Première du pape François
ou dernière du pape Benoît ?
Signée le 29 juin par le pape François et publiée sous son nom le 5 juillet suivant, cette encyclique (une introduction et quatre chapitres, en tout une cinquantaine de pages) a été rédigée "à quatre mains" avec son prédécesseur le pape Benoît XVI.
C’est un document didactique sans être ennuyeux, clair et profond à la fois, une porte ouverte sur l'acte de foi, la réflexion spirituelle et la prière. Tout ce qu’il faut pour plaire aux « zelanti » et déplaire aux « politicanti », lesquels ne manqueront pas de le snober, car il ne comporte aucune « avancée » doctrinale sur les incessantes controverses (nature du sacerdoce presbytéral, ordination des femmes, mariage homosexuel, statut ecclésial des divorcés remariés etc.) qui agitent l'Eglise postconciliaire.
Il s’agit « seulement » d’une méditation sur ce que comporte et implique l’acte de croire, ce que l’on appelait dans le petit catéchisme de notre enfance le « Je crois en Dieu. JPSC
Comme l’observe l’abbé Guillaume de Tanoüarn sur son metablog (07.07.2013) cette encyclique est, en réalité, le dernier document qui soit rédigé par le pape Benoît : « On reconnaît et son style, archi-documenté que ce soit dans l'ordre sacré ou dans l'ordre profane (Nietzsche, Rousseau,Wittgenstein), et sa manière, douce ne prenant jamais l'adversaire de front mais ne lui laissant aucune chance, et aussi sa volonté de faire le point sur tous les sujets afférents au sujet principal, comme on le fait dans un cours bien professé : salut par la foi, rapport foi et science, foi et société, foi et Eglise etc. C'est tout Benoît XVI, cela. Un peu difficile à lire ? C'est vrai, avouons-le. Comme ses trois autres encycliques d’ailleurs (ndlr : Deus caritas est, Spe Salvi, Caritas in Veritate). Mais pour celui qui veut se donner la peine de la lire, quelle fécondité ! »
Denis Sureau l’a commentée (23.07.2013) sur le site du bimensuel « L’Homme Nouveau », dont il est le directeur. Voici un condensé de sa lecture :
L'encyclique s'ouvre sur un beau rappel : la foi est une lumière car le Christ est le vrai soleil. La lumière de la foi est plus brillante que la foi dans les Lumières. La foi est « une lumière pour nos ténèbres ».
Histoire de la foi
Le premier chapitre (« Nous avons cru en l'amour »), exercice de théologie narrative, commence par évoquer Abraham, « notre père dans la foi : la foi d'Abraham anticipait la venue du Christ, la foi étant « confession que Jésus est le Seigneur », qu'il est mort par amour pour les hommes et que Dieu l'a ressuscité. Croire, ce n'est pas seulement croire en cela, mais c'est aussi participer à la manière de voir de Jésus. C'est s'ouvrir à un amour qui nous précède et nous transforme intérieurement. Le pape insiste ici sur un point important : la forme ecclésiale de la foi. « La foi n'est pas un fait privé, une conception individualiste, une opinion subjective », car elle se confesse en communion, entre croyants au sein de l'Église qui, selon la belle formule de Romano Guardini, « est la porteuse historique du regard plénier du Christ sur le monde ».
Foi, vérité, amour et raison
Le deuxième chapitre (« Si vous ne croyez pas, vous ne comprendrez pas ») expose le lien étroit entre foi et vérité : « La foi, sans la vérité, ne sauve pas ». Or, aujourd'hui, la vérité est « souvent réduite à une authenticité subjective de chacun, valable seulement pour la vie individuelle ».
Une vérité commune est identifiée avec « l'imposition intransigeante des totalitarismes ».
Mais, si elle est l'amour de Dieu qui lui ne s'impose pas par la violence, la vérité n'écrase personne, et le croyant ne peut être arrogant – la vérité le rend humble.
Reprenant une formule chère à Joseph Ratzinger, l'encyclique dit que « la foi élargit les horizons de la raison » et invite la science à s'ouvrir à toute la richesse de la Création.
Elle permet également la rencontre avec les adeptes des autres religions ainsi qu'avec les incroyants qui« désirent croire et cherchent sans cesse ». La théologie intervient ici comme science de la foi, comme « participation à la connaissance que Dieu a de lui-même ».
L'encyclique rappelle qu'elle est au service de la foi des chrétiens et ne doit pas considérer le Magistère comme une limite à sa liberté.
Transmettre la foi
Le troisième chapitre (« Je vous transmets ce que j'ai reçu ») traite de la transmission de la foi. Qui s'est ouvert à l'amour de Dieu ne peut le garder pour lui. La foi se transmet « de personne à personne, comme une flamme s'allume à une autre flamme », de génération en génération, à travers une chaîne ininterrompue de témoins, au sein de la communauté qu'est l'Eglise. « Il est impossible de croire seul ».
Avec le Credo, le Décalogue et le Notre Père, les sacrements jouent un rôle particulier : « par eux, une mémoire incarnée est communiquée ».
Le Pape insiste sur l'unité de la foi (la foi est une car Dieu est un) et son intégrité : « Étant donné qu'il n'y a qu'une seule foi, celle-ci doit être confessée dans toute sa pureté et son intégrité. ». Le dépôt de la foi doit être transmis dans sa totalité : avis aux catéchistes ! Retirer quoique ce soit à la foi serait le retrancher de la vérité de communion.
La foi dans la cité
Le quatrième chapitre (« Dieu prépare pour eux une cité ») affirme que la foi a une incidence sociale, « au service concret de la justice, du droit et de la paix ». Elle est un « bien commun » qui a « apporté de nombreux bienfaits à la cité des hommes ». D'abord dans la famille, « union stable de l'homme et de la femme dans le mariage » (certains journaux n'ont retenu de l'encyclique que cette phrase pour dire que le Pape était contre le mariage homo !). Puis dans les autres rapports sociaux : la reconnaissance d'un Père commun peut seule assurer une fraternité que la modernité tente en vain de fonder sur l'égalité.
Quand la foi diminue, les fondements mêmes de la vie communautaires s'amoindrissent. D'où l'impérative nécessité de confesser Dieu publiquement : « Peut-être aurions-nous honte d’appeler Dieu notre Dieu ? Peut-être est-ce nous qui ne Le confessons pas comme tel dans notre vie publique, qui ne proposons pas la grandeur de la vie en commun qu’il rend possible ? »
L'encyclique s'achève, après une méditation sur la foi comme « force de consolation dans la souffrance », sur une prière à Marie, Mère de Jésus, Mère de l’Église et Mère de notre foi.