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  • La Revue « Vérité & Espérance-Pâque Nouvelle » fait peau neuve

     

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    La Revue trimestrielle Vérité & Espérance – Pâque Nouvelle éditée par l’association « Sursum Corda » (responsable de l’église du Saint-Sacrement à Liège) fait peau neuve. Elle prend désormais l’allure d’un vrai magazine, pour mieux  servir l’information et la formation chrétiennes qui constituent son objet social. Tirée à 4.000 exemplaires dans cette mise en page renouvelée, elle reste fidèle à la ligne éditoriale qui est la sienne. Au sommaire de ce numéro de juin 214 :

    SOMMAIRE n° 91 (2e trimestre 2014) 

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    Comment conjuguer justice et miséricorde ?

    Rwanda : le pays où Dieu pleure peut-être encore

    Pas de « barnum » pour la canonisation des papes Jean XXIII et Jean-Paul II

    Qu’est-ce que le fondamentalisme ?

    La JOC belge n’est plus ni ouvrière, ni chrétienne

    Diocèse de Liège : retour sur le « miracle » de la Vierge de Jalhay

    Vendredi-Saint à Liège : la religion s’affiche

    Qui veut torpiller le P. Zanotti-Sorkine et la Fraternité des Saints-Apôtres ?

    Famille chrétienne ? A Liège, une conférence du président du Conseil pontifical pour la famille

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    Pain et Trinité : la quatrième demande du Pater

    Les sept dons de l’Esprit ou l’Échelle intérieure

    Le rôle de la famille dans l’expansion du christianisme  

     

    Secrétaires de Rédaction : Jean-Paul Schyns et Ghislain Lahaye

    Editeur responsable: SURSUM CORDA a.s.b.l. ,

    Vinâve d’île, 20 bte 64 à B- 4000 LIEGE.

    La revue est disponible gratuitement sur simple demande :

    Tél. 04.344.10.89  e-mail : sursumcorda@skynet.be 

    Les dons de soutien sont reçus au compte IBAN:  BE58 0016 3718 3679   BIC: GEBABEBB de Vérité et Espérance 3000, B-4000 Liège

     

     

  • Le rôle de la famille dans l’expansion du christianisme

     

    le rôle de la famille dans l'expansion du christianisme

     

    Comment vivaient les familles chrétiennes

    dans l’ambiance païenne des premiers siècles ?

     

    le rôle de la famille dans l'expansion du christianisme

     

     

    le rôle de la famille dans l'expansion du christianisme« Les défis de la famille dans le contexte de la nouvelle évangélisation » est le défi lancé par le pape François en convoquant un synode extraordinaire des évêques pour octobre 2014. Il va de soi que la famille est un milieu-clé pour la transmission de la foi. Elle l’était déjà au commencement du christianisme. C’est pourquoi il n’est pas inutile de jeter un coup d’œil en arrière pour voir comment vivaient les familles chrétiennes dans l’ambiance païenne des premiers siècles.

    Il est évident qu’entre l’empire romain et l’époque actuelle il y a beaucoup de différences dans la façon de concevoir la famille. Mais il y a aussi de curieuses similitudes dans le contexte où évoluaient les familles chrétiennes. A l’époque, comme de nos jours — du moins en Europe — les chrétiens constituaient une minorité. Et bien qu’ils fréquentaient les mêmes milieux que les païens, les chrétiens agissaient conformément à d’autres critères dans le cadre familial.

    La famille à Rome

    D’un point de vue démographique, l’empire romain avait un taux de natalité insuffisant, qui n’assurait pas le remplacement de la population, comme c’est le cas en Europe actuellement. Pour contrecarrer un taux de mortalité élevé et les effets des épidémies, il fallait un niveau élevé de natalité, qui n’a jamais été atteint. C’est pourquoi, pour que l’empire ne se dépeuple pas, il a fallu ouvrir les portes à un flux important de colons barbares (les immigrants d’alors).

    L’avortement, ainsi que l’infanticide, étaient des réalités normales et acceptées comme moyen de contrôle des naissances. Le mariage jouissait de peu d’estime. Dans la classe sociale supérieure, nombreux étaient ceux qui évitaient de s’engager et préféraient rester célibataires, à tel point que l’empereur Auguste (63 av. J.C. - 14 ap. J.C.) a sanctionné par des amendes les couples sans enfants et les hommes célibataires de plus de 25 ans.

    À l’époque de Cicéron, le divorce par consentement mutuel ou par décision de l’un des conjoints était une chose absolument courante. Jérôme Carcopino, dans La vie quotidienne à Rome à l’apogée de l’Empire romain compare la situation du mariage et de la femme de niveau social élevé aux temps héroïques de la république avec ce qui se passait à l’apogée de l’empire au premier siècle : « A l’époque, la femme était soumise à la stricte autorité de son maître et seigneur ; maintenant, elle est son égale, elle entre en concurrence avec lui ou le domine. Avant, elle vivait sous le régime légal de biens communs ; de nos jours, elle vit quasi exclusivement sous le régime d’une complète séparation des biens. Avant, elle était fière de sa fécondité, maintenant, elle la rejette. Elle était fidèle ; maintenant, elle est volage et dépravée. Les divorces étaient rares ; maintenant, ils sont si fréquents que, selon Martial, ils sont devenus le meilleur moyen de pratiquer l’adultère légal ».

    Les chrétiens et leurs coutumes

    Dans ce climat généralisé, il eût été facile que les couples chrétiens se plient à ces coutumes ou que, dans les couples mixtes (avec un conjoint païen), la partie chrétienne soit entraînée vers des conduites incompatibles avec la foi. Mais ce fut tout le contraire qui arriva. Parmi les chrétiens, la famille acquit une valeur d’« église domestique » qui revalorisait le statut du mariage et la procréation.

    Saint Paul décrit les coutumes de l’époque en affirmant la primauté de l’homme dans le foyer : « Que les femmes soient soumises à leurs maris, comme au Seigneur ; car le mari est le chef de la femme, comme le Christ est le chef de l’Église, son corps, dont il est le Sauveur ». Mais il dédie une bonne partie de son enseignement à exhorter les hommes à aimer leur femme et à ce que chacun accomplisse son devoir mutuel, sans exiger plus de l’un que de l’autre. « Maris, aimez vos femmes, comme le Christ a aimé l’Église et s’est livré lui-même pour elle … C’est ainsi que les maris doivent aimer leurs femmes, comme leurs propres corps. Celui qui aime sa femme s’aime lui-même » (Ep 5, 22).

    Les chrétiens exigeaient la fidélité matrimoniale tant des hommes que des femmes, et insistaient aussi bien sur les obligations de l’époux vis-à-vis de l’épouse que sur les obligations inverses.

    Une foi qui attira les femmes

    La symétrie de la relation entre mari et femme enseignée par saint Paul constituait une nouveauté absolue par rapport à la culture païenne. Le christianisme reconnaissait la même dignité à la femme et à l’homme, comme enfants de Dieu, avec le même destin surnaturel. En outre, la morale chrétienne, en rejetant l’infidélité conjugale, la polygamie, le divorce, l’avortement et l’infanticide … a contribué à élever le statut de la femme et même à préserver sa santé.

    C’était aussi nouveau qu’attrayant. « L’Évangile apporte un air plus pur, un idéal, aussi bien aux femmes sans éducation qu’à celles de la noblesse », écrit l’historien Adalbert Hamman dans La vie quotidienne des premiers chrétiens. « Patriciennes et plébéiennes, esclaves et riches matrones, jeunes filles ou prostituées repenties, en Orient comme à Rome ou à Lyon, s’engagent dans les communautés. Les femmes fortunées entretiennent les communautés avec leurs richesses ».

    De même, Rodney Stark, professeur de sociologie et de religion comparée à l’Université de Washington, dans son livre L’expansion du christianisme, montre que « le christianisme s’avérait extraordinairement attirant pour les femmes païennes, car dans la sous-culture chrétienne, la femme jouissait d’un statut bien supérieur à celui octroyé dans le monde gréco-romain en général ».

    Couples mixtes, chrétien-païen

    Les sources anciennes et les historiens modernes s’accordent sur le fait que les conversions au christianisme étaient dans une large mesure le fait des femmes. Stark, en bon sociologue, distingue les convertis primaires, qui adhèrent à l’Eglise de manière active après s’être fait une opinion positive de la foi, et les convertis secondaires qui embrassent la foi à partir de liens personnels avec un converti primaire.

    Ainsi, l’historien britannique Henry Chadwick signale dans The Early Church, qu’« en première instance, (le christianisme) pénétrait souvent dans les classes supérieures de la société au travers des épouses », alors que leurs maris furent souvent des convertis secondaires. Bien qu’il arrivât aussi, comme on le voit dans les Actes des Apôtres, que lorsque le père de famille devenait chrétien, tous les membres de la famille, y compris les domestiques, se convertissaient aussi.

    Dans les communautés chrétiennes, il y avait un excès de femmes nubiles, alors que chez les païens il y avait un manque relatif de femmes dû aux avortements et à l’infanticide de filles. D’où le fait que le mariage mixte, surtout d’une femme chrétienne avec un mari païen, fût une situation fréquente au cours des premiers siècles et dans toutes les classes sociales. Tant Pierre que Paul l’ont admis et y virent une manière pour que les maris « soient conquis par le comportement de leur femme sans nécessité de mots » (1 P 3, 1).

    La présence de la femme

    La situation de la femme parmi les premiers chrétiens a aussi un rapport avec la fonction de la femme dans l’Église actuelle. A l’époque, comme aujourd’hui, dans les communautés chrétiennes, il y avait plus de femmes que d’hommes, et souvent les femmes ont précédé leurs maris dans l’incorporation à l’Église. Les auteurs débattent sur les postes de direction occupés par les femmes dans les communautés chrétiennes, mais il est clair qu’elles n’ont ni reçu le sacerdoce, ni fait partie de la hiérarchie. Cependant, leur apport fut décisif pour répandre la foi.

    De nos jours, tout le monde s’accorde à dire — en commençant par le pape François — que l’Église doit compter davantage sur la participation des femmes. Mais cela se focalise souvent sur des questions comme le sacerdoce des femmes ou leur intégration dans des organismes ecclésiastiques. Il est vrai que la présence de femmes dans les structures ecclésiastiques enrichit les perspectives et apporte de nouvelles énergies. Mais ce n’est pas non plus le facteur décisif pour la nouvelle évangélisation. Il suffit de voir ces confessions protestantes pleines de femmes pasteurs et de temples vides.

    Le terrain de la nouvelle évangélisation est la société. Et c’est là, dans le monde du travail, de la communication, de la mode, de la politique, de l’enseignement, de la famille… que la contribution des femmes chrétiennes est irremplaçable. De nos jours, l’influence de la femme peut aller plus loin que dans le monde romain, précisément parce qu’elle est présente dans tous les secteurs, au même titre que l’homme.

    Mais, à la différence de la situation des premiers siècles, les couples chrétiens d’aujourd’hui ont besoin de réinventer un modèle de foyer dans lequel le mari et la femme peuvent concilier travail et famille, en cherchant dans chaque cas la formule la plus adéquate pour assumer les responsabilités professionnelles et domestiques. Leur fécondité dépendra en bonne partie de la façon de relever ce défi.

    Familles fécondes

    Dans le monde gréco-romain, les familles chrétiennes eurent un taux de fécondité supérieur à celui des païens, tant par le rejet de l’avortement et de l’infanticide que par la conception du mariage elle-même. Aujourd’hui aussi, l’expansion du christianisme dépend de la fécondité des familles chrétiennes. Et si le remplacement des générations exige un taux de natalité d’au moins 2,1 enfants par femme — alors que la moyenne européenne est de 1,6 —, la croissance du christianisme requerra plus que la relève générationnelle.

    Aujourd’hui, du total de catholiques, 350 millions vivent en Europe et en Amérique du Nord, alors que 750 millions sont en Amérique latine, en Afrique et en Asie. Et la croissance démographique est la principale cause de l’augmentation des catholiques. Ce n’est pas un hasard que l’Église grandisse de manière vigoureuse en Afrique et en Asie où l’augmentation des catholiques dépasse la croissance démographique. Par contre, en Amérique latine, la proportion de catholiques par rapport à la population totale a baissé. Aux États-Unis, elle a augmenté, en bonne partie grâce à l’immigration, et en Europe, le déclin religieux a suivi le déclin démographique.

    Dans ces conditions, l’attitude la plus contre-indiquée pour l’expansion du catholicisme serait de justifier la mentalité contraceptive qui prédomine dans la société et qui touche aussi les couples catholiques. À l’époque de la publication de Humanae Vitae, l’Église catholique fut accusée d’ignorer le problème de la surpopulation. Mais aujourd’hui, « l’hiver démographique » instauré dans les régions où la contraception et l’avortement sont les plus étendus — avec ses conséquences sur le vieillissement de la population, la menace pour les pensions, le manque de travailleurs — révèle que la doctrine catholique favorise aussi le dynamisme démographique dont on a grand besoin.

    Ce tournant démographique du catholicisme du nord au sud implique aussi un changement de perspectives et de priorités. Les chrétiens du sud — tant catholiques que protestants — sont beaucoup plus traditionnels concernant les thèmes comme la famille, l’homosexualité ou l’avortement, et peuvent prétendre en leur faveur que cette attitude fait ses preuves. Ainsi — indépendamment du problème de la vérité — cela n’aurait pas de sens pratique d’adapter la doctrine et la pastorale aux fragilités du nord, où, plus qu’ailleurs, on a besoin d’un traitement de choc.

    Certains diront que, dans le monde occidental, les femmes catholiques ne se distinguent pas beaucoup des autres quant à l’utilisation des moyens de contraception. Mis à part le fait qu’entre les catholiques pratiquantes il y a bien une différence, la nouvelle évangélisation exigerait que l’Église explique mieux sa doctrine et fasse connaître ces méthodes si méconnues de régulation naturelle des naissances, alternative à la contraception chimique qui a toujours des effets secondaires sur la santé des femmes.

    Réseaux ouverts

    La nécessité de réaffirmer l’identité catholique pour une nouvelle évangélisation ne signifie pas que les familles chrétiennes doivent évoluer dans des cercles fermés, avec une mentalité défensive par peur de perdre leur identité. Au contraire. Si l’expérience des premiers chrétiens nous enseigne quelque chose, c’est bien le fait qu’ils ont su maintenir des réseaux ouverts dans la vie sociale, et que cela fut la clé de leur expansion.

    Comme l’écrit Stark : « La base pour les mouvements gagnants de conversion est la croissance grâce aux réseaux sociaux, au moyen d’une structure de liens interpersonnels directs et intimes. La majorité des nouveaux mouvements religieux échouent, car rapidement ils se transforment en réseaux fermés ou semi-fermés. C’est-à-dire qu’ils ne continuent pas à créer et favoriser des liens interpersonnels avec ceux qui sont étrangers à leur foi, perdant ainsi leur capacité à grandir ». En revanche, ce que nous savons des premiers chrétiens est qu’ils se sont établis comme réseaux ouverts, en incorporant les nouveaux convertis grâce aux mariages mixtes et en participant à la vie sociale au coude à coude avec les autres citoyens, dans tout ce qui n’était pas incompatible avec leur foi.

    Mais, pour en attirer d’autres, il faut d’abord être convaincu d’avoir ce qu’il y a de mieux. C’est pourquoi la nouvelle évangélisation commence par réaffirmer l’identité des catholiques pour qu’ils soient le levain dans la masse, et pas une particule de masse en plus.

    Ignacio Aréchaga (traduction Carine Therer)

    Avec l’aimable autorisation de didoc.be

     

  • Les sept dons de l’Esprit ou l’Échelle intérieure

     

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    « Tu septiformis munere… »

     

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    Zanotti 171.jpgPlus de sept siècles avant la naissance de Jésus, le prophète Isaïe parle ainsi du Messie : “Sur lui reposera l’Esprit du Seigneur : esprit de sagesse et d’intelligence, esprit de conseil et de force, esprit de science et de piété ; et l’esprit de crainte du Seigneur le remplira” (Is. 11, 2-3).

    Cette mystérieuse énumération ne s’applique pas seulement au Fils de Dieu incarné, elle propose à notre humanité une voie de sanctification, car nous sommes invités à recevoir les mêmes dons, à gravir les mêmes échelons spirituels pour progresser sur le Chemin, dans la Vérité, vers la Vie. Comme l’écrit Dom Prosper Guéranger dans son Année liturgique (qui a inspiré la substance de ce texte) : “L’humanité de Jésus est le type surnaturel de la nôtre, et ce que l’Esprit-Saint a opéré pour la sanctifier doit en proportion avoir lieu en nous”.

    On vient de le lire, la première liste des dons de l’Esprit est descendante ; Isaïe décrit le Messie comme s’il le voyait d’en haut, commençant par la sagesse et terminant par la crainte. Or, le rédacteur inspiré du livre des Proverbes affirme que “la crainte de Dieu est le commencement de la sagesse” (Prov. 9, 10), comme s’il contemplait les mêmes dons de l’Esprit d’en bas, depuis le sol de notre nature humaine, là où l’aventure spirituelle commence...

    Posons le pied sur le premier échelon : la crainte de Dieu. Cette crainte n’est en rien de la peur ou de la défiance vis-à-vis de Dieu ; au contraire, elle exprime la situation initiale objective de la créature face au Créateur : la petitesse. Considérant l’infinité de Dieu, l’homme ne peut que reconnaître d’emblée sa propre insuffisance, ses carences, son péché. La vision du sommet d’une très haute montagne, l’infini des mathématiques ou le ciel étoilé peuvent donner une idée du rapport initial qui s’établit entre Dieu et celui qui le découvre. La vertu primordiale pour entamer et poursuivre jusqu’au bout le voyage spirituel est donc l’humilité. Lestée de son orgueil natif, l’homme peut entamer avec confiance son ascension, sûr que Jésus-Christ le précède tout au long du parcours, car s’il a pris notre condition humaine, c’est pour nous entraîner à sa suite. Il a reconnu le parcours, l’a balisé, équipé de relais...

    Les mains nues, le cœur ouvert, l’homme peut à présent approfondir sa relation à Dieu par le moyen de la prière. Il peut s’adresser au Créateur en toute confiance et l’appeler “Père”. La piété unit l’âme au Père d’une façon filiale, familière, respectueuse. Le cœur qui prie est d’abord un cœur qui aime ; un cœur qui aime est disposé au pardon, à la patience, à l’endurance, à la joie. Un cœur qui prie est aussi un cœur qui partage, qui échange, qui donne et se donne. Il participe, dans la mesure qui lui est accordée, à l’échange d’amour trinitaire qui est l’amour même de Dieu, qui est Dieu.

    Rendue à la simplicité grâce à la crainte, ouverte au dialogue grâce à la piété, l’âme peut à présent demander à Dieu le don de science : ce don l’aidera à distinguer le bien du mal, lui indiquera le bon chemin au milieu des carrefours de la vie, là où si souvent la voie du bien est discrète tandis que la voie du mal s’ouvre largement devant lui. Grâce au don de science, chacun saura ce qu’il doit rechercher et ce qu’il doit fuir ; la science de Dieu avertira l’homme égaré, l’éclairera sur les choix importants de sa vie, fera disparaître les doutes, écartera les erreurs, fera briller la vérité. S’il se fourvoie malgré tout sans le savoir, une lumière surnaturelle l’avertira des dangers et le dirigera vers la sortie de secours, rudement ou doucement, à la mesure de sa docilité.

    Maintenant qu’elle se trouve enfin sur le bon chemin, munie des viatiques de l’humilité, de la piété de la science, l’âme pèlerine peut recevoir le don de force. Elle peut accueillir de Dieu l’énergie physique et spirituelle nécessaire au bon progrès du voyage dans la voie qu’Il vient de montrer. Les obstacles seront nombreux, les combats seront rudes ; l’âme devra lutter contre elle-même, contre ses propres défaillances, ses passions désordonnées, ses lacunes. Elle devra aussi lutter contre l’esprit du monde, la tyrannie des modes, la pression du temps présent. Un autre adversaire ne manquera pas, tôt ou tard, de faire obstacle à celui qui chemine : Satan et ses anges, experts en fausses lumières, chausse-trapes et perfidies souriantes. Le don de force permettra de surmonter ces épreuves (voire la persécution) dans le calme et avec une assurance indémontable. Et par les mérites de la Passion du Christ, les blessures de la vie, aussitôt guéries, pourront produire des fruits inattendus et merveilleux.

    Dans le feu de l’épreuve, la force ne peut être laissée à elle-même ; le don de conseil doit lui être adjoint, car il permet de débusquer l’une des tentations les plus efficaces contre l’âme qui progresse vers Dieu : entre deux biens distinguer le meilleur. L’Adversaire du genre humain a montré son habileté à égarer le juste en l’entraînant dans les culs-de-sac spirituels : sectarisme, pharisianisme, jugements hâtifs, pureté hautaine, goût morbide de la mortification, destruction de l’équilibre du corps, de l’âme et de l’esprit, etc. Tout ceci pour les motifs apparemment les meilleurs. Grâce au don de conseil, les vertus peuvent s’harmoniser, s’ajuster à Dieu, et ne pas dégénérer en défauts, car selon l’adage : le mieux est souvent l’ennemi du bien. Le don de conseil nous prémunit contre les soi-disant bonnes résolutions qui ne viennent pas de Dieu, mais de nous-même... N’a-t-il pas dit : “Mes pensées ne sont pas vos pensées, et mes voies ne sont pas vos voies” (Is. 55, 8). Tous les conseillers spirituels devraient supplier l’Esprit-Saint de leur accorder ce don.

    Avec le sixième don de l’Esprit, nous dépassons le domaine de l’action pure (sans l’exclure formellement) pour entrer dans une voie supérieure. Depuis cet avant-dernier échelon nous pouvons déjà jouir d’un avant-goût de la félicité que Dieu réserve aux siens dans l’autre vie. Certes, les délices n’ont pas manqué à celui qui cheminait vers Lui : l’émerveillement devant la grandeur divine (crainte), la joie pure au sein du colloque intime (la piété), la paix dans le cœur de celui qui a choisi la voie du bien (don de science), la douceur ineffable qui s’épanouit dans la force spirituelle, la liberté souveraine qui brise les dernières chaînes (conseil)... L’Esprit réserve le don d’intelligence à celui qui a persévéré dans l’ascension : sa vue se déploie sur des paysages nouveaux, il voit plus loin, plus net, plus juste dans sa propre vie et dans celle de ses frères ; il peut lire dans les âmes, dans les cœurs, dans l’Ecriture, il peut – davantage et mieux que durant les étapes précédentes – faire profiter les autres des lumières spirituelles reçues. Sa relation à Dieu est devenue plus intime ; il commence à partager la table du Seigneur, selon ce que le Maître lui donne. Tout est renouvelé, tout est régénéré par une vision intérieure des êtres, des choses et des événements. Il reçoit des paroles intérieures, des visions ou des charismes inattendus, toujours utiles pour le bien de tous. Car celui qui reçoit, ne reçoit pas seulement pour lui-même, mais pour le bien de tous.

    Si l’intelligence est illumination, la sagesse est union. Cette union avec le souverain bien est le but et l’origine de notre être, car bien avant notre naissance dans le temps, nous avons tous été aimés et désirés par Dieu de toute éternité. Chacune de nos vies se déploie comme un livre en trois tomes : la vie dans la pensée de Dieu, la vie dans la chair, la vie dans le ciel. Dans la pensée de Dieu, nous étions déjà dans le Christ, Parole éternelle du Père, “par qui tout fut créé” ; dans la vie terrestre, nous cheminons avec l’Esprit qui nous défend et nous console ; dans la vie céleste, nous sommes ressuscités avec le Christ, corps et âme glorieux. La sagesse nous fait participer dès ici-bas à la royauté de Dieu, elle nous conforme à la figure de Jésus-Christ, l’Homme-Dieu. Loin d’être l’apanage de la Vierge Marie, Siège de la Sagesse, ce don sublime est accessible à tous, ainsi que l’écrit saint Jacques : “Si la sagesse fait défaut à l’un de vous, qu’il la demande au Dieu qui donne à tous avec simplicité et sans faire de reproches : elle lui sera donnée. Mais qu’il demande avec foi, sans éprouver le moindre doute” (Jc 1, 5-6).

    Demandons et nous recevrons “une bonne mesure, tassée, secouée, débordante”... (Lc 6, 38).

    Le meilleur est à venir.

     Pierre René Mélon

  • Pain et Trinité : la quatrième demande du Pater

     

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    « Pour notre substance, au jour le jour »

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    Cf. Mt 6, 11 ; Lc 11, 3

    Zanotti 170.jpgDans la prière qu’il nous enseigne, Notre-Seigneur nous apprend à demander au Père de nous donner notre pain « pour notre substance aujourd’hui » (Mt), ou « pour notre substance au jour le jour » (Lc). Telle est la plus proche transposition que l’on peut faire, en français, du texte grec de nos évangélistes.

    Dès lors que nous répétons cette prière chaque jour, demander notre pain pour notre substance « aujourd’hui » ou « au jour le jour », c’est tout un. Il n’y a pas de difficulté sur ce point : ce que nous devons par là consolider en nos cœurs, c’est la confiance sans souci du lendemain, celle qui convient à un enfant qui se sait aimé de son Père.

    La chose est d’importance, car cette précision tranche en nous, comme une épée de feu, entre le vieil Adam pécheur qui se veut autonome, palpant de ses mains ses provisions pourrissantes dont il imagine se faire un rempart, comme par défiance envers cet Amour provident, et le nouvel Adam, libre : lui, il se nourrit de cet Amour bien plus encore que des biens qu’il en reçoit. Car chaque bouchée de pain, même terrestre, se reçoit alors déjà comme une petite eucharistie.

    Dieu veut nous faire comprendre que nous n’avons pas d’autre garde-manger que lui-même : quand il nourrit les Hébreux de la manne au désert, il leur enjoint expressément d’en recueillir « ce qui suffit au jour le jour » (Ex., 16, 4) ; il n’en fallait pas garder jusqu’au matin suivant (16, 19) ; et ceux qui s’obstinaient à en mettre de côté trouvaient le lendemain les vers qui y grouillaient dans la pourriture (16, 20).

    Car c’est folie que de vouloir bâtir son assurance autre part qu’en Dieu : rappelons nous cet homme favorisé d’abondantes récoltes et qui se dit qu’il a quantité de biens en réserve pour de nombreuses années (Lc 12, 19) ; ou bien encore celui qui s’en va creuser la terre pour y enfouir en sûreté l’argent de son maître (Mt. 25, 18). L’avertissement de Notre-Seigneur est clair « Là où est ton trésor, là est aussi ton cœur » (Mt 6, 21) Notre cœur, c’est entre les mains du Père qu’il nous montre que nous avons à le remettre. Nulle part ailleurs.

    Ce pain que nous demandons donc au jour le jour est notre pain « pour notre substance ». En saint Matthieu et en saint Luc on lit le même terme grec, terme dont on ne trouve aucune autre attestation que celle-là dans toute la littérature grecque.

    L’Antiquité grecque nous en donne elle-même confirmation par la bouche d’Origène (185-254) : ce terme, dit-il, « n’est employé par aucun des savants parmi les Grecs, et il n’est pas davantage usité dans le langage courant, mais il semble avoir été inventé par les évangélistes. » (De la Prière, 27, 7, trad. G. Bardy.)

    On ne peut donc interpréter le terme qu’en se fondant sur ses éléments constitutifs. Plusieurs explications ont ainsi été proposées dans le sillage de l’analyse assez complète qu’en a donnée Origène : nous retenons ici celle de saint Basile de Césarée (329-379), qui a l’avantage de les synthétiser toutes. C’est le pain, dit-il, « utile à notre substance pour la vie quotidienne. » (Règles courtes, 252e)

    Mais la question est maintenant de savoir quel est ce pain « utile à notre substance pour la vie quotidienne ».

    Pour y répondre, il convient de se rappeler ce qui caractérise la substance du chrétien : c’est une substance créée par le Père, sauvée par le Fils, et menée à sanctification par l’Esprit.

    Bien entendu, chacun de ces trois aspects est en réalité le fait de la Trinité indivise, car seules les opérations intérieures à la divinité peuvent rigoureusement être attribuées à l’une des Personnes divines séparément des autres : le Père seul engendre le Fils ; le Fils seul est engendré par le Père ; l’Esprit seul procède de l’un et de l’autre.

    On attribue toutefois aussi par appropriation à telle ou telle Personne certaines actions portant sur les créatures : car bien que leur efficience relève indivisiblement des trois Personnes, la relation qu’elles établissent entre Dieu et la créature peut être plus ou moins propre à l’une des Personnes. C’est en ce sens qu’il faut comprendre que le Père est notre créateur, le Fils notre sauveur et l’Esprit notre sanctificateur.

    Voilà comment aussi le pain que nous demandons au Père peut être mis en relation avec chacune des Personnes de la sainte Trinité.

    Dans le Pater, nous demandons en effet d’abord le pain qui doit entretenir notre être créé, le pain naturel, celui qui sort de la main du Père depuis qu’au commencement il créa le ciel et la terre.

    Tâchons de ne pas oublier que « la création ne peut être réduite à l’événement qu’a été le commencement de toutes choses. Elle est une permanente situation où la créature subsiste à tout instant aussi bien qu’au premier et qui lui fait recevoir son être, en tout temps, comme un don permanent du créateur. » (L. BOUYER)

    Ce premier « pain » que nous demandons englobe ainsi sous le terme désignant la nourriture par excellence tout ce qui permet à notre être naturel de subsister.

    Cette interprétation de la demande s’autorise de nombreux Pères de l’Eglise, entre autres saint Grégoire de Nysse : « ce qui suffit à la conservation de notre substance corporelle » (Sermon 4, 745) et saint Jean Chrysostome : « pour le corps, ce que la nécessité commande » (Homélie 19 sur s. Matthieu, 5).

    La demande exprime par là la reconnaissance de notre entière dépendance à la volonté créatrice du Père sans laquelle nous ne sommes rien : « Tu es celle qui n’est pas. Je suis celui qui suis. » (Sainte CATHERINE DE SIENNE, Dialogues, 10).

    Mais puisque depuis la faute originelle notre vie est caduque, ce serait trop peu demander au Père que de lui demander seulement de quoi entretenir en nous ce qui de toute façon doit aboutir à la mort.

    Par notre baptême, notre être est maintenant greffé sur le Christ. Sa vie, c’est le Christ, et nous avons à le nourrir en recevant le Corps même du Fils, le pain Eucharistique qui nous sauve pour la vie éternelle.

    Le décret sur la Communion quotidienne (Sacra Tridentina Synodus, 20 déc. 1905) l’affirme expressément : «Quand Notre-Seigneur nous ordonne de demander dans l’oraison dominicale notre pain quotidien, il faut entendre par là ― presque tous les Pères de l’Eglise l’enseignent ― non pas tant le pain matériel, la nourriture du corps, que le pain Eucharistique à recevoir chaque jour. »

    Saint Ambroise donne en conséquence ce commentaire : « Si c’est un Pain quotidien, pourquoi attends-tu une année pour le recevoir ? » (Des Sacrements, 5, 4)

    Le Corps sacramentel du Christ est en effet le Viatique qui nous sauve, « maintenant et à l’heure de notre mort ». Puisse donc le Père nous faire la grâce de mettre tous les jours à notre disposition ce Pain de Vie, et en particulier au moment où mort et vie se livreront en nous leur duel décisif (cf. séquence de Pâques). Puisse-t-il de même nous mettre dans les dispositions requises pour le recevoir.

    Et de fait, si nous sommes par l’Eucharistie assimilés au Christ, c’est pour vivre à son image. Sachons dès lors que la nourriture que nous demandons au Père ne saurait enfin être différente de la sienne. Celle dont il a déclaré lui-même : « Ma nourriture est de faire la volonté de celui qui m’a envoyé accomplir son œuvre. » (Jn 4, 34).

    Le lien est ainsi souligné entre la première partie du Pater, qui est de portée générale, et la seconde où viennent s’inscrire nos petites personnes ; entre la troisième demande « Que votre volonté soit faite sur la terre comme au ciel » et cette quatrième qui en est l’application à notre cas particulier : « Donnez-nous aujourd’hui notre pain », ce qui, à la lumière de la parole du Christ que nous venons de rappeler, revient à dire : « Donnez-nous aujourd’hui de faire votre volonté ».

    Or, qu’est-ce que la volonté du Père, sinon notre sanctification, ainsi que l’affirme saint Paul ? (1 Thess 4, 3) La sanctification que l’Esprit opère peu à peu en nous, si nous voulons bien le laisser faire.

     En exprimant de tout cœur et dans toute sa richesse cette quatrième demande, conformons-nous donc pleinement au dessein de Dieu Trinité, qui, nous créant, pourvoit aux besoins de notre être créé ; qui, nous sauvant, nous procure le gage de notre salut ; et qui n’attend plus que notre bon vouloir pour nous sanctifier, comme il convient que le soient ses enfants bien-aimés.

    Jean-Baptiste Thibaux

  • Famille Chrétienne ? A Liège, une conférence du Président du Conseil pontifical pour la famille

     

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    En route vers le synode sur la famille 

    Zanotti 176.jpgLe 26 mai dernier, à l’église Saint-Jacques à Liège, Mgr Vincenzo Paglia, président du Conseil pontifical pour la famille  a donné une conférence et répondu à plusieurs questions concernant le prochain Synode des évêques sur la pastorale du mariage et la situation de la famille dans la société actuelle. C’est Mgr Jean-Pierre Delville qui a accueilli le prélat devant un parterre d'invités et une très nombreuse assistance. La soirée s’est terminée par le chant du Regina Caeli, repris en choeur par toute l’assemblée. Le texte de la  conférence de Mgr Paglia se trouve sur le site web de l’évêché de Liège. Extraits :

     « Devant nos yeux, la crise profonde que la famille traverse partout dans le monde est évidente, en particulier là où le niveau de vie augmente. L’hégémonie d’une culture de l’individualisme et du consumérisme –qui va de pair avec la mondialisation du marché pur et simple– semble avoir pour premier effet l’affaiblissement d’abord, et la destruction de la famille ensuite, et avec la famille, la destruction de toutes les formes de vie associée stables. (…).Dans cette perspective, la famille n’est pas niée, mais elle est placée à côté des nouvelles formes d’expérience relationnelle qui sont apparemment compatibles avec elle, même si en vérité, elles la démontent ".

    "La mondialisation et l’ « individualisation » de la société

    Le thème du mariage et de la famille doit être placé dans la perspective du processus d’ « individualisation » de la société contemporaine. Au cours des derniers siècles, nous avons vu s’affirmer la subjectivité, une étape positive car elle a permis l’affirmation de la dignité des individus. Mais l’exaspération de ce processus est en train de porter la société vers une dérive pathologique. (…) En confirmation de cette tendance, il est assez inquiétant de relever, en Europe, une augmentation des familles « unipersonnelles ». Si d’un côté, nous assistons à l’effondrement des familles dites traditionnelles (père, mère, enfants, grands-parents, petits-enfants), de l’autre nous voyons augmenter les familles formées par une seule personne. Cela signifie que la diminution des mariages, tant religieux que civils, ne correspond pas à une augmentation d’autres formes de cohabitation, comme par exemple les couples dits de fait ou les couples homosexuels, mais bien à l’augmentation du nombre de personnes qui choisissent au contraire de vivre seules. Quelle en est la raison fondamentale ? Le choix de rester seul signifie que toute liaison liée à un engagement est ressentie comme insupportable, trop lourde. Et la conséquence qui en découle est la tendance à une société qui devient toujours plus dé-familiarisée, composée d’individus qui, s’ils décident de s’unir, le font sans aucun engagement durable (…)

    La nécessité d’une « famille »

    Pourtant, l’aspiration à des relations affectives durables et capables de nous aider lors des situations difficiles de la vie est inscrite au fond de notre cœur. Toutes les études sociologiques le relèvent. Cela signifie que, lorsque la culture contemporaine promeut l’objectif de l’autonomie absolue des individus, en réalité elle ne fait que tromper, car elle propose un objectif qui n’est pas bon. Et de toute façon –et cela est encore pire– elle ne prépare pas à affronter les épreuves et les sacrifices que toute relation durable et véritable exige. Cette tromperie est le résultat d’idéologies faciles dont la dernière, celle qui est prêchée par la révolution sexuelle, reste parmi les plus pernicieuses. (…). Si nous voulons rendre solide la société, il faut faire de même avec la famille : c’est dans la famille que l’on commence à construire et à promouvoir le « nous » de l’humanité. (…). Affaiblir la famille signifie être à la merci des sentiments, de leur instabilité et de l’incertitude. Ainsi, la réflexion de Benoît XVI, qui reliait l’éclipse de la famille dans la société contemporaine à l’éclipse de Dieu, est tout à fait significative. Sans une référence à l’Au-delà (avec une majuscule), il est difficile qu’elle puisse comprendre l’autre que soi.

    L’Évangile de la famille

    (…) Il ne s’agit pas tant d’une doctrine que plutôt d’un don à accueillir. Il est décisif que les chrétiens, en particulier les époux chrétiens et les familles chrétiennes, vivent ce trésor et le fassent resplendir comme une belle et passionnante réalité. Dans un monde marqué par la solitude et la violence, la famille et le mariage chrétiens doivent être une « bonne nouvelle » qui aide ce nouvel humanisme dont la société contemporaine a extrêmement besoin. (…)

    Il y a aussi un bon nombre de questions d’ordre culturel et politique que nous ne pouvons pas ne pas étudier. Je pense, par exemple, à la question de l’identité de genre, à savoir de ce que signifie aujourd’hui être un homme et être une femme. La destruction de la spécificité sexuelle, telle que proposée par la nouvelle culture du genre, qui triomphe aujourd’hui dans tous les contextes internationaux, doit trouver des réponses claires et convaincantes de notre part. Comme est en outre cruciale la question de la transmission culturelle entre les générations, et donc également de la transmission de la foi. (…). D’autres sujets devraient être inclus dans une pastorale de la famille attentive à la réalité contemporaine : les droits des individus; le droit des enfants à naître, à grandir et à vivre dans l’amour et dans la dignité toute leur vie; le droit de mourir sans être tué; le droit des malades à être soignés d’une manière attentive; le droit d’avoir un travail digne et sûr; le droit de la famille de ne pas être exploitée par la dictature du profit financier; le droit d’avoir du repos et de ne pas être réduit en esclavage par le rythme du travail afin de produire sans aucune halte, et ainsi de suite.

    Il s’agit d’un domaine vaste et complexe qui nécessite des interventions culturelles et politiques aussi bien que spirituelles. Il doit en jaillir une nouvelle sagesse, une nouvelle force, aptes à promouvoir et à défendre le mariage, la famille et la vie. (…). Il s’agit d’une action difficile et complexe, mais qui ne peut pas être reportée. Il faut une nouvelle alliance entre la famille et l’Église pour montrer la beauté du « nous » à une société attristée dans son orgueil myope (...)" Ref . sur le site web du diocèse de Liège : Famille chrétienne ? L’Évangile de la famille dans un monde globalisé – JPS

     

  • Rwanda : le pays où Dieu pleure peut-être encore

     

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    Le pays où Dieu pleure peut-être encore : un rappel historique

     

    Zanotti 173.jpg1994-2014 : on commémore, ces mois-ci,  le vingtième anniversaire de la tragédie rwandaise de 1994. Sans que la communauté internationale veuille ou puisse faire grand’chose, on a compté alors près huit cent mille morts, dans une guerre civile tournant au génocide déclenché en avril de cette année-là par le pouvoir hutu,  mais finalement gagnée trois mois plus tard par les Tutsis du front patriotique de Paul Kagame. Vingt ans après, les choses en sont toujours là : l’ordre règne à Kigali, sans qu’on puisse présumer d’une « revanche » possible. Mais nous sommes ici dans une séquence de l’histoire longue.

    Le mythe fondateur d’un ordre social

    Dans un livre paru chez Fayard en 1983 (« Afrique, Afrique »), Omer Marchal, un ancien de l’Afrique belge, raconte cette légende : lorsqu’Imana, le Dieu qui fit le ciel et la terre, eût créé les mille collines rwandaises et les grands lacs qui les baignent, il en fut séduit au point de revenir doucement dans la nuit bleue constellée, caresser ce paysage d’éternel printemps qu’il avait si bien façonné.

    Un soir, alors que brillaient le croissant de la lune et Nyamuhiribona, l’Etoile du Berger, dans le silence à peine troublé par les grillons et les meuglements assourdis des vaches Inyambo aux longues cornes-lyres, Imana descendit de l’empyrée céleste pour confier une jarre de lait à chacun des trois ancêtres des « races » qui peuplent son pays préféré : Gatwa était le père des Batwa, Gahutu, celui des Bahutu et Gatutsi celui des Batutsi. A l’aube de cette nuit des temps, Il revint s’enquérir de son dépôt. Or, Gatura avait renversé le lait, dans son sommeil. Gahutu avait eu soif et l’avait bu. Seul Gatutsi veillait auprès de la jarre qui lui avait été confiée. « Tu n’aimes pas mon lait ? » lui dit Imana. « Si, Seigneur, mais je l’ai conservé pour Toi, répond-il, prends et bois ! ». Alors Dieu dit à Gatutsi : « Ganza ! », Règne !

    De la légende à l’histoire

    La légende des jours anciens simplifie l’histoire. Celle-ci commence voici mille ans lorsque, venus des confins du Nil, les premiers pasteurs batutsis, longues silhouettes félines drapées dans des toges blanches, installèrent leurs troupeaux de vaches pharaoniques sur les hauts-plateaux du Rwanda. « Seigneurs de l’Herbe », ils y construisirent une hiérarchie féodale, se mélangeant plus ou moins avec les Hutus et les Twas dans les lignages de douze ou treize clans génériques. Car, à leur arrivée, le pays n’était pas vide : les pygmoïdes batwa y vivaient déjà de la chasse et de la cueillette à l’âge à l'âge néolithique, suivis, bien avant l’an mil, par les ancêtres du « Peuple de la Houe », les agriculteurs bahutu. Une société s’organise ensuite autour de ce lieu fondamental : l’Umurenge -la Colline- avec son armée, l’Ingabo et ses guerriers Intore, dont les célèbres danses ressemblaient à des parades amoureuses, avec son artisanat, ses métiers, les abacuzi, les abashumba, les abagaragu… Protégé par son lignage, son chef d’armée, le chef des pâtures et celui des terres, le paysan mène ses bêtes ou cultive l’Isambu, son champ. La plus petite Umurenge vit aussi sous un autre regard, celui du prince des nobles tutsis, le « Maître des Tambours », le mwami-roi représenté par les chefs locaux mais qui, lui-même, est loin d’être inaccessible. Le petit homme des collines peut monter jusqu’à lui. Et il en fut largement ainsi  jusqu’au sanglant avènement de « Démokarasi », un dieu au sexe indéterminé dont les blancs inspirèrent le culte au tournant des années soixante du siècle dernier.

    Comment en est on arrivé là ?

    En 1896, un explorateur allemand, le comte von Götzen, fit tirer quelques coups de feu par ses ascaris zanzibarites puis plaça le pays sous protectorat du Reich, sans le dire au Mwami Rwabagiri, qui le reçut après mille ruses.

    Au lendemain de la Grande Guerre, la Société des Nations transféra le mandat à la Belgique, qui s’était d’ailleurs emparé de Kigali dès 1916. L’administration belge, suivant en cela les principes du maréchal Lyautey au Maroc, ne détruisit pas l’organisation traditionnelle de la société : elle s’y superposa (comme au Congo) pour combattre les pratiques barbares et les abus féodaux, développer un réseau économique moderne mais aussi social, hospitalier, éducatif. Elle fut secondée en cela par l’Eglise et, singulièrement, les Pères Blancs d’Afrique qui convertirent alors le royaume au Dieu de Jésus-Christ : «  Que ton Tambour résonne » sur la terre comme au ciel, chantait autrefois le « Notre Père « rwandais.

    En 1931, la reine-mère Kanjogera et le mwami Musinga Yuhi V, dont l’immoralité n’avait d’égal que les outrages qu’il fit subir aux missionnaires, furent relégués à Kamembe (Cyangugu), proche de la ville congolaise de Bukavu sur l’autre rive du lac Kivu et de la Ruzizi (aujourd’hui Rusizi) : les « tambours sacrés ont alors été remis à l’un de ses soixante fils, Charles Mutara III Rudahingwa,  dont l’éducation avait été prise en main par les « abapadri ». Une image me revient à l’esprit : en 1955, sur une route bordée d’eucalyptus, un géant noir aux yeux en amandes, le nez fin et droit, s’avance appuyé sur sa houlette au milieu de ses vassaux. Un grand pagne blanc drape son corps comme une toge et, de haut en bas, sa coiffe en crinière est rehaussée de poils de singe. C’est Charles Mutara, quarante cinq ans, qui accueille le jeune Roi Baudouin.

    Péché mortel 

    Charles n’a pas d’enfants et il meurt quatre ans plus tard, en juillet 1959, dans les bras de son médecin blanc qui vient de lui administrer une piqûre : « mortelle » diront alors de mauvaises langues tutsies pressées de mettre fin à la tutelle coloniale  avant que celle-ci ne remette le pouvoir, au nom de la démocratie, au parti des hutus largement majoritaire. Sur les lieux mêmes de l’inhumation du Mwami Mutara, les féodaux écartent  son frère Rwigmera, partisan modéré des réformes, et, sous les yeux médusés  du Résident Général Harroy, proclament mwami Kigeri V, un demi-frère, fils parfaitement obscur de Musinga. La réaction ne se fit pas attendre : le « Parmehutu » de Grégoire Kayibanda monte en graine, soutenu par le lobby de la démocratie chrétienne, les Pères Blancs de Monseigneur Perraudin et le Colonel Logiest, résident militaire spécial de 1959 à 1962

    Car, tout a commencé à la Toussaint rouge de 1959. Les Hutus brandissent l’Umhoro. Sur à la noblesse. Les tutsis répliquent à coup de flèches. Premier bain de sang. La Tutelle impose les élections. « Pour manger le royaume » accusent les Tutsis regroupés au sein de l’Unar. De fait, ils ne sont pas 25% de la population et, au petit jeu « one man, one vote », ils n’ont aucune chance : ils le refusent. La cause est alors entendue. Le « Parmehutu » s’installe au pouvoir communal en juillet 1960, puis national en septembre 1961. Le Mwami est déchu. Le Rwanda sera donc une république dont l’indépendance est fêtée le 1er juillet 1962 : Kayibanda préside à ses destinées. A ses côté un nouvel ambassadeur : l’ancien résident belge Guy Logiest.

    L’apocalypse et après  

    Le décor est ainsi planté pour l’exil ou la mort atroce, au gré des vagues sanglantes qui se succéderont pendant trente ans, pour aboutir au génocide déclenché par le meurtre du successeur de Kayibanda, Juvénal Habyiarimana, et la percée décisive du Front patriotique en 1994 : Interhamwe hutus contre Inkotanyi tutsis mais aussi tout un peuple sans défense. Deux millions de réfugiés, et plus d’un demi-million de morts au moins,  en quelques mois. Dans cette tragédie, l’Eglise elle-même fut  alors réduite au silence et sa hiérarchie décapitée avec le régime dont elle fut si (trop) proche, même si quelques étoiles scintillèrent dans la nuit.

    Quoi qu’on dise aujourd’hui, le Rwanda, terre catholique, a toujours (bien plus que de rééducations « à la chinoise ») un immense besoin sacramentel : celui du pardon et de la vraie réconciliation des âmes. A ce prix seulement, il deviendra une nation, l’Imbuga y’Inyiabutatu, le peuple des trois « races » qui ont fondé autrefois la terre des mille collines. En 1982 déjà, la Vierge Marie apparue de façon prémonitoire à Kibeho, lieu même d’épouvantables massacres en avril 1994, avait appelé au repentir et à la conversion des cœurs : un message que l’Eglise a authentifié en 2001. Il n’a nullement perdu son actualité. 

  • Comment conjuguer justice et miséricorde ?

     

     

    comment conjuguer justice et miséricorde?

    La méta-tentation de la miséricorde

    Zanotti 175.jpgDe Thibaud Collin (photo), sur le site web du bimensuel "L’Homme Nouveau ", le 10 avril 2014, sous le titre « la méta-tentation de la miséricorde » :

    La question des divorcés-remariés

    La question de l’accès aux sacrements de l’Eucharistie et de la réconciliation des fidèles divorcés et remariés civilement est revenue au cœur de l’actualité ecclésiale et médiatique. À cette occasion beaucoup ont de nouveau réclamé une approche pastorale et non plus juridique de ce problème majeur. La première serait attentive aux personnes accueillies dans leur unicité ; la seconde serait objective et impersonnelle. Ces deux approches s’incarneraient dans deux pratiques opposées de la vie sacramentelle. La miséricorde est alors invoquée pour souligner à quel point seule la première correspond au cœur de Dieu. La loi n’est-elle pas liée à la justice dont la miséricorde est le dépassement ? Rester sur une approche légaliste de l’accès aux sacrements serait une nouvelle forme de pharisaïsme. Le magistère ecclésial aurait jusqu’alors toujours privilégié la loi et le dogme, ressemblant étrangement à ces pharisiens disposant de lourds fardeaux sur les épaules de leurs disciples. Le temps serait enfin venu de vivre pleinement les valeurs évangéliques dont la miséricorde est la quintessence. Au terme d’un temps de pénitence, dont les conditions seraient à préciser, les divorcés remariés devraient être admis à la réconciliation sacramentelle et à l’Eucharistie. Leur refuser serait faire preuve d’obstination aux antipodes de l’empressement de Jésus à guérir les blessés de la vie et à pardonner aux pécheurs.

    Le pardon de Dieu

    Si Dieu n’est que pardon pourquoi l’Église s’entêterait-elle à mettre des conditions au don de Dieu ? La médiatrice de la grâce divine deviendrait-elle son principal obstacle dans une sorte d’avarice insupportable ? Une telle Église serait davantage un organe de pouvoir (nostalgique d’un temps de chrétienté ?) qu’une servante de l’humanité souffrante. Depuis quand le Bon Samaritain ou n’importe quel médecin digne de ce nom ­pose-t-il des conditions objectives au soin qu’il dispense ?

    J’utilise à dessein le préfixe « méta » car celui-ci renvoie en grec à une dimension plus fondamentale et englobante : la méta-tentation assume toutes les autres et donc les rend vaines.

    Comme le dit Jean-Paul II, la mentalité contemporaine a du mal avec la miséricorde car celle-ci semble impliquer la misère, et du coup être synonyme de pitié. Être l’objet de la miséricorde, c’est perdre sa dignité d’homme capable et autonome. Est-ce paradoxal avec ce que je viens de dire plus haut ?

    Miséricorde sans conversion

    Non car ce refus de la miséricorde, chez beaucoup de chrétiens imprégnés de la mentalité actuelle, se drape justement dans l’appel à la miséricorde. En effet, le présupposé de tout ce que j’ai exposé consiste à déconnecter la miséricorde de la conversion. Les divorcés remariés sont bien sûr l’objet de la miséricorde de Dieu comme n’importe quel pécheur mais seuls la contrition de son péché reconnu comme tel et le ferme propos de le rejeter peuvent permettre de recevoir la miséricorde. Vouloir être pardonné sans reconnaître son péché est une contradiction dont l’apparente solution consiste à dénaturer ce que l’on entend par miséricorde. En fait, c’est tout simplement le péché qui est nié en tant que tel. Ainsi les divorcés remariés ayant de nouveau accès à la vie sacramentelle ne seraient ni mariés ni adultères, ils seraient dans un entre-deux qui en tout cas ne serait pas peccamineux. Or s’il n’y a pas de péché, vaine et inutile est la miséricorde, puisque celle-ci est la réponse de Dieu à la misère de l’homme. Avec l’évacuation du péché disparaissent aussi la conscience de la liberté et sa capacité à se tourner vers Dieu en réponse à l’appel à la sainteté qu’Il adresse à tous les hommes quel que soit leur péché.

    Réf.  La méta-tentation de la miséricorde. Thibaud Collin est philosophe. Dernier ouvrage paru : Sur la morale de Monsieur Peillon, Salvator, 142 p., 14,50 €.

  • L'église du Saint-Sacrement: premier lauréat du Fonds Forgeur, avec la Catthédrale de Liège

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