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Homélie de la Fête-Dieu le 10 juin 2023 à Liège, église du Saint-Sacrement par Jean-Pierre Delville, évêque de Liège

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Chers Frères et Sœurs, 

La fête du S.-Sacrement a commencé par la rencontre de deux femmes, Julienne de Cornillon et Eve de Saint-Martin. Cette année nous avons mis l’accent sur Eve et son action en faveur de la fête.

« Julienne, la servante du Christ, venait quelquefois chez Eve, recluse du Mont Saint-Martin à Liège, femme d'une vie louable. Elles étaient très proches l'une de l'autre de sorte qu'elles étaient liées entre elles par un lien indissoluble d’amitié. Cette Eve, au temps de sa belle jeunesse, fut touchée par l'amour de la réclusion, sous l'inspiration du Christ. Mais néanmoins, en fonction de la fragilité humaine, elle fut effrayée par la grandeur de son projet. Julienne, qui en avait connaissance, chassa du coeur d'Eve cette crainte vaine par des paroles puissantes et l'encouragea par ses exhortations efficaces à accomplir son projet; car désormais une affection mutuelle dans le Christ avait commencé entre elles; il s'accrut constamment dans la suite, grâce à la croissance de leur engagement religieux. Eve entra dans son étroite recluserie, afin de soumettre plus librement son "Eve", c'est-à-dire la chair, à l'esprit et de multiplier plus librement les fruits des biens spirituels. Elle y entra, dis-je, mais conclut le pacte que son exhortatrice bien-aimée devrait la visi­ter au moins une fois l'an ». 

Il y a donc une amitié qui unissait Eve et Julienne ; celle-ci était une guide spirituelle pour Eve. Mais Eve fut aussi une collaboratrice précieuse pour Julienne.

« Aussi, avant le développement de cette fête, un jour que Julienne s'était rendue auprès de la recluse et paraissait étrangement préoccupée, la recluse s'adressa à elle en ces termes : “ Je vous prie, s'il vous plaît, Madame, faites-moi connaître ce qui vous rend si soucieuse et comme tourmentée. Si quelque peine en est la cause, je voudrais si possible vous aider à la supporter. ” Mais elle répondit : “ Les préoccupations de mon coeur, dit-elle, ont pour cause une solennité du Sacrement. Depuis longtemps et jusqu'à ce jour, je n'ai cessé de la porter en mon coeur. Jamais je n'en ai fait part à quel­qu'un. Je ne pourrais expliquer en quelques mots ce qu’il m’est donné par Dieu de sentir à ce sujet. Je vous dirai cependant ce qu'il me sera pos­sible chaque fois que vous désirerez quelque information à ce sujet. Cette solennité exista toujours dans le secret de la Trinité. ” Ayant ainsi commencé à parler, la vierge du Christ raconta dans l’ordre à la recluse le signe de la lune qu'elle avait eu en vision dès sa jeunesse, sa significa­tion, que Dieu lui avait révélée, et ce que le Seigneur lui avait enjoint à ce sujet ainsi qu'on l'a déjà expliqué.  

Elle voyait la lune à laquelle il manquait une fraction. Après de nombreuses années, elle comprit que cette vision signifiait l’Église à laquelle il manquait une fête, la fête du S.-Sacrement du corps et du sang du Christ. La vision représentait l’hostie à laquelle il manquait une fraction. L’hostie évoquait la célébration de l’eucharistie et la communion au corps du Christ.

Comme elle avait achevé le cours de son récit qui n'avait pas peu suscité l'admiration de la recluse, celle-ci lui adressa cette demande : “ Je vous prie, Madame, de prier le Seigneur pour moi afin qu’il daigne me donner d’éprouver pour ce Sacrement lui-même ce que vous éprouvez. ”

A notre tour, nous sommes invités à éprouver ce même sentiment que Julienne envers l’eucharistie. Ainsi, nous aussi comme sainte Julienne, nous sommes invités à contempler le Christ dans son humanité pour découvrir sa divinité. Le Christ partage sa vie, comme il a partagé le pain à la dernière Cène. Ce partage pourrait donner l’impression de faiblesse, car le Christ annonce le don de sa vie, la venue de sa passion, le corps brisé, le sang versé. Pourtant ce partage est une source de vie : comme le dit Jésus à la dernière Cène, « Qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi, et moi en lui. … Comme je vis par le Père, celui qui me mange vivra par moi » (Jn 6).  

Le pain partagé est donc le mystère d’un don sans mesure et d’une joie sans mesure ! C’est pourquoi sainte Julienne a eu l’inspiration qu’il fallait une fête pour célébrer ce corps et ce sang du Christ, partagé à toute l’humanité. Or ce fut la volonté de Jésus lui-même que de prolonger sa vie terrestre par un signe perpétuel. C’est le geste qu’il a fait à la dernière cène, comme nous le raconte saint Paul dans sa 1e lettre aux Corinthiens (1 Cor 11,23-26) : « Le Seigneur Jésus, la nuit même où il fut livré, prit du pain et rendant grâces, le rompit et dit : prenez et mangez, ceci est mon corps, qui sera livré pour vous ; faites ceci en mémoire de moi ». Donc Jésus, face à la souffrance et à la mort, partage le pain et le vin, en tant que son corps et son sang. Face à la fragilité de sa vie, à l’échec apparent de sa mission, face à la pauvreté des disciples qui vont se sentir abandonnés, Jésus ne baisse pas les bras, il ne tombe pas dans la déprime, encore moins dans la fuite. Il partage cette nourriture essentielle d’un repas, que sont le pain et le vin, en disant qu’ils sont son corps et son sang. Ils représentent une vie fragile, une vie qui va être enlevée. Mais ils représentent en même temps un partage de cette vie et une démultiplication de ses effets : « faites ceci en mémoire de moi ». Le corps et le sang du Christ, donnés en communion, nous associent aujourd’hui à sa vie, à sa mort et à sa résurrection. Notre pauvreté est dépassée, nous sommes rassasiés ; nous recevons une vie nouvelle, par notre communion à la pauvreté du Christ.

Dieu est dans ce partage de la pauvreté et nous communique sa divinité.

Frères et Sœurs, dans la communion au Christ nous trouvons la vraie vie, et dans la communion à celui qui souffre, nous trouvons la vraie joie. Ainsi la communion au Christ débouche dans une communion en Église.

Alors recevons avec foi le corps du Christ qui nous est donné en communion et soyons des témoins de la vraie vie dans notre monde !

Amen ! Alleluia !

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