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Réflexion faite - Page 100

  • L'EGLISE ET L'ETAT: réflexion faite en marge de l'actualité belge

     

     

    INOPERANTES LAÏCITES

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    Une conférence avait été organisée le 24 janvier 2008 à Bruxelles, sous  le titre « Héritage chrétien » en République et Consociation. L’ouvrage collectif qui en est issu est maintenant publié[1]. Des historiens et des sociologues, la plupart issus de l’ULB et de la Sorbonne, y apportent surtout leurs lumières sur le développement du concept de la « laïcité » : sa place dans la vie publique belge et française, dans les législations respectives des deux pays et les conventions internationales ou supranationales qui s’imposent à elles. Il ressort de ces échanges que la notion même de laïcité (le mot dérive de laïc, non clerc, qui est d’origine ecclésiale) n’est pas univoque, ni en termes de sociologie, ni en termes de droit positif. La question se pose alors de savoir si une notion aussi imprécise, voire confuse, présente une vraie utilité opérationnelle pour les sciences humaines.

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    L’article 1er de la constitution française de 1958 proclame que la France est un Etat laïc, sans définir ce qu’il entend par là. A cet égard, il eût été intéressant de disposer d’une analyse jurisprudentielle, malheureusement absente des dissertations sociopolitiques de ce colloque. 

    Rien n’est simple. Ainsi, le concept de laïcité n’est pas forcément synonyme de séparation des Eglises et de l’Etat. De ce point de vue même, la célèbre loi de 1905 expulsant l’Eglise de la sphère publique française n’a pas empêché la République d’entretenir des liens avec elle : loi sur les édifices publics mis à la disposition du culte (1907), rétablissement des relations diplomatiques avec le Saint-Siège (1921), applicabilité du concordat de 1801 en Alsace-Moselle (1925), loi Debré sur les rapports entre l’Etat et les établissements scolaires privés (1959), accord avec le Saint-Siège sur la reconnaissance des diplômes délivrés par l’enseignement supérieur catholique (2008) etc.

    Ajoutant à la perplexité de l’observateur étranger, l’actuel président de la République française, lors de sa réception paradoxale (pour le Chef d’un Etat séparé de l’Eglise) comme chanoine honoraire de l’archi-basilique du Latran à Rome (2007), a appelé de ses vœux l’avènement d’une laïcité positive reconnaissant que les religions constituent un atout sociétal ![2]

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    Les choses sont-elles plus claires en Belgique ? L’Etat belge n’est pas laïc en ce sens qu’il serait porteur de valeurs publiques transcendant les religions privées, ni obligatoirement agnostique devant le phénomène religieux : la laïcité est assimilée, par la loi, aux cultes reconnus, en tant que philosophie du « libre examen ».  Parler de séparation de l’Eglise et de l’Etat serait aussi inapproprié, si l’on entend par là qu’ils n’ont rien à voir ensemble. 

    Les dispositions constitutionnelles et légales organisent plutôt une certaine indépendance dans le respect mutuel[3]. Et même un peu plus : à ce titre, on peut citer, la rémunération par l’Etat des ministres des cultes reconnus et divers privilèges ou contraintes connexes, la répression pénale propre aux désordres et outrages touchant à l’exercice ou aux objets du culte, à la personne de ses ministres ou à leur habit officiel ; l’organisation de préséances protocolaires ou diplomatiques; les honneurs civils et militaires rendus lors de certaines cérémonies religieuses officielles, comme le « Te Deum », mais aussi les poursuites pénales spécifiques contre les ministres du culte qui attaqueraient « directement » un acte de l’autorité publique ou célébreraient le mariage religieux des époux avant leur mariage civil.

    On comprend ainsi pourquoi la neutralité des pouvoirs publics n’est pas mentionnée, comme telle, dans la constitution même si certains la déduisent de l’interdiction des discriminations et du principe d’égalité qui y sont inscrits. Face à la pluralité des religions, cette neutralité est, pour le moins, toute relative puisque l’Etat (et à sa suite les autres pouvoirs publics) soutient le libre développement des activités religieuses et apporte son aide et sa protection aux sept cultes (laïcité comprise) qu’il reconnaît, parmi lesquels – primus inter pares – le catholicisme romain. Il faut donc, à tout le moins, parler d’une neutralité « positive ». 

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    Les traités internationaux ou supranationaux auxquels souscrivent la France et la Belgique n’imposent aucun modèle à leurs relations avec les cultes. En Europe, comme ailleurs, le statut de ceux-ci varie.

    L’article 17 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne précise que :

     

    - « L’Union respecte et ne préjuge pas du statut dont bénéficient, en vertu du droit national, les Eglises et les associations ou communautés religieuses dans les Etats membres » ;

    -« L’Union respecte également le statut dont bénéficient, en vertu du droit national, les organisations philosophiques et non confessionnelles » ;

    -« Reconnaissant leur identité et leur contribution spécifique, l’Union maintient un dialogue ouvert, transparent et régulier avec ces Eglises et organisations ».

     

    Il en résulte que :

    - de la laïcité de l’Etat (France) aux religions d’Etat (Danemark, Grèce, Norvège, Royaume-Uni), en passant par les régimes concordataires (du type espagnol, italien, polonais, portugais, allemand, alsacien-mosellan) ou sui generis (comme en Belgique ou en Irlande), l’Union européenne respecte et s’accommode des divers statuts conférés aux cultes par les droits nationaux de ses Etats membres ;

    - dans sa propre relation avec les cultes, l’Union est plus proche du modèle belge que de la laïcité républicaine à la française : celle-ci demeure une exception historiquement datée et sans doute appelée à évoluer. 

    Quoi qu’il en soit des gloses de cet ouvrage sur la portée du concept de « laïcité » (considérée comme un postulat), il n’aborde pas l’enjeu fondamental : l’Etat moderne doit-il demeurer sans religion, désormais agnostique, séparé, pluraliste ou neutre ? C’est la question du rapport de celui-ci à la Vérité. Quid est veritas ? demandait Pilate à Jésus.

    A cet égard, la philosophie des « Lumières », au XVIIIe siècle, posait déjà le problème de la conciliation de deux principes qu’elle énonçait : la souveraineté absolue de l’homme sur lui-même, dans ses pensées comme dans sa volonté (Kant) et la nécessité pour l’Etat que chaque citoyen ait une religion « qui lui fasse aimer ses devoirs » (Rousseau).

    Quels devoirs ? Eriger son jugement propre en loi universelle n’est possible que dans une société où nombre de valeurs sont partagées, sans quoi c’est l’anarchie. Il doit donc y avoir un « pacte moral », une profession de « foi » civile en quelque vérité inaltérable qui, en amont du droit positif, fonde le lien social sans lequel l’homme ne peut pas vivre. La question est alors de savoir comment et sur quelle base créer ce consensus éthique fondamental pour la vie en société.

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    Sur ce point, une controverse (au sens de la disputatio médiévale) fut organisée, au théâtre Quirino à Rome le 21 septembre 2000, entre le cardinal Ratzinger, futur Benoît XVI, et un professeur à l’Université romaine de la Sapienza, le philosophe Paolo Flores d’Arcais, pour explorer des voies de convergence possibles[4]. Au moment décisif du dialogue, le modérateur – Gad Lerner, journaliste à la  Repubblica – s’est demandé si des principes aussi fondamentaux que ceux du Décalogue ne pourraient pas être retenus comme base éthique commune, même par des athées (qui y souscriraient seulement « velut si [comme si] Deus daretur »). Mais cette proposition fut aussitôt rejetée par le philosophe laïc. 

    Ce dernier nia que certaines règles morales ou de droit naturel  puissent constituer des postulats, ou des acquis irréversibles, pour l’humanité : le contrat social est toujours relatif, contingent, renégociable. Ainsi, certains revendiquent-ils maintenant à l’ONU l’insertion de nouveaux « droits » (à l’avortement, à l’euthanasie, au choix du « genre » etc.) dans une Déclaration universelle des droits de l’homme vieille de 50 ans à peine (1948) ! Tout s’écoule, disait déjà le vieil Héraclite. Pareille impasse montre à quel point une définition véritablement universelle (« ubique, semper et ab omnibus ») des droits (et donc des devoirs) humains sans Dieu semble aléatoire.

    Et l’argument selon lequel une laïcité positive permettrait aux religions de contribuer à l’accession de la conscience collective de l’humanité au Souverain Bien paraît faible si tout socle transcendant (ou loi naturelle, comme vous voudrez) imprescriptible est a priori exclu de sa définition. En des temps pas si lointains n’avions nous pas déjà entendu parler d’une autre contribution « positive » : celle des religions à l’édification du socialisme marxiste . Qu’en reste-t-il aujourd’hui ? « Nisi Dominus aedificaverit domum, in vanum laboraverunt qui aedificant eam »[5] : ceci vaut pour les sociétés comme pour les individus. 

    Pie XII et Benoît XVI ont parlé, dans un tout autre sens, d’une « saine » laïcité. Selon Pie XII (allocution du 23 mars 1958), s’inspirant peut-être (sans le dire) de la théorie classique des « deux glaives »[6], il s’agit de maintenir les deux pouvoirs (spirituel et temporel) « distincts mais aussi toujours unis, selon de justes principes ».  

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    Quels principes ? Benoît XVI a déclaré dans une lettre au président du sénat italien (à l’occasion du congrès « liberté et laïcité » à Nursie, 14-16 octobre 2005) que « les droits fondamentaux représentent des valeurs antérieures à toute juridiction de l’Etat. Ils n’ont pas été créés par le législateur mais sont inscrits dans la nature même de la personne humaine et peuvent, par conséquent, renvoyer finalement au Créateur »[7].

    Bien que le pape ne précise pas davantage quels sont ces droits « fondamentaux », on peut raisonnablement penser qu’il se réfère ici aux principes du Décalogue, lequel énonce concrètement les devoirs et donc, corrélativement, les droits de l’homme révélés par le Seigneur Lui-même. 

    Somme toute, il en va de la laïcité comme des droits de l’homme sans Dieu : un concept dont le sens varie à ce point en est-il encore un ? Le poète Boileau (qui était aussi juriste de formation) disait déjà (art poétique, 1674) : « ce qui se conçoit bien s’énonce clairement et les mots pour le dire arrivent aisément ». Si ce n’est pas le cas, mieux vaudrait y renoncer.

     

    JEAN-PAUL SCHYNS

     


    [1]. François Foret (dir.), Politique et religion en France et en Belgique. L’héritage chrétien en question, Editions de l’Université de Bruxelles, 2009. François Foret est directeur de recherches politiques à l’Institut d’études européennes de l’ULB.

    [2] En ce sens, depuis le vote de la Déclaration « Dignitatis humanae » (1965) par le concile Vatican II, l’Eglise n’a eu de cesse de faire abolir les dispositions constitutionnelles ou concordataires qui, en Europe ou ailleurs, conféraient au catholicisme le statut de religion d’Etat. A l’ancienne doctrine, qui « tolérait » l’expression publique des autres cultes, elle substitua celle de l’Eglise libre dans l’Etat libre favorisant le concert pluraliste des religions.

    [3] Non sans courir le risque d' induire, à cet égard, certaines apparences d’ambiguïté : on se souvient par exemple que, dans l’affaire de mœurs à charge du curé (à l’époque : 1992) de Kinkempois, un arrangement avait été pris pour que le coupable purge sa peine de privation de liberté dans une abbaye. Semblablement, aujourd’hui, la commission interdiocésaine pour le traitement des plaintes pour abus sexuels commis dans l'exercice de relations pastorales  (sic) avait conclu avec le collège des procureurs généraux et le ministre de la justice (pouvoir exécutif) un agreement relatif à certaines modalités de traitement des informations que cette commission déciderait, sous sa propre responsabilité, de transmettre au parquet, restant sauve l'indépendance de ce dernier dans l’exercice des recherches et poursuites individuelles. Toutefois, comme le pouvoir judiciaire n’était pas lié par l’accord (dont le seul but était de faciliter les contacts entre la commission et le parquet, nullement de ressusciter une manière de privilège du for ecclésiastique), un magistrat instructeur n’a pas hésité à faire saisir brutalement tous les dossiers de la commission, dans les circonstances que l’on sait, humiliantes pour l’Eglise.

    [4]. Le texte du débat est publié dans l’ouvrage  Est-ce que Dieu existe ? Dialogue sur la vérité, la foi et l’athéisme, paru en français aux éditions Payot (2006).

    [5]. Psaume 127 : Si le Seigneur ne bâtit pas la maison, en vain travaillent ceux qui la bâtissent.

    [6]. Selon cette théorie, le pouvoir spirituel de l’Eglise, qui commande et ordonne le bien commun surnaturel, et le pouvoir temporel de la société civile, qui commande et ordonne le bien commun naturel, ne peuvent s’opposer : ils se complètent et doivent s’aider mutuellement, sachant que le pouvoir spirituel prime sur le pouvoir temporel (comme l’explique saint Thomas d’Aquin dans le De Regno). Les deux ont le même objet sous des modalités différentes : le bien des âmes.

    [7].Dans son testament spirituel « Mémoire et Identité » (Flammarion , 2005, p. 162) Jean-Paul II ne dit pas autre chose : « La loi établie par l’homme a des limites précises que l’on ne peut franchir. Ce sont les limites fixées par la loi naturelle, par laquelle c’est Dieu lui-même qui protège les biens fondamentaux de l’homme »

  • Monseigneur Léonard à Malines

     

     

    TE DEUM LAUDAMUS

     

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    La rumeur circulait depuis plusieurs jours mais c'est officiel maintenant: ce lundi 18 janvier 2010, le Saint-Père Benoît XVI a accepté le renoncement au gouvernement pastoral de l'archidiocèse de Malines-Bruxelles présenté par le Cardinal Godfried Danneels, conformément au can. 401 § 1 du Code de Droit Canonique et Benoît XVI a nommé Archevêque de Malines-Bruxelles (Belgique) Son Excellence Monseigneur André-Mutien Léonard, jusqu'à présent Évêque de Namur.

     

    logo.gifEndossant les fonctions de Primat de Belgique, le nouvel archevêque changera aussi de prénom: comme évêque de Namur il avait choisi de s'appeler André-Mutien,en l'honneur de l'humble Frère Mutien-Marie de Malonne. Comme archevêque-primat  il s'appelera André-Joseph, se référant au saint patron de la Belgique (qui est aussi celui du pape Benoît XVI) mais il conservera son blason où figurent le pont de Jambes (localité dont il est originaire) et le cor de chasse symbole de nos forêts de l'Ardenne.

    xembourgeoisesIl con. Il conserve

    Nous nous joignons à tous ceux qui accueillent avec joie la nomination qui fait de Monseigneur Léonard le "primus inter pares" au sein de l'épiscopat belge. De ce docteur et pasteur remarquable (un homme de foi, un esprit libre, loin des caricatures que font de lui les idéologues de tous bords) nombre d'entre nous ont déjà beaucoup reçu (vie sacramentelle, récollections, pèlerinages, sermons, conférences, publications) et nous sommes sûrs que le Seigneur va bénir son apostolat dans les nouvelles et hautes responsabilités dont il est investi.

     

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    Monseigneur Léonard: conférence de rentrée à l'église du Saint-Sacrement à Liège (septembre 2007) 

     

     

    L'élu aura 70 ans au mois de mai prochain. "Devenir archevêque m'impressionne, a-t-il déclaré, mais cela me donne un coup de jeune: je dois bien reconnaître que l'énormité de la tâche me fait peur mais qu'elle me stimule aussi".

     

    Sursum corda!

      

    Si vous souhaitez envoyer un courriel de félicitations au nouvel archevêque de Malines-Bruxelles et l'assurer de vos prières vous pouvez utiliser le site www.monseigneur-leonard.be en cliquant sur contact, en bas à droite ou écrire tout simplement à  mgr.leonard@skynet.be

    Ecrivez aussi au Nonce Apostolique, en lui demandant de remercier le Saint Père pour le choix de Mgr Léonard comme primat de Belgique.Voici son adresse: S.E.R. Mgr Giacinto Berloco, Avenue des Franciscains, 1150 Bruxelles.Fax nr 02.7622032. Courriel :nonciature.apostolique.be@skynet.be 

    Si vous voulez, il y a encore la pétition à souscrire ici : http://www.pro-leonard.be/index_fr.php

    et en cliquant ici: http://www.seletlumieretv.org/program_francais_temoin.html  vous découvrirez une belle interview de Mgr Léonard, réalisée au Québec, lors d'un congrès eucharistique.


     
    A QUOI JOUE-T-ON ?

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    Monsieur Mutien-Omer Houziaux (Esneux),  nous a transmis la lettre ouverte qu’il a adressée à  Jean-Paul Duchâteau, éditorialiste de « La Libre Belgique », un journal quotidien qui, avec « Le Soir », s’est largement investi dans l’agitation médiatique déployée autour de la nomination de Mgr Léonard comme archevêque et primat de Belgique. La première charge des deux consoeurs (Thérèse et Léopoldine, comme on disait jadis) a eu lieu le samedi 16 janvier. Pour faire bonne mesure elle était assaisonnée (sur une page entière dans « Le Soir » et dans une rubrique ouverte aux commentaires sur les sites web des deux  journaux) d’une attaque cathophobe grotesque contre « Les liaisons dangereuses d’Herman Van Rompuy », coupable d’avoir animé avec le vice-président de la chambre des députés d’Italie Rocco Buttiglione   (voici trois mois, à la salle académique de l’Université de Liège) une grande conférence sur l’encyclique sociale de Benoît XVI « Caritas in Veritate ». Quel rapport ? Amalgamez le tout et lisez le message subliminal : Benoît XVI, Buttiglione, Van Rompuy, Léonard -bref, la camorra des ultras- est infiltrée partout dans les sphères du pouvoir. Cqfd. Que de bêtise et de médiocrité!

     

    Le commentaire de M. Houziaux ne l'envoit pas dire. Il a été publié dans La Libre Belgique du 19 janvier dont l’éditorial invite tout à coup les catholiques belges à « cesser de s’excommunier » entre eux. Le journal pyromane du samedi se fait pompier le mardi. Mais à quoi joue-t-on ? 

     

    Voici le texte de la lettre de Monsieur Houziaux :

     

     

    Lettre ouverte à  Monsieur Jean-Paul Duchâteau,

    Rédacteur en chef de La Libre Belgique 

     

    Monsieur le Rédacteur en chef,

    La Libre Belgique, un journal  d’opinion : ainsi vos aînés se plaisaient-ils à présenter leur quotidien, par opposition, notamment, avec « le neutre de la capitale » (Le Soir). Il y a belle lurette que LLB a renié ses origines et qu’elle pratique des… « liaisons autrement dangereuses ».  Ainsi, de reniement en reniement, la Rédaction de LLB a négocié d’audacieux virages. Cela ne date pas d’hier, mais ledit quotidien est en train, sous votre « règne », d’exécuter un magistral  tête-à-queue. Votre édito assassin sur « Le choix du Pape » (16-01-10) est une véritable déclaration de guerre à l’Église de Belgique en tant qu'Institution. Étrange hommage rendu à vos prédécesseurs d’il y a quelques décennies ! Que cela vous plaise ou non, c’est bien le Pape qui nomme les évêques, archevêques, primats et cardinaux ; « la base » (selon la terminologie en usage chez les progressistes autoproclamés) serait bien avisée de prendre, en ces matières, un profil bas. Las ! l’arrogance du discours politiquement correct est amplifiée par votre (quasi) unique et « courageux » chroniqueur, l’incontournable chouchou de « la base », qui, dans sa rage de mauvais perdant, finit par en oublier l’évangélique « Tu es Petrus ».

    En lisant le point 2) de votre éditorial, on pense à ces pompiers pyromanes qui, profitant de leur statut, boutent le feu aux biens qu’ils feignent de protéger. Comme pour mieux vous assurer de l’ardeur d’un brasier qu’en fait vous appelez de vos vœux, vous prophétisez : l’arrivée de Mgr Léonard à l’archiépiscopat  « divisera la communauté des chrétiens en Belgique ». On peut difficilement imaginer plus exécrable  vilenie. Avec une odieuse délectation, vous jouez les cassandres, comme si votre qualité de journaliste vous octroyait tous les droits, y compris celui de torpiller toute entreprise qui n’a pas l’heur de recueillir votre assentiment, un assentiment qu’en l’occurrence, le Pape n’a pas à solliciter de « la base ». Si vous êtes thuriféraire de Mgr Danneels, c’est moins pour gratifier le Cardinal d’un encens qu’il mérite assurément que pour flétrir la figure de son successeur. Cela rappelle le scénario concocté lors de la nomination de l’abbé Léonard à la tête du diocèse de Namur : le journal Vers l’Avenir avait récolté des dizaines et des dizaines de signatures pour remercier les « sortants », histoire de promettre la vie dure au nouvel arrivant. Mal leur en prit, car Mgr Léonard, toujours facétieux, avait glissé sa signature parmi celle des rebelles.  À malin, malin et demi. Méfiez-vous !

    Pour votre gouverne, Mgr Danneels N’est PAS plus partisan de la libéralisation de l’avortement et de l’euthanasie que Mgr Léonard, et je doute fort que les manipulations effectuées à Leuven – Louvain-la-Neuve sur des embryons réifiés, honteusement qualifiés de « surnuméraires », soient davantage du goût de l’un que de l’autre. Vous voulez ratisser (encore) plus large ? Les actionnaires vous intiment de vendre davantage de papier ? Comme les cartes de Carmen annoncent « La Mort, toujours La Mort »,  votre « daimôn » vous serine-t-il  « La base , toujours la base  » ?  Alors, ne perdez pas de temps ! Pour les futurs éditos de LLB, engagez sans plus tergiverser une certaine Vice-Première socialiste : son anticléricalisme atavique fera merveille dans un boulot par ailleurs indigne de vous. Mais c’est une « liaison » qui pourrait se révéler dangereuse…

    Agréez, je vous prie, Monsieur le Rédacteur en chef, mes salutations attristées.    

    Mutien-Omer Houziaux,

    Ancien embryon, chrétien librement soumis à la Vox Romana.

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    FRANCHEMENT HEUREUX  !

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    L'abbé Jean Schoonbroodt (église du Saint-Sacrement à Liège)

    au Journal La Meuse (19.01.2010):

     "Je suis confiant et franchement heureux de cette nomination" 

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    ON SE CALME !
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    Rappelant qu'en vertu du protocole de l'Etat, le primat de Belgique se situe par exemple avant le président de la Cour constitutionnelle, Mme Laurette Onkelinx, vice-premier ministre du gouvernement fédéral a expliqué sur les antennes de la RTBF que les positions jugées conservatrices de Mgr André Léonard pourraient remettre en cause le compromis belge qui se fonde sur le principe de neutralité. Monseigneur Léonard, a-t-elle déclaré sur la "Une" a "souvent remis en question des décisions prises par le parlement" et a "des positions éthiques qui posent problème, notamment son opposition à l'avortement et à l'euthanasie". Madame Onkelinx est juriste, paraît-il, et son mari constitutionaliste. Dans une carte blanche publiée le 20 janvier par le journal "Le Soir", Frédéric Amez, assistant aux facultés universitaires Notre-Dame de la Paix (Namur) lui donne cette petite leçon de droit public belge:
    QUI MENACE LE COMPROMIS BELGE ?
    La désignation de l'évêque de Namur à la tête de l'archevêché de Malines-Bruxelles suscite des réactions partagées. Ce n'est pas une surprise, s'agissant d'un homme dont, il faut le dire, le sens de la diplomatie n'est pas forcément la première qualité. Quelqu'un qui a en tout cas un avis tranché sur la question, c'est le vice-premier ministre et ministre des affaires sociales, Laurette Onkelinx. Selon elle, Monseigneur Léonard, par ses prises de positions s'opposant à certaines législations belges récentes (avortement, euthanasie, mariage homosexuel...) mettrait en péril le "compromis belge" en matière de rapports Eglise-Etat.
    Sans doute est-ce l'occasion de rappeler brièvement en quoi consiste ce "compromis belge". Il convient d'évoquer d'abord l'article 19 de la Constutution, qui dispose que: "la liberté des cultes, celle de leur exercice public, ainsi que la liberté de manifester ses opinions en toute matière, sont garanties". Le Constituant ne se contente pas de proclamer la liberté de culte: il en fait, par la formulation utilisée, l'exemple par excellence de la liberté plus générale d'expression. La seule disposition légale qui limite la liberté d'expression dans le cas spécifique des ministres des cultes est l'article 268 du Code pénal, qui punit ceux qui, dans le cadre de leur ministère, attaqueraient directement le gouvernement ou un acte de l'autorité publique.
    Par "attaque directe", il ne faut pas entendre la simple expression d'une opinion critique, mais une incitation à la désobéissance. A notre connaissance, jamais Monseigneur Léonard n'a appelé les fidèles catholiques à enfreindre les lois dont il a désapprouvé l'adoption. S'il est opposé à l'avortement et à l'euthanasie, il n'est pas le seul. En ce qui concerne le mariage de personnes de même sexe, il est bon de rappeler que le premier opposant à cette loi ne fut autre que le Conseil d'Etat. Si tous les Belges ont le droit d'exprimer une opinion critique à l'égard de la loi, on ne voit pas pourquoi les évêques seraient privés de cette liberté garantie par la Consitution autant que par la Convention européenne des droits de l'homme. Et on ne se souvient pas non plus avoir jamais entendu l'actuel archevêque, tant loué pour sa tolérance et son ouverture d'esprit, applaudir à l'adoption des législations désapprouvées par son successeur.
    Le fait que Benoît XVI ait désigné Monseigneur Léonard pour occuper la cathèdre de Saint-Rombaut change-t-il la donne ? Le primat de Belgique est-il soumis à un devoir de réserve particulier ? Certes non. Le régime belge des cultes, ce fameux "compromis belge", repose sur deux principes de base. Le premier est celui de la non-intervention de l'Etat dans la nomination et l'installation des ministres des cultes (article 21 de la Constitution). Le second est l'obligation pour l'Etat de rémunérer les ministres nommés par l'autorité religieuse compétente (article 181 § 1er de la Constitution): ce "compromis" est la confirmation par le Constituant de 1831 du concordat conclu entre Napoléon Bonaparte et le pape Pie VII en 1801 et n'a jamais été remis en cause depuis lors. Au contraire, étendu en 1831 aux cultes protestant et israélite, il bénéficie maintenant aussi aux cultes orthodoxe et islamique.
    Il en résulte que si les ministres des cultes sont effectivement rémunérés par l'Etat, ils ne sont ni fonctionnaires ni magistrats, et ne sont donc pas soumis au devoir de réserve qui est imposé à ces derniers. Il n'appartient pas au gouvernement d'interdire au Saint-Siège la nomination de tel ou tel évêque qui ne lui conviendrait pas, ni de prendre des mesures de rétorsion à l'égard de ce dernier. C'est au contraire en brandissant une telle menace qu'un ministre prend le risque de briser le subtil équilibre qui régit les rapports entre l'Etat et les institutions du culte qui est encore celui de la plus grande partie de ses citoyens".
    JEAN-MAURICE DEHOUSSE PLAIDE POUR ANDRE LEONARD
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    Que va dire Laurette ? Sous le titre "Présomption d'innocence", l'ancien bourgmestre socialiste de Liège, Jean-Maurice Dehousse défend Mgr Léonard dans le "courrier des lecteurs" du journal "Vers l'Avenir" du samedi 23 janvier, dans les termes que voici:
    "La nomination de l'évêque de Namur au rang d'archevêque de Malines-Bruxelles émeut curieusement certaines langues et certaines plumes. Que cette nomination énerve les catholiques de Belgique, ou certains d'entre eux, c'est bien leur droit. Gabriel Ringlet l'a expliqué. Mais que les autres, tous ces apôtres de la "libre pensée" qui, le prélat à peine changé de siège (...) , proclament des condamnations sans appel, c'est tout de même un peu fort.
    Le Pape a choisi de promouvoir quelqu'un de son camp. Divine surprise! De toutes les Excellences belges qui vomissent "l'heureux élu", qui n'en eût fait autant (et ne l'a pas déjà fait mille fois) en se préparant à recommencer?(...)
    N'a-t-on pas le droit -et même le devoir- de juger la nomination de Mgr Léonard sur ses actes, à savoir tous ceux qui sont encore à venir ?
    Pour ma part, j'ai -lors de débats- apprécié le sens dialectique de l'évêque, certes, mais aussi le fait qu'il ne craint pas d'afficher ses convictions (...). Quant à ce qu'il fait dans l'Eglise ou de l'Eglise, c'est l'affaire des croyants de cette Eglise, et non la mienne.
    Pour le reste, je suis assez satisfait, après tant de pelletées de nominations flamandes, de voir un francophone enfin promu. Quatre vingt quatre ans après le décès du cardinal de la Première Guerre, Mgr Mercier, ce n'est vraiment pas trop tôt. Une voix wallonne par siècle au Vatican, est-ce déjà devenu trop demander ? (...)"
  • patrimoine religieux

     

    DECOUVRIR

    L'EGLISE DU SAINT-SACREMENT A LIEGE

    Boulevard d'Avroy, 132

     

    1. LES JOURS ET HEURES D'OUVERTURE

     

    Messes dominicales: 10h00 en latin (missel de 1962, grégorien et orgue, ensemble à cordes le 1er dimanche du mois). 11h15 en français (missel de 1970, orgue et chants grégoriens). Des messes grégoriennes sont également célébrées chaque jour durant la semaine: lundi, mercredi et vendredi à 18h00 et mardi, jeudi et samedi à 08h30 

    Confessions et adoration eucharistique: tous les mardis de 17h00 à 19h00 (17h00, vêpres grégoriennes suivies d'un temps de méditation; 18h00, chapelet suivi des litanies du Sacré-Coeur; 18h45, bénédiction du Saint-Sacrement suivie de l'angélus.

    Journées "Portes ouvertes"tous les jeudis: de 08h00 à 12h00 (08h30, messe; 09h30 confessions jusqu'à 11h30), de 14h30 à 17h00 (adoration du Saint-Sacrement)  et de 20h30 à 22h00 (office de complies suivi de la répétition de la schola grégorienne: la schola chante le propre grégorien à la messe dominicale de 10h00. Apprendre à chanter le répertoire: tel. 04.344.10.89)

    Rosaire en l'honneur de N.-D. de Fatima: tous les 1er samedis du mois de 14h00 à 16h00 (messe basse ad libitum)

    Visites guidées (groupes de 5 personnes minimum): tél. asbl "Sursum Corda" 04.344.10.89, courriel sursumcorda@skynet.be

     

    2. UN PEU D'HISTOIRE

     

    couvent détail031.jpgA partir de 1497, selon l'historien Joseph Daris, un prieuré des Augustins chaussés se construisit à Liège, sur la rive du bras de Meuse comblé au XIXe siècle et devenu le boulevard d'Avroy. Mais l'église de la communauté ne fut consacrée qu'en 1527, sous le règne du prince-évêque Erard de la Marck. L'édifice fut dédié à sainte Anne, la mère de la Vierge Marie ( plan Mérian, 1650, n° 47 ci-contre).

    Trop vétuste, ou ne répondant plus au goût évolué de ses possesseurs, l'église "du quai des augustins" fut, dans, dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, condamnée (1757) à disparaître et à faire place à une construction dans le style néo-classique qui triomphait alors. Les religieux ne pouvaient mieux faire que de s'adresser à Jacques-Barthélemy Renoz (1729-1786), le meilleur -avec Digneffe et Dewez- des architectes liégeois du moment. Nous savons qu'il mena ses travaux à bonne fin vers 1766.

    Pendant la révolution, en 1794 d'après des notes d'archives de l'église, le couvent servit d'entrepôt pour les transporteurs et les convois militaires. En 1796, les religieux furent expulsés, leur maison et l'église confisquées comme biens nationaux puis vendues aux enchères, par parcelles. L'église fut alors transformée successivement en moulin à ciment, en magasin à bois puis en manège d'équitation et servit même, au milieu du XIXe siècle, de salle de spectacle pour les cirques de passage à Liège, pendant la foire d'automne.

    Une restauration avait bien été envisagée en 1843: par suite du développement du quartier d'avroy, le conseil de fabrique de Sainte-Véronique avait songé à y établir une succursale de l'église paroissiale, mais le conseil communal et la députation permanente de la Province donnaient leur préférence à un projet d'érection d'une nouvelle église.

    port piercot XIXe021.jpg
     

    L'aquarelle ci-dessus (reproduite en carte-vue par l'association "Le Vieux-Liège", en 1930) date de 1845: elle montre, en face de l'écluse d'avroy, l'église des augustins, dont la croix du dôme a disparu, et la lithographie ci-dessous (Brindels-Huck, archives du musée de la vie wallonne) donne une idée du "quai des augustins" au début du XIXe siècle: à cette époque encore, un bras de la Meuse venant de Fragnée se partageait en deux branches à hauteur de l'église: l'une bifurquait à droite, par ce qui deviendra le boulevard Piercot, vers le lit principal actuel de la Meuse, l'autre continuait à descendre le long des quais -aujourd'hui boulevards- d'avroy et de la sauvenière pour rejoindre ensuite, par la future rue de la régence, le cours du fleuve tel que nous le connaissons aujourd'hui. Face à l'église des augustins (cfr l'aquarelle précitée), à hauteur du bras de Meuse occupant le site du boulevard Piercot, se trouvait le port marchand du "rivage des augustins", qui fonctionna jusqu'en 1860.

    L'autre partie du cours d'eau, vers de pont d'Avroy et la sauvenière, était -en 1750 encore- large quai des augustins034.jpgde 35 mètres à hauteur du quai des augustins: elle portait le nom de "rivière d'avroy". Mais, dès la fin du XVIIIe siècle, sa navigabilité s'amoindrit progressivement, suite à divers travaux en amont, sur la Meuse et l'Ourthe. En 1835, on achève déjà de combler cette rivière entre l'église des augustins et le pont d'avroy pour faire place à la première section du boulevard du même nom, sous laquelle subsistait un aqueduc couvert de 2m50 de large et de 4m de haut, débouchant à ciel ouvert sur la promenade du quai de la sauvenière. Cette partie fut, à son tour, voûtée en 1844.

    Le projet d'église nouvelle pour remplacer celle des augustins, dans un quartier d'avroy en pleineMère Anna de Meeus024.jpg mutation, n'aboutit pas et, en 1859, une dame Vve Dumonceau acquit l'édifice, fort délabré, "pour empêcher sa destruction et dans l'espoir de le rendre plus tard au culte". Le 30 décembre 1864, le comte Henri de Meeûs et des associés en devinrent propriétaires. Ils le destinaient à des religieuses de l'"Institut de l'Adoration perpétuelle", congrégation fondée depuis peu (1856) à Bruxelles par la soeur d'Henri de Meeûs, la comtesse Anna de Meeûs (1823-1904, photo ci-contre à droite).

    L'architecte du conservatoire et de l'université de Liège, Laurent Demany (1827-1898), fut chargé de la remise à neuf du bâtiment, qui se termina le 15 décembre 1865 par la remise de la croix au sommet du dôme, après 70 ans d'absence. Monseigneur Théodore de Montpellier, évêque de Liège de 1852 à 1879, bénit solennellement l'église le 3 mars 1866 et, le 15 décembre de la même année, Monseigneur Charles de Mercy-Argenteau (Liège, 1787-1879), ancien nonce du pape en Bavière, évêque in partibus de Tyr et doyen du chapitre cathédral de Liège, la reconsacra sous le vocable du Saint-Sacrement.

    Ainsi réapparaissait, dans la cité de sainte Julienne, ce titre si cher aux Liégeois et disparu depuis la démolition de l'église du collège des jésuites érigée jadis à l'emplacement de la salle académique de l'université, place du XX août.

    Pendant 127 ans (1866-1993) à Liège, les dames du Saint-Sacrement se consacrèrent à la dévotion eucharistique mais aussi à la confection de vêtements du culte pour les églises pauvres et les missions ainsi qu'à l'oeuvre des catéchismes (préparation des communions solennelles, éducation des enfants des forains de la foire aux variétés, organisation de retraites et d'une pédagogie pour jeunes filles).

    dernières soeurs Lg023.jpgAprès le concile "Vatican II", l'activité et les vocations déclinèrent progressivement. Les six dernières soeurs rejoignirent leur maison-mère à Bruxelles, après une messe d'adieu célébrée le 13 juin 1993 (photo ci-contre, à gauche). Les religieuses avaient vendu le couvent à l'association diocésaine du "Balloir" et lui firent don de l'église.

    Dix ans plus tard, en février 2003, cette association décida de vendre le tout, menaçant ainsi l'église d'une nouvelle sécularisation. Plus de trois cents amis du patrimoine religieuP1010267.JPGx et historique se mobilisèrent pour permettre le rachat du sanctuaire par l'asbl "Sursum Corda" (hauts les coeurs) présidée par l'abbé Jean Schoonbroodt (photo ci-contre, agenouillé devant le Saint-Sacrement). La somme fixée par le vendeur fut réunie en quelques mois. La promesse de vente, signée par le chanoine Klinkenberg le 6 août 2003, le jour de la fête de sainte Julienne de Cornillon, fut exécutée par acte authentique de transfert de propriété à "Sursum Corda", le 26 novembre de la même année.

    Aujourd'hui, la sauvegarde de cette église, au triple bénéfice du culte, de la mémoire historique et de la culture religieuse, est entre les mains de la seule générosité "citoyenne" des Liégeois puisqu'elle ne bénéficie d'aucun subside fonctionnel des autorités publiques ou religieuses. Outre de nombreuses activités d'inspiration chrétienne (cours, concerts, conférences, expositions), elle reste fondamentalement vouée au culte, assuré par deux prêtres diocésains. Les messes dominicales se célèbrent tous les dimanches à 10h en latin, selon le missel de 1962 (avec le concours d'un choeur grégorien le 1er dimanche du mois) et à 11h15 en français, selon le missel de 1970. Les confessions et une adoration eucharistique ont lieu tous les mardis de 17h00 à 19h00 (17h00 vêpres grégoriennes, 18h00 chapelet, 18h45 bénédicion du Saint-Sacrement).

     

    ci-dessous, messe au maître-autel: 

    P1010224.JPG 

     

    3. PETITE VISITE GUIDEE

     

    Extérieur hiver 3.JPGNous nous inspirons principalement ici d'une note d'archive de l'église, rédigée en 1967 par Denise Tinlot à l'occasion du centenaire de la présence des Soeurs de l'Eucharistie à Liège.

    L'église actuelle (1766) du Saint-Sacrement s'appelait donc, autrefois, église Sainte-Anne. Elle fut construite, comme indiqué ci-dessus, par Jacques-Barthélemy Renoz (1729-1786) dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle pour remplacer une première église érigée au début du XVIe siècle.

    Jacques-Barthélemy Renoz, architexte liégeois (Saint-Jean l'Evangéliste, Saint-André, église du Séminaire, hôtel de la société littéraire) converti aux idées néo-classiques de son temps, adopta un compromis entre les tendances fondamentales du style baroque des Pays-Bas méridionaux et une décoration inspirée de la Rome antique.

    L'église étant conventuelle, la partie réservée aux religieux prit une importance presqu'aussi considérable que celle destinée au public. Jacques-Barthélemy Renoz s'inspira du plan en croix grecque, introduit dans nos régions au XVIIe siècle par le père Huyssens, et le conjugua avec un plan à une nef terminée en abside arrondie, flanquée d'une tour carrée innovée par W.Coenbergher en 1608-1615 pour l'église des dames carmélites de Bruxelles.

    De l'extérieur, on observe la coupole à pans irréguliers, bombés puis incurvés, pour se relever élégamment en une pointe supportant un globe sous une croix. La tour elle-même est surmontée d'un clocheton bulbeux avec abat-son. Toute la toiture est couverte d'ardoises du pays.

    La façade, construite en pierre calcaire de Meuse, est précédée d'un perron de cinq marches. Deux pilastres, surmontés deDSCF0078.JPG chapiteaux composites, supportent une large architrave portant un fronton triangulaire au centre duquel se détachent en haut-relief peint les armoiries "à un lion avec un homme sauvage et un lion comme supports" du prince-évêque régnant, Charles-Louis d'Oultremont (1723-1771).

    Entre les deux piliers s'insère une porte monumentale en chêne, à deux battants: dans chacun s'inscrit un médaillon sculpté en demi-relief, l'un avec l'image de sainte Anne et l'autre de saint Joachim. Au dessus de la porte se superposent deux bas-reliefs joliment sculptés par Antoine-Pierre P2220093.JPGFranck (1723-1796). Le premier représente saint Jean écrivant sous l'inspiration divine; le second montre saint Augustin vêtu du costume monastique, comme aimaient le représenter les Frères de l'ordre. Il est debout, présentant le livre qu'il écrit:"De la Trinité"". Sous celui-ci, un autre livre, ses célèbres "Confessions". Derrière lui, le figuier, arbre sous lequel il se serait converti. Des angelots rappellent l'épisode le plus populaire de sa légende: un enfant qui lui apparaît au bord de la mer s'évertue à en épuiser l'eau avec un coquillage, symbolisant ainsi l'entreprise dérisoire d'expliquer le mystère de la Sainte Trinité (photo ci-contre ,à gauche).

    On pénètre à l'intérieur de l'église par un porche à entrées centrale et latérales (seule celle de droite est usuellement disponible) donnant accès à la nef centrale.

    L'intérieur de l'édifice a du style baroque l'éclat et la richesse des marbres, des stucs, des couleurs et des dorures, mais ici tout est adouci par le classicisme du Louis XVI français.

    Le plan octogonal de la première partie de l'édifice est délimité par huit piliers massifs, décorés chacun deChapiteaux.JPG deux pilastres jumelés à chapiteaux composites. Une frise, où court une riche guirlande et surmontée d'une épaisse corniche portée par des consoles, souligne le pourtour du monument.

    Un dôme circulaire, hémisphérique, construit en lambourdes de chêne lattées et plafonnées, est peint en bleu nuit semé d'étoiles. Il repose sur quatre pendantifs trapézoïdaux et incurvés, s'appuyant sur les huit piliers.

    L'ensemble est élégant et la hauteur totale de 24m50 donne une impression de légèreté.

    La lumière pénètre largement par six grandes fenêtres rectangulaires à sommet arrondi.

    Plafond.JPGLe choeur, longue nef à deux travées couvertes de calottes sphériques surélevées, en maçonnerie de briques, limitées par des doubleaux, se termine par une abside semi-circulaire voûtée en cul de four (photo ci-contre).

    Dans chaque travée, des fenêtres transformées en entrées du temps des Soeurs (1875) et bordées d'une galerie en chêne permirent de communiquer avec le couvent.

    Dominant la frise et entourant le choeur, les blasons des anciens donateurs, sculptés en haut-relief et peints, se détachent en riches couleurs. En commençant par la gauche, nous avons: Monseigneur de Montpellier, évêque de Liège de 1852 à 1879, Jacques de Heusy, bourgmestre de Liège en 1760, et son épouse Marie-Josèphe de Lamine, Joseph-Léonard de Bonhome, chanoine tréfoncier du chapitre de la cathédrale Saint-Lambert, évêque in partibus de Caprase. Au centre: François-Charles de Velbruck, prince-évêque de Liège de 1772 à 1784, Laurent Chantraine, dernier abbé de Saint-Gilles, ensuite les blasons de la famille de Heusy et de la famille Nizet, maîtres-verriers en avroy.

    Nous revenons dans la nef octogonale de l'édifice: entre les piliers, quatre grands médaillons en stuc représentant les quatre évangélistes portés par des anges et leurs emblèmes (ci-contre à droite, saint Marc et le liDSC02591.JPGon ailé). Ils sont l'oeuvre d'Antoine-Pierre Franck (1723-1796).DSC02587.JPG

    Sur les piliers sont fixées les quatorze stations du chemin de croix, bas-reliefs en pierre de sable signés du sculpteur Rixgens (ci-contre à gauche).

    Surplombant le jubé, on peut aussi voir les armoiries de la famille de Bicken, entourées d'une guirlande.

    Le mobilier est en chême massif, teinté et ciré: il fut conçu par l'ébéniste sculpteur Janssens de Saint-Trond et placé lors de la restauration de l'église en 1866. Son unité de style confère une dignité imposante à l'ensemble.

    A gauche et à droite de l'entrée du choeur, les statues de sainte Anne et de saint Joachim (photo de droite: mobilier et saint Joachim) ont été sculptées par Françob151562_std.jpgis de Tombay (1823-1899).Statue de Saint Joachim.JPG

    Les deux autels latéraux dans la nef ne manquent pas d'allure, avec leurs tableaux peints: à gauche "la sainte famille", par l'artiste hutois Isidore Lecrenier (1821-1899) avec, en bas à droite, les armoiries du donateur, le chanoine Bertrand; à droite (photo ancienne ci-contre à gauche) "l'apparition de Notre-Dame de Lourdes" par Müller (école allemande, 1811-1890) avec, dans l'angle inférieur droit, les armoiries du donateur, le comte de la Rousselière.

    Trois tableaux de Lecrenier recouvrent dans le choeur des encadrements en marbre sculpté du XVIIIe siècle. Ces tableaux représentent successivement "la Cène", "saint Charles Borromée" ( sous les loggias d'où les soeurs pouvaient entendre la messe, à gauche ci dessous)) et "sainte Julienne de Cornillon". "Le miracle d'Orvieto" n'est pas de ce peintre.

    Dans la nef, Lecrenier a peint "le Bon Pasteur", au dessus du confessionnal droit (photo-ci-contre à droite), "Jésus et la Samaritaine", au dessus du confessional gauche,"le serpent d'airain", aConfessionnal.JPGu dessChoeur peinture.JPGus de la statue de saint Joachim, et "le sacrifice d'Abraham", au dessus de la statue de sainte Anne.

    Toute l'attention se fixe cependant sur l'autel principal dressé au milieu de l'abside (ci-dessous au centre, photo de gauche). C'est un éblouissement de marbre blanc et d'or illuminés. Sous la table apparaît un tragique Christ au tombeau, oeuvre du maître sculpteur louvaniste Charles Geerts. Au-dessus du tabernacle en bois doré, encadré de grands chandeliers de même, une copie du célèbre tableau de Guido Reni (école de Bologne, 1575-1642), "le Christ en Croix", occupe le fond de l'abside. Autrefois, à cet emplacement se trouvait une toile représentant "les quatre docteurs de l'église latine glorifiant le Saint-Sacrement", oeuvre exécutée à Liège pour l'église des augustins par Erasme Quellin (1607-1678), peintre anversois de l'entourage de Rubens. Ce tableau, confisqué lors de la révolution, fut rendu à la ville en 1816. Il se trouve à présent à la cathédrale Saint-Paul, au-dessus de l'autel du Saint-Sacrement.

    Maître-autel 2.JPGP1010246.JPG
     

    Deux petits autels en marbre blanc ont été élevés a gauche et à droite du maître-autel, au niveau de la première volée de marches du choeur. Offerts en 1866 par le comte Henri de Meeûs, ils sont dominés, chacun, par une statue en marbre de Carrare, due au ciseau du grand sculpteur belge Guillaume Geefs (1805-1883): le Sacré-Coeur de Jésus et le Saint-Coeur de Marie (ci-dessus, derrière le prédicateur), oeuvres remarquables s'imposant à nous par leur classicisme simple et dépouillé.

    Par contraste, la riche monstrance du Saint-Sacrement au dessus du maître-autel :

    Copie de P1011232.JPG

    Deux mots, pour terminer de l’orgue actuel (l’orgue primitif a été transféré à Saint-Vith lors de la révolution à la fin du XVIIIe siècle et il a péri dans les bombardements à la fin de la 2e guerre mondiale) : nous les empruntons à la bande dessinée que Philippe Sadzot et Serge Schoonbroodt ont réalisée sur les orgues à Liège : cet orgue fut construit à partir des vestiges de l’orgue de Sibret, près de Bastogne. Démonté et entreposé durant de longues années, il fut remonté, après modifications, à la chapelle Saint-Lambert de Verviers, par la manufacture d’orgue Thomas et transféré à l’église du Saint-Sacrement en 1995 par son actuel propriétaire: l’abbé Jean Schoonbroodt.

     

    orgue saint sacrement.png

    Telle qu'elle se présente aujourd'hui, l'ancienne église sainte Anne construite par Jacques-Barthélemy Renoz au XVIIIe siècle, devenue église du Saint-Sacrement au XIXe, est digne d'admiration. La restauration entreprise en 1866 par l'architecte Laurent Demany (Liège, 1827-1898) respecta l'unité de l'oeuvre première. Laurent Demany eut le grand mérite de ne pas avoir voulu trop changer de style et le mobilier installé à cette époque, malgré quelques lourdeurs, s'harmonisa heureusement au cadre architectural.

    La dernière remise en état, par l'architecte liégeois N. Leclerc, date de 1967, pour le centenaire de l'installation des Dames du Saint-Sacrement à Liège.

    L'asbl "Sursum Corda", actuel propriétaire, a déposé à l'administration, le 17 mars 2008, une demande de certificat de patrimoine pour réaliser, par phases successives, un plan complet de réhabilitation de l'édifice. Ce certificat ouvre le droit à la subsidiation des travaux de restauration par la Région wallonne, 40% des frais restant à charge de l'asbl propriétaire. Les études préalables à la réhabilitation de la façade sont terminées. Le cahier des charges relatif à la réalisation de cette première phase des travaux a été approuvé, le certificat de patrimoine s’y rapportant délivré le 26 juillet 2016 et le permis d’urbanisme accordé le 17 novembre suivant.

    DSCF0021.JPG

    "Sursum Corda", asbl pour la sauvegarde de l'église du Saint-Sacrement au boulevard d'avroy à Liège.

    Siège social: rue vinâve d'île, 20 bte 64. Tél.04.344.10.89 ou 04.223.54.11. Compte bancaire: 000-3252295-79. E-mail: sursumcorda@skynet.be Web: http://eglisedusaintsacrementliege.hautetfort.com

     

    QUELQUES ORIENTATIONS BIBLIOGRAPHIQUES

    Brochure anonyme, pour le 75e anniversaire  de l'établissement des religieuses du Saint-Sacrement, (archives de l'église du Saint-Sacrement, 1941).

    Brochure anonyme illustrée, pour le centenaire de la fondation de l'Institut de l'Adoration Perpétuelle (archives de l'église du Saint-Sacrement, 1957).

    Joseph DARIS, histoire du diocèse et de la principauté de Liège pendant le XVIe siècle, éditions culture et civilisation, Bruxelles, 1974.

    Théodore GOBERT, Liège à travers les âges. Les rues de Liège. Tome III, éditions culture et civilisation, Bruxelles 1976, pp. 155 à 204 (v° avroy).

    Anne GODINAS-THYS, les Soeurs du Saint-Sacrement de Bruxelles à Liège, bulletin de la société royale "Le Vieux Liège", n° 317, avril-juin 2007, pp. 137 à 160.

    Aurélie GODINAS, dossier du traitement de la peinture représentant saint Augustin (archives de l'église du Saint-Sacrement, 2007).

    Pierre-Lambert de SAUMERY, Les délices du Païs de Liége, tome 1, L. Kints, imprimeur du Prince-Evêque de Liège, 1738.

    Denise TINLOT, notes dactylographiées pour le centenaire  de l'installation des religieuses du Saint-Sacrement à Liège (archives de l'église du Saint-Sacrement, 1967).