« Ministère des prêtres, mission des laïcs : l’avis du pape François et le mien »
(Monseigneur Jean-Pierre Delville,
évêque de Liège)[1]
Chers Frères et Sœurs,
Le document « Rendons l’Église au peuple de Dieu ! Pour en finir avec le cléricalisme », diffusé le 14 février 2023, a soulevé beaucoup de vagues dans notre diocèse[2]. Il jette le discrédit sur le ministère des prêtres. Je l’ai souligné dans un communiqué[3] du 17 février 2023, intitulé « Supprimer l’ordination des prêtres dans l’Église catholique ? ». J’y relève que les auteurs du document affirment : Nous remettons en cause l’ordination elle-même, y compris donc celles des diacres et des évêques (p. 36). Ils ajoutent : Pour supprimer le cléricalisme, il faut supprimer le clergé (p. 47). Des mots aussi radicaux discréditent l’ensemble du propos des auteurs, qui partait d’un bon questionnement, mais qui s’est aventuré dans une dénégation du partenaire, le ministre ordonné, avec qui entamer un dialogue.
On pourrait croire que le pape François a pris connaissance du document liégeois, puisqu’il a apporté sa réponse au débat, lors de l’audience générale qu’il a accordée le 15 mars 2023. Voici ce qu’il y dit[4] : La vocation, c’est un appel qui concerne aussi bien ceux qui ont reçu le sacrement de l’Ordre et les personnes consacrées, que chaque fidèle laïc, homme ou femme, c’est un appel à tous. Toi, le trésor que tu as reçu avec ta vocation chrétienne, tu dois le donner : c’est la dynamique de la vocation, c’est la dynamique de la vie. C’est un appel qui permet d’accomplir sa propre tâche apostolique de manière active et créative, au sein d’une Église où il y a diversité de ministères, mais unité de mission.
« Le Christ a confié aux apôtres et à leurs successeurs la charge d’enseigner, de sanctifier et de gouverner en son nom et par son autorité. Mais aussi les laïcs, rendus participants de la charge sacerdotale, prophétique et royale du Christ, assument leur part dans ce qui est la mission du Peuple de Dieu tout entier, dans l’Église et dans le monde[5] ».
« Dans le cadre de l’unité de la mission, la diversité des charismes et des ministères ne doit pas donner lieu, au sein du corps ecclésial, à des catégories privilégiées : il ne s’agit pas d’une promotion, et lorsque tu conçois la vie chrétienne comme une promotion, que celui qui est au sommet commande les autres parce qu’il a réussi à se hisser plus haut, ce n’est pas le christianisme. C’est du paganisme pur. La vocation chrétienne n’est pas une promotion pour se hisser plus haut, non ! C’est autre chose. Et c’est une chose importante car, même si certains, par la volonté du Christ, sont établis dans une position peut-être plus importante, docteurs, dispensateurs des mystères et pasteurs pour le bien des autres, cependant, quant à la dignité et à l’activité commune à tous les fidèles dans l’édification du Corps du Christ, il règne entre tous une véritable égalité[6] ».
Qui a le plus de dignité dans l’Église : l’évêque, le prêtre ? Non… nous sommes tous des chrétiens au service des autres. Qui est le plus important dans l’Église : la religieuse ou le simple baptisé, l’enfant, l’évêque ? Tous sont égaux, nous sommes égaux, et quand l’une des parties se croit plus importante que les autres et se met un peu le nez en l’air, elle se trompe. Ce n’est pas la vocation de Jésus. La vocation que Jésus donne à tous – mais surtout à ceux qui semblent occuper des positions plus élevées – est le service, le service des autres, dans l’humilité. Si tu vois une personne qui dans l’Église a une vocation plus haute et que tu la vois être vaniteuse, tu diras : « le pauvre » ; prie pour elle parce qu’elle n’a pas compris ce qu’est la vocation de Dieu. La vocation de Dieu est l’adoration du Père, l’amour pour la communauté et le service. C’est cela être apôtre, c’est cela le témoignage des apôtres ».
« La question de l’égalité en dignité nous invite à repenser de nombreux aspects de nos relations, qui sont décisifs pour l’évangélisation. Par exemple, sommes-nous conscients que par nos paroles nous pouvons porter atteinte à la dignité des personnes, détruisant ainsi les relations au sein de l’Église ? Alors que nous essayons de dialoguer avec le monde, savons-nous aussi dialoguer entre nous, croyants ? Ou bien est-ce que dans la paroisse, l’un va contre l’autre, l’un fait des commérages sur l’autre pour se hisser plus haut ? Savons-nous écouter pour comprendre les raisons de l’autre, ou nous imposons-nous, peut-être même avec des paroles doucereuses ? Écouter, s’humilier, être au service des autres : c’est cela servir, c’est cela être chrétien, c’est cela être apôtre ».
C’est moi qui souligne différentes phrases par des italiques. Il me semble en effet primordial en ce temps pascal de reconnaître à chacun la dignité de sa mission et de promouvoir celle des laïcs comme celle des prêtres, des diacres et des consacrés. La journée des vocations, en ce 4e dimanche de Pâques, 30 avril, nous a fourni l’occasion de valoriser cet appel particulier que Dieu adresse à certains d’entre nous. Si l’appel de Dieu à un ministère spécifique n’est pas relayé par des laïcs, il sera très difficile à un jeune de s’engager et de répondre positivement à cette vocation. Si la mission des laïcs n’est pas soutenue par des prêtres et des consacrés, elle sera paralysée et déviée de ses fins.
Donc, soutenons-nous les uns les autres dans nos missions et nos ministères, au service du peuple de Dieu !
Jean-Pierre Delville,
Votre évêque
[1] Le mot de l’évêque dans le Bulletin officiel de l’Église de Liège, 101e année, n° 3, mai-juin 2023, pp. 2-4.
[2] http ://www.belgicatho.be/media/01/01/718246232.pdf
[3] https ://www.evechedeliege.be/article/reaction-de-mgr-delville-sur-la-publication-de-la-brochure-rendons-leglise-au-peuple-de-dieu-pour-en-finir-avec-le-clericalisme-17-02-2023/
[4] https ://www.vatican.va/content/francesco/fr/audiences/2023/documents/20230315-udienza-generale.html
[5] Concile Œcuménique Vatican II, Apostolicam actuositatem, 2.
[6] Concile Œcuménique Vatican II, Lumen Gentium, 32.