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Réflexion faite - Page 12

  • MESSAGE POUR CE TEMPS CONFINEMENT DÛ AU CORONAVIRUS

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    Mgr Jean-Pierre Delville, évêque de Liège :

    Chers Frères et Sœurs,

    Chers Confrères Prêtres et Diacres,

    Chers Acteurs pastoraux,

    Chères Religieuses et Religieux,

     

    Jamais sans doute depuis la dernière Guerre mondiale nous n’avons ressenti à ce point notre fragilité ni vécu aussi intensément une épreuve collective. La crise du coronavirus dans sa deuxième vague assaille toute la société et ne se concentre pas sur un secteur précis. Les enfants sont moins touchés, heureusement. Les autorités civiles ont pris la décision courageuse de confiner la population, de la manière la plus humaine possible. Comment assumer ce confinement ?

    Que sommes-nous en train de vivre ? Comment l’évangile nous éclaire-t-il ? Comment réagir sans nous laisser submerger ? Quelle espérance globale apporter ?

    1. Que sommes-nous en train de vivre ?

    La pandémie entraîne de grandes souffrances et suscite de grandes peurs. Pour les personnes atteintes de la Covid, les souffrances se prolongent parfois et s’aggravent ; certains malheureusement y laissent la vie ; tous doivent se battre pour résister ; beaucoup, par bonheur, en sortent progressivement guéris. L’angoisse de la mort fait alors place à une grande joie, pour ceux qui sont « passés par la grande épreuve » et pour leurs proches qui les ont aidés. Les personnes contaminées vivent une grande solitude et une mise à l’écart ; certaines éprouvent un sentiment de culpabilité. Sachons les contacter et les aider de notre mieux.

    Ceux qui ne sont pas malades de la Covid peuvent souffrir pour d’autres raisons. C’est spécialement le cas des familles, des jeunes et des personnes âgées. Les familles se retrouvent confinées et parfois désœuvrées, ce qui suscite des tensions inattendues. Les jeunes sont privés de la sociabilité dont ils ont grand besoin et souffrent de la fermeture des écoles. Les personnes âgées se retrouvent davantage isolées et privées de visite, ce qui pèse sur leur moral. Les personnes précarisées deviennent plus pauvres. Les commerçants se retrouvent parfois sans revenu. De nouvelles pauvretés apparaissent.

    Pour les personnes qui accompagnent les malades, la tâche est rude et pénible. Le personnel hospitalier et médical est au maximum de ses forces et de ses efforts. Mais chacun de nous est aussi mis à contribution pour soutenir les malades de son entourage. Cela entame nos forces et pèse sur notre moral. Les prêtres, les diacres et les équipes de deuil, en particulier, sont en première ligne pour affronter ces situations et rencontrer les familles éprouvées. Les équipes d’aumônerie d’hôpital et de prison font un travail exceptionnel de présence là où c’est possible et consolent les malades par l’amitié et la prière. Elles le font au nom de l'Église. À travers elles, c'est toute l'Église qui est présente et bien branchée sur Dieu. Elles sont accompagnées par la prière et le soutien de tous ceux qui se préoccupent des malades. Elles vivent leur mission avec les autres citoyens engagés dans ces secteurs, le secteur des soins et le secteur de la solidarité.

    Pour tous ceux qui ont des responsabilités pastorales, le découragement ou la lassitude peuvent peser à certains moments face à l’ampleur des initiatives à prendre, au nombre de personnes à accompagner, aux célébrations à assumer (ou à ne plus assumer). Parfois, cela se reporte sur notre corps, sur notre sommeil, sur notre digestion, sur notre système nerveux, cela accentue nos faiblesses naturelles. Demandons au Seigneur de pouvoir supporter cela avec sa force et avec le secours de nos proches. Le partage de la parole et des sentiments nous aide à garder la forme physique nécessaire pour résister au découragement. Portons-nous les uns les autres dans l’expression de nos épreuves et portons dans la prière ceux d’entre nous qui sont dans la souffrance, en particulier nos ainés qui sont malades ou très âgés, ainsi que celles et ceux qui viennent de l'étranger.

    Pour chacun de nous la privation de célébrations, l’absence de réunions et la suspension de nombreuses activités vont tomber dur. On sera privé de sacrements, de communion, de liturgies. Il faudra reporter de nouveau des célébrations prévues. Cela est frustrant pour tous. Cela nous rappelle combien sont importantes nos rencontres quand nous avons la chance de pouvoir les vivre librement. Et combien l’esprit de communauté doit toujours être travaillé.

    1. Comment le Christ nous éclaire-t-il ?

    Ce pic de la pandémie et ce confinement tombent au jour de la Commémoration des fidèles défunts, comme le premier pic était tombé le vendredi saint de cette année 2020. Ce cadre de prière nous invite à nous tourner vers le Seigneur dans la foi. Mais notre foi est fragile : comment croire vraiment à la vie éternelle et à la résurrection des morts, à l’ère de la technologie ? Mais comment ne pas croire au message d’amour du Christ qui sauve l’humanité de ses errements et de ses fautes ? Nous ressentons son Esprit à l’œuvre dans les multiples initiatives qui sont prises ces derniers temps et dans le dévouement d’innombrables personnes. Seule la foi en un Dieu père, qui fait de nous tous des frères et des sœurs peut sauver l’humanité. Et cette foi transcende la mort. Comme le dit le Christ dans l’Apocalypse, en présentant la Jérusalem nouvelle (lecture au choix pour la Commémoration des fidèles défunts) : « Voici la demeure de Dieu avec les hommes. Il demeurera avec eux et ils seront ses peuples. Et lui-même, Dieu-avec-eux, sera leur Dieu. Il essuiera toute larme de leurs yeux, et la mort ne sera plus ; et il n’y aura plus ni deuil, ni cri, ni douleur. Les premières choses s’en sont allées. Voici que je fais toutes choses nouvelles » (Ap 21,3-5).

    Cette espérance nous guide et nous inspire. Par nos gestes et nos actions nous entamons dès maintenant cette cité nouvelle que nous promet l’Apocalypse. Prions pour nous associer à ce grand projet du Christ pour l’humanité. La prière nous permet de nous unir à toute l’humanité pour participer à la création de ce monde nouveau.

    1. Comment réagir sans nous laisser submerger ?

    En ligne de fond, nous voulons travailler aux initiatives de solidarité et de proximité pour ceux qui en ont le plus besoin.

    Dans le secteur des soins de santé, les soignants ne veulent pas que les choses se passent comme lors de la première vague, où l’isolement des malades était total ; c'est pourquoi, on a instauré des autorisations de visite pour les personnes en fin de vie, en particulier au bénéfice des aumônières et aumôniers. Cela montre que l'on a tiré la leçon autour de ce moment si important qu'est la fin de vie. De même, les structures hospitalières ne veulent pas devoir choisir qui soigner, car c'est à l'inverse de leur mission et de leur idéal. Il revient à chacun de nous en respectant les consignes, d'aider à ne pas arriver à cette situation qui meurtrirait les plus vulnérables mais aussi ceux qui ont la passion et la dure ascèse de soigner.

    Dans le secteur social, le Vicariat Évangile & Vie appuie les projets permettant d’héberger davantage de personnes sans domicile fixe durant le plan grand froid. Il soutient avec le Vicariat de la Santé l’initiative d’une plateforme téléphonique permettant une écoute permanente des personnes souffrant de solitude. Il lance avec Caritas Secours Liège des projets d'aide sociale de proximité notamment pour soutenir les courses alimentaires. Il appuie les Services sociaux des paroisses et des doyennés en lançant un appel pour engager de nouveaux bénévoles et rester solidaires. Il encourage les aumôniers de prison et leurs équipes. 

    Le Vicariat de l’Accompagnement des acteurs pastoraux est disponible pour aider les prêtres et les autres acteurs pastoraux dans leurs difficultés personnelles. La pandémie peut accentuer les sensibilités et les difficultés de chaque personne engagée sur le terrain pastoral. Elle peut provoquer des crises, des conflits, des ruptures. La fraternité sacerdotale et la fraternité diaconale sont stimulées dans cette situation. Les prêtres, les diacres et les AP sont invités à contacter leurs voisins et leurs collègues proches. La Sous-Commission pour la santé des prêtres (SoCoSaP) est spécialement attentive à recevoir les informations et à donner des conseils. La situation du confinement va entraîner chez les prêtres et les acteurs pastoraux un bouleversement des habitudes. Beaucoup de réunions tomberont ; il faudra travailler par vidéo-conférence et par courrier. On va se retrouver face à une solitude inattendue et pas facile à assumer.

    Le Vicariat Annoncer l’Évangile a déjà annoncé la toute prochaine publication de nouvelles catéchèses à vivre à la maison. Il proposera également sous peu des célébrations domestiques pour le temps de l’Avent et, le cas échéant, la fête de Noël, comme celles envoyées à Pâques. La CIPL travaille d’ores et déjà à un flyer qui sera largement diffusé pour un temps de prière devant la crèche, à l’église ou à la maison. Il est possible de retransmettre des célébrations en streaming sur YouTube ou Facebook, avec un maximum de dix personnes présentes. Radios et TV continueront d’apporter réconfort et soutien à nos vies de prière. Comme lors de la première vague, de nombreuses initiatives peuvent être prises pour entretenir notre communion spirituelle.

    Au Vicariat « Chemins de foi et formations chrétiennes », le Centre diocésain de formation (CDF) donne ses cours à distance. Le Service diocésain des jeunes (SDJ) va faire des animations quotidiennes sur YouTube pour les jeunes qui auraient dû aller à Taizé en pèlerinage. La librairie Siloé reste ouverte : l'on peut venir sur place (40 rue des Prémontrés, 4000 Liège, tél. 04 223 20 55) ou faire des commandes car c'est le moment idéal pour se ressourcer et lire des livres de spiritualité ou de théologie. Dans l’enseignement, les écoles sont fermées jusqu’au 15 novembre. Des projets pastoraux se mettent en place pour Noël.

    Pour la Vie Consacrée, une lettre collective sera envoyée chaque semaine pour soutenir la vie des religieuses et des religieux.

    Le Chantier Paroisses garde le suivi de toutes les Unités pastorales et continue son activité. Il veillera à favoriser l’accueil dans les églises, qui restent ouvertes pour la prière et la méditation personnelle, même s’il ne peut y avoir de célébration.

    Dans la vie quotidienne, chaque geste qui établit la relation compte, a du poids et dit le poids de chaque humain pour Dieu. Tout a sa valeur : un coup de fil, une lettre, un mail, une visite devant la maison. La créativité est de mise pour chacun, particulièrement vis-à-vis des personnes isolées, âgées, précarisées, malades ou endeuillées.

    1. Quelle espérance globale apporter ?

    En tant qu'Église, nous sommes porteurs de solidarité et de fraternité : nous découvrons combien nous en avons vraiment besoin maintenant. Nous devons également découvrir Dieu comme celui qui nous appelle, qui nous procure un idéal et nous donne la force de faire face aux problèmes. C'est ce message d'espérance que nous devons apporter. Nous ne devons pas seulement nous focaliser sur les pourcentages d'infections, mais aussi chercher des orientations pour l'avenir. C'est là que le message chrétien apparaît dans son authenticité.  Face à la finitude, à la souffrance et à l'échec, nous continuons à nous demander : qu'est-ce qui est essentiel dans la vie ? Alors nous découvrons que l'amitié et la spiritualité peuvent vraiment aider. Nous devons donc apporter le message évangélique dans notre monde d'une manière renouvelée et différenciée. C’est ce que j’ai lancé comme projet en octobre 2019 par ma lettre pastorale sur la mission, intitulée « Va vers le pays que je te montrerai ».

    Le monde prend conscience de la nécessité d'une coopération internationale, par exemple pour les vaccins. À l'avenir, nous devrons donc faire preuve de plus de solidarité, car nous sommes également plus vulnérables. Nous découvrons que la mondialisation entraîne aussi une grande fragilité. Si un virus pénètre dans le système, c'est tout le système qui est ébranlé. Nous devrons disposer d'institutions mondiales solides et assumer la responsabilité de l'ensemble de l'humanité et du cosmos tout entier, en particulier en matière de transition écologique.

    Nous devons prier pour que ces épreuves s’écartent, mais nous ne devons pas oublier toutes les autres épreuves de l’histoire : le tremblement de terre en Turquie et en Grèce, les assassinats islamistes en France et en Autriche, le drame des réfugiés en Lybie ou en Grèce, etc. Toutes ces épreuves peuvent être des tremplins pour un avenir meilleur. Ainsi la Grèce et la Turquie se sont rapprochées pour affronter les conséquences du tremblement de terre ; et les musulmans et les catholiques de Bruxelles se sont réunis samedi 31 octobre à la cathédrale pour proclamer leur respect de la personne humaine. Espérons que la Covid nous fera mettre en œuvre de nouvelles solidarités, qu’elle nous obligera à resserrer nos liens au niveau national et qu’elle contribuera à conscientiser le monde sur les mesures à prendre pour protéger les populations contre les dérives technologiques et matérialistes.

    Prière pour sortir de la crise sanitaire 

    Seigneur, notre Dieu,

    tu as envoyé des prophètes,

    comme Isaïe et Jean-Baptiste,

    pour qu’ils t’ouvrent un chemin

    dans le cœur des humains.

     

    Notre monde souffre

    à cause de la crise sanitaire.

    Il doit se soigner

    pour être régénéré

    dans la justice sociale

    et la dignité humaine.

     

    Guéris le cœur des hommes

    par la venue de ton fils Jésus.

    Qu’il rende droits tes chemins,

    qu’il nous aide à sortir de la crise sanitaire

    et nous ouvre un futur d’espérance,

    en nous baptisant dans l’Esprit-Saint.

     

    Par l’intercession de saint Hubert,

    patron de la ville de Liège

    et guérisseur de la rage,

    protège-nous du coronavirus

    et de ses conséquences néfastes,

    toi qui vis et règnes pour les siècles des siècles.

    Amen !

                                                   + Jean-Pierre Delville, évêque de Liège

  • Octobre 2020 : à Liège, le Mois du Rosaire vous accueille au Saint-Sacrement

    Apprendre à prier ? en octobre, une petite exposition sur le Rosaire vous accueille à l’église du Saint-Sacrement (Bd d’Avroy, 132)

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    Des panneaux didactiques à découvrir par les catéchistes et leurs élèves

    → soit aux heures d’ouverture de l’église :

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    → soit pour une visite commentée, aux jour et heure à convenir :

    - par email abbedor@gmail.com ou sursumcorda@skynet.be ;

    - par tél. 04 344 10 89 

    - par gsm 0470 94 70 05

    « Grâce à la méditation des mystères du Christ avec le cœur de Marie, nous entrons dans l’intimité du Fils de Dieu fait homme, nous faisons nôtre tout ce qu’Il a dit et fait, nous scrutons toutes les dimensions de ses paroles et de ses actes pour mieux en comprendre la portée et la richesse, nous nous en nourrissons, nous nous attachons à ce qui plaît à Dieu, à celui surtout « en qui Dieu met toute sa complaisance » , Jésus, « le fruit des entrailles » de Marie. Le cœur de Marie fixé sur Jésus devient alors notre refuge et notre école. Au fil des Ave, nos égoïsmes, nos étroitesses, nos craintes, nos manques de confiance rencontrent inlassablement cette grande révélation : LE FILS DE DIEU S’EST FAIT HOMME POUR MOI , Il a souffert pour moi, Il a vaincu le démon, le péché et la mort pour moi, Il nous ouvre les portes de son Royaume. En face de toutes les épreuves et déceptions de l’existence ou de la vie des hommes, se dresse cette Bonne Nouvelle (Evangile), qui nous rejoint et nous concerne tous. C’est notre patrimoine » (extrait du Feuillet de l’église du St-Sacrement, octobre 2020).

  • Mgr Delville, évêque de Liège: "Quelques bienfaits de la messe en latin"

    Interview donnée par 

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    MGR JEAN-PIERRE DELVILLE

     évêque de Liège 

    Emission sur RCF Liège « Trente minutes avec notre évêque » du lundi 29 juin 2020 à 16h03, rediffusée lundi 24 août 2020 à 16h03

    Ref. http://belgicatho.hautetfort.com/archive/2020/08/31/l-eveque-de-liege-explique-l-interet-de-la-messe-en-latin-6260342.html (13’30 à 25’45) 

    Ralph Schmeder

    Monseigneur, le 13 juin dernier, à l’occasion de la Fête-Dieu à Liège, vous avez célébré une messe en latin à l’église du Saint-Sacrement, célébration d’ailleurs retransmise par RCF-Liège, qu’on peut encore réécouter sur la page Facebook de la radio.

    En même temps, récemment les éditions ADF/Bayard musique ont publié un CD avec des musiques pour la messe en latin.

    Est-ce que ce sont des signes d’une renaissance de la messe dans les anciens rites ? Et d’ailleurs est-ce qu’il y a un public particulier pour ce genre de célébration ?

    Mgr Delville

    Effectivement cette année-ci, la messe a été retransmise par RCF et par Facebook. Quand j’ai accepté de célébrer cette messe que je célèbre chaque année dans l’église du Saint-Sacrement à Liège, en latin dans la forme ancienne de la liturgie, il n’était pas prévu de retransmission.

    Ici il y a eu la retransmission à cause du Covid et, en fait, j’ai insisté pour que la retransmission se fasse d’une manière (on va dire) dynamique et pédagogique, c’est-à-dire qu’on ne se contente pas de regarder de loin le prêtre qu’on voit de dos, mais qu’on ait des caméras qui montrent ce que le prêtre fait à l’autel, ce qui se passe autour de lui, etc. C’est une manière d’entrer plus activement dans les différents rites de la célébration de cette messe, c’est donc une modernisation au sens d’une manifestation plus explicite de ce qui se fait.

    Y a-t-il une renaissance de ce type de messe ? Ce que je trouve intéressant, c’est que c’est un patrimoine particulièrement riche dans notre histoire chrétienne. On fait beaucoup pour sauver le patrimoine architectural, on fait beaucoup pour restaurer les églises et les cathédrales - regardez ce qu’on fait pour Notre-Dame de Paris -, il faut reconnaître que la liturgie, c’est aussi un patrimoine, mais un patrimoine immatériel : c’est fait de chants, de gestes, de textes et d’attitudes de prière qui sont en quelque sorte un trésor spirituel. Je trouve qu’il serait dommage de le laisser uniquement couché dans les livres et dans les témoignages du passé, mais que cela vaut la peine de l’actualiser dans une célébration concrète.

    Ralph Schmeder

    Quand on parle de la messe en latin, il faut aussi distinguer entre plusieurs rites possibles.

    Ici, c’était, je crois, le rite de 1962

    Mgr Delville

    De Jean XXIII en 1962. Soyons clairs.

    Il n’y a qu’un seul rite latin romain. Mais il y a un autre rite latin qui est le rite ambrosien que l’on pratique à Milan. Et il y a le rite mozarabe que l’on pratique à Tolède en Espagne. Donc il y a au moins trois rites latins[1].

    Dans le rite romain, il y a la forme extraordinaire et la forme ordinaire.

    - La forme ordinaire, c’est celle que nous célébrons dans toutes les églises de nos régions de manière habituelle, qui peut être d’ailleurs elle-même célébrée en latin, comme on le fait dans les congrès internationaux bien souvent et comme on voit le pape le faire pour des messes internationales à la basilique Saint-Pierre.

    - Mais il y a aussi la forme extraordinaire qui, elle, a conservé la totalité des gestes qui étaient pratiqués jusqu’en 1962, lors de la dernière édition du missel de rite romain à l’époque de Jean XXIII.

    On prend ce missel de 1962 parce que c’est un missel où Jean XXIII a déjà introduit deux modifications importantes:

    - La première, c’est de mentionner saint Joseph après le nom de la Vierge Marie dans la prière eucharistique[2].

    - La seconde, c’est d’exclure le mot « Juifs perfides » dans la prière du Vendredi Saint. Il y avait là quelque chose qui était scandaleux : évidemment c’est parce qu’on ne connaît plus le latin. « Perfidus » en latin ne veut pas dire « perfide », mais veut dire « qui a perdu la foi ». C’était en quelque sorte un malentendu, mais un malentendu qui porte à conséquence. Donc le missel de 1962 a été expurgé de ce point de vue-là, et c’est ce missel-là qui est utilisé[3].

    L’avantage de connaître la forme extraordinaire, c’est qu’on peut entrer dans le libellé des textes tel qu’il est parfois pratiqué depuis le IVe siècle, vu que le Canon romain, la prière eucharistique, remonte à saint Ambroise qui vivait au IVe siècle ; et donc on entre aussi dans la Tradition de l’Eglise qui a inspiré plus de 1000 ans de littérature et on peut alors être initié à toute la littérature chrétienne qui a succédé quand on connaît aussi la liturgie qui l’a inspirée.

    Ralph Schmeder

    La messe en latin est-elle parfois utilisée aussi comme un symbole aussi bien pour les défenseurs que pour les détracteurs, donc pour un certain style d’Eglise, peut-être nostalgique du passé ?

    Mgr Delville

     Oui, cela peut arriver, mais je vois que tout évolue, tout bouge. Même les plus traditionnalistes ont aussi parfois un côté très moderne, par exemple l’utilisation de nouveaux médias, l’utilisation de sites internet, une certaine pédagogie…

    Mais qui plus est, ce que je vois aussi, c’est qu’il y a un public tout-à-fait diversifié à ce genre de célébration. Et donc il ne faut pas laisser ce type de célébration comme otage des mouvements intégristes. C’est d’ailleurs ce que le pape Benoît XVI avait voulu en permettant que la célébration de la forme extraordinaire du rite romain se fasse de manière totalement libre dans l’Eglise, sans demander de permission spéciale. C’est pour que ce ne soit pas simplement le domaine des Lefebvristes et des personnes qui se sont mises hors de l’Eglise.

    L’important, à mon avis, c’est de valoriser un trésor de patrimoine liturgique sous toutes ses formes, chants, musiques, gestes, textes, etc. sans le lier à une idéologie, parce que je pense que pendant plus de 1000 ans (du IVe siècle jusqu’à aujourd’hui, cela fait presque 16 siècles), ce rite a été utilisé par des gens de toutes idéologies, de toutes tendances confondues.

    Il n’y a donc pas de raison qu’en l’utilisant aujourd’hui, on le monopolise dans une seule idéologie. Je pense que de même en musique on peut jouer des œuvres de Jean-Sébastien Bach qui datent du XVIIe siècle sans être un « traditionnaliste », de même on peut pratiquer la liturgie ancienne sans être « traditionnaliste » – au sens de « intégriste ». Je pense qu’il ne faut pas lier la célébration à une idéologie.

    Qui plus est, il faut savoir que la célébration dans le rite ancien permet de découvrir des choses très modernes qui ont été occultées par le fait qu’on a supprimé pendant un certain temps ce rite ou, en tout cas, qu’on ne l’a pratiquement plus pratiqué.

    Un exemple. On cite dans le Canon romain les fidèles au masculin et au féminin : c’est toujours « frères et sœurs », ou avec d’autres substantifs, « serviteurs et servantes »[4]. Le fait que l’on ait supprimé le mot « sœur » ou qu’on ait supprimé le mot féminin dans le missel de Paul VI après le concile Vatican II est en fait un « machisme » qui n’était pas dans l’ancien missel.

    Ou encore, quand vous lisez l’ancien missel, vous voyez que nous sommes définis comme des « orthodoxes », nous sommes l’Eglise orthodoxe, alors qu’on croirait que les Orthodoxes, ce sont les autres ; mais là on dit que c’est aussi nous !

    Et ainsi de suite.

    Il y a là un très beau vocabulaire à un moment donné qu’il est utile de pratiquer pour en comprendre la symbolique.

    Ralph Schmeder

    Qu’en pensent les jeunes, parce que parfois on les entend dire qu’ils s’ennuient déjà à la messe en français ? Est-ce que ce genre de célébration pourrait intéresser la jeune génération ?

    Mgr Delville 

    En partie, oui. Si je regarde le public qui vient, le public est très diversifié. Evidemment il y a huit jours quand j’ai fait cette célébration, c’était le premier dimanche après le confinement, et donc les personnes âgées ont hésité à bouger ; c’était donc davantage des jeunes ou des adultes qui sont venus. Moi, j’entends même des acolytes qui me demandent pour être initiés. L’avantage, si vous voulez, pour un jeune, d’être initié à ce niveau-là, c’est qu’il a un peu l’impression d’entrer dans une « arcane », c’est-à-dire dans un monde mystérieux où il fait beaucoup de découvertes, où il y a moins d’évidences et où il y a aussi plus de choses à découvrir. Il y a des demandes d’être un peu initié au sens de la liturgie, et je crois que ça, ça peut avoir son sens ; en tout cas, c’est une porte d’entrée dans la foi, dans la mesure où, à travers des gestes et des pratiques différentes, on peut aussi redécouvrir le mystère de la foi.

    Qui plus est, dans la forme ancienne, il y a beaucoup plus de gestes que dans la forme actuelle. On se rend compte que la forme actuelle est en fait une forme intellectualisée, qui a supprimé tout le langage corporel. Le langage corporel dans l’ancienne messe est énorme : le nombre de gestes que le prêtre doit faire, c’est au moins 50 pendant la messe, même plus, je n’ai pas calculé le nombre : que ce soit d’inclinaisons, que ce soit de signes de croix, que ce soit de génuflexions, que ce soit peu importe... Le langage corporel est extrêmement intégré dans le langage verbal, et c’est donc aussi un aspect intéressant.

    Et qui plus est, la forme ancienne de la messe met en œuvre beaucoup plus de personnes autour du prêtre que la messe actuelle, parce que la forme officielle de la messe, d’après l’introduction du missel, c’est la forme solennelle[5]. Et la forme solennelle de la messe demande au moins qu’il y ait presque une quinzaine de participants : diacre, sous-diacre, acolytes et autres. Et la forme pontificale avec l’évêque qui préside, elle, demande au moins trente actifs participants. Donc cela veut dire qu’elle met en œuvre la diversité des ministères et une certaine diversité des services. Je crois que là, il y a quelque chose aussi à exploiter pour une image d’Eglise diversifiée.

    Ralph Schmeder

    Une question de conclusion : le latin a presque disparu dans notre société moderne ; on l’enseigne peut-être encore dans certaines écoles. Est-il utile et important selon vous de connaître cette langue et de la pratiquer ?

    Mgr Delville

    Oui, oui, c’est énorme : c’est énorme, la littérature latine. Ne plus connaître le latin, c’est s’interdire l’accès à une production littéraire gigantesque qui va du haut Moyen-âge et même de l’Antiquité de facto (au point de vue chrétien depuis l’époque patristique) jusqu’au XIXe siècle. Et donc, c’est s’interdire l’accès à des textes très importants qui ne sont pas traduits. Et donc je pense qu’il est très important d’avoir des lieux où le latin soit pratiqué pour éviter son oubli. Parce qu’oublier une langue aussi importante dans laquelle autant de livres sont écrits, c’est aussi s’interdire l’accès à des tas de documents, y compris des manuscrits, y compris des textes uniques qui vont devenir totalement inaccessibles.

    Et donc maintenir des lieux où la langue est pratiquée contribue aussi forcément à apprendre la langue et donc à s’ouvrir l’accès à un pan important de notre littérature.

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    ______

    [1] Il faudrait ajouter le rite de Braga au Portugal, qui est toujours célébré, et, jusqu’à la fin des années 1960, le rite lyonnais.

    [2] Décret de la Congrégation des Rites du 13 novembre 1962 (Acta Apostolicæ Sedis 54, 1962, p. 873).

    [3] Préparée par la déclaration de la Congrégation des Rites du 10 juin 1948 (Acta Apostolicæ Sedis, 40, 1948, p. 342), cette modification a été prescrite dans la lettre de la Congrégation des Rites du 19 mai 1959 (Ephemerides Liturgicæ, 74, 1960, p. 133).

    Les réformes liturgiques de 1965 et 1970 ont encore modifié le texte de cette prière.

    Depuis la note de la Secrétairerie d’Etat du 4 février 2008, dans l’usage de la forme extraordinaire du rite romain, une nouvelle formulation de cette prière a été rendue obligatoire.

    Un tableau en appendice à l’interview récapitule l’évolution de cette prière.

    [4] Dans le Canon romain (et la Prière eucharistique I de la forme ordinaire en latin), on prie au Mémento de vivants : « Meménto, Dómine, famulórum famularúmque tuárum N. et N., et ómnium circumstántium, quorum tibi fides cógnita est et nota devótio, etc. » et au Mémento des défunts : « Meménto étiam, Dómine, famulórum famularúmque tuárum N. et N., qui nos præcessérunt cum signo fídei, et dórmiunt in somno pacis  ».

    Depuis les années 1970, la traduction française de la forme ordinaire (Missel de Paul VI) fait respectivement prier : « Souviens-toi, Seigneur, de tes serviteurs (de N. et N.) et de tous ceux qui sont ici réunis, dont tu connais la foi et l’attachement, etc. » et « Souviens-toi aussi de tes serviteurs (de N. et N.) qui nous ont précédés, marqués du signe de la foi, et qui dorment dans la paix, etc. ».

    A partir de l’Avent 2020, cette traduction imparfaite sera ainsi modifiée : « Souviens-toi, Seigneur, de tes serviteurs et de tes servantes (de N. et N.) et de tous ceux qui sont ici réunis, dont tu connais la foi et l’attachement, etc. » et « Souviens-toi aussi de tes serviteurs et de tes servantes (de N. et N.) qui nous ont précédés, marqués du signe de la foi, et qui dorment dans la paix, etc. ».

    [5] L’art de célébrer la messe (Présentation Générale du Missel Romain, 3e édition typique 2002), nn. 22 et 112 (cf. Vatican II, Sacrosanctum Concilium, n. 41).

    JPSC