Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Eglise du Saint-Sacrement à Liège - Page 35

  • Brève histoire du sacrement de pénitence IV. Vérité et Espérance-Pâque Nouvelle, n°102, printemps 2017

    contrat Delta ingenieur stabilité339.jpgDans le numéro précédent de Pâque nouvelle (n° 101), nous avons décrit la sévérité des pénitences infligées aux pécheurs durant les premiers siècles ; celles-ci ne vont pas s’adoucir avec le temps… Nous avions découpé ces vingt siècles de pénitence en cinq parties. Voici les trois dernières.

     

    1. Du VIIIème s. à la fin du XIème siècle

    De plus en plus de pécheurs refusaient de se soumettre aux pénitences très sévères qui leur étaient imposées en échange de l’absolution et de leur réintégration dans la pleine communion avec l’Église. Pour faire plier les réfractaires, les évêques usèrent abondamment de la menace de l’excommunication ; mais comme ces menaces ne suffisaient plus, la puissance publique fut sollicitée pour contraindre les fortes têtes à se soumettre : le pénitent était pris ainsi entre les mâchoires du pouvoir spirituel et du pouvoir temporel. Il n’est pas exagéré de dire qu’au rebours des enseignements évangéliques la pénitence a pu quelquefois se transformer en démonstration de force des détenteurs du pouvoir.

    Le pouvoir temporel en soutien des évêques

    Le Concile des Gaules de l’an 853 rapporte ce capitulaire du roi Charles le Chauve[1] : Que nos envoyés, missi nostri, fassent savoir à tous les ministres de l'État, que le comte et les officiers publics se trouvent avec l'évêque de chaque diocèse pour l'aider quand il fait ses visites, aussitôt qu'il le leur aura fait savoir, et qu'ils contraignent par l'autorité et la puissance royale à se soumettre à la pénitence et à une satisfaction convenable, ceux que l'évêque n'y pourra réduire par l'excommunication.

    C’était à la demande des évêques que les rois employaient ainsi leur puissance politique pour contraindre les pénitents récalcitrants à se soumettre à la pénitence canonique. Par exemple, dans le canon 10 du concile de Pavie, tenu en 850, les évêques supplient le roi Louis le Jeune[2] d’ordonner à ses comtes de leur prêter secours pour contraindre les incestueux à faire pénitence publique. Au synode de Thionville (en 835), les évêques de Gaule et de Germanie prient l’empereur Louis le Pieux d’ajouter par ses lois une amende pécuniaire à l’imposition de la pénitence (ces évêques avaient été très affligés par le meurtre d’un évêque d’Aquitaine nommé Jean).

    Canossa

    VE PN 102 article pénitence 1 Canossa.jpgCes connivences contre-nature entre le trône et l’autel ne vont pas manquer de susciter des tensions, des luttes de pouvoirs. La puissance temporelle de la papauté culminera en 1077 lors du célèbre épisode de Canossa. Excommunié, l’empereur Henri IV[3] vient à Canossa, lieu de résidence du pape, s’humilier devant Grégoire VII qui savoure tranquillement sa victoire. Avec une joie ronronnante, il décrit la scène de l’humiliation de l’empereur dans une lettre adressée à ses évêques et aux notables:

    Enfin il [Henri] vint de lui-même dans la ville de Canossa où nous étions, sans aucun appareil de guerre et avec peu de gens ; et là pendant trois jours étant à la porte du château, et s'étant défait de toutes les marques de sa dignité, nu pieds, et revêtu d’habits de laine, il ne cessa point d’implorer avec beaucoup de larmes la miséricorde du S. Siège qu’il n'eût ému la compassion de tous ceux qui étaient présents, lesquels intercédèrent pour lui avec beaucoup de prières et de larmes, en sorte qu'ils s’étonnaient de la dureté dont nous usions avec lui, et que quelques-uns s’écriaient que nous ne montrions pas en cette occasion une sévérité apostolique, mais une cruauté excessive…

    Le pape finit par lever l’excommunication.

    L’entourage de l’empereur est également humilié selon le témoignage d’un chroniqueur contemporain des événements[4] : Le pape ayant séparé les évêques les uns des autres, les fit enfermer chacun à part dans une cellule, leur interdisant toute sorte d’entretien entre eux, et leur faisant donner vers le soir à manger et à boire en petite quantité. Il imposa aussi aux laïques une pénitence convenable, ayant égard à l’âge et aux forces d’un chacun; et après les avoir ainsi éprouvés quelques jours, il leur donna l’absolution.

    Les pénitences publiques, sauf exception (Canossa en est une) seront peu à peu abandonnées dans le courant des VIIIe et IXe siècles. «De plus en plus, les pasteurs auront tendance à traiter plus ou moins secrètement tels ou tels pécheurs qui, sans être de grands coupables, ne sont pas des saints. On est ainsi en marche à travers une espèce de pénitence semi-publique, vers la pénitence privée et la pratique de la confession.»[5]

    Pénitences privée 

    Qu’en est-il justement des pénitences privées, moins spectaculaires, mais plus fréquentes ?

    Les peines sont plus rigoureuses que dans les siècles précédents. Ainsi le pape Grégoire III, répondant à une question de S. Boniface (qui se trouve dans le premier tome des Conciles des Gaules en l’année 731), décide ainsi touchant la pénitence imposée à certains homicides : A l'égard de ceux qui ont tué leur père, leur mère, leur frère ou leur sœur, nous disons qu'ils doivent passer toute leur vie sans recevoir le corps du Seigneur, sinon à la mort en forme de viatique, qu'ils s'abstiennent aussi de manger de la chair et de boire du vin durant toute leur vie. Qu'ils jeûnent la deuxième, la quatrième et la sixième férie [lundi, mercredi et vendredi], afin que, pleurant ainsi leur péché, ils puissent en obtenir le pardon.

    Plus d’un siècle et demi plus tard, la même sévérité est toujours d'application. Témoin, en 895, le concile de Tibur (ville rhénane), qui prescrit ceci comme pénitence privée pour un homicide volontaire : Si quelqu'un a commis volontairement un homicide, qu'on lui interdise pendant quarante jours l'entrée de l'église, et durant ce temps, qu'il ne mange que du pain avec du sel, et ne boive que de l'eau pure, qu'il aille pieds nus, qu'il ne se serve que d'habits de lin, sans fémoraux[6]; qu'il ne porte point d'armes; qu'il ne se serve point de voiture ; qu'il n'approche d'aucune femme, non pas même de la sienne ; qu'il n'ait pendant ces quarante jours aucune communication avec les chrétiens, non pas même avec les autres pénitents, ni pour le boire, ni pour le manger, ni pour quelqu'autre chose que ce puisse être… Après ces quarante jours, l'entrée de l'église lui sera interdite pendant l'espace d'une année, durant laquelle il s'abstiendra de chair et de vin, d'hydromel et de bière emmiellée, excepté les jours de dimanche et fêtes chômées; et s'il se trouve à l'armée ou dans quelques grands voyages, à la cour de son seigneur ou malade, il lui sera permis de racheter la troisième, la cinquième férie [mardi et jeudi] et le samedi pour un denier, de façon néanmoins que des trois choses qui sont interdites, la chair, le vin et l'hydromel, il ne puisse faire usage que d'une seule. Mais quand il sera de retour de son voyage ou rétabli de sa maladie, il ne pourra racheter ces jours. Ce terme étant expiré, il sera introduit dans l'église en la manière des pénitents. La seconde et la troisième année, il est soumis aux mêmes observances; excepté qu'on lui accorde la faculté de racheter les trois jours dont on vient de parler, lors même qu'il est chez lui dans sa maison… etc.

    On épargne la suite au lecteur.

    VE PN 102 article pénitence 2 S. Pierre Damien.jpgL’un des prélats les plus impitoyables en matière de pénitence fut sans doute S. Pierre Damien (+1072). On reste abasourdi par la dureté des sanctions qu’il impose aux pécheurs. Il s’en prend particulièrement à l’homosexualité ; selon lui, le vice de sodomie «surpasse l’énormité de tous les autres». Il lui consacre même tout un ouvrage, Le Livre de Gomorrhe, où l’on peut lire ceci :

    «À coup sûr, le vice de sodomie apporte la mort au corps et détruit l’âme. Il pollue la chair, éteint la lumière de la pensée, expulse le Saint Esprit du temple du cœur humain, et ouvre la porte au diable, le stimulateur de la luxure. Il mène à l’erreur, supprime totalement la vérité de l’esprit trompé... il ouvre l’enfer et ferme les portes du paradis... c’est ce vice qui outrage la tempérance, assassine la modestie, étrangle la chasteté, et massacre la virginité... il salit toutes choses, souille toutes choses, pollue toutes choses...»

    «Ce vice retranche un homme du chœur réuni de l’Église... il sépare l’âme de Dieu pour l’associer aux démons. Cette reine de Sodome totalement malade rend celui qui obéit aux lois de sa tyrannie infâme aux hommes et odieux à Dieu... Elle dépouille ses chevaliers de l’armure de la vertu, les exposant à être transpercés par tous les vices... Elle humilie son esclave dans l’église et le condamne au jugement ; elle le souille en secret et le déshonore en public ; elle ronge sa conscience comme un ver et consume sa chair comme le feu... cet homme infortuné est privé de tout sens moral, sa mémoire défaille, et la vision de sa pensée est obscurcie. Ne se souciant que peu de Dieu, il oublie également sa propre identité. Ce mal érode les fondements de la foi, sape l’ardeur de l’espoir, dissout le lien d’amour. Il outrepasse la justice, démolit la force morale, fait disparaître la tempérance et émousse les arêtes de la prudence. Dois-je en dire plus ? » Non, sans doute.

    Vade in pace

    Les peines infligées aux consacrés peuvent être d’une sévérité extrême. Autour de l’an mil, on inventa une espèce de prison sans lumière, destinée à ceux qui devaient y finir leur vie : on appelait cyniquement cet endroit Vade in pace (Vas en paix). Il semble que le premier qui ait inventé cette sorte de supplice ait été un certain Matthieu, prieur de Saint-Martin-des-Champs à Paris, suivant le rapport qu’en fait Pierre le Vénérable (+1156), qui nous apprend aussi que ce supérieur, homme de bien par ailleurs, mais d’une sévérité outrancière, fit construire une cave souterraine en forme de sépulcre, où il condamna, pour le reste de ses jours, un misérable qui lui paraissait incorrigible. Pierre le Vénérable ajoute, consterné : «Quelque respect que j’aie pour la mémoire de ce grand homme, je ne craindrai pas de dire qu’il semble avoir passé, en cela, les bornes de l’humanité».
    C’est le moins que l’on puisse dire.

    Autres pénitences

    * La flagellation

    En plus des privations déjà décrites, plusieurs nouvelles sortes de pénitence sont inventées : la flagellation, les voyages, les pèlerinages, la retraite forcée en monastère.

    L’un des champions de l’auto-flagellation fut sans doute Dominique Loricat (+1060). On le surnommait L’Encuirassé parce qu’il portait sur sa chair une chemise de mailles en fer dont il ne se défaisait que pour se fouetter ; il y joignait des jeûnes, des veilles, des génuflexions à n’en plus finir et toutes sortes d’austérités invraisemblables. Nous sommes aujourd’hui effrayés du récit que nous en a laissé S. Pierre Damien : cet homme perpétuellement ensanglanté se sacrifiait pour l’expiation de ses propres péchés, mais surtout pour faire pénitence au nom des pécheurs impénitents… Selon Pierre Damien, son directeur spirituel, Dominique accomplissait en six jours une pénitence de cent ans en se donnant la discipline et en récitant des psaumes.

    Certes, la flagellation comme punition était déjà en usage longtemps auparavant, puisque dans la règle de S. Colomban (fin du VIe s.) on punissait la plupart des fautes des moines par un certain nombre de coups de fouets. Mais au XIe siècle, l’auto-flagellation volontaire était comprise comme une espèce de purgatoire anticipé. C’est apparemment de ce Dominique que vient la coutume de se flageller, de se «donner la discipline», selon le jargon religieux. Cette pénitence trouvera une extension sous forme de compensation : ainsi les moines qui ne pouvaient pas racheter leurs peines par des aumônes (puisqu’ils ne possédaient aucun bien en propre) les payaient en coups de fouet qu’ils se faisaient donner ou se donnaient eux-mêmes, ou bien par des génuflexions, des prostrations prolongées, des coups sur la paume des mains, qu’ils appelaient palmatae.

    Nous n’évoquons pas ici les cilices, les diverses entraves physiques et les autres formes d’astreintes corporelles, car ces petits moyens matériels ont essentiellement pour but de prévenir le péché et non de l’expier, sauf avis contraire du confesseur.

    * Voyages, retraites…

    Subis comme pénitence, les voyages forcés (le plus souvent hors de sa patrie) n’ont rien de touristique; ils tiennent plutôt de l’errance et du vagabondage. Qu’on imagine les routes et les chemins à cette époque : insécurité, mendicité, inconfort, dangers des bêtes et des brigands… Des gens de toutes conditions y étaient soumis, mais surtout les grands seigneurs et les clercs. Le pénitentiel de Théodore (au VIIe siècle) condamne un évêque pour crime de pédérastie à vingt ans de pénitence, dont il doit passer cinq en jeûnant au pain et à l’eau et à voyager… jusqu’à la fin de sa vie ! Dans la suite, on transforma ces voyages et vie vagabonde en pèlerinage aux lieux saints, à Rome, à St Martin de Tours, à St Jacques de Compostelle, etc. Durant les IXe, Xe, et XIe siècles, les pénitents couraient volontiers à Rome dans l’espérance d’obtenir du pape quelque adoucissement à des peines si rigoureuses. Il arrivait au pape de céder, mais rarement, pour ne pas mettre en péril l’autorité des confesseurs locaux.

    * Rachats 

    Aux plus fortunés s’offrait la possibilité de racheter leurs pénitences par des aumônes. De cette permission découla naturellement une tarification pour le rachat les peines. Bède le Vénérable (+734) écrit ceci dans son pénitentiaire : Celui qui ne peut faire pénitence de la manière que nous avons dit, donnera en aumônes la première année 23 sols; pour une année au pain et à l'eau, qu'il donne en aumônes 22 sols, et que chaque semaine il jeûne une fois jusqu'à nones, une autre fois jusqu'à vêpres, et trois carêmes. La seconde année il donnera 20 sols. Pour la troisième 18 sols, etc.

    Ces dispositions restent raisonnables, mais vers la fin du Xe siècle se développa en Angleterre la coutume de taxer séparément chaque péché, de sorte que si le péché était répété, la pénitence était augmentée, et comme cette pénitence pouvait être rachetée, les sommes dues pouvaient devenir considérables. Par exemple, celui qui était tombé deux fois dans la fornication devait faire pénitence deux fois autant de temps que s’il y était tombé une fois seulement ; s’il avait commis ce péché dix fois, il devait être taxé dix fois… Par ce moyen malhonnête, certains confesseurs en arrivaient à s’enrichir (ou à enrichir l'Eglise) en se nourrissant du péché d’autrui, pour ainsi dire. 

    Ces façons de faire passèrent sur le continent : on infligeait aux pénitents des peines plus dures et plus sévères, non suivant la proportion arithmétique, mais suivant la proportion géométrique, si bien que plusieurs pécheurs se trouvaient dans l’impossibilité absolue de satisfaire pour leurs péchés, sinon par la voie de rachat dont nous venons de parler, et qui fut surtout en vogue en Italie au XIe siècle, par le soin que prit Pierre Damien de la répandre et de la faire valoir…

    Un archevêque de Milan ayant accepté de l’argent en échange d’ordinations sacerdotales, les légats du pape imposèrent à ce prélat (qui avait avoué et s’était prosterné aux pieds de ses juges) une pénitence de cent ans (!), mais il lui permirent en même temps de racheter cette longue période pour une certaine somme d’argent… 

    Cette possibilité du rachat des peines dues aux péchés dégénéra en abus intolérables : on se mit à racheter les crimes à prix d’or et d’argent, de sorte que les coupables bien souvent, moyennant les sommes qu’ils répandaient, étaient exempts de faire pénitence.

    1. Relâchement (ou adoucissement) de la pénitence du XIIe au XIIIe s.

    On identifie trois causes principales au mouvement de fond qui conduisit à l’adoucissement progressif des pénitences.

    1. L’extension du rachat des peines

    Au commencement, on ne rachetait pas la pénitence entière, mais une partie seulement. Par exemple, si un pénitent devait s’abstenir de viande et de vin ou de liqueurs fortes un certain jour, il pouvait racheter l’abstinence d’une de ces choses seulement, en sorte que s’il buvait du vin, il ne pouvait pas manger de la viande, et réciproquement, s’il mangeait de la viande, il ne pouvait pas boire de vin (même s’il avait donné de quoi nourrir un pauvre ce jour-là). Mais ces modestes dispositions ne durèrent pas, et les choses tournèrent autrement que prévu. Ainsi dans la suite, non seulement on racheta les jours, mais aussi les mois et les années entières ; et on fixa les sommes correspondant à ces rachats. 

    La conversion du cœur semblait secondaire par rapport à la compensation matérielle du tort occasionné, car le pénitent, principalement si c’était un prince fortuné, était pressé de faire cesser les effets de l’excommunication ou de l’interdit : il commençait donc par se faire absoudre en promettant de satisfaire à l’Eglise dans un certain délai, sous peine d’être excommunié de nouveau.

    Cette pratique de racheter les pénitences moyennant quelques aumônes ou à prix d'argent (au profit des ecclésiastiques) n’était d’usage que pour les riches ; les pauvres et les moines les rachetaient, comme nous avons dit, par la récitation des psaumes, par des coups de fouet ou d’autres coups qu’ils recevaient ou qu’ils se donnaient eux-même sur la paume de la main. Cent sols rachetaient une année de pénitence ; réciter tant de fois le Psautier[7], en se donnant tant de coups, faisait le même effet. On évaluait ainsi les mois et les années de pénitence, et de là se forma une nouvelle doctrine jusqu’alors inouïe dans l’Église, à savoir qu’une même personne pouvait, en multipliant les coups de fouets ou de férule, et en récitant tant de fois le Psautier, racheter cent ans et mille ans de pénitence… Ces évaluations n’avaient évidemment de fondement que dans l’imagination de certains théologiens.

    Les pécheurs pouvaient aussi racheter les pénitences par de légères aumônes, la visite ou la décoration d’une église, car les évêques du douzième et du treizième siècle accordaient des indulgences à toutes sortes d’œuvres pieuses, comme la construction ou la rénovation d’une église, l’entretien d’un hôpital, ou plus largement de tout ouvrage public (un pont, une chaussée, le pavage d’un chemin…). Ces indulgences ne recouvraient qu’une partie de la pénitence, mais si l’on en réunissaient plusieurs, on pouvait racheter toute la pénitence. Ainsi les pécheurs les plus fortunés étaient le plus vite délivrés du poids de leurs fautes… Ces indulgences – qui adoucissent les pénitences mais les vident de leur substance théologique – le quatrième concile de Latran (1215) les appelle «indiscrètes et superflues» et les pères conciliaires vont les dénoncer.

    1. La croisade

    VE PN 102 article pénitence 3 Croisade rachat des péchés.jpgCe sont les indulgences liées aux croisades qui vont insensiblement faire péricliter les anciennes pénitences canoniques. Cela n’entrait évidemment pas dans les intentions du pape Urbain II ni du concile de Clermont, car ils croyaient faire deux biens à la fois : délivrer les lieux saints et faciliter la pénitence à une infinité de pécheurs qui ne l’auraient jamais faite autrement.

    Le pape Victor III (1086-1087), auparavant abbé du Mont-Cassin, est le premier pape qui a promis une absolution générale de tous les péchés à ceux qui feraient la guerre aux Infidèles (musulmans). Il ne s’agissait pas encore de délivrer Jérusalem du joug des Turcs (qui refusaient depuis 1078 de laisser libre le passage aux pèlerins chrétiens vers la Ville Sainte), mais de combattre les Sarrasins d’Afrique qui depuis plus d’un siècle ravageaient l’Italie : ils avaient entre autres pillé le monastère du Mont-Cassin. Après avoir fait rebâtir son monastère, Victor rassembla une armée de presque tous les peuples d’Italie ; avec la promesse de la rémission de tous leurs péchés, il les envoya attaquer la ville maritime de Mehdia (Maroc). Les combattants (qui ne s’appelaient pas encore "croisés") prirent la ville et défirent cent mille Sarrasins ; cette victoire passa pour un miracle. Ce n’est qu’en 1095 que la croisade fut proclamée par le pape Urbain II au concile de Clermont.

    Nous avons vu qu’autrefois faire partie d’une milice était l’une des activités interdites aux pénitents, car il était difficile aux pécheurs d’éviter les occasions de chute dans des entreprises de cette nature. Mais à la fin du XIe siècle, on estima que cette défense n’était pertinente que pour les guerres entre chrétiens et non quand il s’agissait de combattre les Infidèles et les autres ennemis de l’Église ; une multitude de personnes n’entreprirent donc ces voyages ou pèlerinages, comme on appelait alors les croisades, qu’en vue d’expier par cette espèce de pénitence publique, les péchés dont ils se sentaient coupables, quoique le public n’eût aucune connaissance de leurs fautes. C’est ainsi que l’engagement dans la croisade donna lieu au renouvellement temporaire d’une partie de l’ancienne discipline de la pénitence qui était hors d’usage depuis quatre siècles.

    Les engagés qui passaient en Palestine pour faire la guerre aux Sarrasins recevaient la promesse d’une absolution générale de leurs péchés ; cette grâce fut étendue à ceux qui allaient en Espagne pour en chasser les Maures, à ceux qui firent la guerre aux Cathares dans le Languedoc, et à ceux qui allaient au secours des chrétiens d’Orient. Enfin cette même indulgence se communiqua non seulement à ceux qui se rendaient en personne à ces expéditions, mais encore à tous ceux qui contribuaient à leur financement. De là vint la coutume de donner l’absolution avant l’accomplissement de la pénitence, et même avant que l’on se fût mis en devoir de l’accomplir, sur la simple promesse de faire le voyage de la croisade…

    Si les pèlerinages particuliers, en usage depuis le VIIIe s., pouvaient être quelquefois des occasions de distractions ou de rechutes, ils étaient bien moins dangereux que les croisades. En effet, un pénitent marchant seul ou avec un autre pénitent pouvait observer certaines règles, jeûner ou du moins vivre sobrement, avoir des moments de recueillement et de silence, chanter des psaumes, s’occuper l'esprit avec de bonnes pensées, avoir des conversations édifiantes, etc. A l’inverse, toutes ces pratiques de piété étaient difficilement possibles à des troupes assemblées en corps d’armée. Si beaucoup de croisés se préparaient sérieusement à la mort en payant leurs dettes, en restituant le bien mal acquis, en réparant le mal fait, etc. il faut avouer que la croisade servait aussi de prétexte à d’autres pour ne pas payer leurs dettes, aux malfaiteurs pour éviter la punition de leurs crimes, aux moines indociles pour quitter leurs cloîtres, etc. Le voyage était très long jusqu’en Terre Sainte, et les croisés, du moins certains d’entre eux, cherchaient à se divertir chemin faisant, emmenaient des chiens et des oiseaux pour chasser[8], des prostituées se mêlaient aussi à ces armées, quelques-unes déguisées en hommes. Même dans l’armée de S. Louis, dans son quartier, près de sa tente, on trouvait des lieux de débauche… Le saint roi sévissait exemplairement contre ces excès, mais il ne pouvait tout contrôler.

    La fin des croisades aurait pu permettre de revenir aux anciennes pratiques, mais l’usage en avait été interrompu depuis deux cents ans au moins, et les pénitences étaient devenues arbitraires : les évêques ne s’occupaient plus guère des détails de l’administration des sacrements. Les frères Mendiants (franciscains, dominicains) étaient devenus les ministres les plus ordinaires de la pénitence, et ces missionnaires passagers ne pouvaient suivre pendant assez longtemps la conduite des pénitents afin d’examiner le progrès et la solidité de leur conversion, comme faisaient autrefois les pasteurs sédentaires : ces religieux itinérants étaient obligés d’expédier promptement les pécheurs pour passer à d’autres. Ce fut aussi l’une des causes du relâchement de la discipline.

    1. La remise des peines canoniques

    Dès la fin du XIIe siècle et durant le XIIIe siècle, non seulement on accorda l’absolution des péchés à ceux qui faisaient, comme on disait alors, «le service de la Terre Sainte», mais on appliqua cette indulgence à ceux qui contribuaient de quelque manière à l’entretien ou à la construction d’une église ou de quelque autre ouvrage en rapport à la religion. Concrètement, les peines canoniques dues aux péchés étaient réduites d’un tiers ou d’un quart pour ceux qui avaient contribué financièrement à la construction de ces édifices ; mais par une autre invention, on obtenait facilement l’indulgence entière en contribuant à la construction ou à la réparation de trois ou quatre de ces ouvrages... C’est par le moyen de ces contributions qu’un bon nombre des principales églises de France furent bâties ou réparées. Cette méthode si commode de racheter ses péchés et de se dispenser d’en faire pénitence fut tellement du goût des pécheurs que Maurice[9], évêque de Paris qui succéda à Pierre Lombard, acheva ainsi de bâtir le superbe édifice de la cathédrale Notre-Dame et de quatre abbayes. L’indulgence s’étendit à tous ceux qui contribueraient à la réparation de toutes sortes d’ouvrages publics, comme ponts, chaussées, etc.

    1. Le concile de Trente (1542-1563)

    VE PN 102 article pénitence 4 Concile de Trente.jpgAu XVIe siècle, la révolte de Luther et de ses disciples va conduire l’Église à une reprise en main doctrinale et disciplinaire. «Seule la foi sauve», prétendait Luther, dispensant ainsi les pécheurs de confession et de réparation. Le concile de Trente répond ceci en janvier 1547 (décret sur la justification) :

    Si quelqu'un dit que l'impie est justifié par la seule foi, entendant par là que rien d'autre n'est requis pour coopérer à l'obtention de la grâce, et qu'il ne lui est en aucune manière nécessaire de se préparer et disposer par un mouvement de sa volonté : qu'il soit anathème (can. 9).

    Si quelqu’un dit que celui qui est tombé après le baptême ne peut pas se relever avec la grâce de Dieu, ou qu’il peut certes recouvrer la justice perdue, mais par la seule foi, sans le sacrement de pénitence, comme l’a jusqu’ici professé, gardé et enseigné la sainte Église romaine universelle, instruite par notre Seigneur et ses apôtres  : qu’il soit anathème (can. 29).

    En novembre 1551, la doctrine sur le sacrement de pénitence est définie de manière plus exacte et plus complète (de eo exactiorem et pleniorem definitionem tradidisse). Sont notamment clairement décrites les parties et les fruits du sacrement de pénitence : outre l’absolution, indispensable, sont quasi-matières de ce sacrement les actes du pénitent lui-même : la contrition, la confession et la satisfaction. Le concile condamne les affirmations de ceux qui prétendent que les terreurs qui s’emparent de la conscience et la foi sont des parties de la pénitence (chap. 3, can. 4). De plus, affirme le concile (recadrant ainsi les excès des athlètes et champions de la morbidité), les pénitences ou satisfactions n’ont de valeur que dans les mérites infinis acquis pour nous par la Rédemption du Christ : ainsi l’homme n’a rien dont il se glorifie, mais toute notre glorification est dans le Christ en qui nous vivons, en qui nous méritons, en qui nous satisfaisons, faisant de dignes fruits de pénitence qui tirent de lui leur force… (chap. 8).

    Enfin, le concile de Trente libère les pécheurs du poids des pénitences ciblées et tarifées en étendant la pénitence aux «œuvres satisfactoires», reconnaissant comme la plus grande marque d’amour divin les épreuves temporelles infligées par Dieu et supportées par nous dans la patience (can. 13). On discerne ici déjà l’ébauche de la doctrine spirituelle de la «petite voie» développée et vécue par sainte Thérèse de Lisieux à la fin du XIXe siècle et dont nous sommes aujourd’hui encore les heureux héritiers.

    Dans la prochaine livraison de Pâque nouvelle, nous clôturerons cette brève histoire de la pénitence en survolant la dernière partie de ce sacrement : l’absolution.

                                                                                                              Pierre René Mélon

                                                                                                              (à suivre…)

    [1] Charles II dit le Chauve, petit-fils de Charlemagne, (823-877).

    [2] Louis le Jeune (825-875), fils de Lothaire Ier, roi d’Italie.

    [3] Depuis Charlemagne, c’étaient les rois et les empereurs qui nommaient les évêques. En 1075, le pape conteste cette disposition et veut reprendre son droit. Le roi Henri conteste la volonté du pape et le fait "déposer" par une assemblée d’évêques allemands et italiens. Le pape riposte en excommuniant Henri qui est aussitôt abandonné par la plupart de ses vassaux. Sa situation devenant précaire, il décide d’aller demander pardon au pape qui séjourne alors au château de Canossa, dans le nord de l’Italie… Henri IV meurt à Liège en 1106, sur les terres de son vassal, le prince-évêque Otbert.

    [4] Lambert d’Hersfeld (v. 1028-v. 1085), prêtre allemand, chroniqueur de son temps (appelé aussi Lambertus Schaffnaburgensis).

    [5] H. Rondet, op. cit. p. 572.

    [6] Fémoraux : sortes de hauts-de-chausses portés par certains religieux.

    [7] Le psautier complet ou uniquement les 7 psaumes pénitentiels choisis par S. Augustin : ps. 6, 31 (32), 37 (38), 50 (51) Miserere, 101 (102), 129 (130) De profundis, 142 (143).

    [8] On le sait par l'interdiction de ces pratiques à la seconde croisade.

    [9] Pierre Lombard, évêque de Paris de 1159-1160 ; Maurice de Sully, évêque de Paris de 1160 à 1196.

  • Brève histoire du sacrement de pénitence V et fin.Vérité et Espérance-Pâque Nouvelle, été 2017

    contrat Delta ingenieur stabilité339.jpg

     

     

     

    L’absolution

    VE PN 103 absolution.jpgL’étymologie de ce mot exprime parfaitement sa signification spirituelle[1]. Les verbes grec luein «délier» et latin luere «dégager» reposent sans doute tous deux sur une racine commune signifiant «briser». Luere, verbe latin rare, employé dans le vocabulaire juridique avec le sens de «s’acquitter de», a été remplacé dans la plupart de ses emplois par son dérivé solvere, solutus «délier», «désagréger», «payer», d’où absolvere (absoudre) qui exprime littéralement une dissolution, un déliement ; d’ailleurs, en grammaire absolutus traduit le grec apolelumenon «sans lien» ; par l’absolution sacramentelle, le pécheur est non seulement acquitté, mais délié, relevé, remis en liberté, rendu à la vie par une véritable renaissance spirituelle.

    Déprécative… ou indicative

    A l’ouverture de la messe, une brève célébration pénitentielle manifeste le repentir de l’assemblée ; elle contient un aveu public de péché et une demande de prière aux frères et sœurs présents (elle est ce qui subsiste des anciennes pénitences publiques décrites plus haut) : Je reconnais devant mes frères que j'ai péché […] c'est pourquoi je supplie la Vierge Marie, les anges et tous les saints, et vous aussi mes frères, de prier pour moi le Seigneur notre Dieu. A quoi le prêtre répond : Que Dieu tout-puissant nous fasse miséricorde ; qu'il nous pardonne nos péchés et nous conduise à la vie éternelle. Cette formule d’absolution des péchés véniels est appelée déprécative, car elle demande à Dieu d’opérer lui-même l’acte demandé.[2]

    Pour l’absolution des péchés, la formule déprécative (on dit aussi déprécatoire) a été la seule en usage jusque vers la fin du douzième siècle en Occident. On considérait que le confesseur ne devait pas s’exprimer à la manière des juges séculiers («nous t’absolvons», «nous ne te condamnons pas», etc.), mais qu’il devait plutôt faire une oraison sur le pénitent afin que Dieu lui accordât l’absolution et la grâce de la sanctification.

    C’est au tournant des XIIe et XIIIe siècles que l’on commença, ici et là, à mêler la forme indicative «Absolvo te» avec la formule déprécative «Dominus absolvat te». On trouve les deux formules dans la Somme théologique d’Alexandre de Halès (+1245). Ce dernier aussi bien que S. Bonaventure (+1274) et quelques autres, se servirent de ces deux formules d’absolution comme pour concilier la vertu des clés de l’Eglise avec la nécessité de la contrition.

    Saint Thomas d’Aquin pensait que la forme déprécative contribue aussi bien que l’indicative à la rémission des péchés (absolutionem non esse per solam deprecativam orationem). Mais l’opinion du saint dominicain ne fut pas suivie par tous ; les théologiens parisiens décidèrent unanimement de promouvoir la seule forme indicative par les mots Ego te absolvo, en sorte que l’usage de la formule déprécative cessa dans plusieurs endroits. On sait par François de Meyronnes (+1327), disciple de Duns Scot, qu’en Provence on absolvait encore sous la forme déprécative : «Que Dieu le Père, le Fils et le Saint-Esprit vous absolvent de tous vos péchés, etc.».

    La raison principale sur laquelle les novateurs appuyaient leur décision était que le prêtre, au «tribunal de la pénitence», tenait la fonction de juge, d’où ils concluaient que le confesseur devait prononcer sa sentence en une forme qui marquât son autorité et son pouvoir. Ils prenaient ainsi l’exact contre-pied des confesseurs des premiers siècles qui refusaient précisément d’être assimilés à des juges séculiers et utilisaient la formule indirecte, dite déprécative. Cette prise de pouvoir sacramentelle peut aussi correspondre à la montée en puissance du cléricalisme dans l’Église latine à la même époque.

    A ces aspects juridiques et sociologiques du sacerdoce vinrent se mêler des disputes philosophico-théologiques alimentées par l’infiltration des concepts philosophiques païens dans la Révélation chrétienne : matière, forme, acte, puissance, etc. Que la formule Ego te absolvo, etc., soit en même temps la matière et la forme de ce sacrement, comme le prétendent les scotistes, ou qu’elle en soit seulement la forme, comme le veulent les thomistes, ce sont des disputes que nous laissons volontiers aux sages et aux intelligents auxquels Dieu se plaît, comme par ironie, à cacher la vérité (Luc 10, 21).

    Seuls sont absolument nécessaires les mots «Je t’absous» (on dit maintenant : «Je te pardonne»). Notons ici que les Grecs (aujourd’hui qualifiés d’Orthodoxes) ne se servent pour l’absolution que d’une forme déprécative que le pape Clément VIII (en 1595) supposait bonne et valide quand ils s’en servaient les uns à l’égard des autres, mais il voulait qu’à l’égard des Latins qui en ont une autre, ils emploient la formule indicative qui est reçue parmi nous. En effet, la forme déprécative («Que Dieu te pardonne…») doit être comprise dans un sens indicatif, c’est-à-dire comme un acte judiciaire accompli par le confesseur (ministre de Jésus-Christ) et que Dieu ratifie de son autorité et de sa grâce. On peut donc préférer la forme indicative dans laquelle le pouvoir des clés confié à l’Église est plus clairement affirmé. [3]

    Absolution des excommuniés

    VE PN 103 Excommunication.jpgS’il y eut jamais un acte juridique dans l’Église, qui aurait requis que l’énoncé en fût indicatif, c’est bien l’absolution de l’excommunication par laquelle le baptisé est rétabli dans tous les droits attachés à la communion des fidèles. Cependant, assez étonnamment, l’absolution ou la révocation de la sentence d’excommunication se faisait autrefois par des prières en forme déprécatoire, quoique de tout temps la sentence de l’excommunication eût été énoncée en termes indicatifs ou imprécatifs… En d’autres mots : «Nous t’excommunions…», mais «Dieu veuille te réintroduire…»

    Voici quelle était au XIe siècle la forme d’absolution de l’excommunication. Burchard (+1025), l’évêque de Worms que nous avons déjà rencontré dans cette brève histoire, est le premier auteur qui décrit cette cérémonie : « L’évêque, accompagné de douze prêtres, doit conduire aux portes de l’église l’excommunié repentant, demandant grâce et promettant de satisfaire. Là, après avoir pris quelques précautions pour s’assurer qu’il effectuera ses promesses, il est absous de cette sorte : L’évêque chante les sept psaumes avec l’Oraison dominicale et plusieurs versets et répons ; après quoi suit l’oraison : “Donnez, Seigneur, à cet homme votre serviteur de dignes fruits de pénitence, afin que recevant le pardon des péchés qu’il a commis, et pour lesquels il avait été séparé de votre Église, il recouvre son innocence, par notre Seigneur Jésus-Christ, etc.” Suit une autre oraison un peu plus longue. Ensuite l’évêque le prenant par la main droite l’introduira dans l’église et le rétablira dans la communion et la société chrétienne.» Suit une autre prière, laquelle étant achevée, l’évêque lui enjoint une pénitence proportionnée à sa faute, et envoie des lettres dans le canton pour notifier à tout le monde que cet homme a été reçu dans la société chrétienne. Il le fait aussi savoir aux autres évêques.»

    Nouvelles prises de tête…

    Après l’abandon progressif des œuvres pénales par lesquelles les pécheurs se préparaient et se mettaient en état de recevoir l’absolution de leurs péchés (nous en avons décrit quelques-unes), on disputa beaucoup sur les dispositions intérieures nécessaires pour rentrer en grâce avec Dieu, et sur les effets du sacrement de pénitence. Privés de l’étalon des pénitences visibles et matérielles, les docteurs en théologie se mirent en tête de savoir comment concilier la vertu de l’absolution avec les dispositions intérieures exigées pour être en état de la recevoir ; et les plus subtils d’entre eux employèrent tout ce qu’ils avaient d’esprit pour trouver un dénouement à ce nœud gordien.

    Or, sur cette question, les anciens pensaient comme pensent encore aujourd’hui les chrétiens ordinaires et les personnes les plus simples : ils croyaient que l’effet de l’absolution était le pardon des péchés ! Ils croyaient que Dieu l’accordait par la vertu du Saint-Esprit qui accompagnait l’action du confesseur, approuvait et confirmait dans le ciel ce que celui-ci faisait en son nom sur la terre : «Il y aura plus de joie dans le ciel pour un seul pécheur qui se convertit que pour 99 justes qui n’ont pas besoin de conversion» (Lc 15, 7). Ils croyaient de plus que cette réconciliation était suivie d’une grâce plus abondante et qu’elle incitait ceux qui la recevaient à s’approcher avec confiance des saints mystères, en particulier de la chair vivifiante du Sauveur, à laquelle on ne peut communier qu’après s’être purifié de la tache des péchés les plus graves, sachant que l’eucharistie est en elle-même aussi un remède qui procure la guérison, comme le dit l’oraison qui précède la communion du prêtre. On ne trouve rien d’autre dans les écrits des Pères de l’Église. 

    Attrition, contrition…

    VE PN 103 Confiteor.jpgMais pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? Certains grands esprits introduisirent une distinction à l’intérieur même de la démarche personnelle de pénitence ; la question cruciale était celle-ci : le pénitent revient-il à Dieu par crainte des peines liées au péché ou par amour pour Dieu ? C’est ainsi que fut introduite la différence entre l’attrition (regret par crainte des peines) et la contrition (regret par amour pour Dieu); la première n’étant accompagnée que d’un faible amour de Dieu, tandis que la seconde manifestait un très grand amour pour Dieu, ou, pour parler comme ces théologiens, un amour très intense, intensissimum. Cependant les scolastiques convenaient unanimement entre eux que la contrition et l’attrition étaient de même espèce (notion héritée de la philosophie grecque), et qu’elles ne différaient que «du plus au moins». De là naquit parmi eux l’axiome selon lequel les pénitents confessant leurs péchés, d’attrits devenaient contrits avant ou après l’absolution, ou même pendant qu’ils la recevaient…

    Une idée entraînant une autre, on ne se contenta plus d’affirmer que le pénitent, par la vertu du sacrement, d’attrit devenait contrit, on alla jusqu’à dire que la douleur des péchés, ou l’attrition quand elle était accompagnée de quelque degré d’amour de Dieu, aussi faible qu’il fût, était suffisante pour obtenir la rémission des péchés ; cette attrition se changeant en contrition dans le court espace de temps (quelques secondes, quelques minutes…) qui se trouve entre la confession et l’absolution. Il y en eut même qui osèrent avancer que la contrition présumée était capable d’obtenir l’effet du sacrement, pourvu que celui qui ressentait cette présomption de contrition crût de bonne foi être attrit ou contrit, et reçût dans cette disposition le sacrement de Pénitence… C’est ainsi qu’à force de finasser, les choses les plus claires deviennent obscures, que les concepts philosophiques se transforment en peaux de banane, que les esprits et les égos échauffés répandent la confusion et les ténèbres sur des objets qui sont à la portée des gens simples faisant usage de leur raison.

    Quoi qu’il en soit de ces subtilités, l’Église a usé du pouvoir qu’elle a en ces matières, en définissant au concile de Trente que l’absolution est «une manière d’Acte judiciaire, par lequel le Prêtre, comme Juge prononce la Sentence»[4] et que les paroles essentielles de l’absolution sacramentelle sont celles-ci (où l’on remarque l’usage des deux formules combinées : «Que Notre Seigneur Jésus Christ t’absolve», suivi de «Et moi, je t’absous de tes péchés, au nom du Père, etc…»).

    Dominus noster Jesus Christus te absolvat : et ego auctoritate ipsius te absolvo ab omni vinculo excommunicationis, (suspensionis), et interdicti, in quantum possum, et tu indiges. Deinde ego te absolvo a peccatis tuis, in nomine Patris, et Filii, et Spiritus Sancti. Amen.

    Absolution aux malades

    Selon une pratique ancienne, attestée au temps de S. Cyprien (+258), la réconciliation accordée à un pénitent malade le rétablissait pleinement dans la communion des fidèles et le dispensait des travaux ordinaires de la pénitence. Le concile de Nicée (325) limita au danger de mort l’indulgence accordée à la suite de cette absolution ; en effet, les pères conciliaires ne voulaient pas que les bénéficiaires revenus à la santé jouissent de tous les avantages de la réconciliation ordinaire sans s’être soumis aux exigences de la pénitence ordinaire ; on considérait que l’absolution accordée dans le péril de la maladie avait pour ainsi dire été extorquée à l’Église. Les personnes guéries et absoutes sans avoir fait la pénitence requise étaient reléguées parmi les consistants, dont nous avons vu précédemment qu’ils n’étaient pas en pleine jouissance de la communion parfaite avec les autres fidèles : ils ne participaient pas aux saints mystères, mais pouvaient les observer à distance.

    Faux malades 

    Comme il fallait s’y attendre, il arriva que plusieurs de ceux qui subissaient une pénitence publique (du temps où elles étaient en vigueur) feignaient des maladies ou exagéraient celles dont ils souffraient afin d’engager les prêtres à les absoudre ; ils espéraient ainsi s’affranchir des longs et rudes travaux auxquels ils étaient condamnés suivant les canons que nous avons évoqués plus haut ; ces pratiques malhonnêtes obligèrent l’Église à changer sa conduite sur ce point et à ordonner que les pénitents qui auraient reçu l’absolution en danger de mort, retourneraient, une fois leur santé revenue, dans le même degré de pénitence où la maladie les avait surpris.

    Simples d’esprit et possédés

    Les simples d’esprit et les déments étaient assimilés aux enfants et jugés aptes à recevoir le sacrement de Réconciliation, d’autant plus s’ils l’avaient demandé au début de leur maladie ou que des personnes dignes de foi témoignaient de leurs bonnes dispositions. Telle était déjà la pratique dans les premiers siècles de l’Église.

    Pour cette même raison, on étendait la grâce du sacrement du baptême et de la réconciliation aux personnes encombrées par les démons ainsi qu’à ceux qui souffraient de troubles de l’esprit assimilés à des infestations diaboliques et dont la vie se trouvait en danger.

    A la question de savoir si un catéchumène agité par le démon peut recevoir le baptême, Timothée, patriarche d’Alexandrie (+ 384), répond affirmativement, et le premier concile d’Orange (en 529) décide qu’on ne doit refuser aux insensés ni le baptême ni la réconciliation (c. 13).

    Le jansénisme

    VE PN 103 Mélon crucifix   janséniste bras étroits petit nombre des élus.jpgCependant, dans le courant des XVIIe et XVIIIe siècles, plusieurs théologiens, appuyés sur des raisonnements plus subtils que solides, ont enseigné le contraire en raison de deux motifs :

    1. le prêtre qui absout agit en juge qui doit connaître l’objet sur lequel il doit prononcer sa sentence ; ce qui est impossible quand la personne qu’il s’agit d’absoudre est hors d’état de faire connaître ses péchés, son désir et ses dispositions présentes : la vie droite qu’elle a menée avant sa maladie, les bonnes œuvres qu’elle a pratiquées ne comptent plus si elle est tombée dans le péché ; il est donc impossible au confesseur de juger du désir et des dispositions de cette personne, même si elle demande par elle-même le sacrement.
    2. selon ces théologiens, les actes peccamineux du pénitent sont la matière du sacrement de Pénitence (revoici Aristote), d’où ils concluent que ces actes n’ayant pas eu lieu par la violence du mal, l’absolution, qui en est la forme, ne peut produire son effet ! D'autres disaient que la matière de l’absolution était les pénitents eux-mêmes…

    Il est vrai que le concile de Trente (clôturé quelque deux siècles plus tôt) s’était contenté de dire que les trois actes du pénitent (contrition, confession, satisfaction) étaient comme la matière du sacrement de Pénitence, quasi materia[5], laissant par cette expression la chose indécise, et la liberté aux théologiens de soutenir sur ce point ce qu’ils croyaient le meilleur. La théologie pessimiste des jansénistes sera condamnée ultérieurement par les papes[6].

    Rapports avec les Églises séparées de Rome 

    Au XXe siècle, le 2e concile du Vatican a publié un décret[7] dans lequel sont levés divers obstacles à une plus grande unité entre chrétiens : «Les Orientaux qui de toute bonne foi se trouvent séparés de l’Église catholique peuvent recevoir les sacrements de la pénitence, de l’eucharistie et de l’onction des malades, s’ils les demandent d’eux-mêmes et ont les dispositions requises ; en outre, il est permis aux catholiques, eux aussi, de demander les mêmes sacrements aux ministres non-catholiques dans l’Église desquels les sacrements sont valides, toutes les fois que la nécessité ou une véritable utilité spirituelle le conseillent, et qu’il est matériellement et moralement impossible de s’adresser à un prêtre catholique».

    En bref, les Orthodoxes sont accueillis volontiers par les prêtres catholiques (notamment à la confession), tandis que les catholiques peuvent demander, sachant que la réponse du côté orthodoxe ne sera pas forcément positive…

    L’acte de contrition

    Une bonne confession doit être précédée par la prière d’abord, puis par un examen de conscience qui permet au pénitent de se souvenir des péchés qu’il doit avouer à Dieu par le ministère du prêtre et disposer son cœur à recevoir le pardon dans des sentiments de contrition sincère. Saint Thomas d’Aquin décrit ainsi les qualités d’une bonne confession : «Que la confession soit simple, humble, pure et sincère — fréquente, nette, discrète, faite de bon cœur et avec confusion — intégrale, secrète, dite avec larmes et non retardée»[8]. A la fin de l’examen de conscience, l’usage s’est répandu, dans le sillage de la Contre-Réforme, de réciter un acte de contrition dont la forme a peu varié : «Mon Dieu, j’ai un très grand regret de vous avoir offensé, parce que vous êtes infiniment bon et que le péché vous déplaît. Je prends la ferme résolution, avec le secours de votre sainte grâce, de ne plus vous offenser et de faire pénitence» ; on pouvait ajouter : «Dans cette contrition, je veux vivre et mourir ».

    L’acte de contrition ne fait pas partie formellement de la confession sacramentelle, mais il arrive que certains confesseurs demandent au pénitent de le réciter pendant l’absolution ou juste avant. Si le pénitent ne le connaît pas, comme cela est fréquent de nos jours, il peut laisser parler son cœur en toute simplicité et dire par exemple : «Mon Dieu je regrette tous mes péchés et je te demande pardon ; aide-moi à te rester fidèle», ou toute autre prière spontanée. 

    Imposition des mains 

    Pendant l’absolution, un seul geste est requis du prêtre : l’imposition des mains ou du moins lever la main droite vers le pénitent. Pendant les premiers siècles, de nombreuses prières précédaient l’absolution proprement dite ; durant celles-ci, le prêtre tenait sa main droite (ou les deux mains) étendue(s) sur la tête du pénitent.

    Le quatrième concile de Carthage (en 398) ordonne même que les pénitents soient réconciliés par l’imposition des mains (reconcilietur per manuum impositionem). Le même concile, en son canon 78, veut que ceux qui ont reçu l’onction des malades reçoivent aussi l’imposition des mains, sans laquelle «ils ne doivent point se croire absous» (sine qua non se credant absolutos).

    L’habitude d’imposer les mains aux pénitents durant l’absolution des péchés était en usage du temps de S. Augustin (+ 430) ; on peut raisonnablement considérer qu’elle est d’origine apostolique.

    Après le concile de Trente, l’installation des confessionnaux rend physiquement impossible l’imposition des mains du prêtre sur la tête du pénitent : ils sont séparés par une grille ! Étonnamment, cette impossibilité d’imposer les mains (geste liturgique éloquent, pratiqué dès les débuts de l’ère chrétienne) a été entérinée par le dernier code de droit canonique (1983) qui précise qu’il doit y avoir toujours dans un endroit bien visible des confessionnaux munis d’une grille fixe séparant le pénitent du confesseur (can. 964, § 2), seule une juste cause (can. 964, § 3) permet que les confessions puissent être entendue en dehors du confessionnal.

    S’il est vrai que la présence d’une séparation matérielle peut amoindrir une certaine gêne de la part du pénitent et favoriser l’aveu des fautes, plaidons ici pour une revalorisation de la partie essentielle du sacrement : la réconciliation, et que le retour à l’imposition des mains sur le pénitent puisse être reconnu par les évêques comme une «juste cause». La richesse (théologique, anthropologique, symbolique) de ce geste est si magnifiquement illustrée dans les saintes Écritures (ancienne et nouvelle Alliance) qu’elle mériterait d’être explicitée dans une autre brève histoire

    Conclusion 

    L’histoire du sacrement de pénitence est aussi l’histoire de l’inlassable lutte des hommes contre la simplicité de Dieu. Autour des paroles simples et efficaces du Sauveur pardonnant aux pécheurs, les hommes les mieux intentionnés ont échafaudé d’innombrables et complexes structures faites d’ajouts, de complications, d’obstacles, tant matériels que psychologiques ou spirituels. Comme si l’on pouvait entraver les bras du Père qui s’ouvrent pour accueillir l’enfant prodigue et repentant qui rentre à la maison !

    On remarque aussi combien les usages religieux et les idées qui les structurent correspondent aux courants anthropologiques, sociologiques et politiques des époques traversées, et la théologie elle-même prend les couleurs du temps qui passe ; ainsi la figure parfaite du Père miséricordieux subit les avatars de l’histoire des hommes : tantôt impériale, majestueuse, colérique, impitoyable, absolutiste, tantôt démocratique, apitoyée, subjectiviste… Depuis un bon demi-siècle, et singulièrement depuis quelques années, l’image de Dieu est toute de douceur, de tolérance, quasiment de gnangnan ; il semblerait même que Dieu soit comme insensible au péché, se voile la face devant les turpitudes humaines ou pardonne comme par distraction, jusqu’à faire miséricorde à ceux qui ne manifestent que peu ou pas de regret de leurs fautes : c’est la nature humaine, n’est-ce pas ? et puis Dieu est si bon… !

    Or, «c’est une chose terrible que de tomber entre les mains du Dieu vivant !», lit-on dans la lettre aux Hébreux, et l’Ancienne Alliance n’est pas en reste : «Notre Dieu est un Dieu grand et redoutable» (Néhémie 4, 14), «puissant et terrible» (Deutéronome 7, 21) ; mais il sait aussi se montrer cajoleur et maternel : «Le Seigneur console son peuple, il prend en pitié ses affligés… Une femme oublie-t-elle son petit enfant ?» (Isaïe 49, 14-15) ; «Si c’est moi qui fait naître, fermerai-je le sein ?» (Isaïe 66, 9).

    Poursuivi par la reine impie Jézabel et réfugié dans une grotte de la montagne de l’Horeb, le prophète Élie, appelé au dehors par Dieu, fait cette expérience capitale : Dieu n’est ni dans l’ouragan, ni dans le tremblement de terre ni dans le feu, mais dans une brise légère[9]. Neuf siècles plus tard, sous la douceur des étoiles, Jésus parle à Nicodème de cette brise légère : «Le vent souffle où il veut et tu entends sa voix, mais tu ne sais pas d’où il vient ni où il va. Ainsi en est-il de quiconque est né de l’Esprit»[10].

    Il existe de nombreuses manières de naître, et même de renaître, de l’Esprit : le sacrement de la pénitence en est une essentielle. Jusqu’à la fin du monde, et aussi longtemps qu’il y aura un pécheur repentant sur la terre, le sacrement de la Réconciliation – berceau de notre Renaissance –manifestera l’amour divin dans la simplicité de ses moyens et l’extraordinaire fécondité de ses effets.

    Pierre René MÉLON

    piremel@netcourrier.com

    [1] Picoche J., Dictionnaire étymologique du français, Le Robert, 2008.

    [2] On retrouve aussi dans les exorcismes des formules déprécatives suivies de formules imprécatives : «Ô Dieu qui vous plaisez à toujours avoir pitié et à pardonner, recevez la prière que nous vous adressons pour votre serviteur N. (ou votre servante) enserré(e) dans les liens du péché, afin que votre bienveillante compassion le (la) délivre avec bonté, etc.». Puis : «Je t’ordonne, qui que tu sois, esprit impur… etc.» (Grand exorcisme du rituel romain, 1614).

    [3] Remarque lue sur le site www.theopedie.com.

    [4] Session XIV (25 novembre 1551), chapitre 6.

    [5] Denzinger, Symboles et définitions de la foi catholique, Cerf, n° 1673.

    [6] Par les bulles d’Innocent X Cum occasione (1653) et Unigenitus Dei Filius de Clément IX (1713).

    [7] Décret Orientalium Ecclesiarum (21 novembre 1964), n° 26.

    [8] Missel quotidien, éditions Brepols, 1961, p. 2276.

    [9] Premier Livre des Rois, chapitre 19.

    [10] Jn 3, 8.

  • Dimanche 2 juillet 2017 : Solennité de la Fête des saints Pierre et Paul

    EGLISE DU SAINT-SACREMENT

    Bd d’Avroy, 132 à Liège 

    Saint-Sacrement 1er dimanche du mois_2.0.jpg

    SOLENNITÉ DE LA FÊTE DES SAINTS PIERRE ET PAUL 

    DIMANCHE 2 JUILLET 2017 À 10 HEURES

    Pâques est la plus grande solennité du cycle liturgique ; mais pour les Romains, il y avait comme une seconde fête de Pâques, qui, si elle ne la surpassait pas en splendeur, égalait certes la première. C’était le « dies natalis » –la naissance au Ciel-  des deux Princes des apôtres, Pierre et Paul, martyrisés à Rome dans les années soixante de notre ère, ou, pour mieux dire, c’était, dans leur personne, la fête de la primauté pontificale, la fête du Pape, le Natalis urbis, le jour natal de la Rome chrétienne, le triomphe de la Croix sur Jupiter, père du tonnerre, et sur ses vicaires les Pontifices Maximi, établis dans la Regia du Forum. Il est si vrai que Rome y attachait ce sens symbolique, que les évêques de la province métropolitaine du Pape avaient l’habitude de se rendre dans la Ville éternelle, en signe de respectueuse sujétion, pour célébrer avec le Pontife une si grande solennité.

    La Solennité de cette fête se célèbre le dimanche qui suit le jour de la fête (29 juin) : en cette année  2017, il s’agira du dimanche 2 juillet :

    Missel de 1962

    Propre grégorien  de la Messe « Nunc Scio Vere »,

    Kyriale IV « Cunctipotens Genitor Deus », Credo IV 

    "Christus vincit": acclamations carolingiennes (IXe s.)

    au Christ Vainqueur  

    par la Schola grégorienne du Saint-Sacrement

    A l’orgue,Patrick Wilwerth (orgue)

    Avec le concours du Quatuor Instrumental Darius  

  • A Liège : l’église du Saint-Sacrement a célébré sa fête emblématique dans le cadre des manifestations de la Fête-Dieu 2017

    Quatre jours durant (du 15 au 18 juin 2017) l’Eglise de Liège commémorait cette année le septième centenaire de la constitution (1317) par laquelle le pape Jean XXII inscrivit définitivement dans le droit général de l’Eglise la Fête-Dieu, cette fête d’origine liégeoise impulsée dès 1246 par Julienne de Cornillon (Retinne, 1192-Fosses la Ville 1258) et Eve de Saint-Martin († en 1266)

    Dans la soirée du jeudi 15 juin, à l’issue de la messe inaugurale à la collégiale Saint-Martin une procession rejoignit la cathédrale pour une adoration nocturne, que d’autres suivirent les jours suivants, ponctuées aussi d’initiatives diverses telles que des conférences, un grand rassemblement au carmel de Cornillon ou une découverte pédestre de la vallée de la Julienne, ce ruisseau champêtre qui rappelle le nom et les origines de la sainte Liégeoise.

    Un succès de foule 

    P6254073 (800x600) - Copie.jpg

    C’est dans ce contexte que, le samedi 17 juin à 18h00, l'évêque de Liège,  Mgr Jean-Pierre Delville,  a célébré à l’église du Saint-Sacrement  une messe solennelle selon la forme extraordinaire du rite romain dans l’église du Saint-Sacrement au Boulevard d’Avroy : un beau succès de foule qui rassembla 350 personnes, soit le maximum que puisse accueillir ce sanctuaire.

    La petite exposition d’art sacré  illustrant le culte de Julienne de Cornillon et surtout la vénération de la relique de la sainte, exposée après la messe, se partagèrent les faveurs du public avec une réception conviviale où l’évêque s’attarda pour saluer tous et chacun.

    Une célébration de qualité

    received_10212299210742960.jpeg

    received_10212299218143145.jpeg

    received_10212299196782611.jpeg

    Remarquable, cette célébration le fut aussi par la qualité chorale de la messe. Deux groupes de chanteurs exceptionnels ont prêté leur concours à cette célébration :

    Venue expressément de la capitale espagnole, la Schola Antiqua de Madrid dirigée par Juan Carlos Asensio a fait entendre le riche répertoire médiéval consacré à la fête du « Corpus Christi ».Tous les membres de cette schola ont été formés à la manécanterie du célèbre monastère bénédictin de la Vallée de Los Caïdos, situé sur la route de Madrid vers l’Escurial.  

    Les Belges n’ont pas été en reste, avec la participation du Quatuor Genesis constitué par un ensemble de jeunes talents inscrits cette année à l’académie du chœur de l’opéra de la Monnaie. Ils ont interprété la messa a quattro voci de Claudio Monteverdi ainsi que des motets d’Olivier Messiaen et Ola Gjeilo. Les couleurs de Liège dans cette prestation étaient représentées par Patrick Wilwerth, professeur au conservatoire de Verviers et titulaire des orgues de l’église du Saint-Sacrement.

    On trouvera, à la fin de cet article plusieurs extraits des chants de la messe, dont la totalité fut enregistrée « en live » au cours de la cérémonie :

    → pour les parties polyphoniques, le kyrie, le gloria et le sanctus de la messe à quatre voix de Monteverdi et l’hymne célèbre « Ubi caritas » revisitée par Ola Gjeilo (un compositeur norvégien né en 1978).

    → pour les parties en plain-chant : l’introït, le graduel, l’alleluia et l’offertoire du propre la messe  ainsi que le conduit « congaudeant catholici » (déchant extrait du Codex Calixtinus, conservé à Saint-Jacques de Compostelle, XIIe s.)

    L’évêque de Liège a rappelé le sens profond de l’Eucharistie 

    received_10212299208902914.jpeg

    Cette célébration fut aussi, pour l’évêque de Liège, l’occasion de rappeler le sens profond de l’Eucharistie, ce Sacrement des sacrements qu’exalte la Fête-Dieu. Voici le texte de l’homélie qu’il a prononcée en cette belle circonstance :

    « Chers Frères et Sœurs,

    La Fête-Dieu, c’est la Pâque aujourd’hui, la Pâques pour moi, pour nous, dans la communion au corps du Christ. Pâque, c’est la vie du Christ. C’est la Fête-Dieu, c’est notre vie dans le Christ. Comme le dit Jésus : « celui qui me mange vivra par moi ; celui qui mange ce pain vivra éternellement » (Jn 6,56-58).

    received_10212299187582381.jpegCe mystère de vie est aussi un mystère d’amour, l’amour de Dieu pour nous, qui se manifeste dans le don que Jésus nous fait de son corps et de son sang, c’est-à-dire le don de toute sa vie. Nous découvrons que nous sommes des gens qui sont aimés, et non pas des gens lancés dans la vie par le hasard des choses. Chacun de nous est aimé par le Christ et nous sommes invités à répondre à cet amour en communiant avec lui et en recevant son corps. Jésus nous a aimés le premier. Il est mort pour nous, c’est-à-dire qu’il est allé jusqu’au bout de sa vie d’amour, il n’a pas reculé au dernier moment. Mais il a voulu donner un signe du fait qu’il offrait sa vie pour nous.  

    Répondre à cet amour, c’est communier dignement. « Celui qui mangera ce pain ou boira le calice du Seigneur indignement, sera coupable envers le Corps et le Sang du Seigneur », dit S. Paul. « Que l’homme s’éprouve donc soi même » (1 Cor 11,23-30). Communier signifie donc se convertir constamment. C’est une invitation à lutter contre la corruption. Dans le monde d’aujourd’hui, où tant de corruption apparaît dans le monde politique et où les idéologies sont contournées, la foi chrétienne apparaît comme le roc incorruptible, comme le trésor inoxydable. Pourquoi ? Parce que la foi n’est pas une idéologie, mais une conversion quotidienne. Comme l’écrivait dans son testament une maman qui vient de mourir : « Le Christ me fait comprendre que ma vie doit être simple, sans éclats, attentive aux autres, fidèle à ce que je crois être vrai, juste. Il me dit surtout que l’Esprit Saint doit être mon guide, celui qui éclaire toutes mes pensées et mes actes tout au long des jours. » Repasser chaque jour sa vie à la lumière de l’Esprit Saint, c’est un don inaltérable, une piste de bonheur pour tous.

    Le partage du pain, devenu corps du Christ, nous fait communier avec lui et nous incite à communier avec nos frères et sœurs. Chaque communauté chrétienne est appelée à vivre cette communion fraternelle. Je vois qu’on vit cela en particulier dans cette église du Saint-Sacrement. On y pratique la liturgie ancienne, sous la forme extraordinaire. C’est un retour aux sources, aux textes, aux chants et aux gestes originaux de la liturgie, qui nous font découvrir avec soin la grandeur du mystère de vie et de mort qui se dévoilent dans la liturgie. Je remercie cette communauté pour cette mission qu’elle a assumée. C’est primordial d’être en communion les uns avec les autres, pour être des témoins authentiques de l’amour de Jésus dans notre monde. Si nous ne nous aimons pas les uns les autres, qui nous croira ? , qui nous fera confiance ? 

    Jésus insiste sur la vie comme don de soi. Jésus veut tirer de l’oubli ceux qui meurent seuls et abandonnés et nous ouvrir les yeux sur eux, comme il nous a ouvert les yeux sur le sens de sa mort. En cette Fête-Dieu, nous sommes donc sollicités à être solidaires de ceux qui meurent aujourd’hui de manière injuste, comme Jésus est mort de manière injuste. Et nous sommes sollicités à faire de notre vie un don pour travailler à un monde meilleur. Nous sommes invités à éviter tout narcissisme, à éviter la tendance à s’engager pour recevoir des compliments et des félicitations. Nous sommes invités à rejeter ces arrière-pensées narcissiques et à cibler toujours le bien de l’autre et pas notre gloire personnelle. Ainsi nous pourrons consacrer notre vie, en faire une offrande au Seigneur, en communion avec lui.

    Oui, Frères et Sœurs, nous allons célébrer maintenant avec joie le sacrifice du Christ, c’est-à-dire le don de soi du Christ, qui se consacre à nous pour que nous nous consacrions à lui et à nos frères dans la joie. Amen. Alleluia ! »

    received_10212299204022792.jpeg

    JPSC

     

    Quatuor Genesis :

    • Kyrie de la messe de Monteverdi
      podcast
    • Gloria de la messe de Monteverdi
      podcast
    • Sanctus de la messe de Monteverdi
      podcast
    • Ubi caritas de Gjeilo
      podcast

     

    Schola Antiqua de Madrid :

    • Cibavit
      podcast
    • Oculi omnium
      podcast
    • Alleluia, caro mea
      podcast
    • Sanctificavit Moyses
      podcast
    • Congaudeant catholici
      podcast

     

  • Fête-Dieu 2017 à Liège : une célébration exceptionnelle à l’église du Saint-Sacrement (Bd d’Avroy, 132), le samedi 17 juin à 18h00

    F+¬te-Dieu 2017 - affiche.jpg

    L’ église du Saint-Sacrement à Liège

    Copie de église du st sacrement - Copie.JPG

    Succédant à l’ancienne église Sainte-Anne (XVIe s.) des Augustins qui la firent ériger au XVIIIe siècle, l’église du Saint-Sacrement au Boulevard d’Avroy présente cette particularité d’être aujourd’hui la seule à être consacrée sous ce vocable à Liège.

    Elle le doit aux Religieuses du même nom qui firent restaurer et re-consacrer en 1866 l’édifice  désaffecté depuis la dispersion (1796) des chanoines augustins, lors la Révolution française. Pendant 127 ans, les religieuses se vouèrent dans cette église à l’adoration perpétuelle de l’Eucharistie. Leur communauté disparut en 1993, faute de vocations mais en 2003 une association de fidèles intitulée « Sursum Corda » prit le relai en rachetant le sanctuaire -alors menacé de sécularisation- afin d’y perpétuer l’œuvre des religieuses disparues. « Sursum Corda », qui projette une réhabilitation intégrale du bâtiment ne vit que de dons.

    Une fête emblématique à Liège

    IMG_6586.JPG 

    Entre autres activités, chaque année depuis 2003, l’église du Saint-Sacrement contribue à solenniser la Fête-Dieu  en ses murs.

    Quatre jours durant (15-18 juin 2017) l’Eglise de Liège commémore cette année le septième centenaire de la constitution (1317) par laquelle le pape Jean XXII inscrivit définitivement cette fête d’origine liégeoise dans le droit  général de l’Eglise.

    C’est dans ce contexte que, le samedi 17 juin à 18h00,  Mgr Jean-Pierre Delville célébrera à l’église du Saint-Sacrement  une messe solennelle selon la forme extraordinaire du rite romain.

    Une célébration de qualité

    Deux groupes de chanteurs exceptionnels prêteront  leur concours à cette célébration : venue expressément de la capitale espagnole, la Schola Antiqua de Madrid dirigée par Juan Carlos Asensio fera entendre le riche répertoire médiéval de la péninsule ibérique consacré à la fête du « Corpus Christi ».

    Tous les membres de cette schola ont été formés à la manécanterie du célèbre monastère bénédictin de la Vallée de Los caïdos, situé sur la route de Madrid vers l’Escurial.  

    Les Belges ne seront pas en reste avec la participation du Quatuor Genesis constitué par un ensemble de jeunes talents inscrits cette année à l’académie du chœur de l’opéra de la Monnaie. Ils interpréteront la messa a quattro voci de Monteverdi ainsi que des motets d’Oliver Messiaen et Ola Gjeilo. Les couleurs de Liège dans cette prestation seront représentées par Patrick Wilwerth, professeur au conservatoire de Verviers et titulaire des orgues de l’église du Saint-Sacrement.

    Le plain-chant de la Schola Antiqua de Madrid:

     

    La messa a quattro voci de Claudio Monteverdi: 

     

    A la fin de la cérémonie, le public pourra se partager entre la visite d’une exposition présentant des pièces du patrimoine muséal liégeois sur le thème de la Fête-Dieu et la réception (en libre accès) offerte en présence de l’évêque de Liège.   

    Plus de renseignements : tel 344 10 89  ou email : sursumcorda@skynet.be

    site web :  http://eglisedusaintsacrementliege.hautetfort.com/

     

  • Liège : renouveau au sanctuaire de Cornillon et festivités populaires de la Fête-Dieu 2017

    Quatre jours pour fêter Dieu à Liège

    Fête-Dieu 2017.jpg

    Une conférence de presse était organisée au Carmel de Cornillon ce mercredi 7 juin en présence de Mgr Delville, évêque de Liège, pour communiquer sur la célébration de la Fête-Dieu à Liège, du 15 au 18 juin prochains. Voici la synthèse de ces manifestations :

    Jeudi 15 juin

    9h30 Laudes animées par les bénédictines à St Martin
    10h00-18h00 Journée d’adoration à St Martin
    19h00 Eucharistie festive de la Fête-Dieu, présidée par le Cardinal De Kesel et concélébrée par Mgr J-P. Delville, évêque de Liège, à St Martin
    20h15 Procession solennelle
    21h30-24h00 NightFever & bougies pour la paix à la Cathédrale

    Vendredi 16 juin

    9h00 Eucharistie à la Cathédrale
    9h30 « Donne nous notre pain de ce jour ». Conférence sur la nouvelle version du Notre Père, à la Cathédrale
    10h-17h Journée d’adoration, animée par le MEL, à la Cathédrale
    20h00 « Donne nous notre pain de ce jour ». Conférence sur la nouvelle version du Notre Père, à Saint-Remacle

    Samedi 17 juin

    IMG_6589.JPG14h00-18h00 Balade contée aux sources de sainte Julienne, à Retinne
    14h00-18h00 Exposition « 700 ans de la procession de la Fête-Dieu de 1317 », à l’église du Saint-Sacrement
    18h00 Solennité de la Fête-Dieu célébrée selon le missel de saint Jean XXIII, par Mgr Jean-Pierre Delville, à l’église du Saint-Sacrement, avec le concours de la Schola Antiqua de Madrid et le Quatuor Genesis

     

    Dimanche 18 juin

    10h00 Louange et messe animées par la communauté de l’Emmanuel, au Carmel de Cornillon
    12h00-17h00 Adoration eucharistique, au Carmel de Cornillon
    16h00 « Sainte Julienne, une messagère pour aujourd’hui », conférence de Mgr J-P. Delville Eglise, à l’église Sainte- Julienne de Retinne
    16h30 Vêpres et Salut au Saint-Sacrement, au Carmel de Cornillon

    Pendant ces quatre jours, plusieurs célébrations et événements seront proposés, en particulier la traditionnelle et 771ème célébration annuelle de la Fête-Dieu le jeudi 15 juin en la basilique Saint-Martin à 19h. L’eucharistie solennelle sera présidée par le cardinal Jozef De Kesel,

    Tous les détails sont repris sur le site : www.liegefetedieu.be

    Renouveau au sanctuaire de sainte Julienne de Cornillon

    Cornillon.jpg

    Cette conférence de presse était aussi dédiée à l’annonce d’une nouvelle destinée pour ce qui s’appelle aujourd’hui encore le Carmel de Cornillon :

    Un grand changement s’annonce au sanctuaire de sainte Julienne de Cornillon à la porte orientale de la Cité ardente. C’est le lieu où Julienne, grande figure féminine liégeoise médiévale et instigatrice de la célébration de la Fête-Dieu, fut directrice du grand hôpital de la cité ardente au Moyen-Âge. La léproserie de Cornillon est attestée dès 1176. C’est actuellement le carmel de Liège.

    Après 157 années de présence active et contemplative dans ce haut-lieu spirituel, les Carmélites de Cornillon vont céder leur monastère aux Clarisses, une autre famille de religieuses contemplatives fondée par sainte Claire d’Assise.

    Déterminées à vivre leur vocation au Carmel pour l’Église et le monde, comme le désirait leur mère sainte Thérèse d’Avila, les carmélites, précise le communiqué officiel, ont estimé en dialogue avec leurs supérieurs qu’elles n’étaient plus dans les conditions normales pour y correspondre : trop de différences d’âges et de soucis de santé, combinés à un manque de vocations. La décision a été prise de suivre un chemin inattendu : la fermeture de leur cher Carmel. Elles vont rejoindre d’autres carmels ou des maisons de repos.

    Les clarisses du monastère de « Hannut-Bujumbura » sont déjà présentes et très appréciées dans le diocèse de Liège. Les similitudes entre sainte Julienne et sainte Claire sont nombreuses, comme par exemple les années de naissance, 1192 et 1194. Elles sont aussi représentées de manière similaire, chacune tenant en main un ostensoir avec l’eucharistie : en effet, pour chacune des deux, la communion au corps du Christ, l’eucharistie, était au cœur de leur spiritualité.

    En outre, le sanctuaire va développer un nouveau béguinage contemporain, pour accueillir des laïcs et des familles répartis dans huit unités autonomes de logement. Ils associeront un beau cadre de vie sécurisée tout en participant, modestement et à leur mesure, au renouveau de ce haut-lieu spirituel. Ce projet immobilier va contribuer à la revitalisation des quartiers d’Amercoeur et de la Chartreuse. Liège est un des berceaux des béguinages, attestés dès 1173 et initiés par le prêtre liégeois Lambert le Bègue, en contrebas de Saint-Martin et près de l’actuel boulevard de la Sauvenière.

    Le père Patrick Bonte, osc, commissaire apostolique du Sanctuaire de Cornillon commente : « Dans la longue tradition de prière et d’accueil des pauvres à Cornillon, nous remercions vivement les carmélites pour leur présence au cœur de la ville depuis 1860. Comme elles, nous regrettons le manque de vocations et de ressources humaines suffisantes pour pérenniser leur présence. Elles-mêmes se réjouissent de l’arrivée d’une partie de la jeune communauté des sœurs clarisses du couvent de Hannut. La plupart de ces religieuses belgo-burundaises habitent en Belgique depuis les événements de 1994 et leur couvent de Bujumbura fut co-fondé par deux clarisses liégeoises : Mère Marie-Agnès Baré et mère Marie-Françoise Wagelmans. C’est un beau signe d’unité entre les peuples. »

    Selon Jacques Galloy, chargé du projet de redéveloppement "ce projet a pour ambition de contribuer au renouveau de la porte orientale de la ville, dans le quartier d’Amercoeur. Outre le monastère des clarisses contemplatives et le développement d’un béguinage contemporain, le sanctuaire va poursuivre la fabrication de plus de 2.000.000 d’hosties par an pour le diocèse de Liège et au-delà. La chapelle médiévale où pria sainte Julienne restera un grand poumon spirituel au cœur de la ville et un petit vignoble sera replanté sur les coteaux pour illustrer l’attachement du sanctuaire à la célèbre fête du corps – hosties – et du sang – le vin – du Christ. Un comité se met en place pour porter ce renouveau de ce haut-lieu de spiritualité et d’hospitalité. "

    Voici le calendrier de la transition :

    Lundi 7 août 2017, 17h00, fête de sainte Julienne, messe d’action de grâces pour les 157 années de présence des carmélites à Cornillon.

    Vendredi 11 août 2017, fête de sainte Claire, remise privée des clés aux clarisses.

    Dimanche 8 octobre 2017, 15h00, premier dimanche suivant la fête de saint François d‘Assise, ami de sainte Claire, messe d’installation des clarisses.

    Ces célébrations seront présidées par Mgr Jean-Pierre Delville, évêque de Liège, et en présence du père Patrick Bonte, osc, vicaire épiscopal à la vie religieuse et aux mouvements, commissaire apostolique délégué du Vatican pour le sanctuaire.

    Contacts

    Service de Presse & de Communication du Diocèse de Liège

    Tél.: +32 (0)4/223.15.26 – @: communication@evechedeliege.be

  • Le jeudi 15 juin 2017 à la salle des professeurs de l’Ulg : l’« Union des étudiants catholiques de Liège » lance un nouveau lunch débat sur un sujet brûlant d’actualité

    La crise de l’Union européenne

    Le déclin.jpg

    et la chute de la République romaine

     

    A l’Ulg, le jeudi 15 juin 2017 à 18h00 : troisième lunch débat du cycle organisé par l’Union des étudiants catholiques de Liège sur le thème : « L’Europe, ses fondements, aujourd’hui et demain »

    Après Mgr Delville, le 17 janvier ( « Le Christianisme médiéval, creuset de l’Europe ») et Madame Annie Laurent le 4 avril (« Immigration, identité et multiculturalité »), l’Union et le groupe éthique sociale accueillent ce jeudi 15 juin à 18h un nouveau conférencier à la Salle des Professeurs de l’Ulg. L’invité est cette fois le professeur David Engels, professeur ordinaire à l’université libre de Bruxelles et titulaire de la chaire d’histoire romaine. A travers une étude comparative de textes, il établit un parallèle troublant entre la crise de l’Union européenne et la chute de la République romaine  tardive (au 1er siècle avant J.-C).

    De la question de la citoyenneté, des frontières et des flux migratoires à celles de la morale, de religion, ou de l’art, cette époque antique qui débouche sur l’absolutisme de l’empire « universel » d’Auguste apparaît stupéfiante d’actualité et de modernité. Le livre sur ce sujet brûlant que David Engels a publié  aux éditions du Toucan sous le titre "Le Déclin" est devenu un bestseller du genre:  il vient de faire l’objet d’une réédition. Des exemplaires de l’ouvrage seront mis à la disposition du public lors de la conférence.

    lunch_debat_juin2017.jpg

    La réunion a lieu le jeudi 15 juin 2017 de 18h00 à 20h30 à la Salle des professeurs dans le bâtiment du Rectorat de l’Université de Liège, Place du 20 Août, 7, 1er étage (accès par l’entrée principale). Horaire apéritif à 18h00 ; exposé suivi d’un lunch-débat : de 18h15 à 20h30. (P.A.F : 15 € par réunion buffet compris – 5 € pour les étudiants).

    Inscription obligatoire trois jours à l’avance par tel. 04.344.10.89 ou par  e-mail info@ethiquesociale.org ou via le site internet  www.ethiquesociale.org

  • Plain-Chant sur Liège le samedi de la Pentecôte 2017

    PLAIN-CHANT SUR LIÈGE

    LE SAMEDI 3 JUIN 2017 à 16h45  

    À L’EGLISE DU SAINT-SACREMENT

    Bd d’Avroy, 132 à Liège

    journ+®e_grego_03 jui2017.jpg

    Who is who ?

    Le Chœur Grégorien de Paris s’est constitué en 1975 pour préserver et faire rayonner la tradition du chant sacré d’Occident : le chant grégorien. Il fonctionne comme une Schola, dont les membres fondateurs dispensent l'enseignement de cet art choral depuis plus de dix ans. 

    olga_cercle.pngDirigée depuis 1997 par Olga Roudakova, sa branche féminine, Voix de femmes, rassemble une douzaine de chanteuses de nationalités et formations musicales variées, couronnées des prix décernés par divers conservatoires et concours musicaux.  Multipliant les concerts et tournées internationales, l’Ensemble s’est produit, notamment, aux Festivals de Musique Sacrée de la Ville de Paris ou « Voix et Route romane » à Strasbourg , au Festival d’art sacré « L’éclat d’Orient » d’Angers , aux  Festivals internationaux de Chant Grégorien du Luxembourg, de Watou (Belgique) ou de Tomar (Portugal), aux Estivales de l’Orgue à Rennes, au Festival d’art sacré « L’éclat d’Orient » d’Angers et d’année en année à  Saint-Pétersbourg (Russie). Depuis 2004 les « Voix de femmes » résident à l’église Saint-Germain l’Auxerrois de Paris pour y animer les messes grégoriennes de dimanche soir.  

    L’Académie de Chant grégorien, fondée à Bruxelles en 2000, est présente à Liège depuis 2003. Elle y a accueilli plus de trois cents élèves dans les cycles de cours qu’elle organise chaque année dans les locaux de l’église du Saint-Sacrement au Boulevard d’Avroy. A Bruxelles et à Louvain-la-Neuve, l’académie offre aussi des cycles de cours ouverts tant aux débutants qu’aux persévérants, ainsi que isabelle Valloton.jpgdes week-ends consacrés à des formations thématiques de perfectionnement dont la direction est confiée aux meilleurs spécialistes belges et étrangers.  

    Chargée des cours de chant grégorien à Bruxelles et à Liège, Isabelle Valloton a reçu une formation grégorienne à l’abbaye valaisanne de Saint-Maurice et dans des séminaires internationaux animés par des spécialistes de renom. Elle est licenciée ès Lettres de l’Université de Genève et membre du Choeur grégorien de Paris.

    Organiste, compositeur, professeur d’orgue au Conservatoire de Verviers et dans plusieurs académies de la région liégeoise, Patrick Wilwerth est diplômé des Conservatoires royaux de Liège et de Bruxelles, où il fut l’élève et le disciple d’Hubert Schoonbroodt. Il a aussi fondé en 1994 le chœur de chambre « Praeludium » et a été nommé, en 1993, directeur du Chœur universitaire de Liège.

    Les voix féminines du Choeur grégorien de Paris 

    → À 16h45, psalmodie des vêpres traditionnelles de la pentecôte alternée par le chœur parisien et les élèves de l’académie.

    → À 17h30, découverte des plus belles mélodies du temps pascal interprétées par Olga Roudakova, Kyung –Hee Han , Clothilde Prin et Anna Zakova.

    → A 18h00, messe grégorienne de la Fête célébrée avec le concours des chœurs liégeois et parisien réunis. A l’orgue : Patrick Wilwerth, professeur au conservatoire de Verviers et directeur du chœur universitaire de Liège.

    → A 19h00, réception offerte à l’issue des manifestations.

    Entrée libre

    Renseignements : tél. 04 344 10 89

    e-mail academiedechantgregorienliege@proximus.be

    site web : www.gregorien.be

  • Liège : Foliamusica au Saint-Sacrement (Bd d’Avroy, 152) le 21 mai 2017

    A la découverte des jeunes talents, quatre dimanches après-midi par an : récital suivi d’une rencontre amicale avec les artistes 

    Information/invitation

    FOLIAMUSICA AFFICHE LOGAN 2017-page-001.jpg

     

    Logan Lopez Gonzales.JPG 

    Logan Lopez Gonzalez, haute-contre et Yvonne Vansteenkiste, orgue 

    Partie 1 : musique sacrée 

    VIVALDI, Judith triumphans RV 644 (extrait : Veni, veni me sequere fida )

    VIVALDI, Psaume Nisi Dominus RV  608 (extraits : IV Cum dederit, V Sicut sagittae, VI Beatus vir, VII Gloria Patri)

    PERGOLÈSE : Stabat mater (extrait : fac ut portem)

    J.S. BACH, Passion selon saint Matthieu BWV 244 (extrait : Buss und Reu)

    J.S. BACH, Messe en si mineur BWV 232 (extrait : Agnus Dei)

    Partie 2 : Opéra 

    HAENDEL

    Extraits

    Cara Speme (Giulio Cesare), Scherza Infida (Ariodante), L’ascia ch’io pianga  (Rinaldo), Ombra mai fu (Xerxès)

    Yvonne Vansteenkiste.jpg

    Au gré de l’orgue avec DANDRIEU en alternance du chant 

    voir aussi: https://www.telemb.be/les-reportages-paturages-une-voix-en-or_d_14687.html

    Renseignements et réservations : 0473 32 19 83 

    _________

    Asbl Sursum Corda

    Association pour la sauvegarde de l’église du Saint-Sacrement au Boulevard d’Avroy, 132 à Liège.

    Siège social : Rue Vinâve d’île, 20 bte 64. 4000 Liège. Tel. 04.344.10.89 E-mail : sursumcorda@skynet.be.

    Web : http://eglisedusaintsacrementliege.hautetfort.com

     

    Lien permanent Catégories : Concerts
  • "Le christianisme médiéval, creuset de l'Europe" : la conférence de Mgr Delville du 17 janvier 2017 et l'échange qui s'en est suivi

     

    logo ethique sociale.png

    IMG_6903.JPG

    Le mardi 17 janvier 2017, Mgr Jean-Pierre Delville, Evêque de Liège et professeur hre d’histoire du christianisme à l’université catholique de Louvain (U.C.L.) était l’invité d’un lunch-débat organisé à l’Université de Liège par l’Union des étudiants catholiques de Liège, membre notre association "Sursum Corda", et le Groupe éthique sociale, associés au forum de conférences Calpurnia.

    Le thème de son exposé portait sur le rôle du christianisme médiéval dans la formation de l’identité européenne.

    Pour trouver le texte complet  de la conférence et de l'échange qui l'a suivi, cliquez  ici: 

    Delville conférence christianisme médiéval.pdf

    Nous reproduisons ci dessous le "verbatim" de l'échange entre

    l'évêque et le public:

    Questions et réponses :

    1. Fallait-il, oui ou non, mentionner l’héritage chrétien dans le projet de constitution européenne ? 


    Paul Vaute, modérateur du débat :

    En premier lieu, dirai-je, il n’y a pas que des questions mais également des « merci » à l’orateur.

    Ensuite, il fallait s’y attendre, il y a d’abord  deux questions, presque trois, sur ce qui a fait un grand débat voici une dizaine années : le projet de constitution européenne qui a échoué du fait des électeurs français et néerlandais. Après ce que vous nous avez dit sur « Le Christianisme médiéval, creuset de l’Europe » la question vous est posée: dans ce projet de constitution européenne, fallait-il, oui ou non, mentionner l'héritage chrétien de l’Europe?

    Mgr Jean-Pierre Delville, évêque de Liège:

    C'est une très bonne question. Idéalement et historiquement oui, cela me paraît indéniable après tout ce que je vous ai montré.

    Évidemment, l'Europe comme émanation d'une histoire est une chose, l'Union Européenne en tant qu'entité politique en est une autre : ce n'est pas tout à fait la même chose. L'Union Européenne ne regroupe pas toute l'Europe et, en ce sens-là, elle ne peut pas s'annexer la totalité de l'héritage européen. Se pose en outre la question de l'opportunité de mettre en valeur les racines chrétiennes compte tenu d’une histoire comprenant aussi les périodes moderne et contemporaine, que je n'ai pas abordées et durant lesquelles des différenciations se font jour par rapport au Moyen Âge. La réponse à la question n'est donc pas tout à fait évidente au niveau de l'opportunité politique. En théorie, ce serait mieux, mais il ne faudrait pas non plus que ce soit une « récupération ».

    Je veux dire ceci: l'Union Européenne et l'Europe actuelle sont aussi le résultat de courants qui sont largement ceux de la philosophie des Lumières. En partie, ces courants sont en opposition avec l'Église catholique, moins avec les Eglises protestantes, mais ils constituent en tout cas une composante importante. Par ailleurs, il y a la question de la présence d'autres religions, sur le continent européen : il ne faut pas la négliger, d’autant moins que, d'une certaine façon, celles-ci ont toujours été présentes -je l'ai évoqué brièvement- et le sont davantage à l'époque contemporaine.

    J'évoque ces deux aspects :

    Il est  clair que la dimension philosophique des Lumières a contribué à l'éclosion d'une nouvelle Europe, dans le sens où l'Ancien Régime a été détrôné en 1789 avec la Révolution française : les bases officiellement chrétiennes des États européens ont forcément été mises en question à ce moment-là. 1789, il faut reconnaître, c'est l'écroulement non seulement de l'Ancien Régime mais, dirais-je, c'est la fin du Moyen Âge. En fait, le Moyen Âge continue jusqu’en 1789 dans la mesure où persiste jusque-là une société fondamentalement et structurellement inégalitaire, avec des privilèges énormes à la noblesse, mais aussi à l'Église et au Tiers-Etat, c'est-à-dire aux communes où les bourgmestres et les échevins ont voix au chapitre, mais pas le commun de la population.

    Avec la Révolution de 1789, et ses développements ultérieurs ultérieures (1791, 1795 etc.), cette société, héritée du Moyen Âge, s’écroule : un moment énorme se passe, une rupture historique fondamentale. Et cela aussi va contribuer à créer l'Europe. A un moment donné, la société de l'Ancien Régime a, de facto, corroboré les États-Nations. Par contre, avec la Révolution Française, il y a une redistribution des cartes: la conquête napoléonienne  réunit l'Europe sous l'égide de la France mais, pour une part importante, elle va créer une législation commune à beaucoup d'États. Cette législation reste sous-jacente à de nombreuses constitutions ou codes civils européens, en Belgique comme ailleurs. Il y aura aussi, dans l'aventure napoléonienne, une reprise en compte du rôle de l'Église par le concordat conclu avec le Saint Siège, avec Pie VII. Cette reprise en compte va être fondamentale pour toute l'histoire contemporaine. C’est un nouveau rapport Église-État, plus bilatéral que dans les Etats antérieurs où l'Église avait une certaine prédominance, un rapport ouvert à une acceptation d'autres religions de manière officielle: le code napoléonien accepte le Judaïsme de manière totalement officielle: aucune discrimination pour les Juifs, par exemple; et  puis plus tard, ce sera élargi à l'Islam.

    Donc, il va y avoir une redistribution des cartes et cette redistribution, héritière de la philosophie des Lumières, est en partie positionnée contre l'Église catholique, surtout en France, mais pas du tout en Allemagne. Lorsqu’on pense aux « Lumières », on pense à Rousseau, à Voltaire, on pense notamment à l'anti-cléricalisme, mais la vraie philosophie des Lumières, c'est Kant. Le vrai philosophe des Lumières qui influence toute la philosophie contemporaine, c'est Kant : c'est le philosophe de la liberté, de la liberté de conscience et donc de la liberté d'action, de la souveraineté de l'éthique, de l'importance de l'éthique dans le monde.  

    Kant n'est pas bien vu par les catholiques parce qu'il dévalorise la métaphysique, il dit qu'on ne peut pas donner des preuves de l'existence de Dieu. Par contre, Kant valorise la transcendance de l'éthique. Pour lui, l'engagement éthique de l'être humain est sa grandeur et cette perspective est fondamentale dans notre culture actuelle: c'est la culture des droits de l'homme, c'est la culture de l'anti-corruption, c'est la culture du respect de l'autre. Cela, ce sont les Lumières de Kant qui est un chrétien convaincu. Les Lumières, ce ne sont pas simplement les anti-cléricaux, c'est une philosophie d'inspiration franchement chrétienne en la personne de Kant. Et Kant est, de loin, plus important que Voltaire. 

    Par conséquent,  il faudra répondre que la philosophie des Lumières n'est pas une philosophie totalement anti-chrétienne, même si, bien sûr, des secteurs ont été anti-Église, surtout sur le plan institutionnel. Les « Lumières » c'est tout de même aussi la résurgence dans le discours d'éléments du christianisme qui avaient été mis entre parenthèses: la dignité humaine, le respect de l'autre ou la liberté qui n’étaient pas spécialement à l’honneur dans des régimes de privilèges. Bref, il y a une présence chrétienne dans la philosophie des Lumières et donc dans la nouvelle Europe qui naît après Napoléon, avec finalement l'émergence de la démocratie et de la liberté. La Constitution belge de 1831 insiste sur la liberté: liberté de culte, liberté d'association, liberté de pensée, liberté de presse. À l'époque, c’était mal vu des catholiques parce que liberté signifiait pour eux libertinisme: si on peut avoir la liberté de penser ou de publier n'importe quoi, alors on va dans le mal car la liberté laisse la porte ouverte sur tout. Mais, en même temps, les chrétiens libéraux ont dit: « ce n'est pas parce que la liberté ouvre la porte au mal que la liberté est mauvaise en soi. ». Finalement, on va réintégrer le concept de liberté dans la pensée chrétienne et, de ce fait, l'Europe du 19e siècle réintègre des valeurs chrétiennes ; même si, dans un premier temps, cela se traduit parfois en polémiques contre l'Église catholique.

    Alors, je pense que cette aventure est plus compliquée que celle du début du Moyen-Âge avec l'expérience que j'ai dite : l'expérience fondatrice. Ici, c'est une aventure un peu plus plurielle, si vous voulez, où la dimension spirituelle est tout de même importante, où celle du judaïsme est, quelque part, rétablie et où celle de l'islam est certainement très marginale mais pas totalement absente. Il faut, en effet,  se rendre compte que l'Europe c'est aussi la Bulgarie, c'est aussi le Kosovo et l'Albanie; et là, il y a des Musulmans depuis des siècles et des siècles dans une culture européenne. Donc il faut aussi un peu en tenir compte : il ne suffit pas de dire que l'Europe a des racines chrétiennes, je crois que l'Europe a aussi des aventures spirituelles où d'autres que des chrétiens ont leur place, mais où le christianisme, à mon avis, est très inspirateur.

    Alors, faut-il que le christianisme soit mentionné dans la constitution, ou dans d'autres textes, disons, juridiques de l'Union Européenne ? C'est la question. En fait, la COMECE, la Commission qui rassemble des délégués des Conférences épiscopales de l'Union Européenne, a été très contente que, même si l'on n'a pas inséré la dimension des racines chrétiennes dans la Constitution Européenne et parlé plus vaguement de racines spirituelles, on ait, par contre, institutionnalisé les rencontres entre responsables de l'Union Européenne et responsables de l’Eglise catholique  ainsi que d’autres religions -archevêques, imams, grands rabbins… Cette reconnaissance institutionnelle est, tout de même, finalement le plus important.

    Paul Vaute :

    Merci beaucoup. Vous avez ainsi répondu aussi à une question que j’ai oublié de mentionner tout à l’heure : elle concernait la convention européenne des droits de l’homme qui, elle non plus, ne fait pas mention de l’héritage chrétien et que l’on peut considérer comme  relevant de la même problématique.

    2. Des questions sont posées sur le rôle respectif des évêques et des laïcs chrétiens : finalement, est-ce qu'on ne risque pas de trop cléricaliser le développement médiéval?


    Paul Vaute :

    Retour au Moyen Âge : vous avez souligné le rôle spirituel, culturel, économique et même politique des monastères. Une des questions posées, est de savoir si les monastères sont le seul moteur de développement à cette époque? Est-ce qu'il n'y en a pas d'autres? Des questions sont posées sur le rôle respectif des évêques et des laïcs chrétiens dans le développement des villes par exemple, ou le rôle de Charlemagne dans ce qu'on appelle la « renaissance des écoles». Finalement, est-ce qu'on ne risque pas de trop cléricaliser le développement médiéval?

    Mgr Delville: 

    Il y a un rôle important des laïcs dans la fondation des monastères et donc la conjonction en quelque sorte des deux, clercs et laïcs. Charlemagne, était un laïc. En même temps, comme empereur, il avait véritablement voulu être consacré. La consécration d'un empereur dans le Rituel de l'Église catholique, c'est l'équivalent d'une consécration épiscopale, à peu près. C'est, à la limite, un sacrement, enfin, je veux dire que c'est très liturgique en tout cas. Ce n'est pas un laïc au sens pur et simple du terme. Il a une consécration, quand même. Donc, il y a un rôle important des laïcs, c'est vrai, spécialement dans l'émergence des villes et des communes, sans aucun doute.

    Mais alors, ce qu'il s'est passé, c'est que parfois des laïcs deviennent des clercs. Prenons les Croisiers par exemple -je ne sais pas s'il y en a dans la salle- mais les Pères Croisiers étaient, au départ,  un groupe de laïcs, d'hommes et de femmes qui font une communauté nouvelle, très anarchique, comme il en existe aujourd’hui également qui éclosent de manière relativement, je dirais, non-institutionnelle. Puis, à un moment donné, les Croisiers ont décidé qu'ils prenaient une Règle, en l’occurrence la Règle des Dominicains adaptée, et ils ont été reconnus mais trente ans après : pendant trente ans, ils ont été un groupe de laïcs, si l’on peut dire.  

    Ce phénomène se produit souvent quand des laïcs chrétiens prennent des initiatives. Voyez saint François d'Assise: c'est un laïc. On dit qu'il était diacre, mais on n'en a même pas la preuve. Il s'est, bien sûr, engagé d'une manière religieuse, avec des frères mineurs comme il disait, des petits frères, mais c'était des laïcs, pas des clercs. François respectait beaucoup les prêtres mais il ne voulait surtout pas être prêtre parce qu'il voulait conserver la différenciation. Dans un premier temps, les Franciscains sont des laïcs, ce sont des frères mineurs. Et puis de temps en temps, parmi eux, pour les besoins de la cause, on a ordonné un prêtre afin qu'il célèbre la Messe pour les autres. Donc, à un moment donné, des personnes laïques prennent des initiatives, puis s'institutionnalisent et peut-être se cléricalisent. 

    Des institutions, dont j'ai parlé aussi, sont un peu mixtes : les chapitres séculiers de femmes par exemple, comme à Andenne, Nivelles, ou Thorn dans le nord de l’ancien diocèse de Liège situé aujourd’hui aux Pays-Bas. Ce sont donc des associations de femmes qui se considèrent comme laïques, pas religieuses; il ne fallait pas dire à une chanoinesse qu'elle était une religieuse. Elle n'est pas une religieuse, elle peut quitter le monastère et se marier quand elle veut. Une chanoinesse séculière ne fait pas de voeux. C’est une femme qui décide de vivre en communauté avec d'autres, avec évidemment une vie de prière, une vie communautaire, mais qui ne fait pas de voeux « ad vitam aeternam ». Donc la chanoinesse séculière est une laïque. Et l'abbesse séculière a un rôle laïque important parce qu'elle dirige une institution avec beaucoup de territoires et commande aux prêtres. Escriva de Balaguer a écrit un livre  célèbre (*) sur le rôle des chanoinesses et des abbesses séculières : dans une abbaye de chanoinesses, vous aviez des femmes laïques qui dirigeaient des prêtres ; elles avaient des aumôniers et des paroisses qui dépendaient de leur abbaye ; madame l'abbesse dirigeait les affaires, faisait les nominations, déplaçait les gens, etc. Donc, il y a quand même entre le rôle des laïcs et des clercs au Moyen Âge une différenciation à faire mais dans le sens de la complexité si on le compare avec la situation d’aujourd’hui. 

    Paul Vaute :

    Pour abonder dans votre sens on pourrait, vous en avez parlé à propos de saint Martin, évoquer le rôle de la « vox populi » dans la désignation des évêques, même si cela a pu donner lieu à des abus ; et aussi, par ailleurs, la figure de sainte Catherine de Sienne qui se rend à Avignon pour convaincre le pape de retourner à Rome…

    _______

    (*) Mgr José Maria Escriva de Balaguer, La Abadesa de Las Huelgas. Étude théologique et juridique publiée en 1944, rééditée en 1974 et 1988, sur un cas extraordinaire de juridiction quasi épiscopale concernant l’abbesse du célèbre monastère, près de Burgos (Espagne).

    3. Est-ce que, d'une certaine manière, il n'y a pas une trop grande concentration de richesses dans les abbayes?


    Paul Vaute
    :

    Alors, pour poursuivre sur les monastères, il y a cette question : à qui profitait la richesse des abbayes? L'idée sous-jacente est peut-être: est-ce que, d'une certaine manière, il n'y a pas une trop grande concentration de richesses dans les abbayes? 

    Mgr Delville:

    Oui, c'est ce qu'on appelle la « mainmorte » sous l'Ancien Régime. Les abbayes possédaient tellement de richesses -un tiers des terres de Hesbaye-  que, finalement, ces terres échappaient à tout échange commercial puisque l'abbaye, contrairement à une famille, n'a jamais de testament avec un changement de propriétaire à la mort du légataire, à la mort de la personne qui donne ses terres. Les communautés de moines ou de moniales, etc., gardent leur patrimoine pendant des siècles.

    Cela dit, il faut prendre au moins deux choses en considération: la force sociale du phénomène de la vie monastique alternant avec la sinusoïde de ses déclins. 

    Le phénomène communautaire de la vie monastique est un phénomène social d'une force exceptionnelle et nous en mesurons mieux les conséquences aujourd'hui où, malheureusement, nous manquons de phénomènes communautaires : on est beaucoup trop individualiste, aujourd'hui. Autrefois, bien sûr à cause de la nécessité des temps, des pénuries etc., on était plus forcé à faire preuve d’une certaine solidarité. Il n'empêche que cette dimension communautaire était vraiment une force sociale tout à fait exceptionnelle.

    Que se passait-il dans un monastère? Il se passait que vous réunissiez les forces vives. Prenons un monastère de 20 hommes dans la force de l'âge, en tout cas quand ils se recrutent et commencent, chacun avec des compétences parce que les monastères commencent souvent par des personnes bien formées, venant de grandes familles avec de l'éducation : au lieu de mettre leurs talents au service des richesses de la famille et de leurs ambitions personnelles, ils mettent ces talents au service d'une communauté et d'un objectif plus spirituel. Voilà ce qui fait qu'un monastère réunit des forces vives qui travaillent d'une façon collégiale, avec plus d'énergie qu'une famille parce que, dans une famille, il y a l'homme, la femme, et éventuellement les enfants, mais c'est un petit noyau, tandis que dans un monastère, vous avez vingt hommes.

    C'est tout à fait clair dans les monastères cisterciens où saint Bernard les met au défi de fonder leurs monastères dans les vallées, au-dessus des cours d'eau, pour essarter l'endroit, le défricher, maîtriser l'espace et  le consacrer à la culture alors que jusque là, c'était des espaces inattaquables pour la culture. Saint Bernard oblige ses moines à se mettre dans les endroits les plus difficiles. C'est pour ça que toutes les abbayes cisterciennes sont sur des cours d'eau. S’agissant de Villers-la-Ville, c'est extrêmement clair avec la Thyle qui coule carrément en-dessous de l'abbaye avec tout un système d'engineering pour qu'au moment où le cours d'eau passe sous les premières constructions, ce soient des choses propres qui soient faites avec l'eau, du genre la cuisine et puis, seulement à la fin, les toilettes et l'évacuation des déchets. Donc, tout le système du cours d'eau est utilisé pour desservir l'abbaye et l'assèchement du terrain est fait de telle manière que le cours d'eau n'envahisse pas l'abbaye au point que l'humidité soit intolérable. Donc, ça veut dire qu'il y a un engineering, une manière de gérer les choses, au niveau de l'architecture qui est vraiment géniale. Et ça, c'est mettre les gens au défi.

    Vous savez que les Cisterciens sont à la base de l'industrie lainière en Angleterre. Les pulls anglais qu'on porte sur soi, c'est à cause des Cisterciens parce qu'ils ont, à un moment, défriché les terrains, importé les moutons, fait le travail de la laine et puis le commerce. Dans les Alpes, les « alpages » sont l’œuvre des Cisterciens : ce sont les Cisterciens qui ont défriché la grande abbaye de Tamié et encore la moitié de la Suisse et de la France. Je veux dire qu’il y eût un art de défricher les sommets des montagnes, qui étaient uniquement boisés car l'alpage n'existe pas de manière naturelle. Au naturel, vous aviez des arbres jusqu'à la pierraille – mais en défrichant les arbres, on a créé les alpages. Le Pays de Herve a été défriché par l'abbaye de Val-Dieu : le beau Pays de Herve ne serait qu'une forêt ardennaise s'il n'y avait pas eu Val-Dieu.

    Donc les Cisterciens ont été les maîtres dans l'art de la gestion agricole et même dans l'art architectural puisqu'ils ont inventé le style gothique et par conséquent permis la construction de cathédrales. Cela, c'est la force d'une communauté d'hommes qui ont une formation de nobles avec une capacité de lire, de comprendre, etc., une formation de réseaux sociaux qui donnent des amitiés extrêmement fortes et une formation spirituelle qui leur donne un idéal. La dimension communautaire des monastères au Moyen Âge est une force sociale vraiment exceptionnelle.

    Il n'empêche que, bien sûr, régulièrement ces monastères tombent, comme on dit, en déclin. Pourquoi? Eh bien! Si vous lisez le bouquin sur Saint-Jacques qui vient de paraître, c'est très bien expliqué, c'est vraiment exceptionnel, très bien dit. L'abbaye liégeoise de Saint-Jacques a été en ruine complète de 1200, même de 1150 jusqu'à la fin du 13e siècle. C'était vraiment malheureux, les moines étaient des pouilleux. C'est tout juste s'ils avaient une tartine à manger. Et puis, la plupart du temps, ils étaient hors du monastère tellement c'était la faillite. Le domaine de Saint-Jacques a bien marché de la fondation (XIe s.) jusque 1150, je crois. Et puis, c'est vraiment la ruine, due à diverses causes. Donc ça veut dire que la communauté pouvait être aussi dans de très  mauvais draps.

    À côté de ces aspects qui sont liés aussi aux crises économiques de l'époque, il y a le côté de l’exploitation, il y a la sinusoïdale des congrégations religieuses qui sont fondées tous les 100 ans pour contrer la précédente qui est tombée en déclin. Vous avez les monastères carolingiens dont j'ai parlé qui sont devenus richissimes. Stavelot-Malmedy est richissime, Saint-Gertrude à Nivelles est richissime. Mais, à un moment donné, à cause de cela, qu'est-ce qu'il se passe? Tous les rois vont loger là, prennent le monastère en commende parfois, c'est-à-dire en contrôle, nomment l'Abbé, un Abbé laïque qui perçoit les fonds et laisse les moines moisir. Et l'abbaye tombe en ruine parce qu'elle est exploitée et que ses richesses ont fait l'objet de convoitises.

    Alors qu'est-ce qu'il se passe? L'abbaye de Cluny, fondée en Saône et Loire au Xe siècle, avait une règle: interdiction à des seigneurs laïques de posséder des biens dans l'abbaye et même de lui donner des biens. L'abbaye ne peut vivre que de biens provenant des petites gens. Et elle ne peut dépendre d'aucun seigneur laïque, ni d'aucun évêque. Elle dépendra directement du Pape. Donc, Cluny se garantit contre l’emprise tant des évêques que des seigneurs laïques. Au départ, c'est une espèce d'ascèse puisqu'on s'interdit d'avoir des gros dons, mais on en reçoit tellement de petits que Cluny va devenir richissime et construire la plus grande église d'Occident, plus grande que Saint-Pierre à Rome. Alors, un siècle plus tard, saint Bernard s'insurge en disant: "Mais qu'est-ce que c'est que ces moines richissimes qui vivent dans des abbayes plaquées d'or et passent leur temps à chanter la liturgie pendant 8 heures par jour? Non, il faut des moines qui travaillent dans les bois, qui sachent passer du temps à des choses rudes, qui vivent dans la pauvreté sans aucune peinture, représentation, sculpture dans l'église. Parole de saint Bernard.

    Et puis, après un siècle, les Cisterciens deviennent richissimes, comme je vous l'ai dit, avec leurs moutons et leurs alpages; et les Dominicains et les Franciscains s'amènent en disant: «  Écoutez, nous, on est des mendiants. Pas de propriété, rien de tout cela. On vit de la charité publique parce qu'on n'a pas envie de tourner comme eux ». Donc, tous les 100 ans, la vie communautaire doit recommencer à nouveaux frais…

    Paul Vaute :

    Cela tombe bien que vous vous veniez de parler de saint Bernard car une question nous demandait d’évoquer cette figure, mais quittons maintenant les monastères pour aller vers la théologie…

    4. Pour aller vers l'oecuménisme, revoit-on maintenant le poids de certains dogmes nés au Moyen Âge et qui malheureusement ont provoqué des schismes ?


    Paul Vaute:

    Je lis la question écrite d’un intervenant : « pour aller vers l'oecuménisme, revoit-on maintenant le poids de certains dogmes nés au Moyen Âge et qui malheureusement ont provoqué des schismes ? ».  

    Dans la conférence, le cas de la crise arienne était évoqué mais elle se situe dans l’antiquité tardive. Certains penseront plutôt alors à la querelle du « filioque » qui nous sépare des orthodoxes depuis le VIIIe siècle. Quoi qu’il en soit la question peut être posée pour toutes les époques…

    Mgr Delville:  

    Le Concile de Nicée, avec la rédaction du Credo complétée à Constantinople vers 380, c'est évidemment la base des dogmes chrétiens. Les dogmes chrétiens, c'est le Credo du Concile de Nicée à 99%. C'est évidemment une formulation du contenu de la Foi chrétienne, dans les termes de la philosophie grecque de l'époque. Il ne faut pas oublier qu'en grec "dogma" signifie "avis" ; ce n'est pas le dogme au sens français du terme. Donc, c'est une manière de donner un avis sur la nature de la Foi et aussi ne le faire que pour contrer une déviation et pas nécessairement pour vouloir tout définir.

    La Foi chrétienne est toujours un mystère: c'est un mystère d'amour, de don, de grâce et cela échappe à toute définition. Le dogme met simplement des balises contre des déviations qui seraient véritablement transformatrices, négativement parlant, de la Foi. Certains ont dit: "Constantin, qui assistait au Concile de Nicée, a changé l'Evangile puisqu'il a dit: ‘Jésus est Dieu’ alors que ce n'est pas marqué comme cela, tel quel, dans l'Evangile." Ça, c'est vraiment une simplification et même une manière fausse de voir la réalité.

    Dans la Foi chrétienne, dans l'Evangile lui-même, il y a ce que je vous ai dit, à savoir que le critère d'être Dieu, c'est le Christ et ce n'est pas la philosophie platonicienne des Idées. Donc, si on dit que le Christ est Dieu, ce n'est pas une espèce d'affirmation dogmatique, comme quoi il est plus qu'un être humain normal, c'est une manière de dire que l'absolu se dit en Lui et qu'on reconnaît un absolu en Lui. Et donc ça, c'est producteur de sens. Quand on dit qu'en Jésus l'absolu se dit, c'est totalement paradoxal parce qu'en Jésus l'absolu a l'air d'être contredit par l'anéantissement, par la mort, par la souffrance, par l'Incarnation. Et pourtant, il faut conjuguer cette existence historique de Jésus, donc limitée, avec, en même temps, l'idée qu'il y a là-dedans un absolu qui se dit et donc ça, c'est Dieu. C'est un double pôle, si vous voulez, un pôle entre l'humain et le divin, sous tension, mais qui est productif. Si vous dites simplement "Jésus est le Fils de Dieu, mais Il n'est pas Dieu", vous aplatissez tout et puis ça n'est plus productif.

    Donc, le dogme maintient les choses pour qu'on ne simplifie pas à outrance et qu'on ne dénature pas une Foi qui est productive de sens et productive de salut et d'engagement. Donc, en ce sens-là, il est très important. La définition est très importante, mais elle n'est pas exhaustive. Même s'il a évidemment une volonté de synthèse, le Credo ne réduit pas la Foi à l'ensemble de ses 25 lignes. Tant il est vrai que, si à la Messe, on récite le Credo le dimanche, et seulement depuis l'époque de Charlemagne, ça n’empêche pas qu'on doive lire les Evangiles avant d'avoir lu le Credo et que le Credo ne doive pas remplacer les Evangiles. En effet, on pourrait dire "le Credo simplifie, synthétise, pourquoi encore lire les Evangiles? Ça nous complique les affaires! Surtout qu'il y en a quatre". Donc le Credo/la définition de Foi/le dogme balise les choses mais ne veut pas totalement et exhaustivement définir les choses. Donc le recours aux autres sources est fondamental et nous montre la richesse du mystère de la Foi. 

    Des définitions dogmatiques au Moyen Âge, il n'y en a pas tellement, il y a le deuxième Concile de Nicée, qui est contre l'iconoclasme. Ça, c'est tout à fait fondamental. Vous allez me dire: "C'est peut-être un peu banal, l'iconoclasme, c'est un accident de l'histoire." Non, l'iconoclasme anéantit l'image. Nous sommes à l'époque de l'Islam, donc c'est le même courant iconoclaste dans le christianisme que dans l'Islam qui détruit l'image. La destruction de l'image empêche, en quelque sorte, la représentation de la Foi, puisqu'on ne peut plus la représenter. Or, la représentation de la Foi permet l'interprétation de la Foi. Si vous représentez une figure de saint dans un vitrail, dans une peinture ou dans une sculpture, vous pouvez, avec votre petit enfant, dire: "Ah! Tiens, regarde, ça, c'est le Curé d'Ars et il tient un livre à la main" - "Pourquoi?" - "Il tient un chapelet." - "Pourquoi?" - "Il est habillé comme ça." - "Pourquoi?" - "Il a vécu comme ça." - "Quand? Pourquoi?". Vous vous faites l'interprète de la personne. Vous voyez saint Joseph, sainte Marie, la Sainte Famille, vous expliquez à votre enfant qui Ils sont, mais avec vos mots à vous. Donc l'image est productrice de nouvelles interprétations qui proviennent d'un chacun et qui sont, en même temps, infinies, parce que chacun va redire la Foi à travers l'image à sa façon.

    Le Christ est image du Père, nous disent les Écritures. Donc, pour le Christianisme, il est toujours important d'avoir une image des choses parce qu'elle est productrice de sens et d'une interprétation personnalisée. Chaque chose dans l'univers est image d'une autre chose; le Moyen Âge était très conscient de cela. C'est une peu ce qu'on appelait l'allégorie: chaque plante, chaque élément de la Création est symbole de quelque chose. Le pape, Innocent III je pense, offrit au roi d'Angleterre, Jean sans Peur, lors de son intronisation, trois pierres précieuses, et il explique dans sa lettre "Tu as une rouge, tu as une verte, tu as un bleue. Celle-ci signifie ça, l'autre signifie ça, la troisième signifie ça." C'est un cadeau symbolique parce que, pour le Moyen-Âge, la pierre précieuse, la couleur, c'est tout un symbole, c'est tout un langage. Donc, cette idée que chaque chose est l'image d'autre chose, que l'être humain est l'image d'autre chose, qu'il est l'image de Dieu en lui, est fondamentale. C'est pour cela que le Christianisme accepte l'image et la valorise, et a condamné l'iconoclasme. Ça, c'est une grande définition dogmatique du Moyen Âge !

    5. Quel rôle la nature et le cosmos jouent-ils dans la pensée chrétienne ?


    Paul Vaute
    :

    Je rappelle que si vous avez une question sur les réponses, il suffit de lever le doigt. Les deux ou trois questions que j’ai encore ici sous les yeux sont plutôt pointues. Ainsi, une personne s'interroge sur le transfert des restes de saint Martin à Tours et sur la végétation qui fleurissait sur les bords de la Loire. Cela peut paraître insolite comme question mais, en la lisant, j'ai pensé à ce que vous avez dit de la religion de la nature.

    Mgr Delville:

    Le rapport entre saint Martin et la nature est quelque chose de très important. Peut-être cela devrait-il être davantage étudié que ce que j’en sais et puis en dire. Dans "La vie de saint Martin" par Sulpice Sévère, il y a d’autres épisodes que celui que j’ai mentionné. C’est une "Vie" extrêmement fiable parce que Sulpice Sévère l’a écrite avant la mort de saint Martin, ce qui est rarissime pour les "Vie de Saints". Et donc, saint Martin a pu contrôler ce qu'on racontait sur lui dans cette "Vita".

    Saint Martin avait la capacité de parler aux oiseaux. On raconte qu’en se promenant le long de la Loire il voit un groupe d'oiseaux attroupés sur une berge et commence à crier aux oiseaux qui s'envolent de peur. Et alors, ses compagnons disent: "ouh là, là, tu ne devrais pas crier sur les oiseaux parce que c'est dangereux : s'ils volent de la gauche vers la droite, ça va provoquer un mauvais sort, etc.". Saint Martin manifeste par ce cri et cette "domination" qu'il n'a pas peur des oiseaux. Il n'a pas peur du corbeau qui vole de gauche et de droite. Il n'a pas peur des présages qu'on attribuait aux oiseaux. 

    Cet épisode-là manifeste bien qu'il y a une espèce de rupture entre la Foi chrétienne, pour laquelle tout ce qui est créé n'est que créé et donc n'est jamais au-dessus de nous (seul Dieu est au-dessus de nous) et les religions de la nature, qui, au contraire, voient dans la nature des lieux de maléfices qui en quelque sorte nous orientent.

    Donc, c'est vrai qu’il y a là un grand conflit dont saint Martin est un des acteurs, un conflit avec ce qu'on appelle désormais les superstitions. C’est un mot qui dit bien ce qu’il veut dire : c'est ce qui reste. Et il en reste, en effet, des choses. Aujourd'hui, il y a des résurgences énormes sur cette question des maléfices, des malédictions, des possessions, des exorcismes, etc. À l'Évêché, on téléphone deux fois par semaine pour des exorcismes et ça augmente chaque année. Donc, cela veut dire que les gens se sentent agressés par des peurs, si vous voulez, objets de maléfices, objets de malédictions diverses, d'envoûtements. Vous avez de ces gens qui sont carrément payés pour envoûter les autres et, avec le problème de l'émigration, ce phénomène augmente. Je connais des cas où on envoûte des gens en Asie du Sud-Est alors qu'ils résident ici en Belgique. Cela passe par les familles. Et donc, la personne ici sait qu'elle est envoûtée par quelqu'un qui habite par exemple en Thaïlande. Et avec les Africains encore plus : chez eux, la conviction est parfois très, très forte de subir des envoûtements et des malédictions. Donc voilà, c'est un phénomène résurgent et qui nous dit bien, tout de même, la validité de la position de saint Martin, parce que pour le chrétien, vraiment, l'envoûtement, ça n'existe pas. C'est une vue de l'esprit. Mais malheureusement, beaucoup d'êtres humains sont pris par ces peurs. Alors, le problème, c'est qu'aujourd'hui, parfois, on n'a pas d'autres lieux auxquels s'accrocher pour combattre ces peurs que de passer par ces envoûtements.

    Une dame dans l’assemblée :

     Existe-t-il alors des prêtres exorcistes, dans le diocèse?

    Mgr Delville:

    Oui, il y a toujours un prêtre exorciste mais on ne dit jamais son nom. Et quand une personne demande de manière très précise, on peut provoquer un rendez-vous. Mais notre expérience est que dans les neuf dixièmes des cas, évidemment, les problèmes sont très psychiatriques et psychologiques. C'est rare qu'on puisse le dire de manière vraiment précise, mais il arrive qu’on puisse soupçonner qu'il y a une force du Mal totalement, je dirais, extérieure et indépendante de la personne.

    Mais il n'empêche que la personne a besoin d'être entendue, d'être aidée, a besoin de prières, a besoin d'un lieu d'écoute, parfois de réorientation, etc. Donc, c'est vraiment un ministère, mais on demande même entre guillemets "à chaque prêtre" d'être capable de faire une prière sur les personnes qui se sentent possédées, envoûtées et tout cela. Les gens demandent aussi qu'on bénisse les maisons. Souvent, il y a des phénomènes dans les maisons: des bruits, des craquements et tout ça. Les gens disent: "ma maison est envoûtée!". Donc il faut venir la bénir. Là, on ne va pas demander à l'exorciste, chaque prêtre peut le faire.

    Paul Vaute: 

    Il fut un temps où c'était très courant de demander de venir bénir les maisons, je veux dire, à titre préventif. Lorsqu'on a inauguré le Haut Fourneau 6, celui qu'on a fait sauter il y a quelques semaines, l'Évêque est venu bénir le Haut Fourneau 6 lors de son inauguration. C'était, je crois au milieu des années 1950.

    Mais, voici encore une question qui porte encore sur les liens entre les réalités naturelles et spirituelles: pouvez-vous mettre en lumière la dimension sacramentelle de la religion chrétienne qui permet de rendre compte de l'usage des réalités naturelles?

    Mgr Delville:

    Oui, c'est bien, ça. C'est vrai, la dimension sacramentelle utilise des réalités naturelles: en particulier le pain, le vin dans l'eucharistie, le saint-chrême dans la confirmation, l'eau dans le baptême. Oui, c'est tout à fait vrai, ça, c’est tout à fait juste. Il n'y a pas de doute.

    De toute façon, le christianisme est aussi une religion cosmique. Pour nous, chrétiens, il y a cette dimension que le monde est créé par Dieu. Nous sommes aussi partie prenante d'un cosmos beaucoup plus large. Il est d'ailleurs tellement grand que personne ne peut l'imaginer. Les astronomes d'aujourd'hui sont les premiers à vous le dire : le nombre de découvertes qu'ils font sur l'immensité de l'univers ne fait qu'augmenter. Personne n’en voit la fin. Et d'ailleurs, ceux qui s'occupent de l'infiniment petit -en particulier la médecine avec toute la question de soigner les maladies à travers l'étude des cellules, etc. - vous disent la même chose.

    Donc, pour nous chrétiens, notre Foi, c'est aussi la Foi liée à un cosmos, une création, un mystère total qui nous entoure sur le sens de notre univers, auquel aucune science ne peut donner le mot d'explication final.

    Il est donc très important que des éléments du cosmos interviennent dans notre prière, dans nos célébrations. Nous ne sommes pas de purs esprits, au sens d'être purement intellectuel, et encore moins de pure éthique,  au sens d'être uniquement des gens qui disent ce qu'il faut faire et ce qu'il ne faut pas faire: le bien et le mal. Nous sommes aussi dans le mystère de la création, de la nature. Et c'est important d'être positionné de cette façon-là.

    Pendant des siècles, et jusque finalement au 19e siècle, grosso modo, la question de la création était une preuve de l'existence de Dieu puisqu'il était évident que le monde avait été créé par Dieu et ne pouvait provenir de lui-même ou de rien. Par contre, quand on a découvert avec la géologie, surtout dans les années 1850, qu’il ne fallait pas reporter la création du monde à 4428 ans avant Jésus-Christ mais à 100.000, puis à 1 million et bientôt à un milliard d'années à peu près. Donc subitement, la création n'est plus devenue claire comme preuve de l'existence de Dieu. Au contraire, c'est devenu un peu l'inverse. Et donc, c'est un peu plus difficile pour le chrétien d'intégrer la notion de création et de cosmos dans sa Foi parce que cette notion n'est plus le socle qui est un peu comme la preuve de l'existence de Dieu. Au contraire, elle suscite tellement de questions sur la nature de l'univers que, quelque part, elle met la personne dans l'inquiétude plus que dans la conviction, de sorte que notre Foi s'est davantage orientée vers l'éthique.

    Notre foi chrétienne s'est davantage orientée vers le respect de la personne humaine et la dignité fondamentale de l'être humain qui apparaît comme un peu, là justement, un des sommets de la preuve de l'existence de Dieu. Donc on voit plus la Personne de Dieu dans l'autre que dans l'univers. Mais ce n'est pas pour ça que l'univers doit être évacué et c'est peut-être justement un des défis que nous avons aujourd'hui, y compris avec l'écologie qui nous fait vraiment redécouvrir le sens de notre relativité dans le cosmos et la nécessité de protéger aussi ce cosmos. Donc, je dirais que cette dimension des éléments de la nature dans notre Foi, resurgit de manière nouvelle avec l'écologie.

    6. Depuis le Moyen Âge tardif au moins, l’Eglise n’a-t-elle pas trop mis l'accent sur les punitions, le jugement, l'enfer, et pas assez sur la miséricorde ?


    Paul Vaute :

    Nous arrivons à la fin des questions écrites, mais s’il n’y en a plus d’autres, j’en aurai une : dans les années 1970-1980, un livre de l'historien Jean Delumeau  avait fait beaucoup de bruit. Son titre: "La peur en Occident". Puis il y en a eu d'autres comme  "Le péché et la peur". Delumeau développait le concept d'une pastorale de la peur qui aurait caractérisé l'Église des Temps Modernes, au 17e, 18e, bref à la fin du Moyen Âge puisque vous avez dit que celui-ci allait jusqu’en 1789 : nous restons donc au cœur du sujet avec cette pastorale de la peur qui, selon Jean Delumeau, aurait trop mis l'accent sur les punitions, le jugement, l'enfer, et pas assez sur la miséricorde. Comment voyez-vous cela?

    Mgr Delville:

    C'est vraiment frappant de voir, à 30 ans de distance, comment le bouquin de Delumeau est relativisé parce qu'aujourd'hui tout le monde se dit qu'on n’a pas réussi à maîtriser nos peurs. Nous avons des peurs de tout. Notre société est pleine de peurs. Une enquête intitulée « Noir, jaune, blues » réalisée par la Fondation « Ceci n’est pas une crise » a été publiée la semaine dernière par « Le Soir » et largement répercutée par la télé : elle montre  que la population est prise énormément par des peurs: on a peur de l'avenir, on a peur de ce qu'on va faire. Donc, dans cette civilisation où il y a beaucoup moins de repères qu'avant, où il y a beaucoup moins d'obligations, où il y a beaucoup moins de choses à respecter au niveau officiel, les peurs se mettent ailleurs, et finalement elles se mettent partout. 

    Je suis vraiment frappé par ce fait-là parce que c'est vrai, la civilisation du Moyen Âge a créé certaines peurs, mais elle les a canalisées en disant: voilà, la peur de l'Enfer; mais l'Enfer, ce n'est pas simplement la condamnation, c'est aussi une invitation, évidemment, à la conversion, à la rectitude de vie, c'est un ricochet, un miroir, en quelque sorte, qui m'invite à vivre une vie, je vais dire, digne, en somme. Donc, cette peur, qui était officielle, qui était agitée officiellement, servait aussi de balise à la société et au moins, on savait de quoi on avait peur, on avait peur de l'Enfer.

    Maintenant, on va chez le psychologue parce qu'on est stressé, mais on ne sait plus de quoi on a peur. On a peur de tout. Je pense que cela, c'est vraiment un des problèmes de notre société : comme on a beaucoup moins de repères, on a aussi peur de tout. Le livre de Delumeau, qui dans les années 70 paraissait très intéressant parce qu'il dit: "oui, l'Église a été vraiment une marâtre parce qu’elle a engoncé les gens dans un système de peur, d'interdits et patati et patata.". Cela se comprenait bien dans ces années-là parce que c'étaient les années post-soixante-huitardes,  avec la question posée de l’émancipation par rapport à des préceptes. Mais aujourd'hui, 30 ans ou 40 ans plus tard, on se dit: "ouh, là ! Doucement !" Alors, je ne veux pas non plus revenir à une religion de purs et simples interdits mais je veux simplement noter le fait qu’il ne suffit pas de dire qu'on va évacuer les préceptes qui engendrent une certaine peur pour que la peur disparaisse. Au contraire, la peur réapparaît, et parfois pire.

     Il faut aussi reconnaître que, dans la religion de la fin du Moyen Âge, parallèlement à ces peurs, il y avait la souffrance. On a dit: "C'est une religion doloriste." On a valorisé la souffrance, le Christ en Croix, le Sang qui coule, des poses dramatiques, etc. C'est vrai, mais les gens souffraient réellement, la situation était vraiment pénible: la grande peste de 1348 a raflé un quart de la population; de nombreuses épidémies ou guerres ont quand même souvent conduit la population dans des situations de souffrance forte, très forte; et le fait de figurer les souffrances du Christ était aussi une manière de représenter ce qu'on vivait sur le terrain et aussi de le dire. Mais c'est également le point de vue des psychologues d’aujourd'hui : quand on souffre, l'important c'est de pouvoir aussi le dire. Avoir quelqu'un à qui le dire et les mots pour le dire. Or, c'est une invention du christianisme médiéval: les mots pour dire la souffrance, ça n'existe pas dans l'Antiquité. La grammaire de la souffrance, l'expression de la souffrance est très limitée dans la littérature antique parce que c'est d’abord une littérature de héros. Mais ici, la souffrance du commun des gens - pas simplement la souffrance du drame d'Amour, mais la souffrance plus banale quelque part - va être dite, redite et, quelque part, élaborée.  C'est un langage qui permet aussi de l'exorciser et cela, on l’oubliait très, très fort. Dire la peur, dire la souffrance, n'est pas nécessairement en devenir esclave. C'est peut-être parfois l'inverse.

    Paul Vaute :

    J'ajouterai que Jean Delumeau, par la suite a écrit trois livres sur le Paradis …

    7. Pourquoi le cours de religion est-il important dans l’enseignement secondaire ?


    Un jeune intervenant dans la salle :

    Dans les cours de l’enseignement secondaire, une heure de philosophie en lien avec la citoyenneté et une heure de théologie pour garder l'équilibre, ne serait-ce pas le meilleur pour les jeunes ? 

    Mgr Delville:

    Oui, c'est sûr qu’une dimension comme la citoyenneté, c'est quelque chose qui est fondamental au christianisme. Le fait d'être le membre d'une société, d'être un citoyen, d'avoir une éthique citoyenne, ça, c'est sûr. Aujourd'hui, on  vit cela de manière laïcisée. On a été un peu les victimes, en Belgique, d'une poussée laïcisante, demandant de supprimer une heure du cours de religion pour mettre une heure de citoyenneté à la place, il faut bien faire avec, alors que la citoyenneté est déjà éminemment présente dans les cours de religion.

    Mais ce qui est important, pour nous comme chrétiens et en tout cas pour moi comme évêque, comme pour mes collègues, c'est qu’il y ait au moins une heure de religion sauvegardée parce que la Constitution le demande. Qu'une des deux heures soit devenue un cours de citoyenneté,  c'était constitutionnel, on n'a pas le droit de s'y opposer. Par contre si on supprimait l'heure de religion, cela deviendrait anticonstitutionnel. Cela demanderait une mobilisation générale contre une telle mesure.

    Je penser que, tout de même, l'enseignement de la religion à l'école est très important. Alors, je sais bien qu'il y a de multiples problèmes, des contenus qui sont parfois évacués. Mais, en même temps, il y a quand même une présence. Il y a des personnes qui sont formées et c'est utile qu'il y ait des personnes formées comme professeurs de religion. Et il est important aussi que ce petit morceau de spiritualité avec une base concrète - c-à-d avec l'Évangile, avec des textes, avec des références précises, des engagements précis – puisse nourrir notre Foi et la Foi de la population parce que je crois qu'une Foi, une spiritualité a besoin d'une culture.

    Il n'y a pas de Foi sans culture. La Foi chrétienne, c'est une énorme culture. Je vous en ai déployé tout un aspect ce soir. Des générations de saints, des générations de gens peut-être inconnus ont tous laissé des témoignages qui ont façonné une culture, des bâtiments, des oeuvres d'art, des textes, des attitudes de vie, qui se transmettent et tout ça.  C'est fondamental. Il n'y a pas de civilisation sans culture. L'anéantissement de la culture, c'est l'anéantissement de la Foi aussi. Et l'anéantissement de la Foi, c'est l'anéantissement de la culture. Ce qui se passe, par exemple, quand on bombarde la ville comme Alep et qu'on détruit tout - y compris dans la partie Est, y compris une partie de la célèbre mosquée des Ommeyades et tout cela, c'est une dénégation de la culture. Cette frange radicaliste du monde musulman est pour l'anéantissement de la culture: ils ont détruit des oeuvres d'art encore ailleurs. 

    C’est triste pour l'humanité, c'est vraiment une grande perte et cela montre qu’ il y a des mouvements qui sont pour l'anéantissement de la culture, mais de facto, c'est aussi l'anéantissement de la Foi par une fausse foi. Une vraie Foi, elle a une culture, elle s'incarne dans une culture. Et donc, je crois qu’il est très important que notre Foi chrétienne puisse se dire dans un cours parce qu'un cours c'est une culture, c'est-à-dire une pédagogie, un enseignement, un programme, des manuels, des activités, comme tu l'as dit. Un cours c'est un ensemble culturel et donc la Foi chrétienne n'est pas que des prières dans une église, n'est pas qu’un dévouement à la maison, c'est aussi une culture. Donc elle doit pouvoir se dire dans un cadre culturel. Dans le Christianisme, nous y sommes habitués, spécialement depuis les écoles du Moyen Âge, les universités en particulier. Donc, le Christianisme s'est, petit à petit, forgé de plus en plus dans les institutions culturelles et les écoles.

    Un danger est qu’un certain l'Islam, par exemple, se développe hors des écoles, hors des cultures et soit alors non-contrôlé et dise du n'importe quoi. C'est pourquoi il est tout aussi important que des religions comme l'Islam, par exemple, soient enseignées dans nos écoles, dans nos écoles officielles ici en Belgique, parce que là aussi alors, l'Islam doit se soumettre à un programme, à des règles, à des contrôles, à tout ce qu'on veut. Donc, c'est un véritable, stimulant, si vous voulez, pour une présentation culturelle de la Foi : c’est pourquoi je pense que le cours de religion est très important.