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  • Liège : dimanche convivial en musique au Saint-Sacrement

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    Bravant la pluie diluvienne, la célébration du millénaire de Saint-Jacques et la course Liège-Bastogne-Liège, plus de cent vingt personnes se sont retrouvées l’après-midi de ce dimanche 26 avril à l’église du Saint-Sacrement au Boulevard d’Avroy pour écouter, sous la direction de Charlotte Messiaen, les jeunes de l’Ensemble vocal du Brabant wallon, l’Ensemble instrumental  Darius et Guillaume Houcke à l’orgue : une excellente prestation, qui fit honneur au « Gloria » de Vivaldi et aux maîtres de l’art baroque, sans oublier l’échantillon du plain-chant que les jeunes brabançons vont interpréter tout prochainement au Festival grégorien de Watou. On en redemande !

  • Dimanche chantant à Liège le 26 avril 2015 à 17 heures, en l’église du Saint-Sacrement au Boulevard d’Avroy:

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    Un soir à Venise…

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    voûte de l'église du saint-sacrement à Liège

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    l'ensemble vocal du Brabant wallon à Venise (2012)

    Trente jeunes jouent et chantent le Gloria de Vivaldi en costumes d’époque : un concert de musique baroque interprété par des jeunes, instrumentistes, chœurs et solistes, c’est étonnant et rafraîchissant. La qualité est professionnelle. Au programme aussi, des œuvres de Bach, Purcell, Pergolèse et Corelli. Cela se passe à l’église du Saint-Sacrement, Bd d’Avroy, 132 à Liège, le dimanche 26 avril 2015 à 17 heures  avec l’Ensemble vocal du Brabant wallon, les solistes Laia et Alba Julian, Blanche Tourpe, Agathe Favart, Jean-Maxime Boulanger, Adrien François, Daniel Loparic , l’Ensemble instrumental Darius et Guillaume Houcke, orgue, sous la direction de Charlotte Messiaen.

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    ►Chant grégorien : hymne « Placare Christe servulis » attribuée à Raban Maur (c. 780-856)

    ►Henry Purcell (1659-1695) : 1659-1695) : Sound the trumpet

    ►Giambattista Pergolesi   (1710-1736) : Stabat mater dolorosa

    ►Johann-Sebastian Bach (1685-1750)    « Il fait danser les mondes », extrait de la Passion selon Saint Jean  et « Wachet auf” , extrait de la Cantate 140

    ►Archangelo Corelli  (1653-1713)    Concerto grosso op 6 n°4  en ré M

    ►Antonio Vivaldi  (1678-1741) : Gloria  RV 589

     

    Les interprètes

    ensemblevocaldubrabantwallon (1).jpgFondé  par Charlotte Messiaen voici un quart de siècle, l’Ensemble vocal du Brabant wallon se compose actuellement d’une trentaine de choristes, âgés de 11 à 17 ans, filles et garçons, pour la plupart engagés dans des études musicales. Du chant grégorien à la musique contemporaine, du répertoire traditionnel à la chanson populaire, de la musique sacrée à l’opéra, tous les genres sont abordés. L’Ensemble vocal a participé au Festival de Wallonie, au Festival des Flandres et à la Nuit musicale de Beloeil. Il était  en Hongrie en avril 2011. pour interpréter Fairy Queen avec de jeunes comédiens hongrois , à Venise en 2012, pour chanter à la Basilique San Marco, à Tianjin (Chine) en juillet 2012 pour le festival de la culture des enfants, en tournée sur la Loire en 2013 et à Europa Cantat junior en Norvège en 2014, en Suisse au 2013_08_10_NuitMusicaleSeneffe-371_web.jpgprintemps 2015 avec le Magnificat de Vivaldi et il sera au Festival de chant grégorien de Watou en mai prochain.

    L'Ensemble instrumental Darius existe depuis 2004, il tourne dans toute la Belgique et occasionnellement à l'étranger. Il offre un répertoire varié de musique de chambre allant des grands classiques à la création d’œuvres nouvelles. Actuellement, il prépare la création de l'opéra « L'Olympiade » de Vivaldi, qui mêlera la musique baroque à la danse contemporaine. 

    Guillaume_Houcke.JPGL’organiste Guillaume Houcke est professeur assistant à l’IMEP de Namur. Titulaire des orgues de l’église de Montignies sur Sambre,  chef de chœur des  chorales “Les XVI” et « Pays noir”  à Charleroi, ce contre-ténor est aussi membre du Chœur de Chambre de Namur  et quart finaliste du concours de chant Reine Elisabeth.

    Renseignements : Eglise du Saint Sacrement, Bd d'Avroy 132, 4000 Liège. Tel 04.344.10.89 ou 0476.28.23.75. PAF: 10€ (enfants:gratuit) Réception offerte après le concert.

    Lien permanent Catégories : Concerts
  • Le magazine trimestriel « Vérité et Espérance-Pâque Nouvelle, n° 94 – avril 2015

    Le magazine trimestriel « Vérité & Espérance – Pâque Nouvelle » édité par l’association « Sursum Corda » (responsable de l’église du Saint-Sacrement à Liège) sort sa livraison de printemps. Tiré à 4.000 exemplaires, ce magazine abondamment illustré parcourt pour vous l’actualité religieuse et vous livre quelques sujets de méditation (les titres en bleu sont disponibles en ligne: cliquez sur le titre). Au sommaire de ce numéro d’avril 2015 :

    SOMMAIRE n° 94 (1er trimestre 2015)   

    verite et esperance 94307.jpg

    Famille : d’un synode à l’autre, la boîte de Pandore reste ouverte

    L’Islam et l’Occident

    Le « nunc dimittis » de Mgr Léonard

    Grand-Duché de Luxembourg : l’Eglise et l’Etat se séparent

    Islamisme : pourquoi Verviers ?

    Décès de Gilberte Degeimbre, dernière voyante des apparitions de Beauraing

    L’abbé Ringlet cautionne la transgression de l’interdit de tuer

    Quand le CDH organise un faux débat sur l’euthanasie

    Plain-Chant en Belgique : à votre agenda

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    Le disciple que Jésus aimait

    Autobiographie d’un aventurier de l’Esprit

    Dieu ou rien : entretien sur la foi

     

     

    Secrétaires de Rédaction : Jean-Paul Schyns et Ghislain Lahaye

    Editeur responsable: SURSUM CORDA a.s.b.l. ,

    Vinâve d’île, 20 bte 64 à B- 4000 LIEGE.

    La revue est disponible gratuitement sur simple demande :

    Tél. 04.344.10.89  e-mail : sursumcorda@skynet.be 

    Les dons de soutien sont reçus au compte IBAN:

     BE58 0016 3718 3679   BIC: GEBABEBB de Vérité et Espérance 3000, B-4000 Liège

     

  • Dieu ou rien : entretien sur la foi

     

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    Extrait de notre magazine trimestriel « Vérité et Espérance/Pâque Nouvelle », n° 94, printemps 2015:

    On attendait le pape François en France en 2015. Alors que son voyage a été reporté, c’est l’un de ses plus proches collaborateurs, le cardinal guinéen Robert Sarah, qui est venu en visite dans l’Hexagone, à l’occasion de la sortie de son livre  Dieu ou rien, entretiens sur la foi (Ed. Fayard, 424 pages) écrit en collaboration avec l’écrivain Nicolas Diat (Ed. Fayard, 424 pages), qui est aussi l’auteur d’un essai remarqué sur Benoît XVI : « L’homme qui ne voulait pas devenir pape » (Albin Michel, 2014). Sur le site web « aleteia », Elisabeth de Baudouin esquisse le profil de cette figure montante au firmament de l’Eglise :

    L’un des hommes clés de la curie

     

    cardinal  Robert Sarah-1024x837.jpgQui est Robert Sarah ? Derrière l’homme discret, natif d’Ourouss en Guinée (1945) et ordonné prêtre en 1969 se cache en fait un « premier de classe » : nommé archevêque de Conakry à seulement 34 ans par Paul VI (1974), il est créé cardinal – le premier du continent africain - par Benoît XVI en 2010. Entretemps (2001), le « bébé évêque », comme l’aurait surnommé le Pape Jean Paul II, a été appelé à Rome, d’abord comme « numéro deux » de la Congrégation pour l’évangélisation des peuples, dicastère en charge des Eglises des pays en développement, avant de devenir président de « Cor unum », le Conseil pontifical qui coordonne l’action humanitaire de l’Eglise. De là à lui confier la direction d’une congrégation pontificale, il n’y avait qu’un pas : François l’a franchi en novembre dernier, en le nommant à la tête de la Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements, dicastère clé en charge de la question, sensible dans certains pays dont la France, de la liturgie. Comme cardinal de curie, il participé au synode sur la famille d’octobre dernier, où les évêques africains se sont signalés par leur défense des valeurs traditionnelles de l’Eglise concernant le mariage et la famille.

    Réservé mais liberté de parole

    Ses proches le décrivent d’abord comme un grand spirituel, très à l’écoute, pudique et réservé. Ce qui ne l’empêche pas, disent-ils, d’avoir de l’humour et d’aimer rire, voir de prendre plaisir à raconter des anecdotes. Cet homme de sensibilité plutôt classique est, paraît-il, humble, mesuré et sage. Mais c’est aussi un homme courageux, qui n’a pas peur de dire ce qu’il pense. Il l’a prouvé notamment comme ardent défenseur des droits de l’homme et de la liberté en Guinée. Son livre le confirme, où cet africain francophone, très attaché à la tradition de l’Eglise et qui a beaucoup voyagé, livre avec cette liberté de parole encouragée par le Pape, ses réflexions sur l’Eglise, Rome, les papes, le monde moderne, l’Afrique, l’occident, la morale, la vérité, le mal… et Dieu. De quoi faire couler de l’encre et parler dans les chaumières dans les mois qui viennent […] 

    Cet homme de Dieu pourrait bien en réveiller plus d’un

    L’Afrique étonnera le monde, avait dit Saint Jean Paul II. Elle le surprend déjà, en envoyant ses prêtres et ses religieuses par dizaines, en mission chez ceux qui l’ont évangélisée. Cette fois, c’est un cardinal qui fait le déplacement, dans cette France qui fut la métropole de son pays (et qui l’a fait commandeur de la Légion d’Honneur en 2012). Homme de Dieu, ce cardinal, sans doute l’un des « papabile » du prochain conclave, pourrait bien réveiller plus d’un français. Et par là, prouver que la page d’une France fidèle aux promesses de son baptême n’est pas tournée.  Ref. Cardinal Sarah : tout sur sa venue en France (Aleteia)

     

    Quelques extraits du livre choisis dans la sélection de Jean-Pierre Dumont (Famille chrétienne)

    9782213686103.jpgAbandon « Dans ma vie, Dieu a tout fait ; de mon côté, je n’ai voulu que prier. Je suis certain que le rouge de mon cardinalat est vraiment le reflet du sang de la souffrance des missionnaires qui sont venus jusqu’au bout de l’Afrique pour évangéliser mon village. »

    Euthanasie « L’euthanasie est le marqueur le plus aigu d’une société sans Dieu, infra-humaine […]. Pourtant, dans mes voyages, je constate un réveil des consciences. Les jeunes chrétiens d’Amérique du Nord montent progressivement au front pour repousser la culture de mort. Dieu ne s’est pas endormi, Il est vraiment avec ceux qui défendent la vie ! »

    Gender « Concernant mon continent d’origine, je veux dénoncer avec force une volonté d’imposer de fausses valeurs en utilisant des arguments politiques et financiers. Dans certains pays africains, des ministères dédiés à la théorie du genre ont été créés en échange de soutiens économiques ! Ces politiques sont d’autant plus hideuses que la plus grande partie des populations africaines est sans défense, à la merci d’idéologues occidentaux fanatiques. »

    Prière « La véritable prière laisse Dieu libre de venir à nous selon sa volonté. Nous devons savoir L’attendre dans le silence. Il faut durer dans le silence, dans l’abandon et dans la confiance. Prier, c’est savoir se taire longtemps ; nous sommes si souvent sourds, distraits par nos paroles… »

    Synode « L’idée qui consisterait à placer le Magistère dans un bel écrin en le détachant de la pratique pastorale, qui pourrait évoluer au gré des circonstances, des modes et des passions, est une forme d’hérésie, une dangereuse pathologie schizophrène. J’affirme donc avec solennité que l’Église d’Afrique s’opposera fermement à toute rébellion contre l’enseignement de Jésus et du Magistère. » 

  • Autobiographie d’un aventurier de l’Esprit

     

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    Extrait de notre magazine trimestriel « Vérité et Espérance/Pâque Nouvelle », n° 94, printemps 2015

    autobiogr Fr Brune.jpgDès la troisième page de son autobiographie, le père François Brune (né en 1931) relate sa première expérience spirituelle ; elle se déroule très simplement, peu de temps après sa “communion privée”, il doit avoir sept ans :  Il ne s’agit pas d’une extase, d’une irruption de la grâce me tombant sur la tête (...). Il ne s’agit que de quelque chose de très simple. Le plus curieux, c’est que je n’ai même compris son importance que beaucoup plus tard, quarante ou cinquante ans plus tard, quand j’ai découvert que tout le monde n’avait pas vécu cette expérience toute simple. Cette expérience, c’est tout simplement une rencontre de Dieu dans la prière. Ça ne se décrit pas, tellement c’est simple. C’est une foi absolue, presque concrète, en la présence de Dieu près de moi et la certitude qu’Il m’entend, m’écoute, est tout entier tourné vers moi, attentif à moi. Une sorte de dialogue est alors possible, très réel et j’y crois toujours, je le vis toujours ; à volonté, ce qui est encore plus fantastique. Il suffit que j’y pense pour qu’Il soit là, toujours là, toujours dispos, prêt à m’écouter. (...) Il ne s’agit pas seulement d’une conviction intellectuelle, mais d’une expérience, d’un contact personnel et réel. C’est une sorte de cadeau que Dieu m’a fait...[1]

    Un sermon mythologique

    Né en Normandie dans une famille très chrétienne de quatre enfants, le jeune François se distingue par son intelligence, un goût très vif de la vérité et de la cohérence entre les paroles et les actes ; il est aussi servi (ou desservi) par un caractère... disons entier. Aussi ne manque-il pas d’être profondément blessé par les paroles d’un prêtre lors de la cérémonie de confirmation (il a alors une quinzaine d’années) :

    Mieux vaut s’adresser à la Sainte Vierge plutôt qu’à Dieu lui-même, car, disait-il,  Dieu, si grand que soit son Amour, est tenu par sa justice. Tandis que Marie, n’ayant pas la même responsabilité, peut se laisser aller à suivre son coeur[2].

    Le jeune François réagit vivement à ces paroles : ce Dieu farouche n’est pas le vrai Dieu, il n’est pas le Dieu des chrétiens : On était en pleine mythologie. Je retrouvais les histoires des dieux latins et grecs. Il fallait gagner les bonnes grâces de Junon pour qu’elle aille trouver Jupiter et vous obtenir la faveur demandée. En version chrétienne, la Sainte Vierge pouvait tout obtenir de son grand garçon. Il ne pouvait rien lui refuser. On l’avait bien vu aux noces de Cana. Ensuite, comme son Fils était Dieu dans la Trinité, le Père était bien obligé de se montrer solidaire et de signer le chèque. Le tour était joué. Il faut reconnaître que c’est ainsi que l’on présente la plupart du temps l’intercession de la Sainte Vierge ou des saints.[3]

    Cet épisode laisse une plaie profonde dans ce jeune homme franc et aiguisé : quelque chose s’est brisé en lui, quelque chose qui le marquera à vie : Ce jour-là, j’ai compris, constaté qu’un prêtre peut être intelligent, homme de grande culture, avoir la confiance de la hiérarchie de l’Eglise pour une mission d’enseignement importante, et pourtant dire des bêtises et des bêtises énormes sur Dieu. Il m’était donc impossible de suivre aveuglément tout ce que les prêtres pouvaient raconter. Il fallait garder sa liberté de réfléchir, de penser, oser juger les gens d’Eglise ayant autorité.[4] Cette dernière phrase résume et explique la suite du parcours intellectuel et spirituel atypique de François Brune.

    Lumière et ténèbres

    Paradoxalement, c’est à la même époque, dans un camp de vacances en montagne, au contact d’un séminariste rayonnant, qu’il ressent pour la première fois un vague appel à la prêtrise : il émanait de lui une joie d’une qualité rare. Je me rappelle que j’avais eu envie, peut-être, un jour de devenir quelqu’un comme ça...[5] 

    Au début des années 1950, le jeune étudiant en classes préparatoires aux grandes écoles se trouve confronté aux questions graves posées par les péripéties du monde : guerre d’Indochine, guerre froide, exil en France de nombreux intellectuels slaves, publications sur les horreurs des camps de concentration nazis... La griffe du Mal, et d’un Mal organisé, se laisse deviner dans l’apparent chaos politique et social ; la conscience de plus en plus nette de ce qui fait l’Histoire du monde : une puissance de Haine, fantastique, métaphysique, une puissance terrifiante, à en donner le vertige [6] (...). Je compris en même temps que si une telle force existait et dominait à ce point le monde, il devait bien y en avoir une autre en sens contraire, une force d’Amour, sans laquelle le monde serait déjà détruit depuis longtemps. Le monde était pris entre ces deux forces contraires, forces du mal, de haine et forces du bien, d’amour. La force absolue de l’Amour ne pouvait être que Dieu (...). Lutter contre les effets du mal, c’est bien : construire des routes et des ponts dans les pays sous-développés, faire la chasse aux virus (...) cela est très bien, mais tout cela ne fait que lutter contre les conséquences du mal, contre ses effets. Essayer de rapprocher le monde de Dieu, c’est mieux, car, là, on s’attaque à la racine du mal. Il était évident pour moi, à cette époque-là, que seule l’Eglise (l’Eglise catholique, évidemment, je n’en connaissais pas d’autre) était à même d’entreprendre cette tâche[7].

    Cette méditation débouche peu à peu sur la résolution de devenir prêtre : faire connaître l’Amour de Dieu au monde, pour le sauver du malheur. Il s’agit donc là d’un tournant absolument capital dans ma vie. Il ne s’agissait pas d’une illumination. Je n’ai entendu aucune voix, pas même une “voix intérieure” comme cela est arrivé pour certains ; ça ne s’est pas fait vraiment en un seul instant. Ce moment-là, près du Panthéon, était l’aboutissement d’une longue et lente évolution, d’une méditation sur le malheur de ce monde [8].

    Une ligne doctrinale imposée

    Comment “garder sa liberté de réfléchir, de penser, oser juger les gens d’Eglise ayant autorité” quand on entre au Séminaire universitaire de l’Institut catholique ? Très vite François Brune souffre d’une ligne doctrinale imposée, que plusieurs professeurs ne partagent pas, mais sont contraints d’enseigner sous peine de mise à l’écart ; cette doctrine, il la surnomme l’aristothomisme, combinaison délétère de philosophie païenne (Aristote) et de philosophie thomiste (S. Thomas d’Aquin). A l’Institut catholique de Paris, dans les années 1950, le thomisme était enseigné comme “la” vérité ; les déviants (même sur les questions de détails) sont écartés, ainsi Jacques Maritain (pourtant lui-même thomiste) est exilé à Montréal pendant quelques années pour avoir osé contredire celui que F. Brune appelle “le grand Maître dominateur”. L’enseignement le plus officiel de la Sainte Eglise Catholique et Romaine, à son niveau le plus élevé, censé correspondre à celui des universités en science profane, était complètement déconnecté des connaissances de notre époque, bloqué en son état médiéval, comme si rien ne s’était passé depuis le XIIIe siècle !!! Dès cette époque-là, je commençais à pressentir l’effondrement de l’Eglise.[9]

    Ce que le Père François Brune reproche à cette théologie, c’est de vouloir faire entrer Dieu dans les strictes limites de la raison humaine, alors que la foi, sans contredire la raison, la dépasse infiniment : Aristote, quatre siècles avant le Christ, ne conçoit pas Dieu comme une Personne qui aime, mais comme un “Acte pur”, comme une sublime et inatteignable Abstraction. Nourri par cette philosophie, Thomas d’Aquin construit, d’après François Brune, une théologie où Dieu est prié de s’introduire dans les catégories mentales de la Grèce antique ; Dieu devient alors, selon les normes humaines, “un roi absolu, un satrape oriental, un tyran. En conséquence, explique S. Thomas d’Aquin, Dieu ne nous aime pas : que je me damne, que je l’aime ou le haïsse, cela ne lui fait aucun effet. En réalité, il ne le sait même pas” [10]. Ce Dieu, qui prédestine les uns au salut et les autres à la damnation, selon son bon plaisir, F. Brune ne le reconnaît pas dans celui des Evangiles, ni dans toute la théologie des Pères de l’Eglise, ni surtout dans les Pères grecs, restés à l’écart des développements théologiques philosophants des pères latins après S. Augustin. Or, le Dieu chrétien opère un renversement total des valeurs : il faut passer de la Transcendance comme perfection de l’Etre et de sa Puissance à une Transcendance faite d’Amour et donc d’humilité, de vulnérabilité, sans limites dans la faiblesse, et par cela même infiniment supérieur à toutes nos façons d’aimer [11].

    Il faudra attendre la publication des documents du concile Vatican II (1962-65) pour se réjouir que, puisant dans leur trésor du neuf et de l’ancien, les Pères conciliaires renouent avec la plus vivifiante Tradition : Dieu a appelé et appelle l’homme à adhérer à Lui de tout son être, dans la communion éternelle d’une vie divine inaltérable (Gaudium et spes, 18, 2)[12].

    Quelque chose d’extraordinaire...

    Mais dans les années 1950 sévit un néothomisme des plus arides... Cette théologie exsangue d’Amour a failli écarter François Brune du sacerdoce voire lui faire perdre la foi ; c’est S. Grégoire de Nysse et la découverte des Pères grecs qui le sauvent. C’est aussi la lecture des mystiques, orientaux et occidentaux, qui finit par construire l’axe central de sa vie : relire nos mystiques d’Occident à la lumière des théologiens de l’Orient chrétien, retrouver Dieu malgré la scholastique [13].

    Le deuxième concile de Constantinople, en 553, affirme à la suite du concile de Nicée (325) que le Christ, consubstantiel au Père dans la nature divine, nous est de même consubstantiel dans la nature humaine. Cette déclaration conciliaire mettait dans l’embarras l’un des professeurs de l’Institut catholique, car trop dérangeante dans le cadre de la théologie thomiste. Son commentaire était le suivant : “Il est évident que le mot consubstantiel ne peut pas avoir le même sens dans les deux cas. Dans la Trinité, les trois personnes sont un seul et unique être. Tous les milliards d’hommes que nous sommes, au contraire, forment autant d’êtres différents et distincts”. François Brune poursuit : Je me rappelle très précisément l’endroit que j’occupais dans la salle de cours et la place où se tenait le Père Henry lorsqu’il prononça ces mots. Je me rappelle aussi que je me dis à ce moment-là que l’interprétation du Père Henry n’était pas possible. Je ne pouvais m’y rallier. Les Pères grecs avaient discuté pendant des siècles entre eux pour choisir les mots les plus adéquats à propos de la Trinité. Ils savaient le sens précis qu’ils donnaient à ce mot : consubstantiel (homoousios). Dans ce texte du concile, le parallélisme était souligné : “le même, consubstantiel au Père selon la nature divine, le même, nous est consubstantiel selon la nature humaine”. Je commençai alors à deviner pour la première fois quelque chose d’extraordinaire, d’incroyable, de complètement fou. Les Pères grecs avaient osé, par cette définition dogmatique, prendre à la lettre le texte de St Jean : “Comme toi, Père, tu es en moi et moi en toi, qu’eux aussi soient en nous” (...)[14].
    François Brune est libéré d’un carcan spirituel. Est-il possible que l’amour de Dieu aille jusque là, jusqu’à nous rendre participants à sa divinité, jusqu’à nous diviniser? Bien sûr, S. Irénée, dès le IIe siècle, avait déjà parlé de cette divinisation, de nombreux mystiques[15] ont décrit concrètement leur union à Dieu, mais sous l’influence de la philosophie scholastique cette participation véritable à la vie divine n’a pas été intégrée dans l’enseignement officiel de l’Eglise, la théologie du “Docteur commun” restant la base de départ inévitable d’où il découle que la divinisation de l’homme en Dieu par le Christ est réduite à la “vision béatifique”, à une contemplation intellectuelle de l’essence de Dieu à partir d’une sorte de poste d’observation privilégié. L’étonnement du jeune séminariste se poursuit : Nous sommes tous des milliards d’individus, avec des corps bien distincts et des histoires très différentes, s’échelonnant dans le temps et dispersés dans l’espace. Cette affirmation des Pères grecs, si je l’avais bien comprise, nous emmenait en pleine folie. Mais les Pères grecs en étaient parfaitement conscients (...). Je n’avais jamais entendu parler auparavant d’une hypothèse pareille et aussi énorme, à savoir que, peut-être, l’humanité entière, contre toute apparence, ne formait qu’un seul et unique être. Les choses n’étaient pas encore claires pour moi, mais je me sentais comme au seuil d’un mystère que les chrétiens d’Orient et des premiers siècles avaient compris, mais que notre Eglise d’Occident, apparemment, ignorait toujours totalement[16].

    A cette époque, l’étude historique de la Tradition orientale s’arrêtait à S. Cyrille d’Alexandrie pour enchaîner sur la tradition occidentale, “comme si brusquement, au Ve siècle, tout l’Orient chrétien avait cessé d’exister”[17].

    Un parcours atypique

    Dénoncé comme “dangereux” par des condisciples en raison de son hostilité affichée à l’enseignement de S. Thomas d’Aquin, François Brune ne doit d’être “repêché” qu’à l’un de ses professeurs :

    -          Quels sont alors ses maîtres?

    -          Les Pères grecs, avait répondu notre Supérieur. Il ne jure que par eux.

    -          Oh, alors qu’il y aille, il n’y a pas de problème.

    C’est dans ces circonstances que François Brune est ordonné prêtre en 1960. Il intègre la Compagnie des prêtres de Saint-Sulpice où il entame un pénible noviciat. Le Supérieur : “Oh! C’est un intellectuel celui-là. Il va falloir le dresser!” Nous étions pourtant censés nous préparer à assurer la formation de futurs prêtres au service des diocèses! Mais je pense que pour lui le modèle de prêtre que nous aurions à former était le curé de Cucugnan[18].

    On s’en doute, le parcours futur de l’abbé Brune sera agité. Après ses années de formation[19], il est chargé d’enseigner dans différent séminaires diocésains (Nantes, Rodez, Bayeux). Mais, persistant dans ses choix théologiques, il critique ouvertement la théologie officielle thomiste, ce qui le conduit lentement mais sûrement à l’isolement puis à la solitude... Dès 1970, il est déchargé de tout poste d’enseignement dans l’Eglise. Il reste cependant membre de la Compagnie de Saint-Sulpice dont il reconnaît la patience et la tolérance à son égard. Sans ressource venant de l’Eglise, sans même être logé par elle, il fallait bien que je vive et que je gagne ma vie [20]. Disposant de temps libre, l’abbé Brune va étudier les autres grandes religions, le temps de constater que les chrétiens savent mieux que les autres à quel point Dieu nous aime. “Je n’ai trouvé rien, mais absolument rien d’équivalent dans aucune autre religion” [21]. Il rédige alors une première synthèse de son expérience de foi et de ses réflexions : Pour que l’homme devienne Dieu.

    La science, les morts, la foi...

    Les lecteurs qui connaissent François Brune seront sans doute étonnés qu’il n’ait pas encore été fait mention des livres par lesquelles il s’est fait connaître au grand public : Les morts nous parlent, Christ et Karma, Dites-leur que la mort n’existe pas, La Vierge du Mexique, Saint Paul, le témoignage mystique, Hélas qu’avons-nous fait de son amour?, Le Christ autrement...

    Comme l’écrit avec humour le Père Brune : “Si j’annonçais une conférence sur le Christ devant la science d’aujourd’hui, je pouvais espérer 40 auditeurs. Si j’annonçais une conférence sur les contacts avec les morts, j’étais assuré d’avoir 200 personnes au minimum!”[22]

    Comment l’évolution s’est-elle faite? C’est à cette époque (milieu des années 1970) que paraissent les premiers livres relatant les “expériences aux frontières de la mort” ou “expériences de mort provisoire” : le grand tunnel, la rencontre avec l’Etre de lumière, la vie qui repasse sous les yeux, le questionnement sur l’amour...

    Dans le sillage de ces découvertes, François Brune, s’intéresse à une technique nouvelle : la transcommunication instrumentale. Il s’agit d’une façon pour les morts de communiquer avec nous par le moyen des appareils électroniques : magnétophone, radio, téléphone, ordinateur, télévision. Il ne s’agit pas de spiritisme ni de divination! Ces techniques de communication, contrairement à ce qu’on pourrait croire, ont été encouragées dans certaines conditions par l'Église et pratiquées par des prêtres. Ainsi le pape Pie XII encouragea-t-il les recherches de contacts avec l’au-delà des Pères Ernetti et Gemelli, car elles étaient en mesure de confirmer la foi en l'au-delà par des moyens scientifiques ; le Père Gino Concetti, collaborateur régulier de l’Osservatore Romano fit une déclaration en 1996 devant l'agence de presse italienne ANSA pour annoncer que l’Église n’interdisait pas les communications avec les trépassés à condition qu’elles soient faites dans des buts scientifiques ou religieux ; le Vatican a créé en 1970 une chaire de parapsychologie où sont réalisées des recherches sur les voix venues de l’au-delà ; la vie des saints est remplie d’exemples de communications avec les saints morts qui les ont précédés ; ces contacts sont même encouragés par le Nouveau Testament : en effet, parmi les dons de l'Esprit Saint, le « discernement des esprits » est cité par saint Paul et saint Jean ; du fait de la précision du grec, les esprits sont ceux des morts ou de démons et c’est la mission de l'Église de les distinguer avec prudence et donc de ne pas faire comme s'ils n'existaient pas[23].

    Le Père Brune déplore que l’Eglise ne s’intéresse pas davantage à ces phénomènes (on pourrait y ajouter les développements étonnants de la physique quantique). Il propose cette explication : les réticences de l’Eglise viennent probablement, pour une bonne part, du caractère universel  de ces expériences, indépendamment de toute croyance, de tout sacrement, de tout rite. Elles court-circuitent un peu son rôle, relativisent ses exigences, ses cérémonies et même son message. (...) Pour ma part, il me semble que dans la théologie que j’ai suivie, le Christ est toujours sous-jacent à ces expériences, mais il n’est pas nécessaire que ceux qui les vivent en soient toujours conscients. Souvent d’ailleurs, c’est dans cette expérience qu’ils rencontrent le Christ. Nous en avons de nombreux témoignages.[24]

    A la découverte des périphéries...

    L’intérêt de l’autobiographie de François Brune est de nous révéler la face cachée d’un auteur rendu célèbre par ses « livres sur les morts ». On découvre un théologien rigoureux et profond, un homme quelquefois emporté, mais toujours simple et plein d’humour. D’aucuns lui tiennent parfois rigueur de ses aventures spirituelles du côté des physiciens et des médiums, mais acceptons aussi que l’Esprit souffle où il veut et qu’il a besoin que d’audacieux chercheurs lancent des passerelles sur des abîmes inconnus ou hissent les voiles de la foi au-delà des eaux navigables connues... ce que le pape François appelle les « périphéries ».

    On découvre surtout dans ce livre les combats intérieurs d’un homme honnête, fidèle, sincère et pieux, blessé parfois, mais jamais rancunier, soucieux de vérité et de transmission de la vérité. On pourra être choqué par les propos très durs qu’il tient à l’encontre de S. Thomas d’Aquin et de S. Augustin, en leur reconnaissant toutefois du génie. Mais cette colère ne s’élève que contre ceux qui semblent poser des limites à l’amour de Dieu et le réduire aux étroitesses des moeurs et de la raison humaine. On appréciera particulièrement (c’est d’ailleurs sur cette partie du livre que porte principalement cette brève recension) la qualité du débat théologique entre la sensibilité grecque et la rigueur latine : pour l’occidental, imprégné de thomisme, la foi cherche l’intelligence ; pour l’oriental, la foi est d’abord une expérience. Les mystiques issus des « deux poumons » de la chrétienté réconcilient les positions, car c’est bien la présence du Christ en chacun de nous qui nous permet de commencer à aimer un peu comme Lui.

                                                                                                                          Pierre René Mélon

                                                                                                                  piremel@yahoo.fr


    [1] François Brune, Ma vie au service de Dieu, Ed. Le temps présent, 2014, p. 15.

    [2] Op. cit. p. 17.

    [3] Ibidem.

    [4] Op. cit. p. 18.

    [5] Ibid.

    [6] Op. cit. p. 23.

    [7] Op. cit. p. 24.

    [8] Ibid. p. 24.

    [9] Op. cit. p. 28

    [10] Ibid. p. 29. “Mais pourquoi Dieu choisit ceux-ci pour la gloire et pourquoi il réprouve ceux-là, il n’y en a pas d’autre raison que la volonté divine... comme de la seule volonté de l’architecte dépend que cette pierre-ci soit en cet endroit du mur et cette autre ailleurs” (S. Thomas d’Aquin, Somme théologique, 1ª, q. 23, a. 5 ad 3 um, traduction de la Revue des jeunes, p. 194-195). Ou encore : “Il est manifeste que les créatures sont en relation réelle avec Dieu ; mais en Dieu il n’y a pas de relation réelle à l’égard de ses créatures” (Somme théologique, 1ª., q. 13, a. 7).

    [11] François Brune, Ma vie au service de Dieu, p. 29-30.

    [12] Et aussi : “Comme fils, l’homme est appelé à l’intimité même de Dieu et au partage de son propre bonheur” (Gaudium et spes, 21, 3); et encore : “La vocation dernière de l’homme est réellement unique, à savoir divine...” (Gaudium et Spes, 22, 5).

    [13] Op. cit. p. 31

    [14] Ibid. p. 34-35.

    [15] Julienne de Norwich, Maître Eckhart, Mechtilde de Hackenborn, Hadewijch d’Anvers... St Jean de la Croix au XVIe siècle décrivait “l’union transformante”, Angèle de Foligno, au XVIIe : Marie de Sainte-Thérèse, Jean de Saint-Samson, Marguerite-Marie Alacoque, contemporaine : Marie de la Trinité (+ 1980)... Et tant d’autres.

    [16] Ibid. p. 34-35.

    [17] François Brune, Pour que l’homme devienne Dieu, tome 1, Ed. Le temps présent, 2013, p. 39.

    [18] François Brune, Ma vie au service de Dieu, Ed. Le temps présent, p. 52.

    [19] Sorbonne en lettres classiques (latin et grec ancien), philosophie et de théologie (cinq ans à l’Institut catholique de Paris et un an à l’Université de Tübingen), licence de théologie de l’Institut catholique en 1960 ; en 1962, il suit deux années à l’Institut biblique de Rome, conclues par la licence d’Écriture Sainte en 1964.

    [20] Ma vie au service de Dieu, p. 75.

    [21] Op. cit. p. 79.

    [22] Op. cit. p. 98.

    [23] Pour cette partie, source Wikipedia.

    [24] Ma vie au service de Dieu, p. 87.

  • « Le disciple que Jésus aimait… »

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    Extrait de notre magazine trimestriel « Vérité et Espérance/Pâque Nouvelle », n° 94, printemps 2015

    On sait que, dans son évangile, saint Jean ne se désigne jamais sous son nom, mais par la périphrase : « le disciple que Jésus aimait ». Ce n’est évidemment pas en vue d’agrémenter son texte d’une figure de style, qu’il y glisserait de-ci de-là, par coquetterie littéraire... Mais alors, pourquoi recourt-il à cette expression ? Comment interpréter ce choix ?

    crucifixion_van_eyck.jpgOn ne peut imaginer qu’il entende par là que le Seigneur l’aimait lui, et non pas les autres ! ni même, en atténuant l’hypothèse, qu’il l’aimait « plus que les autres ».

    Certes, la tradition est unanime à reconnaître en saint Jean le disciple de prédilection. Avec raison. Aussi bien n’est-ce à aucun autre que Jésus confie sa Mère, avant de mourir sur la croix (cf. Jn 19, 26-27). D’autres indices probants fondent encore cette conviction, sans qu’il soit besoin d’invoquer à cette fin l’appellation « le disciple que Jésus aimait » qui, comme telle, n’implique aucune mise en comparaison avec les autres.

    Dans son commentaire sur le passage de la Passion que nous venons de mentionner, Saint Augustin, par exemple, rappelle que l’Evangéliste se désigne en disant que Jésus l’aimait, puis il précise justement : « ...Jésus, à coup sûr les aimait tous, mais lui de préférence à tous les autres, et plus familièrement, au point de le faire reposer sur sa poitrine, à la Cène. » (In Io. Ev. tr., 119, 2) Quand le saint Docteur évoque cette prédilection pour l’apôtre Jean, c’est presque toujours en revenant sur ce point, que Jésus le fit reposer sur sa poitrine. (Cf. In Io Ep. tr., 5, 1 ; Serm., 120, 1 ; 135, 8 ; 388, 2 ; De Cont., 11, 25)

    En se dénommant « le disciple que Jésus aimait », l' Evangéliste n’a sûrement pas en vue de faire état de cette prédilection. Lui-même ne rapporte-t-il pas en effet l’épisode où Jésus demande à saint Pierre : « M’aimes-tu plus que ceux-ci ? » (Jn 21, 15) Or cette question résonne comme en écho à la déclaration fanfaronne du chef des Apôtres : « Si tous viennent à tomber à cause de vous, moi, je ne tomberai jamais. » (Mt 26, 33) Il avait dit cela après qu’ils furent sortis « pour aller au Mont des Oliviers » (Mt 26, 30). Un peu auparavant, Pierre, qui avait déjà déclaré à Jésus au Cénacle « Je donnerais ma vie pour vous » (Jn 13, 37), s’était vu avertir de son triple reniement (cf. Jn 13, 38). Maintenant que ce reniement, où il est tombé en effet, l’a éclairé sur lui-même, Pierre répond par trois fois, bien modestement : « Vous savez que je vous aime » (Jn 21, 15-17), sans jamais oser ajouter « plus que ceux-ci ».

    Un autre épisode ― et celui qui se nomme le disciple que Jésus aimait y est cette fois personnellement impliqué ― a dû le marquer profondément : alors qu’il vient d’entendre Jésus annoncer sa Passion, sa propre mère demande pour lui et son frère Jacques les premières places dans le Royaume, et donne ainsi au Maître l’occasion de mettre en garde ses disciples contre tout désir de préséance. (cf. Mt 20, 20-28)

    Saint Jean viendrait-il après cela se mettre en avant comme disciple préféré ? Autant dire que l’évangéliste n’aurait rien compris à l’Evangile.

    Il ne semble pas non plus que ce soit pour garder l’incognito que l’Apôtre efface ainsi son nom : une expression plus neutre, comme « l’un des disciples », ou quelque autre de ce genre, eût alors mieux fait l’affaire.

    Ici, tout au contraire, personne ne doute qu’il s’agit bien de lui : la discrétion en l’occurrence n’aurait, pour sûr, rien de bien discret ; et, même si la formulation employée ne peut, ainsi que nous venons de le voir, procéder d’une haute estime que saint Jean nourrirait de lui-même, elle ne laisse pourtant pas de le mettre, en quelque sorte, en lumière.

    Nous sommes donc bien face à un paradoxe, comme il arrive souvent dans les évangiles. N’est-ce pas en cette direction qu’il faut chercher la solution à la question soulevée ?

    « Le disciple que Jésus aimait » : n’avons-nous pas en ces mots un condensé de rayonnante humilité ?

    Mais, pour bien comprendre cela, il nous faut d’abord faire un détour par la grisaille du jeune homme riche, puis par les ténèbres de Judas...

    Jeune homme riche.jpgEn saint Marc (10, 21), il est dit tout explicitement du jeune homme riche : « Jésus posa son regard sur lui, et il l’aima. »

    Cette remarque peut paraître étrange, si l’on y réfléchit un peu : faut-il entendre que Jésus ne l’aimait pas auparavant ? qu’il a fallu que ce jeune homme lui déclare ce que sa divinité, du reste, n’ignorait pas, pour qu’il se mît à l’aimer ? Assurément non.

    Jésus l’aimait déjà, mais ce jeune n’en avait pas conscience. Il ne voyait en lui qu’un « bon maître » (ibid. 17). Aussi Jésus commence-t-il par l’inviter à tirer les conséquences des mots qu’il vient de prononcer : « Pourquoi dire que je suis bon ? Personne n’est bon, sinon Dieu seul. » (18)

    Puis « il posa son regard sur lui ». Ce regard-là n’est pas pour chercher une information, mais pour en donner une, et bien davantage encore.

    Il pose sur lui son regard pour se manifester à lui. C’est la manifestation de son amour : « et il l’aima. » Le regard de Jésus s’accompagne toujours d’une grâce opérante ― comme ce fut le cas, par exemple, pour saint Pierre après son reniement : « le Seigneur, se retournant, posa son regard sur Pierre » (Lc 22, 61) ― ; grâce assez puissante, dans le cas qui nous occupe, pour entraîner son bénéficiaire à sa suite : « viens, suis-moi » (21), mais dont celui-ci ne profitera pas, étouffé qu’il était par les ronces (cf. Lc 8, 14), « car il avait de grands biens » (22).

    Ce jeune demeure donc ce qu’il est. Rien de plus que lui-même. Un pauvre « jeune homme riche », et c’est bien sous cette dénomination triste qu’il nous est resté connu, lui qui, notons-le tout de même, observait néanmoins depuis sa jeunesse tous les commandements. (20)

    La nouvelle identité de disciple que Jésus aimait, qui lui était alors offerte, avec tout son rayonnement, il ne l’a pas saisie. « Il est venu chez lui, et les siens ne l’ont pas reçu. » (Jn 1, 11)

    6792788686_2f1646bc28.jpgLe cas de Judas est plus bouleversant encore. « Celui qui le livrait leur avait donné un signe : "Celui que j’embrasserai, c’est lui : arrêtez-le." Aussitôt, s’approchant de Jésus, il lui dit : "Salut, Rabbi !" Et il l’embrassa. Jésus lui dit : "Mon ami, ce que tu es venu faire, fais-le !" » (Mt 26, 48-50)

    Ainsi donc, au moment même où Judas s’approche de lui pour le livrer, Jésus l’appelle « mon ami ». C’est la Vérité qui parle : n’y voyons pas une simple formule de civilité, moins encore une appellation ironique, ni même amère. Les mots du Seigneur ne peuvent avoir que leur sens plein : Judas, à ce moment précis, est « le disciple que Jésus aimait ». « Mon ami » ne peut s’entendre d’aucune autre façon.

    La réalité est donc que dans l’acte par lequel Judas le trahit, Jésus l’investit encore de son amour ; il lui offre la qualité de « disciple bien-aimé », capable de l’introduire dans la Vie divine, malgré sa faute, qui, pour grave qu’elle soit, n’est pas à ce moment encore le « péché contre l’Esprit ».

    Il est bien sûr impossible d’entrer dans le secret de la relation d’une âme à Dieu, et il n’est pas bon de le faire. Il importe seulement de recueillir des données de l’Evangile les leçons qu’on en peut tirer. On y lit : « Voyant que Jésus était condamné, Judas, qui l’avait livré, fut pris de ‘remords’ ; il rendit les trente pièces d’argent aux grands prêtres et aux anciens. Il leur dit : "J’ai péché en livrant à la mort un innocent." » (Mt 27, 3-4)

    Le français distingue assez nettement entre « pénitence » et « remords », tandis que le terme grec ici traduit ne permet pas par lui-même de trancher entre les deux notions. C’est par prolepse que les Traducteurs comprennent « remords ». Peut-être était-ce pourtant dans un premier temps de la pénitence, puisqu’on y trouve la restitution (et il était avare), la confession de la faute, et un témoignage tendant à la réparation de l’injustice commise.

    On peut encore à ce moment voir en Judas « le disciple bien-aimé », car, en tout ce qu’il fait là, diffère-t-il tant de saint Pierre, « qui pleura amèrement » ? Au for externe, en tout cas, Judas fait même alors plus que Pierre. Quant à leur for intérieur, on n’y a pas accès.

    Mais Judas « jetant alors les pièces d’argent dans le Temple, se retira et alla se pendre. » (Ibidem, 5)

    Pourquoi, sinon parce qu’il a porté sur lui son propre regard, en souverain, au lieu de se voir par le regard de Jésus, toujours aimant, malgré sa faute ; cette faute qui aurait dû le dépouiller entièrement de lui-même pour le « réduire » à la seule identité de « disciple que Jésus aimait » ― et que Jésus aimait d’autant plus, car Dieu tire le bien du mal. ―

    Non, il sera plutôt Judas. Sans vie, sans mouvement, sans être (cf. Ac 17, 28) : « le fils de perdition » (Jn 17, 12).

    Nous pouvons maintenant revenir à saint Jean. Par cette dénomination : « le disciple que Jésus aimait », il n’a donc pas pour but de se mettre à part des autres disciples, ni de se cacher ; mais, contrairement au jeune homme riche et à Judas, qui n’ont pas reçu la grâce dont ils étaient favorisés, il reconnaît, lui, et accepte, que son être consiste à être aimé de Jésus. En dehors de cet amour, il n’est pas. C’est cela qu’il proclame.

    Donner un nom, pour les Anciens, c’est marquer l’appartenance. Voilà pourquoi Dieu amène les animaux vers l’homme « pour voir quels noms il leur donnerait » (Gn 2, 19) ; voilà pourquoi aussi il impose ou change le nom de ceux qu’il choisit : Isaac, Jean [le Précurseur], ... ; Abraham, Pierre, ...

    Pour saint Jean, se désigner sous le nom de « disciple que Jésus aimait », c’est invoquer sur lui le Nom du Seigneur ; c’est affirmer que « Jésus est Seigneur [c’est-à-dire Dieu] » (1 Cor 12, 3), et affirmer que « Dieu est Amour » (1 Jn 4, 8). C’est en tirer les conséquences : ne vouloir d’autre consistance que celle de cet Amour.

    Telle est bien la quintessence de son enseignement, dès le prologue de son évangile, dans son évangile même, et dans ses épîtres, où il en donne un admirable résumé :

    « Dieu est amour. Voici comment l’amour de Dieu s’est manifesté parmi nous : Dieu a envoyé son Fils unique dans le monde pour que nous vivions par lui. Voici en quoi consiste l’amour : ce n’est pas nous qui avons aimé Dieu, mais c’est lui qui nous a aimés, et il a envoyé son Fils en sacrifice de pardon pour nos péchés. [...] Quant à nous, nous aimons parce que Dieu lui-même nous a aimés le premier. » (1 Jn 4, 8-10 et 19)

    saint-jean.11.2.jpgLe titre de « disciple que Jésus aimait » procède de cet amour qui est premier, et qui a besoin d’être reçu : car l’amour qui s’impose n’est pas amour, et l’amour refusé entraîne inévitablement (par nature, non par intention de celui qui le donne) la perte de celui qui le refuse. L’amour primordial de Dieu a donné la vie ; l’homme s’en est détourné, et c’est la mort qu’il a trouvée. Jésus-Dieu son Fils est envoyé pour restaurer cette vie perdue, la restaurer plus admirablement qu’elle n’avait été créée (cf. l’oraison Deus, qui humanæ substantiæ de l’offertoire, et l’oraison suivant la 1re leçon de la Vigile pascale) ; il vient rendre tangible l’Amour. Encore cette fois, il est premier.

    Encore cette fois, il a besoin d’être reçu. Ainsi l’enseigne saint Augustin : « Il nous a aimés le premier, lui qui toujours est beau ; et en quel état nous a-t-il aimés, sinon dégoûtants et défigurés ? Ce n’est pas pourtant pour nous laisser dégoûtants ; mais pour nous changer, et, de défigurés que nous étions, nous rendre beaux. Comment serons-nous beaux ? En aimant celui qui toujours est beau. Dans la mesure où croît en toi l’amour, autant croît la beauté ; car c’est la charité qui est la beauté de l’âme. » (In Io Ep. tr., 9, 9)

    Aux temps de l’Antiquité, ce sont les disciples qui allaient chercher un maître. Eux le connaissaient, lui ne les connaissait pas. Il n’en va pas de même pour Jésus ; c’est lui qui a l’initiative : « Avant que Philippe t’appelle, quand tu étais sous le figuier, je t’ai vu. » (Jn 1, 48) En posant son regard, Jésus « fait » le disciple. Dans la suite, il déléguera la vertu de son regard : « Tout pouvoir m’a été donné au ciel et sur la terre. Allez ! De toutes les nations faites des disciples. » (Mt 28, 18-19)

    Ainsi font ceux qui avec la même humilité que saint Jean ne revendiquent rien, mais acceptent de n’avoir d’autre vie que d’être aimés du Christ. Saint Paul qui pouvait affirmer en vérité : « pour moi, vivre c’est le Christ » (Ph 1, 21) nous en donne conséquemment le plus fameux exemple.

    Ce regard du Christ est aussi posé sur nous, qui fait de nous « ses disciples qu’il aime », nous apportant grâces et pardon comme alors aux disciples contemporains de sa vie sur terre. Et il nous les apporte de manière non moins tangible pour nous que pour eux, en voulant que nous les puisions à pleines mains dans son Corps-Eglise, tout particulièrement dans l’amour du prochain et dans les Sacrements.

    Quand nous entendons l’Evangile, nous voyons bien la misère du jeune homme riche et nous aurions tant voulu d’un Judas qui serait venu se jeter au pied de la Croix ; nous appelons Saints ceux qui au contraire se sont laissé imbiber de cet Amour au point de s’y conformer tout entiers.

    Il est plus facile sans doute de tirer de ces exemples les claires leçons qu’ils nous donnent, que de les mettre en pratique, nous-mêmes, pour nous-mêmes, bien concrètement. Rien d’étonnant à cela : il nous faudrait passer par d’adoption totale de notre qualité baptismale de disciple que Jésus aime. Notre Maître ne nous a-t-il pas avertis : « Sans moi, vous ne pouvez rien faire. » (Jn 15, 5) ?

    Mais « Tout est possible pour celui qui croit. » (Mc 9, 23) Comme le bienheureux saint Jean, ne cessons pas, en paroles, puis surtout en actes, d’invoquer sur nous Jésus qui nous aime.

    Jean-Baptiste Thibaux

  • Le Nunc Dimittis de Mgr Léonard

     

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    Extrait de notre magazine trimestriel « Vérité et Espérance/Pâque Nouvelle », n° 94, printemps 2015: 

    photo%20Mgr%20Leonard.jpgLe dimanche 28 décembre dernier, Mgr A-J Léonard a ordonné un nouveau diacre pour la Fraternité des Saints Apôtres, dans l'église Sainte-Catherine. Le nouveau diacre, l'abbé Kurt Suenens, est originaire du Brabant flamand. Il était passé par le séminaire de Leuven, avant de rejoindre la Fraternité du Père Zanotti-Sorkine. 

    Au cours de son homélie, Mgr Léonard a développé le thème du "Nunc Dimittis" de Syméon (évangile du jour), expliquant qu'il espérait que le Seigneur lui dise à lui - son serviteur - qu'il pouvait désormais se reposer en paix. Mgr Léonard a cité comme exemple du travail accompli, le boom des séminaristes dans l'archidiocèse : 3 quand il est devenu archevêque, 53 aujourd'hui ! 

    Comme un pied-de-nez à ceux qui prévoient déjà son remplacement, Mgr Léonard a expliqué qu'il pouvait peut-être rester encore 1, 2 ou 3 ans à la tête de l'Eglise en Belgique. Avec humour, il s'est lancé dans une imitation du général De Gaulle lorsqu'on l'interrogeait sur la fin du gaullisme : "Encore 10 ans, encore 20 ans, encore 30 ans".

    Extrait de son homélie :

    "Maintenant, ô Maître souverain, Tu peux laisser Ton serviteur s’en aller en paix, selon Ta parole. Car mes yeux ont vu le salut que Tu préparais à la face des peuples.  En ce qui me concerne, je suis très heureux que nous ayons cette année, se préparant à devenir prêtre, pour le diocèse, qu'il soit belge ou brésilien ou polonais, ou que sais-je.  (...) nous en avons actuellement 53 qui se préparent à devenir prêtre.  Quand j'ai commencé mes visites du diocèse il y en avait 3. (le 8/10/2010).  Et grâce à la générosité de jeunes qui s'engagent pour le diocèse, ils sont maintenant 53.  La fraternité (des Saints Apôtres) a commencé il y a deux ans.  Ils sont maintenant 21 en tout, 4 prêtres, bientôt dans quelques instants deux diacres, et puis d'autres qui se préparent, et si cela continue comme cela, moi je dis, comme Syméon, maintenant Seigneur tu peux laisser ton serviteur s'en aller en paix (rires).  Je ne sais pas quand je partirai, cela peut être dans un an, çà peut être dans deux ans, çà peut être dans trois ans, ou comme disait De Gaulle- quand on l'interrogeait sur l'après Gaullisme - il ajoutait avec humour, cela peut être dans 5 ans, cela peut être dans 10 ans.  Je n'en sais rien, mais quand le moment arrivera, si cette oeuvre a continué de prospérer, je pourrai aussi chanter mon Nunc Dimitis, en laissant au diocèse en tous cas ce cadeau-là : avoir un bon nombre de jeunes qui se préparent à devenir prêtre.  Et c'est le principal : les évêques, cela passe, mais le peuple de Dieu et les hommes et les femmes qui s'engagent, l'avenir d'un diocèse, lui ne passe pas."

  • Quand le cdH de Liège organise un faux débat sur l’euthanasie

     

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    Extrait de notre magazine trimestriel « Vérité et Espérance/Pâque Nouvelle », n° 94, printemps 2015: 

    2014b7fa-ad21-11e4-9a72-93ca294dcdda_original.jpgLu sur « Belgicatho » : Le 9 mars, le cdH liégeois recevait Corinne VANOOST et Gabriel RINGLET pour traiter des soins palliatifs et de l’euthanasie. En présence d’une centaine de personnes, et comme il fallait s’y attendre en l’absence d’un intervenant ayant un autre point de vue, les conférenciers, malgré une certaine prudence dans les propos, défendirent finalement l’euthanasie comme une bonne solution de fin de vie dans un certain nombre de cas. Madame VAN OOST exprima même l’idée que certains enfants devaient être respectés jusque dans cette extrémité : la loi belge d’extension de l’euthanasie aux mineurs est donc une bonne chose. Pour les personnes démentes, la question est un peu plus complexe et il faut encore approfondir la question. Monsieur l’abbé RINGLET est assez d’accord avec tout cela. Qui l’eut cru ?

    L’abbé RINGLET commença par exposer la position des évêques de France (qui serait quasi identique à celle des évêques belges) qui tient en quatre points : renforcer les solidarités, développer les soins palliatifs, éviter l’acharnement thérapeutique et refuser de donner la mort. L’abbé est d’accord avec tout cela « à 95´% ». L’ennui, c’est que dans les 5% qui font la différence, il y a l’essentiel : lui accepte que la mort soit donnée. Sur le ton de la confidence, il dira qu’en privé certains évêques admettent que l’on puisse se trouver « devant un mur » qui justifie l’euthanasie. Tout se laisse dire et comme il n’y avait pas d’évêque dans l’assemblée…

    Ne doutant de rien, l’abbé ira jusqu’à dire qu’en face d’impasses absolues, « en concordance avec l’Evangile (d’un libre penseur ?) et surtout avec les béatitudes », il doit accepter l’euthanasie.Rien de moins !

    C’est l’abbé qui, avec son onctuosité coutumière, réserva pour l’assemblée le meilleur de lui-même. Il la gratifia d’un aphorisme sorti tout droit de sa morale romantique : « Une transgression fondamentale peut-être commise et ne pas la commettre serait une transgression plus grave encore ». Il accorda beaucoup d’attention aux rites de fin de vie : mettre une goutte de vin sur les lèvres du mourant, le caresser avec un parfum, lui murmurer une poésie à l’oreille. Mais d’une prière, de la dernière confession ou de la réception du saint viatique, pas un mot, bien entendu. Enfin, pour terminer en beauté, il exposa qu’il n’était pas possible de comprendre l’euthanasie si on n’avait pas compris la signification des dernières paroles du Christ à Gethsémani (sic) : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » On pouvait s’attendre à ce que ce cri soit celui de la personne euthanasiée, mais il n’en est rien. Par un renversement de la perspective, ces paroles sont celles de «  l’euthanasieur » se sentant abandonné de Dieu quand il commet ce crime ! Cela, c’est vrai…

  • L’Islam et l’Occident

     

     

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    Extrait de notre magazine trimestriel « Vérité et Espérance/Pâque Nouvelle », n° 94, printemps 2015:

     

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    En France (à Paris, le 7 janvier contre la rédaction du journal satirique Charlie-Hebdo et le 9 janvier contre un magasin juif : bilan, 17 tués) comme au Danemark (à Copenhague, le 14 février contre un centre culturel et une synagogue : bilan 2 tués) les attentats djihadistes sont l’oeuvre de ressortissants de ces pays eux-mêmes. Et l’implication, toujours plus massive, de jeunes (de souche immigrée ou non) venus d’Europe en Irak et en Syrie pour participer à la guerre sainte de l’ « Etat » islamique, aux persécutions et à la mise à mort cruelles des  boucs émissaires de leur idéologie : les yazidis ou les chrétiens d’Afrique ( Boko Haram au Nigéria, au Cameroun et ailleurs) mais surtout les chrétientés historiques du moyen orient, confondues avec l’Occident post-moderne. Des populations entières sont chassées de leurs terres d’origine. Pour s’en tenir au seul mois de février 2015, on compte 350 assyriens capturés et retenus en otage, 21 pêcheurs coptes décapités en Lybie, d’autres crucifiés ailleurs. Pourquoi ? JPS

    Sécularisation de la société et attrait morbide d’une société décadente pour l’islamisme

     Lu sur le site web de « France Catholique » cette réflexion de William E. Carroll dans le Los Angeles Times (23 février 2015) :

     

    […] « L’Etat islamique a, bien sûr, d’abord attiré de jeunes musulmans du Moyen-Orient, et cette attraction découle de motivations religieuses propres à l’islam ainsi que de la corruption réelle et supposée des sociétés musulmanes. Mais son attrait pour les jeunes occidentaux procède en grande partie de la perception qu’ils ont de la culture du monde où ils vivent.

    2884344459.jpgQuelle que soit la perversité du djihadisme, la fascination qu’il exerce révèle une vérité fondamentale sur les êtres humains et leurs instincts profonds. Le monde moderne, surtout l’Occident, a progressivement perdu tout sens de la transcendance, toute conscience d’un domaine de valeurs et de vérités dépassant l’univers terrestre des réalités économiques, sociales et personnelles. Cette perte du sens de la transcendance engendre une culture qui ne débouche sur rien d’autre qu’elle-même, fermée à tous les grands projets ou objectifs dépassant ceux de ce monde.

    Dans une culture dominante hostile aux valeurs transcendantes, les individus réagissent de diverses manières. Certains acceptent les normes séculières qui relèvent d’une espèce de relativisme éthique selon lequel les valeurs se définissent en fonction des choix qu’en font les individus. D’autres s’efforcent de résister à l’emprise de la sécularisation en essayant de conserver des pratiques religieuses traditionnelles. Le besoin de transcendance inné chez l’homme ne disparaît pas parce que la société nie l’existence de la transcendance ou s’efforce de la redéfinir comme une préférence purement subjective.

    Ce besoin de transcendance a été perverti tout au long de l’histoire. La société sécularisée offre des contrefaçons de transcendance qui ont pour objet de satisfaire les besoins physiques, et même pas toujours de manière très efficace. L’histoire est pleine de faux prophètes qui promettent de libérer l’être humain du purement terrestre. L’existence même de ces prophètes et leur succès temporaire démontrent qu’ils touchent une fibre profonde du cœur humain. Tous les appels à la transcendance ne sont pas dignes de respect, à preuve l’Etat islamique.

    Mais en ignorant, en marginalisant ou en rejetant ceux qui aspirent à la religion où ils voient une source transcendante de vérité, les sociétés fournissent un terreau approprié à ceux qui invitent les jeunes à prendre en compte un type différent de transcendance.

    Nous devons être prudents en examinant ce que certains revendiquent comme des valeurs suprêmes, et à cet égard un discours rationnel s’impose d’urgence. Mais nous devons encore plus refuser de dire que le discours rationnel exclut toute proclamation d’une vérité basée sur la foi religieuse. Si nous séparons la raison et la science de la religion, nous permettons à n’importe quel type de « foi » d’exercer un attrait. Il est paradoxal que plus la société séculière s’efforce d’éliminer la religion de l’espace public, plus elle permet des perversions barbares de la foi comme le djihadisme. »

     William Carroll est chercheur en théologie et science à l’université d’Oxford.

    Une crise qui fonctionne  en miroir

     

     « La crise de l'Occident et de l'islam fonctionne en miroir dont le point de convergence est la crise de la spiritualité. D'un côté, on a un sacré fossilisé qui n'arrive plus à se régénérer et qui étouffe. C'est la tragédie de l'islam qui fonctionne par stéréotype: le voile, le hallal, l'islam réduit à des codes. Cette pauvreté spirituelle confine à l'indigence. C'est ce qu'Olivier Roy appelle «la sainte ignorance»: une religiosité binaire standard et stéréotypée. En face, l'Occident matérialiste n'a toujours pas réussi à intégrer ses racines religieuses dans la modernité. Quid de la morale évangélique, de l'aspiration à la transcendance. Il y a deux mondes qui développent une hostilité d'autant plus importante qu'ils se renvoient l'image mutuelle d'une déshérence et d'une dégénérescence du rapport au sacré. J'insiste sur l'idée qu'il est temps que les deux milieux réfléchissent ensemble à redonner à l'existence humaine une renaissance spirituelle qui se nourrisse de tous les héritages au lieu de les ignorer où de les reproduire mécaniquement ». Extrait de l’interview d’Abdennour Bidar publiée sur le site web « Figaro Vox » Normalien, Abdennour Bidar est agrégé et docteur en philosophie. Il est chargé de mission à l'Éducation Nationale (France) et est l'auteur de plusieurs ouvrages dont «L'islam sans soumission» (Albin Michel). Son dernier livre, «Plaidoyer pour la fraternité» vient de paraître aux éditions Albin Michel.

     

  • Regard sur la croix et la gloire

    Témoins

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    Le regard porté sur le Christ ressuscité tout comme le regard porté sur le Christ en croix, nous incitent à penser : " le mal est ce qui n'aurait pas dû être ".  Semblablement, le regard porté sur le Christ en gloire nous invite à penser que le mal n'est pas lié métaphysiquement à la finitude de l'existence humaine.

    ∂ 

    Le regard porté sur le Christ glorifié nous enseigne plutôt, à mon sens, que le mal n'est pas lié à la finitude, puisque nous contemplons en Jésus glorifié une nature humaine qui reste toujours marquée par la finitude ; nous ne sommes ni des anges, ni des éléphants, ni des tulipes, nous sommes une nature humaine circonscrite, déterminée, nous ne sommes pas n'importe quoi, et Jésus ressuscité n'a pas perdu les contours qui déterminent la nature humaine. Et pourtant " le Christ ressuscité ne meurt plus, la mort n'a plus sur lui aucun pouvoir ", c'est une humanité qui n'est plus infectée par le mal. 
    Ce regard nous enseigne, me semble-t-il, la contingence du mal : le mal est ce qui aurait dû ne pas être, ce qui, espérons le, ne sera plus. 
    A partir du Christ en gloire, nous espérons être délivrés du mal. 
    Je sais que le problème demeure, il est lancinant, du mal qui semble irrécupérable, celui de Satan, celui des anges mauvais, celui des damnés ; mais nous espérons et nous prions chaque jour pour être libérés du mal, nous espérons un ciel nouveau, une terre nouvelle où il n'y aura plus ni pleurs, ni cris, ni deuil, ni mort, parce que l'ancien monde s'en sera allé. 
    Donc, la contingence du mal laisse place à l'espérance eschatologique d'un univers réconcilié ; et, dans l'autre direction, la contingence du mal permet de penser - pourquoi pas ? - une existence humaine et un monde originellement intègre.

    Actuellement, la théologie manque de perspectives eschatologiques et cosmiques, et elle manque d'audace également dans la manière d'aborder le drame du mal.  Or, tout ce que la théologie écarte de son regard, de son champ de vision est, pour le meilleur et le plus souvent pour le pire, récupéré par d'autres visions du monde.  Quand les théologiens ne parlent plus du destin de l'individu au delà de la mort, qui va en parler sinon les spirites, les voyants et les adeptes des sciences occultes ? 

    Dans ma vie de prêtre et de philosophe, théologien (tout cela avec beaucoup de guillemets), ce fut l'éblouissement quand il m'a été donné de mieux saisir, grâce, notamment, à Hans-Urs von Balthazar qu'avec la résurrection de Jésus a commencé un univers nouveau et que cet univers existe. 
    On perçoit aussitôt qu'il y a différents champs dans la profondeur du réel ; ce que nous expérimentons actuellement du réel n'est qu'une mince pellicule... 
    Comme disait Newman, le monde que nous percevons est la frange inférieure de la parure des anges, une formule poétique, sans doute, mais hautement significative: il y a une profondeur du réel que nous ne soupçonnons pas. 
    Je dois dire que cette appréhension du monde nouveau existant depuis Pâques réellement m'a aidé à accueillir avec prudence, mais quand même avec sympathie, toute une série de réalités dont la théologie généralement ne parle pas ou parle de manière gênée, par exemple le miracle.

     Est-ce que le miracle n'est pas une petite échappée, un petit clin d'œil adressé à l'ancien monde, comme dirait l'Apocalypse, par le nouveau ? 
    Les apparitions - je sais bien qu'il faut du discernement pour voir celles qui sont authentiques et celles qui ne sont que des créations purement humaines - les apparitions, celles qui sont reconnues, et celles qui peuvent encore l'être, ne sont-elles pas à l'intérieur de ce monde-ci, un regard qui s'ouvre vers nous à partir de la réalité du monde nouveau ?

    Et, soit dit en passant, ce qui fait la beauté de l'eucharistie qu'on célèbre chaque jour, c'est que l'eucharistie est à l'intérieur de ce monde la présence réelle et réalisante du monde nouveau. Chaque fois que nous célébrons l'eucharistie, nous débarquons en quelque sorte pour un temps dans ce qui est au-delà du temps, nous débarquons sur le sol ferme de l'éternité, un petit peu comme dans le dernier chapitre de l'évangile de Jean, les disciples qui sont sur les eaux mouvantes de l'existence terrestre débarquent sur le sol ferme où se tient le ressuscité qui leur a préparé la nourriture : " Venez déjeuner ".

     Extrait de la conférence donnée par Monseigneur Léonard à la réunion inaugurale du  Projet Nouveau Regard,  à l’abbaye bénédictine Saint-Paul de Wisques (Nord-Pas de Calais).