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Réflexion faite - Page 99

  • La Justice, l'Eglise et l'Etat en Belgique

     

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    AUTOPSIE

     D’UNE COMMISSION ECCLÉSIALE CONTROVERSÉE

     

    L’épidémie de révélations concernant les abus sexuels sur mineurs au sein de l’Église n’a pas épargné la Belgique. Elle a même pris cette année un tour spectaculaire après les aveux de l’évêque de Bruges, au mois d’avril 2010. Voici dix ans déjà, la conférence épiscopale avait mis sur pied une «commission pour le traitement des plaintes pour abus sexuels dans le cadre d’une relation pastorale » dont les membres ont démissionné en bloc le 28 juin dernier, quelques jours après la saisie judiciaire de tous leurs dossiers. Comment cette commission mieux connue sous le nom éponyme de son président, le professeur Peter Adriaenssens (1), se situait-elle par rapport au pouvoir judiciaire, à la méfiance duquel elle a finalement succombé ?

     

    La base juridique

     

    Les statuts de cette commission –aujourd’hui dissoute- relevaient du droit canonique, interne à l’Église. Aux yeux du droit belge, de tels statuts n’ont pas plus de valeur qu’une convention privée : celle-ci fait la loi des parties (2), sans pouvoir déroger aux dispositions légales impératives dont relève, entre autres, l’organisation judiciaire publique.

     

     

    Une commission contestée

     

    Dans un article publié (3) sur le site web « justice en ligne » (4), l’ancien bâtonnier Pierre Legros (5) a contesté la légitimité de cette commission ecclésiale. Selon lui, en la créant, les évêques se seraient immiscés dans un domaine que la loi réserve au pouvoir judiciaire.

     

    De plus, cette création était, à son sens, inutile car :

     

    -        il existe déjà des associations d’aide aux victimes d’abus sexuels qui, précise-t-il, n’interfèrent pas avec le processus judiciaire ;

    -        si les enquêtes de la commission ecclésiale détectaient une infraction possible, cette commission serait, écrit-il, « de toute façon » (6) tenue de saisir la justice.

     

    L’argumentation est un peu courte :

     

    -        pourquoi les organismes existants d’aide aux victimes d’abus sexuels disposeraient-ils d’un monopole ?

    -        en quoi le traitement de la dimension pénale par la justice publique empêcherait-il celui des aspects disciplinaires ou sociaux par les entreprises ou institutions privées sur base de leurs propres règlements intérieurs ?

    -        s’agissant de l’Église, ne serait-ce pas là, en outre, contrevenir à la liberté d’organisation qui lui est garantie par l’article 21 de la constitution (7), dans les limites du respect de la législation d’ordre public légitime ?

    -        last but not least,  en quoi les enquêtes de la commission Adriaenssens auraient elles concurrencé indûment l’action judiciaire publique ou entravé son déroulement, tels qu’ils sont organisés par la loi ?

     

    Poser les trois premières questions, c’est y répondre. En revanche, la quatrième mérite quelques commentaires et une conclusion.

     

    Le champ des compétences de la commission

     

    De la lecture des statuts, il résulte que :

     

    -        ratione materiae, l’objet de l’enquête ecclésiale porte sur les abus sexuels au sens des articles 372 à 378 bis du code pénal belge et le harcèlement sexuel sur les lieux de travail au sens des arrêtés -royaux des 18.09.1992 et 09.03.1995 (arts. 2 et 3 et annexe 2 des statuts).

    -        ratione personae, les auteurs des faits doivent être des prêtres, diacres, religieux ou agents pastoraux, ayant agi dans le cadre d’une relation pastorale au sens défini dans la note 1 annexée aux statuts.

    -        ratione loci, la mission concerne la province ecclésiastique belge (art.3 des statuts) (8)

     

    Son pouvoir et ses procédures

     

    Dévolus par les évêques et les supérieurs majeurs de Belgique, qui l’ont créée et en nomment les membres (arts. 3 et 6 des statuts), les pouvoirs de la commission relevaient uniquement de l’organisation interne de l’Église : nemo dat quod non habet.

     

    Ce qui n’empêchait pas ses statuts de faire appel à une terminologie judiciaire :

     

    Ceux-ci indiquent en effet que la commission est chargée du traitement des plaintes (arts. 1, 5, 11, 13…) déposées par des plaignants (arts.11, 12) ailleurs nommés requérants (art.13) et elle mène des enquêtes  (art. 3). Les dossiers lui sont transmis soit par les victimes présumées elles-mêmes ou leur représentant légal, soit par l’autorité ecclésiastique (évêques, supérieurs majeurs) ou les personnes de contact de la commission (art. 12). Ces personnes de contact accueillent les plaintes et orientent les requérants (art.13). Des équipes de référence instruisent les dossiers. Elles entendent les plaignants, les personnes que celles-ci accusent et les témoins. Elles recueillent les pièces relevantes  (art.17). L’évêque ou le supérieur majeur de celui contre lequel la plainte a été déposée sont tenus informés (art.15). Au cours de la procédure, les personnes de contact ou la commission elle-même peuvent prendre des  mesures  d’urgence (art.13) ou les recommander à l’évêque ou au supérieur majeur concerné (art.16).

     

    En toute hypothèse, les instructions devaient se terminer par des rapports conclus par des avis aux autorités ecclésiales sur la nature des mesures à prendre, « toutes autres dispositions canoniques restant sauves » (arts. 19, 20, 21).  

     

    Quelle peut être la nature des mesures énoncées dans le texte des articles ? Il s’agissait de mesures d’assistance au plaignant (information et orientation), sur le plan psychologique, pastoral, médical ou juridique (art.13) mais également, précise le préambule, « pour que justice soit faite au sein de l’Église » par les instances ecclésiales compétentes : donc, aussi des sanctions et des peines canoniques à infliger selon les règles du droit de l’Église.

                                              

    Ne pas interférer avec l’action judiciaire publique

     

    La justice de l’Église ne se substitue aucunement à celle de l’État. Sauf à ressusciter en droit belge le privilège du for ecclésiastique (9), faire justice au sein de l’Église n’est pas faire justice au sein de la société civile, dont les membres de l’Église font aussi partie : il s’agit de deux ordres distincts.

     

    Quoiqu’une enquête judiciaire publique et celle de la commission ecclésiale aient pu porter sur les mêmes faits, elles n’avaient pas le même objet.

     

    A cet égard, les statuts de la commission manifestent clairement le souci de ne pas interférer avec la justice séculière : dès le début de la cause, la possibilité de s’adresser à celle-ci est signalée au plaignant comme à la personne accusée (art. 17). La commission, précisent-ils en outre (art. 16), tient compte dans tout ce qu’elle fait de la mise en œuvre éventuelle d’une procédure judiciaire publique. Pour prévenir les confusions, le préambule des statuts ajoute (ce qui peut paraître illogique) que "si la personne en quête d’assistance s’adresse à la justice [séculière], l’enquête ecclésiastique interne ne sera pas entreprise. Et si elle l’était déjà, elle sera suspendue jusqu’à la fin de ladite procédure judiciaire". 

    S’agissant des informations susceptibles d’être transmises à la justice séculière, la commission pouvait proposer, à tout moment de la procédure, une mesure à prendre en ce sens par l’évêque ou le supérieur majeur de la personne accusée (art. 16 al. 2 des statuts) et, dans des circonstances exceptionnelles, informer elle-même cette justice (art. 16 al. 3 des statuts).

     

    Tenir compte des lois de l’État

     

    Les lois séculières d’ordre public s’imposent aux citoyens : les catholiques n’y font pas exception, nonobstant la liberté d’organisation que l’article 21 de la constitution garantit à l’Église (10).

     

    A cet égard, il convient notamment de prendre en compte la loi pénale belge qui érige en infractions le fait de :

     

    - ne pas dénoncer certains délits dont on serait le témoin (11) ;

    - ne pas assister une personne en danger grave, dans les conditions d’information et de risque que la loi précise (12) ;

    - révéler des secrets dont on est dépositaire par état ou par profession, hors les cas prévus par la loi : témoignage en justice ou devant une commission parlementaire, obligation légale, danger grave et imminent pour l’intégrité mentale ou physique d’un mineur dont on a reçu les confidences (13)

    Il est à remarquer que :

     

    - pas plus que l’obligation de porter assistance à une personne en danger, les exceptions à l’obligation de garder un secret professionnel ne créent ipso facto un devoir de dénoncer les faits à la justice ;

    - dans les deux cas, toute la question posée est celle du choix, en conscience, de la solution la plus appropriée considérant la gravité des faits, surtout lorsqu’il s’agit de la protection des mineurs ;

    - au regard de la loi belge, le secret ecclésiastique est un secret professionnel soumis aux mêmes règles que les autres : ni plus, ni moins (14).

     

    Coopérer avec la justice séculière

     

    Que la commission saisie d’une plainte entreprenne une enquête relevant de l’ordre interne à l’Église n’empêchait en aucun cas le pouvoir judiciaire d’enquêter sur la nature délictueuse éventuelle des mêmes faits, dans l’ordre et aux fins propres de la société civile. La commission était même tenue d’y coopérer dans la mesure exposée ci-dessus, conformément à la loi et à ses propres statuts.

     

    Suite à l’appel lancé par le nouvel archevêque de Malines-Bruxelles après la révélation des abus sur mineur dont l’évêque de Bruges s’était rendu coupable (15), les plaintes ont brusquement afflué (16) au guichet de la commission Adriaenssens.

    A tel point que des dispositions (17) furent prises le 10 juin 2010 avec le ministre de la Justice et le collège des procureurs généraux pour faciliter le traitement, par le parquet, des informations que la commission déciderait de lui transmettre : création d’un point de contact spécifique, pour la transmission éventuelle de dossiers par la commission au parquet fédéral ainsi que d’un groupe de travail au sein du collège des procureurs généraux, pour définir la politique des poursuites contre les abuseurs ecclésiastiques, en informer le ministre comme le parquet et répondre aux interrogations de la commission ecclésiale. Mais, ainsi que l’a justement déclaré le procureur général de Liège, Cédric Visart de Bocarmé, il n’était pas question de créer un filtre ou des enquêtes à double étage : « si la commission décide de ne pas transmettre certains dossiers à la justice, c’est sa responsabilité mais elle s’expose alors à ce qu’un juge d’instruction en ordonne la saisie » (Het Nieuwsblad, 27 juin 2010).

     

    Nonobstant ces précautions, une saisie spectaculaire de l’ensemble des dossiers a eu lieu le 24 juin, au cours d’une perquisition « tous azimuts » ordonnée par le magistrat instructeur Wim De Troy, paralysant du même coup les activités de la commission (18).

     

    Ces saisies ont-elles été régulières, au regard notamment des conditions de la perquisition chez des détenteurs de secrets professionnels ? À chacun ses secrets : le texte de l’arrêt d’annulation rendu à cet égard, le 13 août 2010, par la chambre des mises en accusation n’est, à ce jour, pas encore officiellement connu, en raison du secret de l’instruction invoqué par le magistrat instructeur. 

    Pour conclure

     

    1.      Les abus sexuels sont une triste réalité, sociologiquement très sensible. A fortiori s’ils sont perpétrés sur des mineurs par un nombre non négligeable de ministres d’un culte voué à la sanctification de ses fidèles.

     

    2.    Certes, les faits incriminés relèvent, dans son ordre propre, de la justice pénale séculière : l’objet de celle-ci consiste à défendre la société civile contre les comportements qu’elle juge anti-sociaux au terme de la loi et sanctionne à ce titre.

     

    3. Mais ces faits concernent aussi l’Église, dans l’ordre spirituel qui    est le sien : celui de la pénitence (sacramentelle et disciplinaire), de la guérison morale, de la compassion et de la charité. Si une commission ecclésiale s’inscrit dans cette perspective, son objet ne peut être confondu avec celui de la justice séculière.

     

    4      L’Église est une réalité distincte de l’État. Leurs compétences ne sont pas les mêmes mais ils ne sont pas séparés, si l’on entend par là qu’ils n’auraient rien à voir ensemble. La constitution belge favorise plutôt leur indépendance dans le respect mutuel. Les statuts de la commission Adriaenssens  comme le protocole du 10 juin 2010 convenu avec le ministre de la justice et le collège des procureurs généraux relèvent de cet esprit. 

     

      5 Mais, dans le climat créé par la révélation des nombreux scandales cléricaux, elle a pâti des soupçons alimentés par : 

      

    o       le fait que l’un des évêques initiateurs de cette commission spéciale s’est lui-même révélé justiciable de ses enquêtes ;

    o       la confusion, du moins apparente, créée par l’emploi, dans ses statuts, d’un vocabulaire de type judiciaire (19) qu’ils appliquent à l’action d’une instance sans juridiction (même canonique).

    o       La mentalité séculariste heurtée par l’ampleur des plaintes déposées devant la seule commission ecclésiale ; 

    o       La crainte des réflexes corporatistes de l’Église, sous le couvert du secret ecclésiastique. 

     

    La commission Adriaenssens était sans doute une « mauvaise bonne idée ». L’histoire montre que les commissions d’exception, spéciales ou « sui generis » suscitent toujours la méfiance et les tensions (20). A fortiori lorsqu’on leur fixe des objectifs ambitieux et quelque peu diffus. Mais si, en vertu de l’annulation possible de leur saisie, les dossiers devaient être rendus à ceux auxquels ils avaient été confiés, qu’en feraient-ils désormais ?

     

    Post scriptum

     

    Les lignes qui précèdent ont été écrites et publiées début septembre, dans le n° 3-2010 de nos modestes « Éphémérides de Saint-Lambert » (21). 

     

    Entre-temps, la controverse a poursuivi son chemin : un arrêt rendu le 9 septembre dernier par la chambre des mises en accusation de la cour d’appel de Bruxelles a invalidé les perquisitions menées le 24 juin 2010 à l’archevêché de Malines et au domicile du cardinal Danneels, comme l’arrêt du 13 août (dont le texte n’a pas été rendu public à la demande du magistrat instructeur) l’avait déjà fait pour celles qui eurent lieu, le même 24 juin, au siège de la commission Adriaenssens. Selon les informations officieuses, la cour a en effet jugé les perquisitions menées par le juge Wim De Troy (22) disproportionnées et les saisies opérées à la commission Adriaenssens  irrégulières au regard des dispositions s’appliquant aux détenteurs de secrets professionnels (23).

     

    Commentant l’arrêt du 9 septembre, le ministre Stefaan De Clerck a alors appelé l’Église et le Pouvoir judiciaire à contribuer, de commun accord, à l’œuvre de justice dans un esprit respectueux des compétences de chacun (24).

     

    Presqu’aussitôt, lors d’un rencontre avec la presse organisée le 13 septembre, la conférence épiscopale (représentée par son président, Mgr Léonard, et deux de ses membres, NN.SS. Harpigny et Bonny) a annoncé la mise sur pied, au plus tôt à la fin de cette année, d’un centre ecclésial destiné à prendre la suite de la commission Adriaenssens, après l’établissement d’une relation de confiance « sur une base plus solide » avec les autorités publiques : judiciaires, sociales et de la santé. Les évêques ont aussi précisé que si les dossiers de la commission Adriaenssens saisis par le juge De Troy étaient rendus aux autorités ecclésiastiques, ils seraient maintenus sous scellé jusqu’à la constitution du centre précité.

     

    Réagissant le 17 septembre à l’annonce faite par la conférence épiscopale, les procureurs généraux ont rappelé qu’ils excluaient toute forme de coopération avec un tel centre donnant à penser que celui-ci détiendrait une prérogative publique, par exemple en faisant lui-même le tri entre les affaires prescrites et les autres, a précisé le procureur général de Mons. Mais en a-t-il jamais été question ?

     

    Le 12 octobre, la cour de cassation a annulé les arrêts de la chambre des mises en accusation de la cour d’appel de Bruxelles des 13 août et 9 septembre invalidant les perquisitions du 24 juin, au motif que la chambre n’avait pas entendu les victimes qui s’étaient constituées parties civiles devant elle et, par conséquent, la cour de cassation a renvoyé l’affaire devant cette même chambre autrement constituée.

     

    Par une déclaration publiée le 20 octobre, la conférence épiscopale a renoncé à la création d’une nouvelle instance ecclésiale « sui generis » pour succéder à la commission Adriaenssens : plus sagement, à mon sens, l’Église exercera désormais les prérogatives pastorales et disciplinaires qui sont les siennes selon les voies ordinaires dont elle dispose dans son organisation interne.

     

    Toutefois, s’agissant des procédures en cours devant la justice étatique, l’épiscopat a introduit devant la cour d’appel de Bruxelles, indépendamment du sort final que la chambre des mises réservera à la demande d’invalidation des perquisitions du 24 juin, une demande de récusation de leur auteur, le juge d’instruction Wim De Troy, sans  en divulguer cependant le motif. La poursuite de l'enquête dont il reste actuellement saisi est donc suspendue au sort qui sera réservé par la cour d'appel du Bruxelles tant aux arrêts des 13 août et 9 septembre qu' à cette la demande de récusation du juge introduite auprès d'elle par les autorités ecclésiastiques.

     

    Par ailleurs, un des organes du pouvoir législatif s’invite aussi maintenant dans le dossier. Après que l’Église eut renoncé à la sienne, la Chambre des Représentants, dans sa séance du 28 octobre 2010, a institué à son tour une Commission spéciale relative, cette fois, « au traitement d’abus sexuels et de faits de pédophilie dans une relation d’autorité, en particulier au sein de l’Église ».

     La nature et l’objet des deux commissions diffèrent. Il s’agit ici d’une commission parlementaire, créée par un acte de la puissance publique et non d’une instance privée. A priori, elle ne se limite pas aux seuls abus commis au sein de l’Église. Par ailleurs, elle se défend d’être une commission d’enquête au sens strict mais elle n’exclut pas de le devenir, suite au rapport qu’elle déposera.

     Son objet est défini par l’article 1er de la résolution qui l’institue en vertu de l’article 21 al.2 du Règlement de la Chambre :

     « Il est institué une commission spéciale chargée :

    1° d’examiner la manière dont l’état, plus particulièrement l’appareil judiciaire et les services associés ont traité les faits d’abus sexuels ; à cet égard, la commission spéciale examine les modalités de la collaboration entre l’appareil judiciaire et l’église catholique lors de la découverte de faits d’abus sexuels commis au sein de cette dernière et notamment:

    a) - les raisons pour lesquelles après tant d’années les victimes ont aujourd’hui décidé de parler spécialement dans le cadre ecclésiastique et pourquoi, à l’époque, elles n’ont introduit aucune plainte

    - les facteurs qui ont pu justifier, le cas échéant, des retards dans le traitement de certains faits ou de certaines plaintes d’abus sexuels commis au sein d’une relation pastorale et/ou le non aboutissement de certaines procédures ;

    b) - les échanges entre l’église catholique et la Justice lors de la recherche et lors de la découverte de faits d’abus sexuels commis au sein de cette même église ;

    - les motifs ayant amené le ministère public et la commission pour le traitement des plaintes pour abus sexuels dans le cadre d'une relation pastorale instituée au sein de l’église catholique à conclure un protocole visant à réguler les flux d’information ;

    - les relations et les modalités effectives de coopération entre la Justice et les autorités de l’église catholique;

    - la conformité de ce protocole, de ces relations et de ces modalités de coopération, aux principes constitutionnels, dont les principes de l’égalité, de la non-discrimination et de l’indépendance du ministère public dans l’exercice des recherches et des poursuites individuelles ;

    2° d’examiner la prise en charge de la victime et rechercher comment les abus sexuels au sein d’une relation d’autorité et spécialement au sein d’une relation pastorale, peuvent être mieux prévenus, détectés et abordés;

    3° d’examiner les différents aspects de la relation entre les services d’aide et la justice et d’analyser de la problématique du secret professionnel ;

    4° d’examiner les solutions à apporter, y compris sur le plan législatif, aux difficultés qu’elle aura identifiées du point de vue de la prise en charge par l’appareil judiciaire et par les services associés des victimes d’abus sexuels commis dans une relation d’autorité ;

    5° de dégager des solutions propres à améliorer les rapports entre l’appareil judiciaire et les services associés »

     L’article 2 précise que « la commission spéciale entend les personnes et demande les documents qu’elle juge nécessaires. Elle pourra faire appel à des experts. Cette commission fixe toutes les règles de fonctionnement qui ne sont pas prévues dans le présent texte, sans porter atteinte au règlement de la Chambre des Représentants ».

     C’est donc bien la manière dont a fonctionné la défunte Commission de l’Eglise pour traiter les abus sexuels commis par des clercs dans le cadre d'une relation pastorale qui sera au centre des « examens » auxquels va procéder cette Commission spéciale de la Chambre des Représentants.

     Affaire à suivre…

     

    Liège, le 28 octobre 2010,

     

    Jean-Paul SCHYNS

    ancien assistant à la faculté de droit de l’université de Liège

     

    Notes:

     

    (1)               Pédopsychiatre, professeur à la faculté de médecine de la Katholieke Universiteit Leuven (K.U.L), chef du service de pédopsychiatrie à l’hôpital universitaire de Leuven.

    (2)             En l’occurrence, les personnes qui y souscrivent : les membres de la commission et de ses organes, ceux qui les nomment (évêques, supérieurs majeurs), les plaignants ; et non l’Église, ni les diocèses ou les ordres religieux qui, comme tels, qui sont dépourvus de la personnalité morale requise.

    (3)             « L’Église belge et le traitement judiciaire de la pédophilie », 14 juillet 2010.

    (4)             Site créé par l’asbl « institut d’étude sur la justice ».

    (5)             Pierre Legros est professeur de déontologie à la faculté de droit de l’Université Libre de Bruxelles (U.L.B.) et ancien bâtonnier de l’ordre français du barreau de Bruxelles, où il est inscrit comme avocat, associé à l’ancien sénateur et ministre d’État Roger Lallemand.

    (6)             De toute façon ? dans les limites et les conditions que la loi pénale spécifie cfr. infra

    (7)             L’article 21 de la constitution vise les activités religieuses au sens strict. La relation  pastorale définie par l’annexe 1 aux statuts (administration des sacrements, catéchèse, prédication de la foi, direction spirituelle etc.) entre dans ce cadre. 

    (8)             Depuis le concordat de 1801 entre l’empire français et le saint-siège, la « province ecclésiastique de Malines » inclut tous les diocèses de l’actuelle Belgique (y compris désormais les diocèse créés [Hasselt] ou recrées [Anvers] en 1961 par la bulle Christi Ecclesia du 8 décembre 1961.) 

    (9)             c'est-à-dire la compétence exclusive des tribunaux de l’Église pour juger les personnes ecclésiastiques et les matières spirituelles (comme les causes matrimoniales).

    (10)          le caractère impératif de la législation pénale ou d’autres dispositions d’ordre public ne peut évidemment pas être interprété comme autorisant pareille législation à s’appliquer si elle limite la liberté religieuse de manière incompatible avec l’article 19 de la constitution ou les dispositions du même ordre incluses dans les conventions internationales souscrites par la Belgique.

    (11)           Délits contre la sûreté publique, la vie ou la propriété des individus. Cette infraction n’est pas assortie d’une peine. Art. 30 du code d’instruction criminelle.

    (12)          Infraction assortie d’une peine d’amende et d’emprisonnement. Arts 422 bis et ter du code pénal.

    (13)          Infraction assortie d’une peine d’amende et d’emprisonnement, renforcées si le péril concerne un mineur. Arts 458 et 458 bis du code pénal.

    (14)          De lege lata, le secret ecclésiastique, au sens le plus large, ne peut pas fonctionner en droit belge comme un « privilège du for ».  Par ailleurs, selon le droit canonique lui-même, seul le secret de la confession est absolu. Cette exigence est, actuellement, conciliable avec la législation de l’État.

    (15)          La publication de l’aveu et de la démission de l’évêque est datée du 23 avril 2010.

    (16)          Selon le professeur Adriaenssens, 200 plaintes ont été enregistrées après la démission de l’évêque de Bruges, portant le nombre total à 475 (La Libre Belgique, 21-22.08.10). Naturellement, 475 plaintes ne signifient pas 475 accusés: nombre de plaintes peuvent concerner un même individu.

    (17)          sous forme de circulaire  (ministérielle ou administrative ?) selon Le Soir du 25.06.06. Dans La Libre Belgique des 21-22.08.10, le professeur Adriaenssens parle de protocole conclu avec les procureurs généraux.

    (18)          Cette perquisition n’est pas la conséquence d’un refus opposé au pouvoir judiciaire par la commission. Celle-ci avait, motu proprio, communiqué à la justice 14 dossiers (sur 475 affaires, la plupart prescrites aux yeux du droit pénal belge). Mais le magistrat a pris l’initiative d’investiguer plus outre ; ce qui est son droit, sous réserve de respecter les procédures requises.

    (19)          plainte, enquête, requérants, témoins, infractions se référant au code pénal (et non canonique) etc.

    (20)        sur l’expérience  des dispositifs canoniques spécifiques face aux cas de délits sexuels du clergé, on peut lire la synthèse publiée par le professeur Louis-Léon Christians, ancien vice-président de la commission Adriaenssens  in Jean-Pierre Schouppe (dir.), Vingt cinq ans après le code. Le droit canon en Belgique, Bruylant, Bruxelles 2008, pp. 239-255.

    (21)          bulletin trimestriel de la communauté catholique suivant le missel de 1962 à la chapelle Saint-Lambert de Verviers

    (22)         sous le nom de code, d’un goût douteux, « opération calice »

    (23)        La Libre Belgique du 10.09.10

    (24)        Le Ministre de la Justice a rappelé l’accord intervenu le 10 juin entre le ministère public et la commission Adriaenssens : « nous devons, a-t-il déclaré, retomber sur cet accord antérieur qui doit servir de base pour aller plus loin », insistant sur le fait que le dossier judiciaire ne pouvait être arrêté, en tenant néanmoins compte des circonstances spécifiques telles que, par exemple, le secret de la confession.

     

     

     

      

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    Pour recevoir le livre à votre adresse, il suffit de verser cette somme au compte IBAN BE15 2400 0748 1330  BIC GEBABEBB de l'Union, Cercle Royal des Etudiants Catholiques de Liège asbl, Rue Vinâve d'île, 20 bte 64 à 4000 Liège. avec la mention "A contretemps".

    moutonsdepanurge.jpg Un essai critique des moeurs contemporaines: familles recomposées, homoparentalité, mort dans la dignité, la parole est aujourd'hui au politiquement correct. Né en 1980, au pays de l'american way of life, le politiquement correct n'a pas tardé à franchir l'Atlantique. Son discours, qui se réclame de la démocratie, est -en réalité- l'arme principale d'une pensée dominante, voire unique. Arme redoutable, la parole, notait déjà Talleyrand, a été donnée à l'homme pour déguiser sa pensée. Sous prétexte de promouvoir le "vivre ensemble", la société, qui prône le libre arbitre individuel, devient en réalité liberticide. Pis encore, de contrainte sociétale, le politiquement correct se mue parfois, sournoisement, en contrainte légale: toute opinion politiquement incorrecte est alors bâillonnée par un pouvoir civil "démocratique".

    Avec un humour parfois corrosif, le présent essai dénonce, sans détour, quelques-uns des effets délétères d'une dictature qui s'avance sous le masque du dialogue et de la tolérance. Interdiction au citoyen-électeur de contester la moindre parcelle de la modernité, cette matrice évidente d'un prétendu progrès. Toute remise en question des "avancées" dans les domaines de la bioéthique, de la spiritualité, de l'intelligence artificielle est taxée de rétrograde, réactionnaire, totalitaire, voire néo-fasciste. Examinant ici à contretemps les arguties du "prêt à penser" politiquement correct, l'auteur montre comment, tels les moutons de Panurge ou les aveugles de Bruegel, bien des contemporains "progressent" sur la voie du précipice et de la décadence.

    Mutien-Omer HOUZIAUX, romaniste, a connu un parcours universitaire marqué par l'interdisciplinarité.3790036388.jpg Chercheur et enseignant en plusieurs Facultés. Pionnier dans les domaines de l'enseignement et de l'anamnèse assistés par ordinateur à Liège, en Belgique, ainsi qu'au Canada et en Argentine. Nombreuses publications, dont plusieurs essais touchant à la linguistique, à l'informatique appliquée, à la pédagogie et à la musicologie. L'auteur a été organiste titulaire de la cathédrale de Liège durant 25 ans. Il tient aujourd'hui les orgues à l'église du Saint-Sacrement (Bd d'Avroy, 132 à Liège) tous les dimanches, à la messe de 11h15.

    3528973970_2.jpgLe préfacier de l'ouvrage, Mgr Michel DANGOISSE (décédé au mois d'août de cette année) était doyen du Chapitre cathédral de Namur. Diplômé de l'Université de Louvain, professeur de langues anciennes, de français, d'histoire et de sciences religieuses, il dirigeait la revue Pâque Nouvelle (fondée par Mgr André-Joseph Léonard). Il est aussi l'auteur d'une étude critique, à paraître prochainement, sur la traduction française du missel romain de Paul VI (1970).

     

    Tous renseignements: courriel sursumcorda@skynet.be 

     

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  • Ecclesia Mater et Meretrix?

     

    UN RAPPORT QUI FAIT DU BRUIT

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    le pédopsychiatre Adriaenssens

     

    Tout comme la conférence de presse de l’épiscopat le 13 septembre, celle que le professeur Adriaenssens a cru devoir donner le 10 de ce même mois pour présenter le rapport conclusif de la défunte commission « pour le traitement des plaintes pour abus sexuel dans le cadre d’une relation pastorale » n’a eu d’autre effet, jusqu'ici, que de susciter un nouveau déferlement médiatique contre l’Église. Là où aurait du prévaloir une retenue propice à la guérison des cœurs et à la conversion des consciences, on a relancé le concert des imprécations contre l’institution ecclésiale et c’est la psychothérapie du bouc émissaire qui a prévalu. Une victime expiatoire fut vite trouvée : c’est le pape. Benoît XVI n'a-t-il pas eu le malheur de déclarer, le jour de la fête de la nativité de la sainte Vierge Marie le 8 septembre dernier, que face aux abus du clergé la pénitence était plus efficace que les changements de structures ? (1) Il s’est trouvé jusqu’au porte-parole du cardinal Danneels pour le lui reprocher publiquement (2) (3) !

     

    Sans vouloir ajouter du bruit au bruit, des catholiques belges ont adressé, en réplique, à l’un des premiers violons de l’orchestre, le journal La Libre Belgique, le texte que voici :

     

    "En 2002, Jean-Paul II déclarait : « il n’y a pas de place dans la prêtrise ni dans la vie religieuse pour ceux qui font ou feraient du mal aux jeunes gens. »

     Toujours en 2002, les évêques de France déclarent qu'ils ne peuvent rester passifs, ou couvrir des actes délictueux : « les prêtres qui se sont rendus coupables d'actes à caractère pédophile doivent répondre de ces actes devant la justice. »

     En février 2010, le pape convoque les évêques irlandais au Vatican. Benoît XVI déclare que  la pédophilie est un « crime atroce » et un « péché grave qui offense Dieu et blesse la dignité de la personne humaine » et il affirme aussi qu'une préoccupation déplacée pour la réputation de l'Eglise et pour éviter les scandales a eu pour résultat de ne pas appliquer les peines canoniques en vigueur et de ne pas protéger la dignité de chaque personne. Il faut agir avec urgence pour affronter ces facteurs, qui ont eu des conséquences si tragiques pour les vies des victimes et de leurs familles et qui ont assombri la lumière de l'Evangile disait encore le Saint Père.

     Nous, catholiques, avons tous en tête la parole de l’Evangile : «  celui qui scandalisera un seul de ces petits qui croient en moi, il vaudrait mieux pour lui qu'on lui pendît au cou une meule de moulin et qu'on le jetât au fond de la mer.»

     Nous sommes profondément bouleversés et attristés par ce que nous lisons dans le  rapport de la commission Adriaenssens.

    Dans un même temps, nous voulons aussi nous joindre à l’appel lancé à l’initiative de François Taillandier, Natalia Trouiller, Koz, François Milo, appel signé initialement par 70 intellectuels français, puis par trente mille autres personnes sur Internet : « … au-delà du droit à l’information, légitime et démocratique, nous ne pouvons que constater avec tristesse, … que de nombreux médias … traitent ces affaires avec partialité, méconnaissance ou délectation. De raccourcis en généralisations, le portrait de l’Église qui est fait dans la presse actuellement ne correspond pas à ce que vivent les chrétiens catholiques. »

    Dans cet ordre d’idées, aux USA, le journaliste Tom Hoopes a noté que, dans le premier semestre 2002, les 61 plus grands journaux californiens avaient consacré près de 2000 articles aux cas d'abus sexuels commis dans l'Eglise catholique, la plupart de ceux-ci s'étant produits dans un passé assez éloigné. Dans le même temps, ces journaux ont écrit 4 articles seulement sur les découvertes par le gouvernement fédéral de cas pourtant bien plus nombreux, et plus actuels, d'abus sexuels dans les Public schools.

     L’histoire de la photo trouvée sur le PC du cardinal Danneels est symptomatique de l’atmosphère ambiante.[

     En France, le cardinal André Vingt-Trois déclare en avril 2010 qu'une « trentaine de prêtres et de religieux purgent la peine à laquelle ils ont été condamnés, conformément à la loi ». Il demande que l'opprobre ne soit pas pour autant jeté sur « l'ensemble des vingt mille prêtres et religieux de France »

     Nous regrettons que cet opprobre généralisé touche aujourd’hui l’Eglise de Belgique.

    On oublie les contributions généreuses offertes à l'Eglise et à la société par des générations passées de prêtres dans notre pays. La vindicte populaire (qui abonde dans les forums des journaux) s’en prend à l’ensemble du clergé alors que l’immense majorité des prêtres remplit son sacerdoce avec enthousiasme et dévouement absolu.

     L’Eglise doit se remettre en question ; la société aussi.

     La publication du rapport de la Commission Adriaenssens est un cas d’école de ce que l’historien des religions américain Philip Jenkins appelle moral panic.

    Ce concept explique comment certains problèmes sociaux sont abordés de façon biaisée par des statistiques brutes. Philip Jenkins a mis en évidence le rôle, dans la création de paniques morales, d’entrepreneurs moraux dont l’objectif n’est pas déclaré. Les paniques morales faussent la perception des problèmes et compromettent l’efficacité des mesures qui devraient les résoudre. À une mauvaise analyse (le problème touche essentiellement l’Eglise catholique) on ne pourra apporter qu’une mauvaise solution.

    Jenkins a bien montré comment la question des prêtres pédophiles est peut-être l’exemple le plus typique d’une panique morale. Sont présents en effet les deux éléments caractéristiques : des données réelles au départ et une utilisation incorrecte de ces données par l’action d’ « entrepreneurs moraux » ambigus.

     Nous sommes en train de vivre un procès public à charge contre l’Eglise alors que c’est l’ensemble de la société qui devrait être interrogée.

     Les témoignages du rapport Adriaenssens devraient être étudiés de façon rigoureuse. Il s’agit de données brutes ; à la page 11 du communiqué de presse, le graphique ne correspond pas tout à fait aux chiffres ; dommage aussi que pour 245 cas, on ne connaisse pas l’âge des victimes et pour certaines pas même le sexe. Il faut aussi réfléchir à la valeur juridique de témoignages envoyés par e-mail avec des informations brutes. Quoi qu’il en soit ce rapport devra être le point de départ des travaux à venir.

    Il nous semble aujourd’hui impératif de savoir si le nombre de cas de pédophilie est plus nombreux parmi les prêtres et les religieux catholiques que dans les autres catégories de personnes.

    Pour Jenkins, aux USA, le nombre de pédophiles est plus élevé parmi les membres du clergé protestant que chez les prêtres catholiques. Le problème n’est donc pas le célibat : la majorité des pasteurs protestants sont mariés. Sur une même période où une centaine de prêtres américains étaient condamnés pour abus sexuel sur des enfants, le nombre de professeurs d’éducation physique et d’entraîneurs d’équipes sportives – eux aussi en grande majorité mariés – reconnus coupables du même crime par les tribunaux américains avoisinait les 6000.

    Notons enfin avec le sociologue Massimo Introvigne qu’il y a également eu aux USA de nombreux cas retentissants de prêtres accusés qui étaient innocents. Ces cas se sont en effet multipliés depuis 1990, alors que certains cabinets d’avocats ont compris qu’ils pouvaient arracher des millions sur la base de simples soupçons. La présomption d’innocence doit encore exister. Soyons prudents. 

    Le principal reproche que l’on fait à l’Eglise est d’avoir fait prévaloir la loi du silence. Cette loi du silence existait aussi dans la société.

    Que l’on fasse une commission d’enquête parlementaire sur la maltraitance des enfants au sein de l’Eglise mais aussi dans l’ensemble de la société puisque 90% des cas d’abus se passent au sein des familles. 

    L’Eglise a récemment, bon gré ou mal gré, pris conscience d’un mal qui la rongeait. Que la société en fasse autant. L'acharnement médiatique qui frappe si durement l'Eglise ne doit plus servir à cacher la triste réalité :  cette prise de conscience, elle doit maintenant devenir un exemple pour toute la société, que ce même mal touche tout autant et peut-être plus encore."

    Texte publié dans "La Libre Belgique" du 14.09.10, sous la signature de: Luc Balleux, avocat; Jean Baudry, avocat; Chantal Leroy; Anne-Michèle Perini; Jean-Paul Schyns, ancien assistant à la Faculté de Droit de l'université de Liège; Ludovic Werpin, conseiller pédagogique; Thibaut Werpin; Dimitri Wiame, catholiques belges.

     

    ________

    (1) Lors de l’audience générale du  mercredi 8 septembre, Benoît XVI a précisé, à travers la personnalité de sainte Hildegarde de Bingen (1098-1179), sa vision personnelle du renouvellement de l’Église :

    « De manière particulière, Hildegarde s’opposa au mouvement des cathares allemands. Ces derniers – à la lettre cathares signifie « purs » – prônaient une réforme radicale de l’Eglise, en particulier pour combattre les abus du clergé. Elle leur reprocha sévèrement de vouloir renverser la nature même de l’Église, en leur rappelant qu’un véritable renouvellement de la communauté ecclésiale ne s’obtient pas tant avec le changement des structures, qu’avec un esprit de pénitence sincère et un chemin actif de conversion. Il s’agit là d’un message que nous ne devrions jamais oublier. »

    Tout est dit :  " arrêtez la révolution permanente, retournez à la pénitence et au pardon " .

    (2) Trois évêques flamands, dont deux récemment nommés par Benoît XVI lui-même, NN.SS. De Kesel (Bruges), Bonny (Anvers) et Hoogmartens (Hasselt) ont saisi la balle au bond pour solliciter la réouverture du débat sur la règle du célibat sacerdotal obligatoire dans l'Eglise latine, suivis, à bonne distance il est vrai, par Mgr Jousten (Liège) et l'éphémère porte-parole de la conférence épiscopale, M. Jürgen Mettepeningen.

     Dans une interview à la radio flamande VRT, reprenant une antienne déjà bien connue, Mgr De Kesel a déclaré: "Je pense que l'Eglise doit se poser la question de savoir s'il convient de conserver le caractère obligatoire du célibat" et, poursuivant sur sa lancée: " on pourrait dire qu'il y a des prêtres célibataires mais que des personnes pour lesquelles le célibat est humainement impossible à respecter devraient aussi avoir la chance de devenir prêtre" pour conclure: " la discussion sur le célibat [des prêtres] pourrait avoir une suite bien plus rapide que celle sur l'accès des femmes à la prêtrise". 

    Cette réflexion en vaut une autre: 1°) l'accès au sacerdoce n'est pas un droit de l'homme (ou de la femme) qu'il conviendrait de reconnaître: c'est l'Eglise qui appelle à la lumière de la Parole évangélique; 2°) il n'est pas démontré qu'une corrélation puisse être établie entre la pédophilie et le célibat sacerdotal; 3°) il est un fait que trop fréquemment aujourd'hui (comme à d'autres époques de l'histoire: XIIe siècle ou XVIe siècle) la règle du célibat sacerdotal est mal vécue: est-ce une raison suffisante pour l'abandonner ou, au contraire, l'approfondir et la renforcer? C'est précisément pour lutter contre la dissolution des moeurs ecclésiastiques et protéger l'antique obligation de continence imposée au clergé qu'elle fut codifiée par le 1er concile de Latran (1123).

    (3) Cerise sur le gâteau: dans une interview publiée le 2 octobre par le journal "De Morgen", le professeur Adriaenssens estime que le pape Benoît XVI aurait du démissionner, comme l'avait fait le ministre belge de la Justice, Stefaan De Clerk, lors de l'évasion de Marc Dutroux en 1998. Etrange comparaison. Pour mémoire, l'actuel ministre de la Justice s'appelle...Stefaan De Clerk.