats, afin de défendre les ouvriers. Il prône le bien commun, et pas seulement la richesse individuelle. On admet la propriété privée, mais elle doit être équilibrée par la recherche du bien commun et par l’usage social de la propriété. L’Etat doit promouvoir la prospérité pour tous. Cela semble banal mais cela ne l’est pas ; c’est la première fois que l’on affirme que l’Etat est en charge de la justice sociale. Donc, cette idée que l’Etat devait tout contrôler, elle venait des socialistes ; le pape la reprend mais en la compensant par le droit de propriété. Donc, grâce à l’encyclique Rerum Novarum de Léon XIII, cette grande évolution de l’engagement social des chrétiens, de la doctrine sociale des chrétiens est devenue universelle. Evidemment, le pape ajoute que l’Etat doit promouvoir un salaire juste et travail humain. Il s’inscrit en faux contre la lutte des classes mais favorise le droit d’association.

    Par cette encyclique, par le travail de Pottier et d’autres démocrates chrétiens, certaines intuitions socialistes sont passées dans le monde chrétien et grâce à cela sont devenues des réalités légales en Belgique et il faut savoir que les socialistes ont mis un bémol à leurs revendications de base, à savoir le « pas de propriété privée » qui est mis au frigo, le contrôle de l’Etat est également mis au frigo et la lutte des classes ne sera plus affirmée qu’avec beaucoup de précautions. Il y a influence réciproque et c’est cela qui va permettre à nos sociétés d’avoir un grand engagement social à partir du XXe siècle.

    Sans s’attarder sur le développement ultérieur de la démocratie chrétienne, on peut insister sur l’éclosion des mouvements d’action catholique, en particulier la JOC, Jeunesse ouvrière chrétienne, fondée par Joseph Cardijn, prêtre de Bruxelles. Là, c’est l’idée qu’il ne suffit pas d’avoir des superstructures, syndicats, relais politiques, mais qu’il faut qu’à la base l’être humain soit éduqué et donc l’ouvrier doit être accompagné : jeunesse ouvrière chrétienne. Elle donnera un lieu de formation permanente à des jeunes du monde ouvrier et les préparera à leur action sociale future. Non seulement c’est nouveau au niveau du concept car on réunit des gens sur la base de leur classe sociale, ouvrière, et non sur la base de leurs paroisses. Donc, c’est nouveau d’un point de vue interne à l’Eglise, mais c’est nouveau aussi en tant qu’association non territoriale, n’étant plus basée sur la paroisse mais sur un objectif social.

    C’est ainsi que, plus tard, les papes vont préciser la doctrine sociale de l’Eglise : pour le quarantième anniversaire de Rerum Novarum, Pie XI publie Quadragesimo anno, en 1931, au moment le plus grave de la grande crise initiée par le crash de Wall Street en 1929.  Jean XXIII écrira Mater et magistra en 1961. Le Concile Vatican II, dans la constitution Gaudium et spes, va reprendre les différents éléments dont il fait un peu la théorie, la théologie complète, avec la notion de dignité de la personne humaine, le sens de la justice sociale et il y ajoutera la question du développement des peuples, en particulier des nations pauvres. Paul VI reprend ce sujet dans Populorum progressio(1967). Jean-Paul II rédige trois encycliques sociales : Laborem exercens (pour les 90 ans de Rerum Novarum, en 1981) où il insiste sur la valeur et le sens du travail, lui qui avait été travailleur, Sollicitudo rei socialis (1988), Centesimus annus(pour les 100 ans de Rerum Novarum, en 1991) dans laquelle, pour la première fois, un pape se prononce en faveur de la licéité du système capitaliste, car jusque-là la notion de libéralisme sous-jacente au système capitaliste était condamnée par l’Eglise, parce que le libéralisme suppose la liberté absolue et que, pour l’Eglise, la liberté absolue implique de méconnaître le mal, c’est la liberté de faire le mal et ce n’est pas possible. Donc l’Eglise a toujours été méfiante à l’égard du libéralisme et en particulier quand elle a vu les méfaits du libéralisme économique. Elle pensait aussi au libéralisme idéologique. Mais Jean-Paul II, ayant vécu dans un contexte communiste et ayant vu les catastrophes sociales du communisme, dit : « on ne peut pas chercher une troisième voie ; l’économie fonctionne avec le profit, c’est normal ; il faut donc reconnaître la licéité du système capitaliste libéral tout en le corrigeant par les notions de bien commun, du contrôle légal, de la justice sociale, etc. ». Benoit XVI a écrit Caritas in veritatedans laquelle il met l’accent sur l’engagement personnel des croyants, du chrétien de sensibilité sociale, c’est-à-dire que Benoît XVI insiste sur le fait qu’il ne suffit pas de donner une contribution à une collecte mais il faut avoir aussi un engagement personnalisé.

    Et voilà que notre nouveau pape, François, nous adresse aujourd’hui cette exhortation apostolique Evangelii Gaudium. Voici quelques titres de certains paragraphes : « non à une économie de l’exclusion », donc une économie qui exclut les pauvres, c’est un grand thème cher au pape, ce qu’il appelle avec un terme inhabituel chez nous « l’idéologie du déchet », c’est-à-dire de l’être humain qui est jeté, celui dont on a utilisé le travail à moment donné et que l’on met au chômage ensuite : il est jeté. Le pape critique donc cette culture du déchet qui résulte d’une recherche de la rentabilité. Autre paragraphe : « Non à la nouvelle idolâtrie de l’argent » ; François y est très sensible, il parle même de « crise anthropologique profonde ». A cause de la prédominance du souci de l’argent, nous avons renié le primat de l’être humain, nous avons créé de nouvelles idoles. Cette orientation anthropologique réduit l’être humain à un seul de ses besoins : la consommation. Autre paragraphe : « Non à l’argent qui gouverne au lieu de servir » ; en ce sens, dit-il « j’exhorte les experts financiers et les gouvernements des différents pays à considérer sérieusement les paroles d’un sage de l’Antiquité : ne pas faire participer les pauvres à ses propres biens, c’est les voler et leur enlever la vie. (Jean Chrysostome) ». Faire « une réforme financière qui n’ignore pas l’éthique demanderait un changement vigoureux d’attitude de la part des dirigeants politiques. Je les exhorte à affronter ce défi avec détermination et clairvoyance. L’argent doit servir et non pas gouverner ». Autre titre : « Non à la disparité sociale qui engendre la violence ». Là nous sentons l’homme qui a été dans les grandes banlieues des métropoles latino-américaines où sévissent les fameuses bandes de jeunes qui assaillent les gens. C’est donc l’insécurité totale à cause de ces bandes de jeunes vivant souvent de la drogue et qui assassinent à tort et à travers, mais le pape dénonce la disparité sociale qui est à la base de cette violence. Et enfin : « la place privilégiée des pauvres dans le peuple de Dieu ». Il reprend là des thèmes développés dans la première partie de cet exposé. Il propose une économie avec une redistribution des revenus. Voilà : on retrouvera dans cette Exhortation apostolique des pages consacrées à cette dimension sociale très précise qui tient tout particulièrement chère au cœur de notre nouveau pape, avec beaucoup de précision sur certains concepts, notamment le concept d’être humain « jeté », de l’argent qui domine tout…

    Avec cela, je crois que je dispose d’une conclusion toute préparée, je n’aurais pu rêver mieux en préparant cette conférence. Le texte n’est arrivé qu’aujourd’hui à midi et je suis heureux de pouvoir vous le proposer. Merci de votre attention.

    ______________

     Quelques références bibliographiques sur le sujet :

    •Jean-Pierre Delville, Martin de Tours. Du légionnaire au saint Évêque, Edition Basilique Saint-Martin et MARAM, 184 p., Liège, 1994 (direction scientifique).

    •Jean-Pierre Delville, Fête-Dieu (1246-1996). 2. Vie de  sainte Julienne de Cornillon. Édition critique par •Jean-Pierre DELVILLE, Publications de l'Institut d'Études Médiévales, 282 p., Louvain-la Neuve, 1999.

    •Jean-Pierre Delville,Réseaux démocrates chrétiens et appuis pontificaux. L’action de Mgr Antoine Pottier (1849-1923) à Rome, sous Léon XIII et Pie X, dans La papauté contemporaine (19e-20e s.) – Il papato contemporaneo (Secoli XIX-XX), Jean-Pierre Delville et Marko Jacov (éd.), avec la collaboration de L. Courtois, Françoise Rosart et Guy Zélis (Collectanea Archivi Vaticani, 68 – Bibliothèque de la Revue d’histoire ecclésiastique, 90), Rome - Louvain-la-Neuve, juin 2009, p. 195-228. — Jean-Pierre Delville, Un intellectuel au cœur de la question sociale : Mgr Antoine Pottier à Rome de 1905 à 1908, dans Dries Vanysacker, Pierre Delsaerdt, Hedwig Schwall et Jean-Pierre Delville (éd.), The quintessence of lives. Intellectual Biographies in the Low Countries presented to Jan Roegiers, (Bibliothèque de la RHE, 91), Leuven-Turnhout-LLN, 2010, p. 445-468. — Jean-Pierre Delville, Antoine Pottier (1849-1923), le « docteur de la démocratie chrétienne » : ses relations internationales jusqu’à son exil à Rome (1902), dans G. Zélis, (éd.), Les intellectuels catholiques en Belgique francophone aux 19e-20e siècles, Louvain-la-Neuve, Academia Bruylant, 2010, p. 209-260.

    •Paul Gerin, Les origines de la Démocratie chrétienne à Liège (Études sociales 14 à 17), Liège-Paris, 1958, p. 6 •Paul Gerin, Catholiques liégeois et question sociale (1833-1914) (Cahiers des Études sociales), Bruxelles, 1959.

    •Paul Gerin, L’abbé Antoine Pottier, un maître à penser et à suivre, dans Grand Séminaire de Liège. 1592-1992, éd. par J.-P. Delville, Liège, 1992, p. 149-168.

    •Paul Gerin, Les prêtres ouvriers, dans Liège, Histoire d’une Église, 4, éd. par J.-P. Delville, Strasbourg, 1995, p. 35-36.

    •Paul Gerin, Banneux Notre-Dame, dans Liège, Histoire d’une Église, 4, éd. par J.-P. Delville, Strasbourg, 1995,

    •Jean-Louis Jadoulle, La pensée de l’abbé Pottier (1849-1923). Contribution à l’histoire de la Démocratie chrétienne en Belgique, Louvain-la-Neuve, 1991. –

    •René Rutten, Histoire critique des apparitions de Banneux, Namur, 1985.

    •Een kantelend tijdperk. Une époque en mutation (1890-1910), éd. par Emiel Lamberts, Kadoc, Leuven, 1992.

    •La jeunesse ouvrière chrétienne : Wallonie-Bruxelles 1912-1957,Bruxelles, Vie ouvrière, 1990.

     

    Prochain lunch débat: 

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    Le 12 mars 2014 à 18h00, Université de Liège, bâtiment du Rectorat, salle des professeurs, Place du XX août, 7, 1et étage :

    Ecologie de la nature et écologie de l’homme

    Une réflexion à la lecture du discours du pape Benoît XVI au Bundestag (Berlin, septembre 2011) 

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    avec Jean-Michel Javaux, ancien co-président du parti Ecolo

    Le débat sera modéré par Paul Vaute, chef d’édition de "La Libre Belgique-Gazette de Liège" 

    Renseignements et inscriptions (réservations obligatoires avant le 7 mars) :

    par email adressé à info@ethiquesociale.org ou par téléphone. 04.344.10 .89

     

     

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  • Une initiative bienvenue de Monseigneur André-Joseph Léonard

    Ce 14 février 2014, Mgr André Léonard, archevêque de Malines-Bruxelles, a ordonné trois diacres pour la Fraternité des Saints Apôtres. Ce nouvel institut, inspiré par l’abbé Michel-Marie Zanotti-Sorkine, curé des Réformés à Marseille, a été reconnu par Mgr André Léonard le 6 avril 2013. À l’heure où la nouvelle évangélisation apparaît comme un besoin pressant, le primat de Belgique donne donc à son pays (et bientôt à la France ?) une communauté missionnaire nouvelle placée sous le patronage des apôtres qui convertirent les foules après le trépas et la résurrection de notre Seigneur Jésus-Christ.

    L’ordination diaconale a eu lieu en la basilique du Sacré-Cœur à Koekelberg. Avec une vingtaine de prêtres et un concours nombreux de fidèles, Mgr André Léonard a ordonné diacres les trois premiers frères. Ceux-ci sont rattachés au diocèse de Malines-Bruxelles, avec leur charisme propre. Treize autres séminaristes suivent actuellement leur formation sacerdotale dans les séminaires de Namur et Louvain en vue de rejoindre la Fraternité des Saints Apôtres.

     

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    Référence ici : Ordinations diaconales pour la Fraternité des Saints Apôtres

    Après la reconnaissance canonique de la Fraternité Saint-Thomas Becket, accordée par Mgr Léonard en 1995, alors qu’il était évêque à Namur, voici donc aujourd’hui celle des Saints-Apôtres : pour sa re-christianisation, la Belgique a besoin de ce type de communautés nouvelles comme de pain.  

  • Euthanasie : L’enfant face au choix ?

    LLC.jpgLe  texte reproduit ci-dessous était destiné à « La Libre Belgique » qui, à ce jour, n’a pas donné signe de vie. Son auteur, Louis-Léon Christians, est docteur en droit et docteur en droit canonique. Professeur à la faculté de théologie de l’université catholique de Louvain (Louvain-la-Neuve), il dirige la chaire de droit des religions. L’auteur s’exprime ici à titre personnel :

    « A l’avant plan, un commun sentiment de révolte contre la douleur, et une solidarité avec les enfants en grande souffrance et leurs familles. Mais à l’arrière‐plan, on découvrira aisément un combat idéologique, dont les enfants eux-mêmes ne seront plus, pour certains, qu’un prétexte. Comment croire que le corps médical ait été jusqu’à présent impassible à la douleur d’enfants malades incurables en fin de vie? Qui pense réellement qu’une loi soit nécessaire pour changer l’engagement  des médecins dont l’éthique et la déontologie sont des balises bien plus dignes et bien plus constructives qu’une bureaucratie légale ?

    Qu’il faille poursuivre des abus éventuels, nul n’en doute. Faut-il pour cela tellement déconsidérer les capacités de l’humanisme médical? En réalité, là n’est pas l’enjeu. Evoquer la souffrance de l’enfant et sa mort, tend à devenir chaque jour davantage une simple rhétorique. Un pathos qui conduit à peu de frais à enfermer la position adverse dans le rôle de l’infâme.

    Au-delà de ce constat, nous souhaiterions évoquer un drame plus profond qui semble s’ouvrir. Il tient à un aveuglement facile et trompeur sur le concept de liberté et à un tri de plus en plus arbitraire entre les verdicts publics de vulnérabilité ou d’autonomie.

    On évoque la liberté dont l’enfant souffrant pourrait bénéficier et le choix qu’il pourrait faire de recevoir une dose létale. On souligne combien les enfants souffrants seraient plus matures que ceux qui, en bonne santé, n’ont d’autres soucis que de vivre paisiblement. Liberté et maturité, tel serait ce qu’apporte la loi à un enfant souffrant. Lui, qui, en pleine santé, ni n’est mature, ni libre, même dans le cadre de la Convention des Nations-Unies sur les droits de l’enfant.

     Mais la question est plus dure encore. On évoque le petit nombre d’enfants qui ont demandé la mort dans le cadre de la loi hollandaise. C’est oublier que la loi assure également une totale mutation symbolique, qui concerne nécessairement la généralité des enfants en fin de vie, et plus encore l’universalité des enfants qui pourraient se projeter dans un avenir de souffrance.

    Face à un choix « offert», une obligation est posée: celle de prendre une décision. Chaque enfant ne fera pas choix de la mort, mais chaque enfant sera confronté à ce choix. Jamais plus la vie ne sera acquise, malgré la souffrance ou son atténuement. Chaque jour deviendra hypothétique, suspendu à un acte de choix, à prendre ou ne pas prendre. Comment échanger encore un regard sans que la loi ne vienne rappeler qu’un «autre choix» est possible ? On a évoqué les enjeux économiques de telles décisions. L’avenir sera juge. Mais plus encore c’est la façon dont l’enfant va s’imaginer dans les yeux d’autrui qui va devenir une charge nouvelle de sa vie si difficile déjà. Il est mûr a-t-on proclamé. Il suffit d’un accord des parents. A-t-on oublié que le Parlement a adopté il y a peu une loi sur l’abus de vulnérabilité qui permet de «protéger» les victimes de déstabilisation psychologique, mêmes majeures ?A-t-on oublié la formule historique de Lacordaire: «Entre le fort et le faible, entre le riche et le pauvre, entre le maître et le serviteur, c'est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit».

    Ni la réalité de la souffrance, ni la dignité médicale ne sauraient être transformées par une loi. En revanche, la vie morale de l’ensemble des enfants hospitalisés serait confrontée à une nouvelle obligation: celle de choisir, à chaque seconde.

    Le courage éthique du médecin n’est-il pas un choix plus honorable que de mettre à charge de chaque vie d’enfant le poids psychologique d’une «option» de vie ou de mort ?

    Louis-Léon Christians

    6 FEVRIER 2014 

    Rappelons qu’à la suite de Mgr Léonard, l’évêque de Liège recommande à ses diocésains un geste spirituel de protestation contre l’extension de la loi belge sur l’euthanasie aux mineurs d’âge  Le vote de cette extension est prévu le jeudi 13 février prochain à la chambre des députés fédéraux.

     Mgr Delville invite les fidèles à jeûner et prier ensemble à la cathédrale Saint-Paul le mardi 11 février à 18 heures.

    Signalons aussi qu’à cette intention, on peut également visiter à Liège ce jour-là le Saint-Sacrement exposé comme tous les mardis de 17h à 19h  à l’église du même nom (Bd d’Avroy, 132, face à la statue de Charlemagne).  Un prêtre y est aussi disponible à partir de 17h pour ceux qui souhaitent recevoir le sacrement de pénitence

     JPSC

  • Jeûne et prière contre la proposition de loi d'euthanasie des mineurs: le diocèse de Liège emboîte le pas à l'archevêché de Malines-Bruxelles

     

    media_xll_6392425.jpgDieu notre Père, c’est avec grande confiance que nous nous tournons vers Toi au moment où notre pays risque de se doter d’une législation élargissant, dans certaines conditions, la possibilité de l’euthanasie aux mineurs d’âge. Confrontés aux graves dérives qu’une telle loi peut entraîner dans son sillage, nous te supplions d’éclairer nos consciences et celles de tous nos concitoyens et de nos responsables politiques. Ne permets pas que, par une nouvelle transgression de l’interdit de faire mourir une personne innocente, une porte s’ouvre encore plus largement, que plus personne ne pourra refermer. Fortifie en nous et chez nos concitoyens cet amour, plein d’imagination et de tendresse, qui trouve d’autres solutions pour rencontrer la douleur rebelle et la profonde détresse de nos frères et sœurs souffrants, nous t’en prions, Seigneur.

     Voilà une intention de prière, rédigée par Mgr Léonard et ses auxiliaires, qui concerne les églises de l’(archi)diocèse de Malines Bruxelles. Mais, il n’est pas interdit aux autres de s’en inspirer.

    Bien plus: par la voix de son évêque, Mgr Delville, le diocèse de Liège informe qu'il a images (10).jpgdécidé de s'associer pleinement à l'ensemble de la démarche initiée par l'archevêché: outre un appel au jeûne, une veillée de prière sera organisée à la cathédrale Saint-Paul de Liège le mardi 11 février à 18 h. Chaque communauté est, en outre, invitée à organiser une prière à cette fin (proposition à télécharger sur le site de l’évêché) ou à insérer une intention de prière (idem, proposition à télécharger) à ce sujet dans la prière universelle des messes dominicales, les week-ends des 1,2 8 et 9 février

     

    Plus de détails ici, Euthanasie des mineurs : le diocèse de Liège priera et jeûnera le 11 février

     

     

  • Fête de la Chandeleur: dimanche 2 février 2014

    EGLISE DU SAINT-SACREMENT
    Boulevard d’Avroy, 132 à Liège
     

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    DIMANCHE 2 FEVRIER 2014

    FÊTE DE LA CHANDELEUR

    Présentation de Jésus au Temple et purification de Marie 

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    Cette fête est une des plus anciennes, sinon la plus ancienne des fêtes mariales. Célébrée à Jérusalem dès le IVsiècle, la fête de la Purification passa ensuite à Constantinople, puis à Rome, où on la trouve au VIIe siècle, associée, le 2 février, à une procession qui semble être antérieure à la fête de la Vierge. Plusieurs mélodies du graduel romain encore en usage pour cette solennité sont manifestement d’origine byzantine.

     

    10 heures, bénédiction et distribution des cierges suivies de la messe en grégorien (missel de 1962) 

    Antienne « Lumen ad revelationem gentium », Propre de la messe « Suscepimus », Kyriale IX « cum jubilo » (XIIe s.), chantés par la schola grégorienne. A l’orgue : Patrick Wilwerth, professeur au conservatoire de Verviers

     

    11h15, bénédiction et distribution des cierges suivies de la messe en français (missel de 1970) 

    Antienne « Lumen ad revelationem gentium » et chants de la « messe des anges » A l'orgue, Mutien  Omer Houziaux,  et au violoncelle Octavian Morea.

    05.jpgLes chrétiens sont toujours en fête ; ils ont pour chaque jour du calendrier un nouveau motif de se réjouir de la bonté et de la beauté de la création, chaque jour une bonne raison de fêter la puissance de la grâce du Christ. La Chandeleur est une de ces nombreuses fêtes qui émaillent le cycle de l'année liturgique. Et ces fêtes sont bien réelles ; elles ne sont pas de simples inventions de croyants, car la création est réellement très belle et les œuvres de la grâce encore plus belles.

    En cette fête de la Chandeleur, on porte un cierge en procession, symbole de la vraie lumière qui luit dans les ténèbres. Les visages se trouvent ainsi irradiés, des plus jeunes aux plus anciens, de toutes conditions, par ces flammes vacillantes qui pourtant éclairent et réchauffent.

    Le vieillard Siméon a porté, lui aussi, sa bougie ; c'était la Lumière du monde, et son âme en fut toute illuminée. Comme le chante l'alleluia de la messe de ce jour : « Le vieillard portait l'enfant, mais c'est l'enfant qui conduisait le vieillard » !  L'Esprit Saint ne lui avait-il pas promis qu'il ne mourrait pas sans avoir vu l'Oint du Seigneur ? Alors il avait attendu toute sa vie… confiant en la promesse.

    L'attente de ce fils d'Israël apparaît ainsi comme une dimension intérieure au christianisme, face au mystère qui attend sa révélation ultime. Il y a en chacun de nous un Siméon qui attend. Ah ! Si seulement nous avions pu voir quelle joie pétillait dans les yeux de ce vénérable vieillard quand il sut que l'enfant qu'il tenait dans ses bras était l'Envoyé du Seigneur ! Mais peut-être la verrons-nous, cette joie, sur un visage illuminé, pendant la procession aux flambeaux ? Une simple bougie peut-elle éclairer autant un visage ? Assurément, un mystère est là, au cœur de cette flamme, qui nous attire, nous illumine et nous réchauffe.Réf. ici  Chant grégorien au Thoronet : antienne de procession pour la Chandeleur

     

    « Daigne, Seigneur, faire briller de la lumière de la bénédiction céleste ces cierges que nous, tes serviteurs, désirons porter rutilants de lumière : en sorte que dignes nous-mêmes de t'en faire l'hommage, nous méritions d'être aussi présentés dans le temple sacré de ta gloire ». (bénédiction des cierges)

     Antienne "Lumen ad revelationem gentium":

  • Vient de paraître : Vérité et Espérance/Pâque Nouvelle, 4e trimestre 2013

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    SOMMAIRE

    Editorial : Une Parole dans la nuit 

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    Liturgie : embrouilles sur la traduction du « Notre Père »

    « Evangelii gaudium » : le pape François persiste et signe

    Europe : le Parlement rejette le « rapport Estrela »

    Belgique : la culture de mort se porte bien

    Des bourgeons sous la neige ? 

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    Projet d’amour fou : le tout-puissant se fait tout-petit

    Esotérisme et mystère chrétien

    L’Eglise et les personnes divorcées remariées

     

    Secrétaires de Rédaction : Jean-Paul Schyns et Ghislain Lahaye

    Editeur responsable: SURSUM CORDA a.s.b.l. ,

    Vinâve d’île, 20 bte 64 à B- 4000 LIEGE.

    La revue est disponible gratuitement sur simple demande :

    Tél. 04.344.10.89  e-mail : sursumcorda@skynet.be 

    Les dons de soutien sont reçus au compte IBAN:  BE58 0016 3718 3679   BIC: GEBABEBB de Vérité et Espérance 3000, B-4000 Liège

     

  • L’Eglise et les personnes divorcées remariées

    divorces.jpgLe pape François a convoqué un synode sur la famille pour l’automne 2014. On y traitera notamment de la délicate question des personnes divorcées-remariées et de leur accès à l’Eucharistie.

    A ce sujet, Mgr Gerhard Ludwig Müller, préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, a rappelé dans un article récent (Osservatore Romano du 23-10) la position de l’Eglise. Comme le signale Cathobel, il a pris cette initiative avec l’autorisation du pape. Le contraire eut été étonnant.

    Les personnes divorcées-remariées souffrent. Beaucoup veulent vivre sincèrement leur foi. Pour ce faire, elles ont droit à ce que les représentants de l’Eglise les aident à se situer dans la vérité. Celle-ci est double : d’une part, l’existence d’une blessure objective et, d’autre part, la révélation de la miséricorde inépuisable et du pouvoir infini de guérison de Dieu. Les deux vérités sont inséparables, car, pour guérir d’une blessure, il faut d’abord en reconnaître l’existence.

    Qu’a dit Mgr Müller ?

    Dans un texte à la fois nuancé et bien argumenté, l’archevêque commence par rappeler l’exégèse communément admise de l’Ecriture, la Tradition constante de l’Eglise ainsi que les prises de positions doctrinales les plus récentes sur la question. Plus loin, il évoque aussi les appels répétés des papes pour ne pas exclure les personnes divorcées-remariées de la communion de l’Eglise.

    Il rappelle bien entendu aussi le noyau du problème soulevé par l’état de divorcé-remarié (je dis bien « l’état », c’est-à-dire la situation objective, sans présumer des dispositions du cœur qui, à un moment du cheminement de la foi, peuvent se révéler bien meilleures que celles de beaucoup d’autres chrétiens). On pourrait le résumer ainsi : si l’on désire recevoir l’Eucharistie, c’est que l’on croit fermement à la parole de Jésus « Prenez et mangez, ceci est mon corps » et « Buvez-en tous, car ceci est mon sang, le sang de l’alliance, répandu pour beaucoup en rémission des péchés » (Mt26, 26-28) ; mais alors il faut croire tout aussi fermement cette autre parole du Seigneur, à propos du mariage : « Ainsi ils ne sont plus deux, mais une seule chair. Que l’homme ne sépare donc pas ce que Dieu a uni ! » (Mt 19, 6). Le sacrement du mariage est le signe efficace qui inscrit les conjoints dans une alliance qui les habilite à être fidèles, l’alliance « nouvelle et éternelle » du Christ et de l’Eglise, son Epouse, alliance qui est précisément célébrée dans chaque Eucharistie.

    Une réalité nouvelle

    Dans Familiaris Consortio, une exhortation apostolique de 1981, fruit d’un synode desS357.jpg évêques, Jean-Paul II, au n. 68, se posait la grave question de savoir si l’on pouvait accorder la célébration d’un mariage chrétien à qui ne vit pas la foi (et dont la demande répond par exemple à des motivations de caractère social). S’appuyant sur le droit fondamental au mariage et sur le fait que, pour un catholique, il n’y a pas de mariage en dehors du sacrement, le pape considérait que la simple demande du sacrement traduisait le minimum de foi nécessaire. Cette attitude manifeste la sollicitude maternelle de l’Eglise pour tous ses fidèles.

    Mais, chaque jour davantage, l’ignorance morale et religieuse se généralise, la notion de mariage est contredite par la pratique d’un grand nombre et battue en brèche par certaines législations.

    Dans ce contexte, de plus en plus de jeunes demandent le mariage chrétien, non seulement avec une foi déficiente, mais aussi avec une méconnaissance profonde des propriétés essentielles du mariage. En d’autres mots, ils vont au mariage sans savoir de quoi il s’agit.

    Ce constat et ses conséquences constituent, à mon sens, le point central de l’article de Mgr Müller : « La mentalité contemporaine se place largement en opposition à la compréhension chrétienne du mariage, notamment par rapport à son indissolubilité ou à l’ouverture à la vie. Étant donné que beaucoup de chrétiens sont influencés par cette mentalité, les mariages sont probablement plus souvent invalides de nos jours qu’ils ne l’étaient par le passé, parce que manque la volonté de se marier selon le sens de la doctrine matrimoniale catholique et que la socialisation dans le contexte vivant de foi est trop réduite. C’est pourquoi une vérification de la validité du mariage est importante et peut conduire à une solution de problèmes. »

    Il ne fait que relayer un souci déjà exprimé par Benoît XVI, partagé sans doute aussi par François : « Il faut œuvrer afin que s’interrompe, dans la mesure du possible, le cercle vicieux qui a souvent lieu entre une admission facile au mariage, sans une préparation adéquate et un examen sérieux des qualités prévues pour sa célébration, et une déclaration judiciaire parfois tout aussi facile, mais de sens inverse, où le même mariage est considéré nul uniquement sur la base de la constatation de son échec » (discours à la Rote Romaine, 22-1-11).

    Les voies de solution

    VanderWeydenmariageAnvers.jpgCes deux textes évoquent deux voies de solution. La première est « curative » : pour ceux qui ont eu recours au divorce, il faut, comme le dit Mgr Müller, examiner s’ils sont vraiment mariés. Si leur mariage est nul, leur divorce est inexistant et ils peuvent, dûment préparés, se marier à l’Eglise et bien évidemment recevoir l’Eucharistie. Il ne faut pas cacher que cette voie entraîne un défi, celui de prouver, devant le tribunal ecclésiastique, que manquait le discernement concernant les propriétés essentielles du mariage au moment de sa célébration. C’est sans doute l’une des questions qui sera abordée par le synode sur la famille convoqué par le pape François pour l’automne 2014.

    La deuxième voie est « préventive » et est évoquée par Benoît XVI dans le discours déjà cité. Il y rappelle la nécessité de veiller à ce que les jeunes soient pleinement conscients des caractéristiques essentielles du mariage, à savoir qu’il s’agit de l’union d’un homme et d’une femme pour toujours et ouverte à la vie, et de favoriser leur retour à une foi vivante. Pour ce faire, il signale l’importance fondamentale d’une préparation sérieuse au mariage et de l’examen prématrimonial réalisé par le curé. 

    Il y a ici un splendide défi pour les prêtres et les laïcs : « Le mariage sacramentel est un témoignage de la puissance de la grâce qui transforme l’homme et prépare toute l’Église pour la cité sainte, la nouvelle Jérusalem, l’Église, prête “comme une épouse parée pour son époux” (Ap 21, 2). L’Évangile de la sainteté du mariage doit être annoncé avec une audace prophétique. Un prophète fatigué cherche dans l’adaptation à l’esprit du temps son propre salut, mais pas le salut du monde en Jésus-Christ. (…) En vertu du sacrement du mariage, les époux participent à l’amour définitif et irrévocable de Dieu. Aussi peuvent-ils être des témoins de l’amour fidèle de Dieu, mais ils doivent nourrir constamment leur amour à travers une vie de foi et de charité. » (Mgr Müller).

    L’archevêque rappelle bien entendu aussi « les situations dans lesquelles la coexistence matrimoniale devient pratiquement impossible à cause de graves motifs » et qui peuvent justifier une séparation, sans rupture du lien conjugal.

    Loin de constituer une « ouverture doctrinale », comme préconisé par certains, les voies de solutions évoquées confirment la doctrine de toujours face à un monde changeant. Du reste, les « ouvertures doctrinales », en théologie catholique, ne naissent pas tant des idées personnelles des théologiens que de l’ouverture du cœur et de l’intelligence à la parole de Dieu, dont « la Tradition sacrée et la Sainte Écriture constituent l’unique dépôt sacré (…) qui ait été confié à l’Église » et au service duquel se place le Magistère qui « écoute pieusement la parole, la garde religieusement, l’explique fidèlement, et puise dans cet unique dépôt de la foi tout ce qu’il nous propose à croire comme étant divinement révélé » (Concile Vatican II, constitution dogmatique Dei Verbum, 10). 

    Abbé Stéphane Seminckx

    Source : didoc.be

    ___________ 

    Le texte de l’article de Mgr Müller peut être lu sur le site web du Vatican (http://www.vatican.va/roman_curia/congregations/cfaith/muller/rc_con_cfaith_20131023_divorziati-risposati-casramenti_fr.html)

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    Extrait :

    …dans chaque célébration de la Messe les fidèles sont tenus de s’examiner dans leur conscience s’il est possible de recevoir la Communion, ce à quoi s’oppose toujours un péché grave non confessé. Ils ont donc l’obligation de former leur conscience et de l’orienter selon la vérité ; ce faisant, ils obéissent également au magistère de l’Église, qui les aide « à ne pas dévier de la vérité sur le bien de l’homme, mais, surtout dans les questions les plus difficiles, à atteindre sûrement la vérité et à demeurer en elle » (Jean-Paul II, Lettre encyclique Veritatis splendor, n. 64).

    Lorsque des divorcés remariés sont subjectivement convaincus dans leur conscience qu’un précédent mariage n’était pas valide, cela doit être objectivement démontré par les tribunaux compétents en matière matrimoniale. En effet, le mariage ne concerne pas seulement le rapport entre deux personnes et Dieu ; il est aussi une réalité de l’Église, un sacrement, sur la validité duquel l’individu ne décide pas pour lui-même, mais l’Église, dans laquelle il est incorporé par la foi et le baptême. « Si le mariage précédent de fidèles divorcés et remariés est valide, leur nouvelle union ne peut être considérée en aucune circonstance comme conforme au droit et donc, pour des motifs intrinsèques, la réception des sacrements n’est pas possible. La conscience de chacun est liée, sans exception, par cette norme » (Card. Joseph Ratzinger, La pastorale du mariage doit se fonder sur la vérité, L’Osservatore Romano. Édition hebdomadaire en langue française, 8 décembre 2011, p. 5).

    La doctrine de l’epicheia, selon laquelle une loi est certes valable en termes généraux, mais ne recouvre pas toujours adéquatement l’agir humain concret, ne peut pas non plus être appliquée dans ce cas, car l’indissolubilité du mariage sacramentel est une norme de droit divin, qui n’est pas à la disposition du pouvoir discrétionnaire de l’Église. Celle-ci a cependant plein pouvoir – dans la ligne du privilège paulin – pour clarifier quelles conditions doivent être remplies pour qu’un mariage indissoluble existe selon le sens qui lui est attribué par Jésus. À partir de là, l’Église a établi des empêchements de mariage, reconnu des motifs de nullité de mariage et mis au point une procédure judiciaire détaillée.Une proposition supplémentaire en faveur de l’admission des divorcés remariés aux sacrements consiste à invoquer l’argument de la miséricorde. Étant donné que Jésus lui-même s’est solidarisé avec les personnes qui souffrent en leur donnant son amour miséricordieux, la miséricorde serait un signe spécial d’une sequela authentique. Cela est vrai, mais c’est un argument insuffisant en matière théologico-sacramentaire, parce que tout l’ordre sacramentel est une œuvre de la divine miséricorde et ne peut pas être révoqué en faisant appel à cette même miséricorde. À travers ce qui est objectivement un faux appel à la miséricorde, on court de plus le risque d’une banalisation de l’image de Dieu, selon laquelle Dieu ne pourrait rien faire d’autre que pardonner. Au mystère de Dieu appartiennent, outre la miséricorde, également sa sainteté et sa justice. Si l’on occulte ces attributs de Dieu et que l’on ne prend pas au sérieux la réalité du péché, on ne peut finalement pas non plus communiquer sa miséricorde aux hommes. Jésus a rencontré la femme adultère avec une grande compassion, mais il lui a aussi dit : « Va, ne pèche plus » (Jn 8, 11). La miséricorde de Dieu n’est pas une dispense des commandements de Dieu et des instructions de l’Église. Elle accorde plutôt la force de la grâce pour leur accomplissement, pour se relever après la chute et pour une vie de perfection à l’image du Père céleste.

  • Esotérisme et mystère chrétien

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    « Rien n’est caché qui ne deviendra manifeste, rien non plus n’est secret qui ne doive être connu et venir au grand jour » (Lc 8, 17; 12, 2). Cette affirmation catégorique de Jésus, reprise par les évangélistes Matthieu (10, 26) et Marc (4, 22), semble régler définitivement la question des rapports éventuels entre l’ésotérisme et le mystère chrétien : il n’y a pas et il ne peut pas y avoir d’hermétisme ou d’ésotérisme chrétien pour la raison évidente que le christianisme est une Révélation proposée à tous (l’Évangile est cette Bonne Nouvelle) et non une religion à mystères transmise à quelques initiés. Devant cette générosité inimaginable du Père céleste, Jésus a même exulté de joie : « Je te bénis, Père, Seigneur du ciel et de la terre, d’avoir caché cela aux sages et aux intelligents et de l’avoir révélé aux tout-petits » (Mt 11, 25).

    On pourrait en rester là et se contenter d’une simplicité évangélique exotérique, pour ainsi dire. Mais c’est le Maître lui-même qui provoque en nous la réflexion. Pourquoi, par exemple, dit-il à ses disciples en aparté : « À vous il a été donné de connaître les mystères du Royaume de Dieu; mais pour les autres, c’est en paraboles, afin qu’ils voient sans voir et entendent sans comprendre » (Lc 8, 10), comme si Dieu se plaisait à brouiller les pistes, à effacer ses traces… Comme s’il voulait réserver ses mystères à quelques initiés… Peut-il se contredire Celui qui affirme que « personne, après avoir allumé une lampe, ne la recouvre d’un vase ou ne la met sous son lit : on la met au contraire sur un lampadaire, pour que ceux qui pénètrent voient la lumière » (Lc 8, 16).

    « L’homme ne peut me voir sans mourir »  (Ex 33, 20)

    Mais alors à quoi Dieu joue-t-il ? Veut-il se montrer ou veut-il se cachetéléchargement (9).jpgr ? Veut-il se révéler à tous ou à quelques privilégiés? Que signifient ces jeux d’ombre et de lumière entre Lui et nous? En réalité, Dieu se révèle en se cachant et il se cache en se révélant. S’il agit de la sorte c’est par amour pour nous, car sa lumière est trop forte pour nos yeux, sa toute-puissance trop bouleversante pour notre fragilité : « L’homme ne peut me voir sans mourir » (Ex 33, 20), dit-il à Moïse, car il y a un abîme entre la sainteté de Dieu et l’indignité de l’homme, souligne la Bible de Jérusalem en commentant ce verset. Cette prévenance divine, cette souveraine délicatesse est la modeste porte d’entrée qui nous permet d’accéder au sens chrétien du mystère. : les sacrements ne sont rien d’autre que de simples fenêtres ouvertes sur l’infini, des signes matériels tangibles qui révèlent et voilent en même temps des réalités spirituelles agissantes et concrètes quoique ineffables et indicibles. Sous d’humbles apparences matérielles (pain, vin, eau, huile, souffle…), c’est l’Esprit de Dieu qui accepte de se donner par les pauvres mains et les paroles de l’homme. Pourra-t-on jamais mesurer l’humilité d’un tel Dieu qui, par pur amour, ose s’abandonner à nous ! Quand le prêtre élève l’hostie consacrée, c’est non seulement Jésus-Christ qui se montre sous les apparences du pain, c’est aussi le cosmos et tout ce qu’il renferme qui s’offre à nous, car c’est par Lui que tout fut créé (Jn 1, 3), Lui que le Père a aimé avant la fondation du monde (Jn 17, 24). Ainsi, par la foi, nous sont offerts l’amour et la « connaissance du Christ qui surpasse tout » (Ph 3, 8). Or, cette connaissance mystique ne s’analyse pas comme une règle de physique ou de mathématique, elle ne se cherche pas à la manière de l’alchimie quêtant la pierre philosophale, dans la numérologie, dans les astres, le spiritisme ou les cartes à jouer : comme l’écrit saint Paul, elle s’offre à nous et par nous à la manière d’un « parfum » (2 Co 2, 14).

    Le merveilleux chrétien renvoie toujours au mystère

    LABYRINTHE-CATHEDRALE-DAMIENS.jpgSans le savoir, les sciences occultes ont recherché de tous temps cette « bonne odeur du Christ » (2 Co 2, 15) dans les taillis touffus de la connaissance et les âpres maquis de la gnose. Les mythes païens, la connaissance gnostique n’étaient pas inconnus de saint Paul, mais l’Apôtre des nations vouait à la destruction la « sagesse de ce monde et des princes de ce monde » (1 Co 2, 6). Selon Origène (v. 185-v. 253), Paul faisait ainsi référence à la « prétendue philosophie secrète des Égyptiens, à l’astrologie des Chaldéens et des Hindous » et aux « multiples doctrines des Grecs sur la nature du divin ». Clément d’Alexandrie (v. 150-v. 220), son contemporain, investigua longuement les sentiers de la gnose préchrétienne ; il voulait rapatrier vers le Christ les éléments épars de la connaissance que l’Esprit avait disséminé dans les civilisations[1]. Mais tout en faisant converger les éléments positifs des sciences occultes vers leur source divine, « la vieille sagesse chrétienne a lutté farouchement, dès les premiers siècles, contre toute forme de fatalisme et, notamment contre l’astrologie, au nom de la souveraineté et de la liberté de Dieu face à toutes les puissances cosmiques ». Ce faisant, « elle n’a cependant pas nié l’existence de principes terrestres secondaires que la providence met à son service pour diriger le cours des choses ». Rappelant la doctrine paulinienne, le cardinal Balthasar, souligne que les « éléments du monde » (vénérés par beaucoup comme des puissances angéliques), les « dominations », les « autorités » et les « princes de ce monde » sont reconnus dans leur réalité et dans leur compétence, mais n’en doivent pas moins, tenus sous le joug du Christ, précéder son char triomphal (Col, 2, 15). L’ésotérisme et les sciences occultes ne sont jamais que des « réalités pénultièmes, accessibles seulement lorsqu’il est possible de les rapporter au mystère absolu de l’amour divin manifesté dans le Christ »[2]. En dehors de ces rapports de subsidiarité, elles risquent de conduire les téméraires sur des chemins d’orgueil vers des culs-de-sac spirituels ou des ronds-points sans issue. Dans la foi nous comprenons que le merveilleux chrétien renvoie toujours au mystère d’où il tire sa saveur particulière et que le mystère lui-même trouve sa source dans la puissance divine. « Le Puissant fit pour moi des merveilles », s’exclame la Vierge Marie ; ces merveilles sont comme le parfum qui émane de la fleur du mystère, sachant que le mystère chrétien n’est pas un secret caché, mais une lumière tellement intense qu’elle ne peut être supportée et manifestée qu’à travers le filtre de ce que nous appelons le miraculeux ou le merveilleux.[3] Le miracle tamise la puissance divine en même temps qu’il la manifeste, car ce que nous considérons comme merveilleux ou miraculeux constitue l’ordinaire de Dieu, si l’on peut dire.

    Dieu ne se révèle pas aux orgueilleux

    Dieu ne se révèle pas aux orgueilleux. La simplicité et l’humilité du cœur sont les seulesimages15.jpg clefs de l’amour et de la connaissance. Si Moïse a été initié aux mystères de Dieu pour tenir tête aux prêtres égyptiens et à leur magie, c’est qu’il fut « l’homme le plus humble que la terre ait porté » (Nb 12, 3). Quant à la mère du Christ, épouse de l’Esprit Saint, qui forma en son sein la Sagesse éternelle, elle peut être à juste titre qualifiée de sedes sapientiae, siège de la Sagesse. Son cœur immaculé fait déborder la connaissance divine sur ceux qui la vénère d’un cœur simple et droit.

    L’homme qui cherche à établir un contact avec le monde invisible est un homme normal, même s’il s’égare dans des chemins sans issue. L’homme qui cherche la clef de la connaissance répond à un appel profond qui retentit en son cœur. N’oublions pas que nous sommes d’abord des êtres spirituels qui faisons l’expérience de l’incarnation et non l’inverse, car nous sommes faits à l’image et à la ressemblance de Dieu qui est pur Esprit (Gn 1, 26). L’Église a reçu du Christ les clefs de la connaissance et la gestion des mystères sacrés : elle peut et elle doit enseigner à tous les hommes les voies de la connaissance qui mènent à l’union à Dieu, fussent-elles surprenantes et inattendues, car l’Esprit souffle non seulement où il veut, mais aussi comme il veut et quand il veut… « Malheur à vous, les légistes, parce que vous avez enlevé la clef de la science! Vous-mêmes n’êtes pas entrés, et ceux qui voulaient entrer vous les en avez empêchés! » (Lc 11, 52). Souhaitons que cette admonestation de la Sagesse incarnée ne s’adresse pas à nos pasteurs!

    En mangeant, à l’invitation de Satan, le fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal, l’homme primordial est entré par effraction dans l’enceinte de la connaissance parfaite et il en a goûté le fruit doux-amer : douceur du bien, amertume du mal. Et ce péché d’orgueil l’a conduit à la mort (Gn 2, 17). Ève chercha la connaissance dans les artifices du démon, Marie la trouva dans l’humilité et l’Esprit Saint : « Il s’est penché sur son humble servante » (Lc 1, 48).

    Seul le Ressuscité, véritable « arbre de vie », pouvait restaurer l’homme dans sa dignité première et le réintroduire dans l’enceinte sacrée de la con-naissance, le Cœur du Christ, là où « amour et vérité se ren-contrent » (Ps 84, 11).

     

     Pierre René Mélon

     

    [1]  Voir en particulier le livre VI des Stromates, Sources chrétiennes, éd. du Cerf.

    [2]  Hans Urs von Balthasar, in Méditations sur les 22 arcanes majeurs du Tarot,  Avant-Propos, pp. 14-15, Aubier, 1984.

    [3]  Voir le Dictionnaire des miracles et de l’extraordinaire chrétiens, collectif, sous la direction de P. Sbalchiero, Fayard, 2002.

  • Belgique : la culture de mort se porte bien

     

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    Selon l’association « Alliance Vita », depuis le vote de la loi dépénalisant l’euthanasie en Belgique en 2002, deux évolutions majeures peuvent être soulignées :

    - la volonté continuelle du lobby de l’euthanasie d’élargir les cas possibles, comme aux Pays-Bas : les mineurs, les personnes âgées de plus de 70 ans, les personnes considérées comme “démentes” (par exemple en cas de maladie d’Alzheimer), les adultes dépressifs (personnes anorexiques, handicapées, en prison…).

    -l’augmentation constante du nombre d’euthanasies pratiquées officiellement, avec un doublement du total tous les 4 ans : il est passé de 349 en 2004 à 704 en 2008, et à 1432 en 2012. Entre la première année compète d’application (235 cas en 2003) et 2012, le total a été multiplié par six.

    L’euthanasie est plus couramment pratiquée en Flandre (83%) qu’en Wallonie (17%) : des chiffres étonnants qui, pour les chercheurs, peuvent s’expliquer par des « différences de pratiques médicales ». La Commission de contrôle et d’évaluation a examiné plus de 2000 déclarations depuis sa création. Aucune n’a jamais fait l’objet d’un signalement au parquet….

    Les dérives de la loi de 2002 sur l’euthanasie 

     « La loi belge votée le 28 mai 2002 et au­to­risant l'euthanasie pose comme condi­tion préalable que le patient soit atteint d'une "maladie grave et incurable".

    Onze ans après, une extension de la pra­tique s'apprête à être votée alors que de nombreuses dérives sont constatées. Cette nouvelle législation pourrait en outre re­mettre en cause la liberté de conscience des médecins. En effet, "le législateur pourrait contraindre les médecins objec­teurs d'indiquer à leurs patients deman­dant à être euthanasiés le nom d'un con­frère favorable à cette pratique". 

    L'hebdomadaire Famille Chrétienne (An­toine Pasquier, 22/11/2013) se fait l'écho des dérives flagrantes constatées en Bel­gique

     D’une part, il s'agit, de dérives dans l’interpré­tation des dispositions légales. La Commission de contrôle semble éva­cuer de plus en plus le critère d'une mala­die "grave et incurable"(1). Le grand âge et la lassitude de vivre "sont devenus des condi­tions pour être euthanasiés' " s'in­digne le Dr Dopchie (2). De même en est-il pour la condition de "souffrance physique ou psy­chique constante et insupportable", que la Commission perçoit comme une "notion subjective", et qui renvoie désor­mais à "l'anticipation d'une souffrance future" précise Etienne Montero (3). Le cas de deux jumeaux, âgés de 45 ans, "nés sourds et euthanasiés en 2012 parce qu'un glau­come allait les rendre aveugle" en est un exemple flagrant. Ces dérives légales s'ex­pliquent par le fait que le contrôle de la Commission est exercé a posteriori, que le ministère public n'engage pas de pour­suite dans les cas où la loi est transgressée, et que les médecins eux mêmes "af­firme[nt] publiquement" [...] ne pas dé­clarer les actes euthanasiques qu'ils prati­quaient". Il faut noter en outre que les membres de la Commission de contrôle sont majoritairement "adhérents ou [...] collaborateurs de l'ADMD" [association pour le droit de mourir dans la dignité], comme par exemple Jacqueline Herre­mans, prési­dente de l'ADMD Belgique. 

    D’autre part, Il s'agit des dérives profes­sionnelles qui se traduisent par des eutha­nasies clandestines, comme le précise le Dr Dopchie qui a été témoin "d'accéléra­tions thérapeutiques" consistant en "des surdosages abusifs de produits utilisés pour calmer la douleur" mais qui "provoqu[e] la mort des patients à leur insu et à celui des familles". 

    Enfin, l'ultime dérive, et non la moindre, s'entend lorsque les patients réclament le "droit" à bénéficier d'une euthanasie qui serait "devenu une alternative thérapeu­tique" pour certains. Et pour cause, "l'offre crée la demande" commente Etienne de Montero. 

    Parmi les Belges, peu nombreux sont ceux qui ont pris conscience de ces dérives. Mais des voix d'universitaires, de juristes, et de professionnels de santé ou de simples citoyens commencent à se faire entendre grâce au site internet « euthanasieStop ». Pour Michel Ghins (4), un des initiateurs du projet, "le site a permis de libérer la parole de citoyens ressentant un certain malaise vis-à-vis de cette législation ou d'une déci­sion prise par un proche". Source: genethique.org, 22.11.2013

    ______________

    (1) "certains membres de la Commission ont estimé que la souffrance et la demande d'eu­thanasie étaient plutôt liées aux conséquences naturelles liées à l'âge qu'aux affections dont [les patients] étaient atteints": Cinquième rap­port de la Commission fédéral de contrôle et d'évaluation de l'euthanasie, rendu aux chambres législatives belges, pour les années 2010-2011

    (2) Oncologue et chef du service de Soins pal­liatifs au Centre Hospitalier de Wallonie picarde à Tournai.

    (3) Doyen de la Faculté de droit de Namur et auteur de l'ouvrage "Rendez-vous avec la mort. Onze ans d'euthanasie légale en Belgique".

    (4) Professeur de philosophie des sciences à l’U.C.L., président d’ « Action pour la Famille ».

       

    Etienne Montero : Rendez-vous avec la mort

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    Vient de paraître : « Rendez-vous avec la mort.10 ans d’euthanasie légale en Belgique », par Étienne Montero , professeur ordinaire à l’Université de Namur, doyen de la Faculté de droit.

    Après dix années d’application de la loi sur l’euthanasie en Belgique (2002), le moment est venu de dresser un bilan critique :

    •Peut-on soutenir que l’euthanasie est adéquatement balisée, sa pratique rigoureusement contrôlée et ses conditions légales parfaitement respectées ?

    •Est-il vrai qu’aucun effet de « pente glissante » ne se manifeste en Belgique ?

    •Peut-on parler sans fard du « modèle belge des soins palliatifs intégraux » au sens où, dans ce pays, l’euthanasie serait une composante intégrante des soins palliatifs ?

    •Peut-on affirmer que la dépénalisation de l’euthanasie n’a nullement altéré la confiance dans les médecins ?

    L’objectif de cet ouvrage est de répondre à ces questions et de permettre au lecteur d’approfondir sa réflexion en la confrontant à celle d'un expert : 140 pages - 29 €  - (5 € de frais de port pour la Bel. en sus) Vous pouvez commander cet ou­vrage :Par fax : 010 40 21 84  Par mail : commande@anthemis.be Via le site : www.anthemis.be

     

     
    Légalisation de l’euthanasie des mineurs

    4000197388815.jpgLe mercredi 27 novembre dernier, les Commis­sions réunies des Affaires sociales et de la Justice du Sénat de Belgique ont adopté par 13 voix contre 4 la proposition de loi qui vise à étendre le cadre légal autorisant l'euthanasie, dans certaines conditions, aux mineurs d'âge dont un psycho­logue aura reconnu la capacité de discernement. Seuls les mineurs faisant face à des souffrances physiques insuppor­tables et inapaisables, en phase terminale, pourront, encadrés par une équipe médi­cale, et moyennant l'ac­cord parental, bénéficier de l'euthanasie qu'ils auront sollicitée. Les socia­listes et les libéraux, francophones et néerlandophones, les Verts, ainsi que la N-VA ont voté en faveur de la proposition de loi. Les élus cdH, CD&V et Vlaams Belang ont voté contre. Le texte doit ensuite être examiné en séance plénière

    Les manifestants ont été relâchés

    Les  'veilleurs' arrêtés le mardi 26 no­vembre devant le Sénat à Bruxelles après avoir ma­nifesté contre l'élargissement de la loi sur l'euthanasie, ont été relâchés en soirée, a indiqué mercredi la police de la zone de Bruxelles Capitale-Ixelles. Les mili­tants seront poursuivis devant le tribunal correctionnel pour avoir manifesté en zone neutre. Depuis plusieurs semaines, un groupe de 'veilleurs' se réunissait en silence chaque mardi aux abords du Sénat à Bruxelles. Leur action s'inscrit dans le cadre des discussions portant sur l'extension aux mineurs du cadre légal sur l'euthanasie (« La Libre », citant Belga)

    Mais, du Sénat (le vote en séance plénière a eu lieu le 12 décembre 2013 : 50 voix pour,images (13).jpg 17 contre) à la Chambre jusqu’à la signature du Roi, il reste encore un chemin à parcourir pour conclure : sera-ce avant les élections gé­nérales de mai 2014 ? Si non, la proposition devra être relevée de caducité (dans un contexte nouveau: le sénat va perdre sa capacité législa­tive). La majorité gouver­nementale (celle-ci ou la suivante) jouera-t-elle les « ponce-pilate » en se lavant les mains, comme d’habitude, dans l’eau de la liberté de conscience ?  

    JPS