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Réflexion faite - Page 100

  • Ecclesia Mater et Meretrix?

     

    UN RAPPORT QUI FAIT DU BRUIT

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    le pédopsychiatre Adriaenssens

     

    Tout comme la conférence de presse de l’épiscopat le 13 septembre, celle que le professeur Adriaenssens a cru devoir donner le 10 de ce même mois pour présenter le rapport conclusif de la défunte commission « pour le traitement des plaintes pour abus sexuel dans le cadre d’une relation pastorale » n’a eu d’autre effet, jusqu'ici, que de susciter un nouveau déferlement médiatique contre l’Église. Là où aurait du prévaloir une retenue propice à la guérison des cœurs et à la conversion des consciences, on a relancé le concert des imprécations contre l’institution ecclésiale et c’est la psychothérapie du bouc émissaire qui a prévalu. Une victime expiatoire fut vite trouvée : c’est le pape. Benoît XVI n'a-t-il pas eu le malheur de déclarer, le jour de la fête de la nativité de la sainte Vierge Marie le 8 septembre dernier, que face aux abus du clergé la pénitence était plus efficace que les changements de structures ? (1) Il s’est trouvé jusqu’au porte-parole du cardinal Danneels pour le lui reprocher publiquement (2) (3) !

     

    Sans vouloir ajouter du bruit au bruit, des catholiques belges ont adressé, en réplique, à l’un des premiers violons de l’orchestre, le journal La Libre Belgique, le texte que voici :

     

    "En 2002, Jean-Paul II déclarait : « il n’y a pas de place dans la prêtrise ni dans la vie religieuse pour ceux qui font ou feraient du mal aux jeunes gens. »

     Toujours en 2002, les évêques de France déclarent qu'ils ne peuvent rester passifs, ou couvrir des actes délictueux : « les prêtres qui se sont rendus coupables d'actes à caractère pédophile doivent répondre de ces actes devant la justice. »

     En février 2010, le pape convoque les évêques irlandais au Vatican. Benoît XVI déclare que  la pédophilie est un « crime atroce » et un « péché grave qui offense Dieu et blesse la dignité de la personne humaine » et il affirme aussi qu'une préoccupation déplacée pour la réputation de l'Eglise et pour éviter les scandales a eu pour résultat de ne pas appliquer les peines canoniques en vigueur et de ne pas protéger la dignité de chaque personne. Il faut agir avec urgence pour affronter ces facteurs, qui ont eu des conséquences si tragiques pour les vies des victimes et de leurs familles et qui ont assombri la lumière de l'Evangile disait encore le Saint Père.

     Nous, catholiques, avons tous en tête la parole de l’Evangile : «  celui qui scandalisera un seul de ces petits qui croient en moi, il vaudrait mieux pour lui qu'on lui pendît au cou une meule de moulin et qu'on le jetât au fond de la mer.»

     Nous sommes profondément bouleversés et attristés par ce que nous lisons dans le  rapport de la commission Adriaenssens.

    Dans un même temps, nous voulons aussi nous joindre à l’appel lancé à l’initiative de François Taillandier, Natalia Trouiller, Koz, François Milo, appel signé initialement par 70 intellectuels français, puis par trente mille autres personnes sur Internet : « … au-delà du droit à l’information, légitime et démocratique, nous ne pouvons que constater avec tristesse, … que de nombreux médias … traitent ces affaires avec partialité, méconnaissance ou délectation. De raccourcis en généralisations, le portrait de l’Église qui est fait dans la presse actuellement ne correspond pas à ce que vivent les chrétiens catholiques. »

    Dans cet ordre d’idées, aux USA, le journaliste Tom Hoopes a noté que, dans le premier semestre 2002, les 61 plus grands journaux californiens avaient consacré près de 2000 articles aux cas d'abus sexuels commis dans l'Eglise catholique, la plupart de ceux-ci s'étant produits dans un passé assez éloigné. Dans le même temps, ces journaux ont écrit 4 articles seulement sur les découvertes par le gouvernement fédéral de cas pourtant bien plus nombreux, et plus actuels, d'abus sexuels dans les Public schools.

     L’histoire de la photo trouvée sur le PC du cardinal Danneels est symptomatique de l’atmosphère ambiante.[

     En France, le cardinal André Vingt-Trois déclare en avril 2010 qu'une « trentaine de prêtres et de religieux purgent la peine à laquelle ils ont été condamnés, conformément à la loi ». Il demande que l'opprobre ne soit pas pour autant jeté sur « l'ensemble des vingt mille prêtres et religieux de France »

     Nous regrettons que cet opprobre généralisé touche aujourd’hui l’Eglise de Belgique.

    On oublie les contributions généreuses offertes à l'Eglise et à la société par des générations passées de prêtres dans notre pays. La vindicte populaire (qui abonde dans les forums des journaux) s’en prend à l’ensemble du clergé alors que l’immense majorité des prêtres remplit son sacerdoce avec enthousiasme et dévouement absolu.

     L’Eglise doit se remettre en question ; la société aussi.

     La publication du rapport de la Commission Adriaenssens est un cas d’école de ce que l’historien des religions américain Philip Jenkins appelle moral panic.

    Ce concept explique comment certains problèmes sociaux sont abordés de façon biaisée par des statistiques brutes. Philip Jenkins a mis en évidence le rôle, dans la création de paniques morales, d’entrepreneurs moraux dont l’objectif n’est pas déclaré. Les paniques morales faussent la perception des problèmes et compromettent l’efficacité des mesures qui devraient les résoudre. À une mauvaise analyse (le problème touche essentiellement l’Eglise catholique) on ne pourra apporter qu’une mauvaise solution.

    Jenkins a bien montré comment la question des prêtres pédophiles est peut-être l’exemple le plus typique d’une panique morale. Sont présents en effet les deux éléments caractéristiques : des données réelles au départ et une utilisation incorrecte de ces données par l’action d’ « entrepreneurs moraux » ambigus.

     Nous sommes en train de vivre un procès public à charge contre l’Eglise alors que c’est l’ensemble de la société qui devrait être interrogée.

     Les témoignages du rapport Adriaenssens devraient être étudiés de façon rigoureuse. Il s’agit de données brutes ; à la page 11 du communiqué de presse, le graphique ne correspond pas tout à fait aux chiffres ; dommage aussi que pour 245 cas, on ne connaisse pas l’âge des victimes et pour certaines pas même le sexe. Il faut aussi réfléchir à la valeur juridique de témoignages envoyés par e-mail avec des informations brutes. Quoi qu’il en soit ce rapport devra être le point de départ des travaux à venir.

    Il nous semble aujourd’hui impératif de savoir si le nombre de cas de pédophilie est plus nombreux parmi les prêtres et les religieux catholiques que dans les autres catégories de personnes.

    Pour Jenkins, aux USA, le nombre de pédophiles est plus élevé parmi les membres du clergé protestant que chez les prêtres catholiques. Le problème n’est donc pas le célibat : la majorité des pasteurs protestants sont mariés. Sur une même période où une centaine de prêtres américains étaient condamnés pour abus sexuel sur des enfants, le nombre de professeurs d’éducation physique et d’entraîneurs d’équipes sportives – eux aussi en grande majorité mariés – reconnus coupables du même crime par les tribunaux américains avoisinait les 6000.

    Notons enfin avec le sociologue Massimo Introvigne qu’il y a également eu aux USA de nombreux cas retentissants de prêtres accusés qui étaient innocents. Ces cas se sont en effet multipliés depuis 1990, alors que certains cabinets d’avocats ont compris qu’ils pouvaient arracher des millions sur la base de simples soupçons. La présomption d’innocence doit encore exister. Soyons prudents. 

    Le principal reproche que l’on fait à l’Eglise est d’avoir fait prévaloir la loi du silence. Cette loi du silence existait aussi dans la société.

    Que l’on fasse une commission d’enquête parlementaire sur la maltraitance des enfants au sein de l’Eglise mais aussi dans l’ensemble de la société puisque 90% des cas d’abus se passent au sein des familles. 

    L’Eglise a récemment, bon gré ou mal gré, pris conscience d’un mal qui la rongeait. Que la société en fasse autant. L'acharnement médiatique qui frappe si durement l'Eglise ne doit plus servir à cacher la triste réalité :  cette prise de conscience, elle doit maintenant devenir un exemple pour toute la société, que ce même mal touche tout autant et peut-être plus encore."

    Texte publié dans "La Libre Belgique" du 14.09.10, sous la signature de: Luc Balleux, avocat; Jean Baudry, avocat; Chantal Leroy; Anne-Michèle Perini; Jean-Paul Schyns, ancien assistant à la Faculté de Droit de l'université de Liège; Ludovic Werpin, conseiller pédagogique; Thibaut Werpin; Dimitri Wiame, catholiques belges.

     

    ________

    (1) Lors de l’audience générale du  mercredi 8 septembre, Benoît XVI a précisé, à travers la personnalité de sainte Hildegarde de Bingen (1098-1179), sa vision personnelle du renouvellement de l’Église :

    « De manière particulière, Hildegarde s’opposa au mouvement des cathares allemands. Ces derniers – à la lettre cathares signifie « purs » – prônaient une réforme radicale de l’Eglise, en particulier pour combattre les abus du clergé. Elle leur reprocha sévèrement de vouloir renverser la nature même de l’Église, en leur rappelant qu’un véritable renouvellement de la communauté ecclésiale ne s’obtient pas tant avec le changement des structures, qu’avec un esprit de pénitence sincère et un chemin actif de conversion. Il s’agit là d’un message que nous ne devrions jamais oublier. »

    Tout est dit :  " arrêtez la révolution permanente, retournez à la pénitence et au pardon " .

    (2) Trois évêques flamands, dont deux récemment nommés par Benoît XVI lui-même, NN.SS. De Kesel (Bruges), Bonny (Anvers) et Hoogmartens (Hasselt) ont saisi la balle au bond pour solliciter la réouverture du débat sur la règle du célibat sacerdotal obligatoire dans l'Eglise latine, suivis, à bonne distance il est vrai, par Mgr Jousten (Liège) et l'éphémère porte-parole de la conférence épiscopale, M. Jürgen Mettepeningen.

     Dans une interview à la radio flamande VRT, reprenant une antienne déjà bien connue, Mgr De Kesel a déclaré: "Je pense que l'Eglise doit se poser la question de savoir s'il convient de conserver le caractère obligatoire du célibat" et, poursuivant sur sa lancée: " on pourrait dire qu'il y a des prêtres célibataires mais que des personnes pour lesquelles le célibat est humainement impossible à respecter devraient aussi avoir la chance de devenir prêtre" pour conclure: " la discussion sur le célibat [des prêtres] pourrait avoir une suite bien plus rapide que celle sur l'accès des femmes à la prêtrise". 

    Cette réflexion en vaut une autre: 1°) l'accès au sacerdoce n'est pas un droit de l'homme (ou de la femme) qu'il conviendrait de reconnaître: c'est l'Eglise qui appelle à la lumière de la Parole évangélique; 2°) il n'est pas démontré qu'une corrélation puisse être établie entre la pédophilie et le célibat sacerdotal; 3°) il est un fait que trop fréquemment aujourd'hui (comme à d'autres époques de l'histoire: XIIe siècle ou XVIe siècle) la règle du célibat sacerdotal est mal vécue: est-ce une raison suffisante pour l'abandonner ou, au contraire, l'approfondir et la renforcer? C'est précisément pour lutter contre la dissolution des moeurs ecclésiastiques et protéger l'antique obligation de continence imposée au clergé qu'elle fut codifiée par le 1er concile de Latran (1123).

    (3) Cerise sur le gâteau: dans une interview publiée le 2 octobre par le journal "De Morgen", le professeur Adriaenssens estime que le pape Benoît XVI aurait du démissionner, comme l'avait fait le ministre belge de la Justice, Stefaan De Clerk, lors de l'évasion de Marc Dutroux en 1998. Etrange comparaison. Pour mémoire, l'actuel ministre de la Justice s'appelle...Stefaan De Clerk.

     

     

     

     

  • L'EGLISE ET L'ETAT: réflexion faite en marge de l'actualité belge

     

     

    INOPERANTES LAÏCITES

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    Une conférence avait été organisée le 24 janvier 2008 à Bruxelles, sous  le titre « Héritage chrétien » en République et Consociation. L’ouvrage collectif qui en est issu est maintenant publié[1]. Des historiens et des sociologues, la plupart issus de l’ULB et de la Sorbonne, y apportent surtout leurs lumières sur le développement du concept de la « laïcité » : sa place dans la vie publique belge et française, dans les législations respectives des deux pays et les conventions internationales ou supranationales qui s’imposent à elles. Il ressort de ces échanges que la notion même de laïcité (le mot dérive de laïc, non clerc, qui est d’origine ecclésiale) n’est pas univoque, ni en termes de sociologie, ni en termes de droit positif. La question se pose alors de savoir si une notion aussi imprécise, voire confuse, présente une vraie utilité opérationnelle pour les sciences humaines.

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    L’article 1er de la constitution française de 1958 proclame que la France est un Etat laïc, sans définir ce qu’il entend par là. A cet égard, il eût été intéressant de disposer d’une analyse jurisprudentielle, malheureusement absente des dissertations sociopolitiques de ce colloque. 

    Rien n’est simple. Ainsi, le concept de laïcité n’est pas forcément synonyme de séparation des Eglises et de l’Etat. De ce point de vue même, la célèbre loi de 1905 expulsant l’Eglise de la sphère publique française n’a pas empêché la République d’entretenir des liens avec elle : loi sur les édifices publics mis à la disposition du culte (1907), rétablissement des relations diplomatiques avec le Saint-Siège (1921), applicabilité du concordat de 1801 en Alsace-Moselle (1925), loi Debré sur les rapports entre l’Etat et les établissements scolaires privés (1959), accord avec le Saint-Siège sur la reconnaissance des diplômes délivrés par l’enseignement supérieur catholique (2008) etc.

    Ajoutant à la perplexité de l’observateur étranger, l’actuel président de la République française, lors de sa réception paradoxale (pour le Chef d’un Etat séparé de l’Eglise) comme chanoine honoraire de l’archi-basilique du Latran à Rome (2007), a appelé de ses vœux l’avènement d’une laïcité positive reconnaissant que les religions constituent un atout sociétal ![2]

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    Les choses sont-elles plus claires en Belgique ? L’Etat belge n’est pas laïc en ce sens qu’il serait porteur de valeurs publiques transcendant les religions privées, ni obligatoirement agnostique devant le phénomène religieux : la laïcité est assimilée, par la loi, aux cultes reconnus, en tant que philosophie du « libre examen ».  Parler de séparation de l’Eglise et de l’Etat serait aussi inapproprié, si l’on entend par là qu’ils n’ont rien à voir ensemble. 

    Les dispositions constitutionnelles et légales organisent plutôt une certaine indépendance dans le respect mutuel[3]. Et même un peu plus : à ce titre, on peut citer, la rémunération par l’Etat des ministres des cultes reconnus et divers privilèges ou contraintes connexes, la répression pénale propre aux désordres et outrages touchant à l’exercice ou aux objets du culte, à la personne de ses ministres ou à leur habit officiel ; l’organisation de préséances protocolaires ou diplomatiques; les honneurs civils et militaires rendus lors de certaines cérémonies religieuses officielles, comme le « Te Deum », mais aussi les poursuites pénales spécifiques contre les ministres du culte qui attaqueraient « directement » un acte de l’autorité publique ou célébreraient le mariage religieux des époux avant leur mariage civil.

    On comprend ainsi pourquoi la neutralité des pouvoirs publics n’est pas mentionnée, comme telle, dans la constitution même si certains la déduisent de l’interdiction des discriminations et du principe d’égalité qui y sont inscrits. Face à la pluralité des religions, cette neutralité est, pour le moins, toute relative puisque l’Etat (et à sa suite les autres pouvoirs publics) soutient le libre développement des activités religieuses et apporte son aide et sa protection aux sept cultes (laïcité comprise) qu’il reconnaît, parmi lesquels – primus inter pares – le catholicisme romain. Il faut donc, à tout le moins, parler d’une neutralité « positive ». 

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    Les traités internationaux ou supranationaux auxquels souscrivent la France et la Belgique n’imposent aucun modèle à leurs relations avec les cultes. En Europe, comme ailleurs, le statut de ceux-ci varie.

    L’article 17 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne précise que :

     

    - « L’Union respecte et ne préjuge pas du statut dont bénéficient, en vertu du droit national, les Eglises et les associations ou communautés religieuses dans les Etats membres » ;

    -« L’Union respecte également le statut dont bénéficient, en vertu du droit national, les organisations philosophiques et non confessionnelles » ;

    -« Reconnaissant leur identité et leur contribution spécifique, l’Union maintient un dialogue ouvert, transparent et régulier avec ces Eglises et organisations ».

     

    Il en résulte que :

    - de la laïcité de l’Etat (France) aux religions d’Etat (Danemark, Grèce, Norvège, Royaume-Uni), en passant par les régimes concordataires (du type espagnol, italien, polonais, portugais, allemand, alsacien-mosellan) ou sui generis (comme en Belgique ou en Irlande), l’Union européenne respecte et s’accommode des divers statuts conférés aux cultes par les droits nationaux de ses Etats membres ;

    - dans sa propre relation avec les cultes, l’Union est plus proche du modèle belge que de la laïcité républicaine à la française : celle-ci demeure une exception historiquement datée et sans doute appelée à évoluer. 

    Quoi qu’il en soit des gloses de cet ouvrage sur la portée du concept de « laïcité » (considérée comme un postulat), il n’aborde pas l’enjeu fondamental : l’Etat moderne doit-il demeurer sans religion, désormais agnostique, séparé, pluraliste ou neutre ? C’est la question du rapport de celui-ci à la Vérité. Quid est veritas ? demandait Pilate à Jésus.

    A cet égard, la philosophie des « Lumières », au XVIIIe siècle, posait déjà le problème de la conciliation de deux principes qu’elle énonçait : la souveraineté absolue de l’homme sur lui-même, dans ses pensées comme dans sa volonté (Kant) et la nécessité pour l’Etat que chaque citoyen ait une religion « qui lui fasse aimer ses devoirs » (Rousseau).

    Quels devoirs ? Eriger son jugement propre en loi universelle n’est possible que dans une société où nombre de valeurs sont partagées, sans quoi c’est l’anarchie. Il doit donc y avoir un « pacte moral », une profession de « foi » civile en quelque vérité inaltérable qui, en amont du droit positif, fonde le lien social sans lequel l’homme ne peut pas vivre. La question est alors de savoir comment et sur quelle base créer ce consensus éthique fondamental pour la vie en société.

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    Sur ce point, une controverse (au sens de la disputatio médiévale) fut organisée, au théâtre Quirino à Rome le 21 septembre 2000, entre le cardinal Ratzinger, futur Benoît XVI, et un professeur à l’Université romaine de la Sapienza, le philosophe Paolo Flores d’Arcais, pour explorer des voies de convergence possibles[4]. Au moment décisif du dialogue, le modérateur – Gad Lerner, journaliste à la  Repubblica – s’est demandé si des principes aussi fondamentaux que ceux du Décalogue ne pourraient pas être retenus comme base éthique commune, même par des athées (qui y souscriraient seulement « velut si [comme si] Deus daretur »). Mais cette proposition fut aussitôt rejetée par le philosophe laïc. 

    Ce dernier nia que certaines règles morales ou de droit naturel  puissent constituer des postulats, ou des acquis irréversibles, pour l’humanité : le contrat social est toujours relatif, contingent, renégociable. Ainsi, certains revendiquent-ils maintenant à l’ONU l’insertion de nouveaux « droits » (à l’avortement, à l’euthanasie, au choix du « genre » etc.) dans une Déclaration universelle des droits de l’homme vieille de 50 ans à peine (1948) ! Tout s’écoule, disait déjà le vieil Héraclite. Pareille impasse montre à quel point une définition véritablement universelle (« ubique, semper et ab omnibus ») des droits (et donc des devoirs) humains sans Dieu semble aléatoire.

    Et l’argument selon lequel une laïcité positive permettrait aux religions de contribuer à l’accession de la conscience collective de l’humanité au Souverain Bien paraît faible si tout socle transcendant (ou loi naturelle, comme vous voudrez) imprescriptible est a priori exclu de sa définition. En des temps pas si lointains n’avions nous pas déjà entendu parler d’une autre contribution « positive » : celle des religions à l’édification du socialisme marxiste . Qu’en reste-t-il aujourd’hui ? « Nisi Dominus aedificaverit domum, in vanum laboraverunt qui aedificant eam »[5] : ceci vaut pour les sociétés comme pour les individus. 

    Pie XII et Benoît XVI ont parlé, dans un tout autre sens, d’une « saine » laïcité. Selon Pie XII (allocution du 23 mars 1958), s’inspirant peut-être (sans le dire) de la théorie classique des « deux glaives »[6], il s’agit de maintenir les deux pouvoirs (spirituel et temporel) « distincts mais aussi toujours unis, selon de justes principes ».  

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    Quels principes ? Benoît XVI a déclaré dans une lettre au président du sénat italien (à l’occasion du congrès « liberté et laïcité » à Nursie, 14-16 octobre 2005) que « les droits fondamentaux représentent des valeurs antérieures à toute juridiction de l’Etat. Ils n’ont pas été créés par le législateur mais sont inscrits dans la nature même de la personne humaine et peuvent, par conséquent, renvoyer finalement au Créateur »[7].

    Bien que le pape ne précise pas davantage quels sont ces droits « fondamentaux », on peut raisonnablement penser qu’il se réfère ici aux principes du Décalogue, lequel énonce concrètement les devoirs et donc, corrélativement, les droits de l’homme révélés par le Seigneur Lui-même. 

    Somme toute, il en va de la laïcité comme des droits de l’homme sans Dieu : un concept dont le sens varie à ce point en est-il encore un ? Le poète Boileau (qui était aussi juriste de formation) disait déjà (art poétique, 1674) : « ce qui se conçoit bien s’énonce clairement et les mots pour le dire arrivent aisément ». Si ce n’est pas le cas, mieux vaudrait y renoncer.

     

    JEAN-PAUL SCHYNS

     


    [1]. François Foret (dir.), Politique et religion en France et en Belgique. L’héritage chrétien en question, Editions de l’Université de Bruxelles, 2009. François Foret est directeur de recherches politiques à l’Institut d’études européennes de l’ULB.

    [2] En ce sens, depuis le vote de la Déclaration « Dignitatis humanae » (1965) par le concile Vatican II, l’Eglise n’a eu de cesse de faire abolir les dispositions constitutionnelles ou concordataires qui, en Europe ou ailleurs, conféraient au catholicisme le statut de religion d’Etat. A l’ancienne doctrine, qui « tolérait » l’expression publique des autres cultes, elle substitua celle de l’Eglise libre dans l’Etat libre favorisant le concert pluraliste des religions.

    [3] Non sans courir le risque d' induire, à cet égard, certaines apparences d’ambiguïté : on se souvient par exemple que, dans l’affaire de mœurs à charge du curé (à l’époque : 1992) de Kinkempois, un arrangement avait été pris pour que le coupable purge sa peine de privation de liberté dans une abbaye. Semblablement, aujourd’hui, la commission interdiocésaine pour le traitement des plaintes pour abus sexuels commis dans l'exercice de relations pastorales  (sic) avait conclu avec le collège des procureurs généraux et le ministre de la justice (pouvoir exécutif) un agreement relatif à certaines modalités de traitement des informations que cette commission déciderait, sous sa propre responsabilité, de transmettre au parquet, restant sauve l'indépendance de ce dernier dans l’exercice des recherches et poursuites individuelles. Toutefois, comme le pouvoir judiciaire n’était pas lié par l’accord (dont le seul but était de faciliter les contacts entre la commission et le parquet, nullement de ressusciter une manière de privilège du for ecclésiastique), un magistrat instructeur n’a pas hésité à faire saisir brutalement tous les dossiers de la commission, dans les circonstances que l’on sait, humiliantes pour l’Eglise.

    [4]. Le texte du débat est publié dans l’ouvrage  Est-ce que Dieu existe ? Dialogue sur la vérité, la foi et l’athéisme, paru en français aux éditions Payot (2006).

    [5]. Psaume 127 : Si le Seigneur ne bâtit pas la maison, en vain travaillent ceux qui la bâtissent.

    [6]. Selon cette théorie, le pouvoir spirituel de l’Eglise, qui commande et ordonne le bien commun surnaturel, et le pouvoir temporel de la société civile, qui commande et ordonne le bien commun naturel, ne peuvent s’opposer : ils se complètent et doivent s’aider mutuellement, sachant que le pouvoir spirituel prime sur le pouvoir temporel (comme l’explique saint Thomas d’Aquin dans le De Regno). Les deux ont le même objet sous des modalités différentes : le bien des âmes.

    [7].Dans son testament spirituel « Mémoire et Identité » (Flammarion , 2005, p. 162) Jean-Paul II ne dit pas autre chose : « La loi établie par l’homme a des limites précises que l’on ne peut franchir. Ce sont les limites fixées par la loi naturelle, par laquelle c’est Dieu lui-même qui protège les biens fondamentaux de l’homme »

  • Monseigneur Léonard à Malines

     

     

    TE DEUM LAUDAMUS

     

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    La rumeur circulait depuis plusieurs jours mais c'est officiel maintenant: ce lundi 18 janvier 2010, le Saint-Père Benoît XVI a accepté le renoncement au gouvernement pastoral de l'archidiocèse de Malines-Bruxelles présenté par le Cardinal Godfried Danneels, conformément au can. 401 § 1 du Code de Droit Canonique et Benoît XVI a nommé Archevêque de Malines-Bruxelles (Belgique) Son Excellence Monseigneur André-Mutien Léonard, jusqu'à présent Évêque de Namur.

     

    logo.gifEndossant les fonctions de Primat de Belgique, le nouvel archevêque changera aussi de prénom: comme évêque de Namur il avait choisi de s'appeler André-Mutien,en l'honneur de l'humble Frère Mutien-Marie de Malonne. Comme archevêque-primat  il s'appelera André-Joseph, se référant au saint patron de la Belgique (qui est aussi celui du pape Benoît XVI) mais il conservera son blason où figurent le pont de Jambes (localité dont il est originaire) et le cor de chasse symbole de nos forêts de l'Ardenne.

    xembourgeoisesIl con. Il conserve

    Nous nous joignons à tous ceux qui accueillent avec joie la nomination qui fait de Monseigneur Léonard le "primus inter pares" au sein de l'épiscopat belge. De ce docteur et pasteur remarquable (un homme de foi, un esprit libre, loin des caricatures que font de lui les idéologues de tous bords) nombre d'entre nous ont déjà beaucoup reçu (vie sacramentelle, récollections, pèlerinages, sermons, conférences, publications) et nous sommes sûrs que le Seigneur va bénir son apostolat dans les nouvelles et hautes responsabilités dont il est investi.

     

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    Monseigneur Léonard: conférence de rentrée à l'église du Saint-Sacrement à Liège (septembre 2007) 

     

     

    L'élu aura 70 ans au mois de mai prochain. "Devenir archevêque m'impressionne, a-t-il déclaré, mais cela me donne un coup de jeune: je dois bien reconnaître que l'énormité de la tâche me fait peur mais qu'elle me stimule aussi".

     

    Sursum corda!

      

    Si vous souhaitez envoyer un courriel de félicitations au nouvel archevêque de Malines-Bruxelles et l'assurer de vos prières vous pouvez utiliser le site www.monseigneur-leonard.be en cliquant sur contact, en bas à droite ou écrire tout simplement à  mgr.leonard@skynet.be

    Ecrivez aussi au Nonce Apostolique, en lui demandant de remercier le Saint Père pour le choix de Mgr Léonard comme primat de Belgique.Voici son adresse: S.E.R. Mgr Giacinto Berloco, Avenue des Franciscains, 1150 Bruxelles.Fax nr 02.7622032. Courriel :nonciature.apostolique.be@skynet.be 

    Si vous voulez, il y a encore la pétition à souscrire ici : http://www.pro-leonard.be/index_fr.php

    et en cliquant ici: http://www.seletlumieretv.org/program_francais_temoin.html  vous découvrirez une belle interview de Mgr Léonard, réalisée au Québec, lors d'un congrès eucharistique.


     
    A QUOI JOUE-T-ON ?

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    Monsieur Mutien-Omer Houziaux (Esneux),  nous a transmis la lettre ouverte qu’il a adressée à  Jean-Paul Duchâteau, éditorialiste de « La Libre Belgique », un journal quotidien qui, avec « Le Soir », s’est largement investi dans l’agitation médiatique déployée autour de la nomination de Mgr Léonard comme archevêque et primat de Belgique. La première charge des deux consoeurs (Thérèse et Léopoldine, comme on disait jadis) a eu lieu le samedi 16 janvier. Pour faire bonne mesure elle était assaisonnée (sur une page entière dans « Le Soir » et dans une rubrique ouverte aux commentaires sur les sites web des deux  journaux) d’une attaque cathophobe grotesque contre « Les liaisons dangereuses d’Herman Van Rompuy », coupable d’avoir animé avec le vice-président de la chambre des députés d’Italie Rocco Buttiglione   (voici trois mois, à la salle académique de l’Université de Liège) une grande conférence sur l’encyclique sociale de Benoît XVI « Caritas in Veritate ». Quel rapport ? Amalgamez le tout et lisez le message subliminal : Benoît XVI, Buttiglione, Van Rompuy, Léonard -bref, la camorra des ultras- est infiltrée partout dans les sphères du pouvoir. Cqfd. Que de bêtise et de médiocrité!

     

    Le commentaire de M. Houziaux ne l'envoit pas dire. Il a été publié dans La Libre Belgique du 19 janvier dont l’éditorial invite tout à coup les catholiques belges à « cesser de s’excommunier » entre eux. Le journal pyromane du samedi se fait pompier le mardi. Mais à quoi joue-t-on ? 

     

    Voici le texte de la lettre de Monsieur Houziaux :

     

     

    Lettre ouverte à  Monsieur Jean-Paul Duchâteau,

    Rédacteur en chef de La Libre Belgique 

     

    Monsieur le Rédacteur en chef,

    La Libre Belgique, un journal  d’opinion : ainsi vos aînés se plaisaient-ils à présenter leur quotidien, par opposition, notamment, avec « le neutre de la capitale » (Le Soir). Il y a belle lurette que LLB a renié ses origines et qu’elle pratique des… « liaisons autrement dangereuses ».  Ainsi, de reniement en reniement, la Rédaction de LLB a négocié d’audacieux virages. Cela ne date pas d’hier, mais ledit quotidien est en train, sous votre « règne », d’exécuter un magistral  tête-à-queue. Votre édito assassin sur « Le choix du Pape » (16-01-10) est une véritable déclaration de guerre à l’Église de Belgique en tant qu'Institution. Étrange hommage rendu à vos prédécesseurs d’il y a quelques décennies ! Que cela vous plaise ou non, c’est bien le Pape qui nomme les évêques, archevêques, primats et cardinaux ; « la base » (selon la terminologie en usage chez les progressistes autoproclamés) serait bien avisée de prendre, en ces matières, un profil bas. Las ! l’arrogance du discours politiquement correct est amplifiée par votre (quasi) unique et « courageux » chroniqueur, l’incontournable chouchou de « la base », qui, dans sa rage de mauvais perdant, finit par en oublier l’évangélique « Tu es Petrus ».

    En lisant le point 2) de votre éditorial, on pense à ces pompiers pyromanes qui, profitant de leur statut, boutent le feu aux biens qu’ils feignent de protéger. Comme pour mieux vous assurer de l’ardeur d’un brasier qu’en fait vous appelez de vos vœux, vous prophétisez : l’arrivée de Mgr Léonard à l’archiépiscopat  « divisera la communauté des chrétiens en Belgique ». On peut difficilement imaginer plus exécrable  vilenie. Avec une odieuse délectation, vous jouez les cassandres, comme si votre qualité de journaliste vous octroyait tous les droits, y compris celui de torpiller toute entreprise qui n’a pas l’heur de recueillir votre assentiment, un assentiment qu’en l’occurrence, le Pape n’a pas à solliciter de « la base ». Si vous êtes thuriféraire de Mgr Danneels, c’est moins pour gratifier le Cardinal d’un encens qu’il mérite assurément que pour flétrir la figure de son successeur. Cela rappelle le scénario concocté lors de la nomination de l’abbé Léonard à la tête du diocèse de Namur : le journal Vers l’Avenir avait récolté des dizaines et des dizaines de signatures pour remercier les « sortants », histoire de promettre la vie dure au nouvel arrivant. Mal leur en prit, car Mgr Léonard, toujours facétieux, avait glissé sa signature parmi celle des rebelles.  À malin, malin et demi. Méfiez-vous !

    Pour votre gouverne, Mgr Danneels N’est PAS plus partisan de la libéralisation de l’avortement et de l’euthanasie que Mgr Léonard, et je doute fort que les manipulations effectuées à Leuven – Louvain-la-Neuve sur des embryons réifiés, honteusement qualifiés de « surnuméraires », soient davantage du goût de l’un que de l’autre. Vous voulez ratisser (encore) plus large ? Les actionnaires vous intiment de vendre davantage de papier ? Comme les cartes de Carmen annoncent « La Mort, toujours La Mort »,  votre « daimôn » vous serine-t-il  « La base , toujours la base  » ?  Alors, ne perdez pas de temps ! Pour les futurs éditos de LLB, engagez sans plus tergiverser une certaine Vice-Première socialiste : son anticléricalisme atavique fera merveille dans un boulot par ailleurs indigne de vous. Mais c’est une « liaison » qui pourrait se révéler dangereuse…

    Agréez, je vous prie, Monsieur le Rédacteur en chef, mes salutations attristées.    

    Mutien-Omer Houziaux,

    Ancien embryon, chrétien librement soumis à la Vox Romana.

    •  

    FRANCHEMENT HEUREUX  !

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    L'abbé Jean Schoonbroodt (église du Saint-Sacrement à Liège)

    au Journal La Meuse (19.01.2010):

     "Je suis confiant et franchement heureux de cette nomination" 

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    ON SE CALME !
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    Rappelant qu'en vertu du protocole de l'Etat, le primat de Belgique se situe par exemple avant le président de la Cour constitutionnelle, Mme Laurette Onkelinx, vice-premier ministre du gouvernement fédéral a expliqué sur les antennes de la RTBF que les positions jugées conservatrices de Mgr André Léonard pourraient remettre en cause le compromis belge qui se fonde sur le principe de neutralité. Monseigneur Léonard, a-t-elle déclaré sur la "Une" a "souvent remis en question des décisions prises par le parlement" et a "des positions éthiques qui posent problème, notamment son opposition à l'avortement et à l'euthanasie". Madame Onkelinx est juriste, paraît-il, et son mari constitutionaliste. Dans une carte blanche publiée le 20 janvier par le journal "Le Soir", Frédéric Amez, assistant aux facultés universitaires Notre-Dame de la Paix (Namur) lui donne cette petite leçon de droit public belge:
    QUI MENACE LE COMPROMIS BELGE ?
    La désignation de l'évêque de Namur à la tête de l'archevêché de Malines-Bruxelles suscite des réactions partagées. Ce n'est pas une surprise, s'agissant d'un homme dont, il faut le dire, le sens de la diplomatie n'est pas forcément la première qualité. Quelqu'un qui a en tout cas un avis tranché sur la question, c'est le vice-premier ministre et ministre des affaires sociales, Laurette Onkelinx. Selon elle, Monseigneur Léonard, par ses prises de positions s'opposant à certaines législations belges récentes (avortement, euthanasie, mariage homosexuel...) mettrait en péril le "compromis belge" en matière de rapports Eglise-Etat.
    Sans doute est-ce l'occasion de rappeler brièvement en quoi consiste ce "compromis belge". Il convient d'évoquer d'abord l'article 19 de la Constutution, qui dispose que: "la liberté des cultes, celle de leur exercice public, ainsi que la liberté de manifester ses opinions en toute matière, sont garanties". Le Constituant ne se contente pas de proclamer la liberté de culte: il en fait, par la formulation utilisée, l'exemple par excellence de la liberté plus générale d'expression. La seule disposition légale qui limite la liberté d'expression dans le cas spécifique des ministres des cultes est l'article 268 du Code pénal, qui punit ceux qui, dans le cadre de leur ministère, attaqueraient directement le gouvernement ou un acte de l'autorité publique.
    Par "attaque directe", il ne faut pas entendre la simple expression d'une opinion critique, mais une incitation à la désobéissance. A notre connaissance, jamais Monseigneur Léonard n'a appelé les fidèles catholiques à enfreindre les lois dont il a désapprouvé l'adoption. S'il est opposé à l'avortement et à l'euthanasie, il n'est pas le seul. En ce qui concerne le mariage de personnes de même sexe, il est bon de rappeler que le premier opposant à cette loi ne fut autre que le Conseil d'Etat. Si tous les Belges ont le droit d'exprimer une opinion critique à l'égard de la loi, on ne voit pas pourquoi les évêques seraient privés de cette liberté garantie par la Consitution autant que par la Convention européenne des droits de l'homme. Et on ne se souvient pas non plus avoir jamais entendu l'actuel archevêque, tant loué pour sa tolérance et son ouverture d'esprit, applaudir à l'adoption des législations désapprouvées par son successeur.
    Le fait que Benoît XVI ait désigné Monseigneur Léonard pour occuper la cathèdre de Saint-Rombaut change-t-il la donne ? Le primat de Belgique est-il soumis à un devoir de réserve particulier ? Certes non. Le régime belge des cultes, ce fameux "compromis belge", repose sur deux principes de base. Le premier est celui de la non-intervention de l'Etat dans la nomination et l'installation des ministres des cultes (article 21 de la Constitution). Le second est l'obligation pour l'Etat de rémunérer les ministres nommés par l'autorité religieuse compétente (article 181 § 1er de la Constitution): ce "compromis" est la confirmation par le Constituant de 1831 du concordat conclu entre Napoléon Bonaparte et le pape Pie VII en 1801 et n'a jamais été remis en cause depuis lors. Au contraire, étendu en 1831 aux cultes protestant et israélite, il bénéficie maintenant aussi aux cultes orthodoxe et islamique.
    Il en résulte que si les ministres des cultes sont effectivement rémunérés par l'Etat, ils ne sont ni fonctionnaires ni magistrats, et ne sont donc pas soumis au devoir de réserve qui est imposé à ces derniers. Il n'appartient pas au gouvernement d'interdire au Saint-Siège la nomination de tel ou tel évêque qui ne lui conviendrait pas, ni de prendre des mesures de rétorsion à l'égard de ce dernier. C'est au contraire en brandissant une telle menace qu'un ministre prend le risque de briser le subtil équilibre qui régit les rapports entre l'Etat et les institutions du culte qui est encore celui de la plus grande partie de ses citoyens".
    JEAN-MAURICE DEHOUSSE PLAIDE POUR ANDRE LEONARD
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    Que va dire Laurette ? Sous le titre "Présomption d'innocence", l'ancien bourgmestre socialiste de Liège, Jean-Maurice Dehousse défend Mgr Léonard dans le "courrier des lecteurs" du journal "Vers l'Avenir" du samedi 23 janvier, dans les termes que voici:
    "La nomination de l'évêque de Namur au rang d'archevêque de Malines-Bruxelles émeut curieusement certaines langues et certaines plumes. Que cette nomination énerve les catholiques de Belgique, ou certains d'entre eux, c'est bien leur droit. Gabriel Ringlet l'a expliqué. Mais que les autres, tous ces apôtres de la "libre pensée" qui, le prélat à peine changé de siège (...) , proclament des condamnations sans appel, c'est tout de même un peu fort.
    Le Pape a choisi de promouvoir quelqu'un de son camp. Divine surprise! De toutes les Excellences belges qui vomissent "l'heureux élu", qui n'en eût fait autant (et ne l'a pas déjà fait mille fois) en se préparant à recommencer?(...)
    N'a-t-on pas le droit -et même le devoir- de juger la nomination de Mgr Léonard sur ses actes, à savoir tous ceux qui sont encore à venir ?
    Pour ma part, j'ai -lors de débats- apprécié le sens dialectique de l'évêque, certes, mais aussi le fait qu'il ne craint pas d'afficher ses convictions (...). Quant à ce qu'il fait dans l'Eglise ou de l'Eglise, c'est l'affaire des croyants de cette Eglise, et non la mienne.
    Pour le reste, je suis assez satisfait, après tant de pelletées de nominations flamandes, de voir un francophone enfin promu. Quatre vingt quatre ans après le décès du cardinal de la Première Guerre, Mgr Mercier, ce n'est vraiment pas trop tôt. Une voix wallonne par siècle au Vatican, est-ce déjà devenu trop demander ? (...)"