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Réflexion faite - Page 88

  • Mgr Delville : un évêque qui nous parle

     200_200_e2f970b49174c5d6ba877496e45b25db-1370007343.jpgNous reprenons ici le texte de l’entrevue que Mgr Jean-Pierre Delville a accordée à Christian Laporte et Paul Vaute pour le quotidien « La Libre Belgique » . Ce texte a été publié par le journal le 10 juillet 2013, quatre jours avant la consécration de celui qui devient le 92e successeur de saint Lambert.  

    L’entretien met en lumière quelques traits du nouvel évêque : un homme au jugement mesuré, ouvert et transparent, semble-t-il.  Sa fibre sociale ne donne pas l'impression d'être le fruit d’une idéologie mais de sa bienveillance naturelle. Ce professeur à la Faculté de Théologie de l’U.C.L. diplômé de l’Université grégorienne à Rome, titulaire d’une licence en histoire de l’Université de Liège, premier prix d’orgue du Conservatoire de cette même ville est aussi un polyglotte distingué. Bref, une formation pluridimensionnelle et d’excellents atouts pour faire un vrai pontife : un jeteur de ponts -dans un diocèse qui en a  bien besoin- au service d’une seule ardeur pour l’unique Parole.  

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    l'évêche de Liège, en bord de Meuse

     

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    Son blason porte la devise : « Fluminis impetus laetificat civitatem Dei » : l’élan du fleuve réjouit la cité de Dieu. Tout un programme pour l’Évêque et le Diocèse de la grande Cité mosane. Est-ce dans cet impetus que « La Libre » puise le titre de son article ? 

    Jean-Paul SCHYNS   

    Mgr Delville : il n’y a plus ni gauche, ni droite 

    par Christian Laporte et Paul Vaute

    Publié le mercredi 10 juillet 2013 à 05h40 - Mis à jour le mercredi 10 juillet 2013 à 09h30

    Ce dimanche 14 juillet, l’abbé Jean-Pierre Delville deviendra le 92e évêque de Liège, succédant à Mgr Aloys Jousten. C’est au Séminaire Saint-Paul de Louvain-la-Neuve, où il préside le collège destiné à accueillir les prêtres étudiant à l’UCL, que nous l’avons rencontré avant qu’il ne passe en retraite les derniers jours précédant son ordination.

    Né à Liège en 1951, accompagnateur spirituel de la communauté Sant’Egidio en Belgique francophone, Mgr Delville est - ou plutôt était - également professeur d’histoire du christianisme à l’Alma Mater, fonction qu’il doit à présent abandonner.

    Lors de votre présentation à la presse, le 31 mai dernier, vous avez cité parmi vos préoccupations celle des vocations. 

    En effet, cela me tient à cœur notamment pour avoir présidé le Séminaire de Louvain-la-Neuve et donné cours au Séminaire de Liège. La crise actuelle des vocations ne doit pas être ramenée à la difficulté de vivre le célibat. Les Eglises protestantes connaissent aussi cette crise. Mais il faut revaloriser le profil du futur prêtre. Il faut qu’il soit appelé, désiré, porté. 

    Vous avez aussi mis l’accent sur le rôle des laïcs et en particulier des femmes. Comment valoriser les vocations qui n’incluent pas le célibat ?

    Il ne faut pas se limiter aux intitulés officiels des ministères laïcs comme l’acolytat ou le lectorat. Ils doivent être incarnés dans des activités nouvelles, y compris sociales. L’expérience des pays du Sud, où des laïcs sont responsables de communautés, peut nous aider à cet égard. C’est dans ce cadre que nous pouvons réfléchir au rôle de la femme, non pas comme prêtre mais dans les fonctions où elle a sa place. On voit beaucoup de communautés nouvelles dirigées par des femmes, comme les Focolari avec Chiara Lubich et maintenant Maria Voce. Il y a aussi des secteurs comme la santé et la famille où les femmes ont une sensibilité particulière, même si ce n’est pas exclusif. Il ne faut pas se focaliser sur l’idée de devenir prêtre. Depuis Vatican II, le prêtre n’est plus celui qui fait tout. 

    Vous avez dit qu’il faut que les "clans" se parlent dans l’Eglise. L’unité dans la diversité, c’est le grand défi ? 

    On s’est fort polarisé sur une vision gauche-droite ou progressistes-traditionnalistes. Aujourd’hui, on voit mieux qu’il n’y a pas de position idéale. Il y a des diversités qui sont quand même une richesse. 

    C’est dans cet esprit que vous allez parfois célébrer la messe selon le rite préconciliaire à l’église du Saint-Sacrement à Liège ?

    Oui. Il y a une richesse et une beauté dans le rite d’avant Vatican II qui méritent d’être valorisées. Il faut cesser les exclusions réciproques. Eric de Beukelaer, comme doyen du centre-ville, a aussi cette volonté. 

    Quel a été le rôle de la communauté Sant’Egidio dans votre parcours personnel ?

    J’ai rencontré Sant’Egidio à Rome où j’avais été envoyé pour étudier la théologie en 1978. L’équilibre qu’il y a chez eux entre la prière et la solidarité avec les plus pauvres m’a beaucoup frappé. Il faut voir l’enthousiasme des jeunes qui consacrent, presque chaque jour après 16 heures durant leur vie d’étudiant, un temps pour l’amitié avec les pauvres, qui se termine par un temps de prière. A l’époque, la communauté n’existait qu’en Italie et elle était considérée comme inexportable, surtout dans les pays du nord. Puis, cela s’est développé, à Anvers dès 1985 et ensuite du côté francophone. 

    Mgr Jousten s’est signalé par quelques coups de gueule retentissants à propos des drames sociaux de la région liégeoise (Inbev, ArcelorMittal…) Vous comptez faire de même ?

    Je serai un évêque qui s’engagera dans la promotion de la justice sociale, certainement. L’idée même de justice sociale, à réaliser à travers les structures publiques (Etat) et intermédiaires (syndicats), est née dans l’Eglise catholique à la fin du XIXè siècle, à partir de la réflexion sur l’injustice sociale dont le prolétariat était la victime. Il y a eu à la fois intégration et réaction au socialisme qui envisageait alors la révolution. Aujourd’hui, chrétiens et socialistes se retrouvent sur un même terrain qui est celui de la social-démocratie. Mais il y a une grande différence, c’est que les problèmes dépassent le cadre de l’Etat et ont pris une dimension mondiale, qui les rend plus complexes. C’est au niveau mondial qu’il faut concevoir des lieux de solidarité entre nos pays, régions, diocèses et ceux du Sud.

    Quel rôle vous sera dévolu au sein de la Conférence épiscopale ?

    Il est trop tôt pour le dire mais je m’installerais bien dans les compétences de mon prédécesseur et donc dans les matières relatives à l’engagement social. Cela dit, ma formation d’historien me sera aussi utile ici : elle permet de prendre un certain recul mais aussi d’apporter des idées. L’histoire nous éclaire sur nombre  de situations et la compréhension du passé permet d’éclairer le présent et de trouver des voies originales.

    Vous pensez à quelque chose en particulier ?

    Par rapport à la place de la femme, dans l’Eglise primitive il y avait une grande diversité avec, par exemple, la place prise par les veuves. L’ histoire stimule aussi par rapport au proche passé : c’est Jean-Paul II qui s’est inspiré de plusieurs modèles de l’histoire tels saint Stanislas, les prêtres polonais ou du Christ lui-même. Moi-même, j’ai parmi mes modèles l’abbé Antoine Pottier qui fut le grand promoteur de la justice sociale et donc de la démocratie chrétienne en Wallonie. Non seulement il prôna la création de syndicats chrétiens à Liège, mais fut aussi l’inspirateur de nombreuses législations sociales.

    A un moment de votre carrière, vous avez été un des porte-paroles de l’Eglise. Cette dernière est toujours un peu dans les cordes. Ne faut-il pas améliorer la communication ?

    Il faut certainement valoriser la communication en ses divers lieux. Vous pensez sans doute au drame de la pédophilie. Pour moi, ce n’est pas qu’une question d’image mais ce sont de terribles réalités. Les atrocités commises par certains clercs ont eu des répercussions terribles sur la vie des victimes. Cela dit, si l’image de l’Eglise a été écornée, on est arrivé à plus de vérité mais aussi une purification et l’Eglise doit continuer à manifester sa compassion pour les victimes. On a découvert aussi la grande fragilité de la vie humaine. Il faut en tout cas continuer à manifester de l’attention aux victimes et valoriser l’usage de la parole.

    N’a-t-on pas trop agressé l’Eglise ?

    Il y a eu une focalisation mais qui s’explique : quand une autorité morale se méconduit, elle se retrouve dans l’œil du cyclone. Cela dit, ces derniers temps on a eu de très belles images d’Eglise depuis l’avènement du pape François. J’aurais aussi tendance à valoriser les choses belles. Je pense par exemple aux Journées mondiales de la jeunesse ; d’où aussi l’importance de grands événements pour le dire.

    Le nouveau pape fait de la bonne communication…

    C’est un style un peu nouveau qui repose sur beaucoup de valeurs. Son fil rouge, c’est l’attention à l’autre et ce même en dehors de l’Eglise. Son déplacement à Lampedusa, ce lundi à la rencontre de ceux qui sont venus d’Afrique chercher un peu de bonheur en Europe est un signe de plus de son attention pour toutes les formes de la condition humaine. En outre, tout ce qu’il dit, tout ce qu’il fait, l’est toujours avec un grand cœur.

    Son appel à la collégialité interpelle aussi le 92e évêque de Liège ?

    Oui, car un évêque n’est pas seulement responsable de son diocèse mais aussi coresponsable de l’Eglise universelle. Le fait d’appartenir à une communauté internationale me frappe et me renforce dans ma perception de la validité de l’inspiration  évangélique de toutes les cultures.

    L’Eglise doit-elle s’investir davantage dans la culture ?

    Elle doit être présente à la culture d’aujourd’hui et entrer en dialogue avec la raison et avec la science. En fait, la foi chrétienne a déjà beaucoup inspiré la culture, quand on pense à Bach ou Haendel ou à tant de grands peintres…

    L’évêque de la communauté de Sant’Egidio plaide aussi pour le dialogue interconfessionnel ?

    Oui, avec le judaïsme et avec l’islam mais aussi la laïcité. C’est une caractéristique du monde contemporain : cela implique une reconnaissance réciproque. La spiritualité de l’islam peut beaucoup apporter aux chrétiens, il y a une influence du catholicisme social sur le bouddhisme et sur  l’hindouisme. Les chrétiens doivent aussi redécouvrir la valeur de la liberté. Le croyant est interpellé sur la liberté de son choix d’où l’importance du dialogue  qui est porteur pour tous. C’est le sens de la Marche pour la paix qu’organise Sant’Egidio le premier janvier. Lors de sa dernière édition, nous avons tous été marqués par l’intervention sous forme de prière d’une jeune fille musulmane. C’est dans un moment comme celui-là qu’on perçoit l’importance d’un sentiment de reconnaissance.

    Mais tous ces dialogues sont pollués par les radicalismes…

    Il faut les combattre en se parlant, partout ou c’est possible. Et avec des paroles qui vont au-delà des a priori et des désillusions. Il ne faut pas craindre d’aller à contre-courant…

    Tous les samedis, avec d’autres bénévoles, vous servez les repas aux pauvres du Kamiano, le restaurant de Sant’Egidio à Liège. Vous allez continuer ?

    Oui, je vais continuer. C’est important pour moi. Le nom de Kamiano a été inspiré par l’exemple du père Damien. C’est ainsi que les indigènes le surnommaient. Damien a travaillé au service des lépreux tout en contribuant à la recherche du vaccin contre cette maladie. Il a invité pour cela de nombreux médecins à Molokaï. Il n’y a pas chez lui de dualité entre l’action immédiate sur les personnes et la recherche de solutions structurelles. Avec le restaurant aussi, nous essayons de ne pas seulement donner une rustine à une personne mais de la mettre en contact avec les réseaux de solidarité qui peuvent la soutenir. La notion d’amitié est aussi importante. Ce n’est pas un self où on vous balance la nourriture sans plus. On vous reçoit en famille et vous pouvez nouer une amitié qui est une clé dans la vie humaine parce que c’est un acte volontaire, raisonné et pas seulement un acte qui résulte de la sensibilité ou des sentiments. Ce n’est pas parce que je suis sensible aux belles blondes ou aux gens qui ont l’accent espagnol ! C’est parce que je vois quelqu’un, même avec ses défauts. Ce que l’Evangile appelle »agapè », c’est l’amour mais aussi l’amitié.

    Où en est le chantier des paroisses à Liège ?

    Je visiterai les communautés chrétiennes à partir des unités pastorales. Il est important de voir les capacités de chacun à partir d’entités plus grandes et de réunir les compétences à leur service. Cela dit, il est important de maintenir les foyers communautaires locaux : on ne peut négliger la dimension des quartiers et des villages existants. Lors d’une visite à des prêtres liégeois au Brésil, j’ai été frappé par le dynamisme de chapelles de quartier où l’on prie encore intensément. Donc il faut trouver une bonne articulation entre une direction responsable et une certaine décentralisation. Je trouve cela personnellement très stimulant.

    Votre messe d’ordination (*) aura-t-elle un thème particulier ?

    Elle gravitera autour du thème de mon blason qui s’inspire d’un extrait du psaume 45, « le fleuve, ses bras réjouissent la ville de Dieu » gravé sur les fonts baptismaux de Saint-Barthélemy. Nous l’illustrerons de manière originale lors de la procession des offrandes par l’évocation d’une série de saints qui me sont chers : Damien, Lambert, Julienne de Cornillon".

    Référence ici : Mgr Delville : il n’y a plus ni gauche, ni droite 

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    Prière pour l’évêque 

    O Dieu!
    Qui veillez sur vos peuples avec bonté
    et qui les conduisez avec amour,
    daignez accorder l'esprit de sagesse
    et l'abondance de vos grâces
    à notre Evêque,
    à qui vous avez confié
    le soin de notre conduite,
    afin qu'il remplisse fidèlement
    devant vous les devoirs du ministère pontifical,
    et qu'il reçoive dans l'éternité
    la récompense d'un fidèle dispensateur.
    Par notre Seigneur Jésus-Christ.

    Amen
     

    __________

    Copie de joie8.jpgP1010177.JPG(*)    Le dimanche 14 juillet 2013, 15h00 ,à la cathédrale Saint-Paul à Liège. La consécration a été faite par Mgr Léonard devant près de deux mille personnes, avec le concours de vingt-cinq évêques venus de Belgique mais aussi du Luxembourg, de France, d'Allemagne et d'Italie (le nouvel évêque est membre de la communauté Sant'Egidio).

         Pour la petite histoire,  signalons que l'église du Saint-Sacrement (à gauche, seconde photo) avait prêté les ornements portés par Mgr Léonard (à gauche, première photo) lors de cette célébration.

  • La pratique du culte à l’église du Saint-Sacrement à Liège

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     Depuis septembre 2007, le culte organisé à l’église du Saint-Sacrement à Liège comporte, entre autres, la particularité d’offrir aux fidèles la célébration de la messe dans l’une comme l’autre des deux formes du rite romain : selon le missel de 1962 (photo), issu d’une  tradition multiséculaire et selon le missel de 1970, issu des réformes du pape Paul VI (*).

    La mémoire liturgique s’étant largement effacée, au même titre que la culture religieuse, de l’esprit des catholiques d’aujourd’hui, nous publions ci-après un rappel de ce que sont la liturgie et, singulièrement, la messe, expliquant aussi en quoi le missel ancien diffère du nouveau, la richesse des usages traditionnels et leur statut dans l’Eglise romaine actuelle.

    Précisons que si la « nouvelle messe » est également célébrée à l’église du Saint-Sacrement, c’est dans le même esprit que l’ancienne, pour un public souvent interchangeable et par des prêtres diocésains pratiquant eux-mêmes l’une et l’autre des deux formes légitimes de la liturgie romaine. Plus libéraux, ou moins ignorants, qu’un grand nombre de leurs confrères, ils réalisent ainsi dans les faits le vœux exprimé par Benoît XVI, dans sa lettre accompagnant la publication du motu proprio « Summorum Pontificum » (7 juillet 2007) : que les deux formes d’usage du rite romain puissent s’enrichir réciproquement.

    Comme l’a en effet expliqué le Saint-Père Benoît, « il n’y a aucune contradiction entre l’une et l’autre édition du Missale Romanum. L’histoire de la liturgie est faite de croissance et de progrès, jamais de rupture. Ce qui était sacré pour les générations précédentes reste grand et sacré pour nous, et ne peut à l’improviste se retrouver totalement interdit, voire considéré comme néfaste. Il est bon, pour nous tous, de conserver les richesses qui ont grandi dans la foi et dans la prière de l’Eglise, et de leur donner leur juste place ».

    __________

    (*) les messes dominicales ont lieu dans cette église à 10h00 (missel de 1962) et 11h15 (missel de 1970)

     

    QU’EST-CE QUE LA MESSE

    et la liturgie selon la forme extraordinaire du rite romain ?

    13_05_11_18-38-28_DxO-border.jpgA la demande de l’association liégeoise « Sursum Corda » pour la promotion du latin et du chant grégorien dans la liturgie nous publions cet opuscule situant la célébration de la messe latine traditionnelle qui lui tient à cœur dans le monde éclaté de la liturgie d’aujourd’hui.

    Pour que le lecteur n’y perde pas trop son latin, nous rappelons d’abord ce qu’est une messe, quels que soient les noms qu’on lui prête. Puis, nous citons les paroles de l’Ecriture auxquelles elle se réfère et, au départ de la cène constitutive, nous évoquons la manière organique selon laquelle se constituèrent les différents rites légitimes de sa célébration, parmi lesquels on trouve la messe latine « de toujours ».

    Pour la distinguer de la nouvelle forme  du rite romain (missel de 1970), elle est qualifiée aujourd’hui de messe selon la forme extraordinaire (missel de 1962) de ce même rite. Soit. Nous la décrivons en montrant en quoi elle diffère de l’autre, appelée ordinaire, et nous terminerons en analysant son statut juridique actuel dans le cadre plus large du motu proprio « Summorum Pontificum » de Benoît XVI qui réglemente désormais le droit à l’usage du rite romain antérieur à la réforme de 1970.

    Nous remercions Messieurs Stéphane Wailliez et Jean-Baptiste Thibaux qui ont bien voulu nous aider de leurs conseils lors de la rédaction des textes qui suivent.

     Jean-Paul SCHYNS

    1. LA NATURE DE LA MESSE

    Sur une pageagneau1.jpg du livre d’intentions ouvert au fond d’une église liégeoise, un fidèle anonyme a écrit : « Qu’est-ce que la messe » ? et consigné la réponse que lui a faite un prêtre : « c’est un repas… ». Essayons donc d’expliciter, humblement, ces points de suspension.

     Dans un petit livre pénétrant, « Ce qu’est le mystère à l’intelligence » (1), Louis Salleron s’est interrogé, après tant d’autres, sur l’ « essence » du christianisme, qui se trouve être, pense-t-il, dans le sacrifice :

     Communément, le sacrifice est l’acte de renonciation à un bien en considération d’un bien supérieur : se priver pour obtenir autre chose à quoi on attribue une valeur plus haute. Car, chaque fois qu’apparaît une mesure d’équivalence, le « do ut des » dans l’intention, il n’y a pas de sacrifice, sinon imparfait (payer une prime d’assurance n’est pas un sacrifice, offrir sa vie pour sauver celle de son enfant, si).

    L’histoire de l’humanité montre que le sacrifice proprement dit est un acte religieux, une offrande aux puissances supérieures, en considération d’un lien de dépendance qui nous relie (religio, religare, en latin) à elles. Cette considération varie selon les mobiles plus ou moins élevés qui l’animent : craindre la colère, capter la bienveillance, satisfaire la justice, manifester la reconnaissance, l’amour, l’adoration.

     Il n’y a pas de religion sans sacrifice et le sacrifice chrétien se comprend dans la succession du nouveau Testament à l’ancien.

    Quelles qu’en soient les formes, du ritualisme le plus grossier –du sang des bœufs et des agneaux égorgés sur agneau10.jpgl’autel- jusqu’à l’oblation épurée  du pain et du vin par Melchisédech, le sacrifice de l’ancien Testament est d’abord celui du peuple élu au Créateur qui a passé alliance avec Lui : pointe alors l’intention d’amour et d’adoration.

    Le sacrifice du nouveau Testament est celui de l’alliance nouvelle et éternelle en Jésus-Christ, celui de l’oblation parfaite de l’homme à Dieu et au prochain, qui en est la figure. Dès l’incarnation, le Fils se « vide » en quelque sorte de sa divinité par l’offrande à son Père de sa double nature, humaine et divine.

    Cet abandon, ce don total non plus seulement de l’avoir mais de l’être est consommé sur la croix érigée par la malignité des hommes. Et ce « vide » est aussitôt comblé par Dieu.

    L’anéantissement humain par le mal se transforme en épanouissement divin. L’homme qui se sacrifie devient un homme divinisé, c'est-à-dire qui atteint ce à quoi il a toujours aspiré : le souverain Bien. Après celle du Christ, la vie des saints montre à quel point le sacrifice accomplit l’homme. 

    Or, la Messe est ce sacrifice-là : la cène originelle était un sacrifice. La pâque juive était un sacrifice, le sacrifice de l’alliance. La cène a lieu pour célébrer la pâque. Jésus y institue le sacrifice de la nouvelle et éternelle alliance qui prolonge l’ancienne et s’y substitue. La cène anticipe le sacrifice de la croix, elle est ce sacrifice par l’intention absolue du Christ dont l’oblation parfaite va du lavement des pieds à la mort sur la croix.

    La messe est le sacrifice de la croix perpétué et rendu présent jusqu’à la fin des temps.

    Le christianisme professe que la réalité absolue ne nous est connaissable que par la révélation (un seul Dieu en trois Personnes, incarnation de Dieu en Jésus, Marie mère de Dieu…) : ni la science, ni la raison n’y peuvent objecter car cette réalité mystique est hors de leur objet propre. Quand elle se révèle dans l’ordre du créé, la réalité mystique est à la fois elle-même et intégrée au créé selon l’ordre de celui-ci. Jésus-Christ, vrai Dieu et vrai homme, Présence réelle sous les espèces eucharistiques etc. : cela n’a pas de sens si nous n’admettons pas cette réalité.

    Messe-et-Calvaire Rogier de le Pasture.jpgDans le sacrifice de la croix, il y a une réalité temporelle unique dans le temps et une réalité mystique qui est la même : dans son accomplissement temporel (le vendredi saint 14 nisan de l’année 30), dans son anticipation (la cène originelle) et dans sa perpétuation (la messe).

    A la messe, par le repas, il y a aussi communion. On touche là un nouvel élément du sacré. L’homme, sensible à la mort, est hanté par la survie. Cette vie, il la maintient par la nourriture et la perpétue par l’engendrement. Il tente de la prolonger dans l’éternité par la « manducation des oblats ». En ce domaine encore la variété est illimitée. En retenant le pain et le vin pour achever le sacrifice en communion, le Christ relie la nouvelle alliance à l’ancienne, en transformant et en épurant celle-ci. Le sacrifice sanglant n’est plus que le Sien propre et c’est sous les espèces de l’alimentation élémentaire qu’Il donne son corps et son sang en nourriture. Il fait ainsi participer à la rédemption la totalité de la création car le pain et le vin, nourriture privilégiée de l’homme, sont aussi le fruit conjoint de son travail et de la terre.

    Le sacrifice parfait du Christ est oblation, immolation et communion : la messe, à perpétuité, est ce sacrifice dans sa réalité mystique. 

    2. SES REFERENCES SCRIPTURAIRES

     « Quant à moi, écrivait saint Paul (fig. ci-contre) aux Corinthiens vers la fin de l’annéesaint_paul.jpg 56 ou 57, j’ai reçu du Seigneur ce qu’a mon tour je vous ai transmis : le Seigneur Jésus, la nuit où il était livré, prit du pain et, rendant grâces, le rompit et dit : Ceci est mon Corps qui est livré pour vous ; faites ceci en mémoire de moi. De même, après le repas, il prit la coupe en disant : cette coupe est la nouvelle alliance en mon sang ; toutes les fois que vous en boirez, faites-le en mémoire de moi. Chaque fois en effet que vous mangez ce pain et que vous buvez cette coupe, vous annoncez la mort du Seigneur jusqu’à ce qu’il vienne » (1 Co 11, 23-26).

    Comme l’ a observé Dom Oury (2), « si le Christ est mort sur la croix le 14 nisan de l’année 30, la  tradition  chrétienne, dont saint Paul est le premier à consigner le souvenir par écrit, remontait à un quart de siècle, à peine le temps d’une génération. Un souvenir perpétué par la répétition fréquente des mêmes gestes ne peut subir de modification en un si court espace de temps. Les origines sont trop proches, les témoins qui se sont multipliés dès le jour de la Pentecôte (sept semaines après l’événement du Calvaire) trop nombreux pour que saint Paul ait pu se tromper et tromper, avec les Corinthiens, tous ses lecteurs présents et futurs sur une institution aussi capitale pour l’Eglise à venir.

    4evangel.jpgD’autres récits ont été faits, postérieurement, du même événement, en des termes très voisins, mais en le replaçant plus explicitement dans le contexte de la Passion ; les auteurs (fig. ci-contre) en sont saint Matthieu, l’un des apôtres, saint Luc, un disciple de saint Paul, et saint Marc, qui est l’écho de la catéchèse de l’apôtre saint Pierre, colonne de l’Eglise, rocher sur lequel le Christ Jésus l’a bâtie. Enfin, saint Jean, le disciple que Jésus aimait, sans reprendre le récit de l’institution de l’eucharistie, déjà consigné à quatre reprises dans les écritures authentiques de la communauté chrétienne, a apporté de nouveaux détails sur la dernière Cène. La doctrine apostolique sur l’eucharistie, il l’a exposée tout au long de l’incomparable chapitre 6e de son évangile, où il rapporte le discours de Jésus sur le pain de vie après la multiplication des pains.  En vérité, en vérité, je vous le dis, si vous ne mangez pas la chair du Fils de l’Homme et ne buvez pas son sang, vous n’aurez pas la vie en vous. Qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle et je le ressusciterai au dernier jour. Car ma chair est vraiment une nourriture et mon sang est vraiment un breuvage . (Jn, 6, 53-55). N’est-ce pas l’équivalent des affirmations de saint Paul qui disait aux Corinthiens :  Quiconque mange le pain ou boit la coupe du Seigneur indignement aura à répondre du Corps et du Sang du Seigneur  (1 Co 11, 27) . »

    3. LES RITES LITURGIQUES DANS L’EGLISE 

     3.1 DEFINITIONS

    La messe est le rite liturgique par excellence, institué sur l’ordre du Seigneur.

    Un rite, selon la définition du juriste romain Pomponius Festus (IIe siècle après J.-C.) est « un usage confirmé (mos comprobatus) dans l’administration des sacrifices (in administrandis sacrificiis) » (3).

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    Le mot liturgie puise son origine étymologique dans deux termes grecs : λαος (λαοί, au pluriel) : peuple et έργειν, agir, qui ont donné λειτουργια : action pour le peuple, action publique.

    Un rite liturgique est donc l’action confirmée par la coutume selon laquelle sont offerts des sacrifices pour le peuple, des sacrifices  publics.

    Chrétien ou non, l’homme a toujours recherché la manière juste et digne de louer Dieu ou la divinité. Mais la foi catholique seule nous fait ce don en toute orthodoxie dans le sacrifice parfait accompli par le Christ, de la Cène à la Résurrection par la κενωσις (en grec: évidement, vidange) de la Croix (4).

    « Faites ceci en mémoire de moi ». Le témoignage des premières générations chrétiennes nous assure que cet ordre du Seigneur a été fidèlement suivi et l’Eglise n’a d’autre ambition que de transmettre ce dépôt sacré au long des siècles : par le rite de la messe qui célèbre dans l’Eucharistie le sacrement primordial du sacrifice de Jésus et par ceux des autres sacrements ou de l’office divin qui en découlent.

    3.2. DIVERSITE DES RITES

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    Ci dessus, dans l'ordre des exemples:

    byzantin, arménien, néo-catechuménal, romain ordinaire et extraordinaire

    Chacun sait qu’il existe de nombreux rites légitimes pour la célébration de l’Eucharistie, des autres sacrements et des heures.

    L’Apologie de saint Justin (en l’an 150) nous montre qu’au départ  il y eut place pour une certaine improvisation, au sein d’un schéma invariable qui témoigne d’un grand respect pour l’idée de Tradition.

    A cette liberté relative a succédé (à partir de la fin du IIIe siècle) une période de fixation autour des grandes anaphores  (prières eucharistiques) dont les textes avaient atteint leur maturité théologique et littéraire. La cristallisation de ces rites différenciés se fit sous l’influence de divers facteurs -culturels, politiques et doctrinaux- que l’on peut résumer comme suit :

    Les grandes métropoles du monde antique vont chacune marquer de leur influence propre les aires d’évangélisation, à partir des principaux patriarcats historiques de l’Eglise. Le premier concile de Nicée (325) proclama leur ordre de préséance en se fondant sur leur apostolicité : Rome, deuxième siège de saint Pierre, à la fois siège de l’Eglise latine et siège universel ; Alexandrie, siège de saint Marc ; Antioche, premier siège de saint Pierre. S’y ajouta le patriarcat honorifique de Jérusalem, ville sainte et siège de saint Jacques. Plus tard encore, Constantinople, siège sans origine apostolique directe, devint également patriarcat à titre honorifique  (5).

     Autres sources de diversité : l’évangile gagne des territoires - Ethiopie, Arménie, Perse, Inde même…- situés en dehors de la Βασιλεια Ρωμαιων et, en Occident, à partir de 250, le grec, qui était la langue culturelle véhiculaire de tout l’Empire (la « κοινη ») décline au profit du latin.

    A ces causes, il faut sans doute ajouter aussi l’incidence des querelles christologiques qui ont fortement marqué l’histoire de l’antiquité tardive (6)

     Si les familles liturgiques orientales sont aujourd’hui encore bien vivantes, y compris au sein des Eglises « uniates » (unies à Rome) (7), il n’en va pas de même pour l’Occident où, dès avant la fin du premier millénaire, Rome absorba progressivement tous les rites (gallican, celtique, wisigothique, nord-africain…) apparentés au sien, dans un mouvement spontané d’intégration qui s’est poursuivi jusqu’au concile Vatican II (1962-1965). Des autres familles liturgiques occidentales subsistèrent néanmoins quelques particularités locales (rite mozarabe à Tolède, rite ambrosien à Milan, rite de Braga, rite lyonnais) ou liées à l’histoire de certains ordres religieux (rite dominicain, rite cartusien…).

     3.3. LA FORME EXTRAORDINAIRE DU RITE ROMAIN

    messe Pie V.jpgghardaia02.jpg

    de la forme extraordinaire à la forme ordinaire...

    Plus significative fut la persistance obstinée de la forme traditionnelle du rite romain lui-même après la publication d’un « nouvel ordo missae » par le pape Paul VI en 1970.

    A cette réforme correspondit en effet, pour des raisons qui lui sont aussi (8) extrinsèques, un phénomène de « dissolution du rite » (9) face auquel l’usage de la forme antérieure apparut à un nombre grandissant de personnes comme une sorte de valeur-refuge.

    D’abord combattu par Rome au nom du principe d’autorité (10), cet usage de la forme antérieure fut ensuite concédé, avec plus (11) ou moins (12) de méfiance, sous la forme d’un indult (dérogation) susceptible d’être octroyé par les évêques diocésains

    L’élection120409_message.jpg du cardinal Ratzinger au souverain pontificat (19 avril 2005) élargit considérablement cette timide ouverture. Son  motu  proprio  « Summorum pontificum » du 7 juillet 2007 rend désormais possible le recours aux usages en vigueur avant la  réforme de 1970 pour tous les actes de la vie liturgique, en reconnaissant ceux-ci comme l’une des deux formes légitimes du rite romain actuel : sur base de ce principe, il définit les modalités de recours à ces usages non seulement pour la messe mais aussi l’office des heures et toutes les célébrations qui jalonnent l’existence du chrétien : sacrements de baptême, pénitence, confirmation, mariage, onction des malades et même l’organisation paroissiale.

     Appliquant le principe de subsidiarité, le pape confie la mise en œuvre de ses prescriptions, chacune selon sa nature, à un échelon désigné de la hiérarchie de l’Eglise : prêtres, recteurs, chapelains, curés, évêques, supérieurs de communautés ou d’ordres religieux, sous la houlette de la Commission pontificale « Ecclesia Dei ». Celle-ci veillera au respect de la lettre et de l’esprit des normes édictées par le « motu proprio » en considérant le bien des âmes. Ainsi le pape espère-t-il abolir les frontières mentales et favoriser non pas l’anarchie  mais la réconciliation au sein même de l’Eglise.

    A terme, il vise un enrichissement réciproque dont la « Lettre aux évêques » accompagnant le « motu proprio » cite des exemples : « dans l’ancien missel, pourront et devront être insérés les nouveaux saints et quelques-unes des nouvelles préfaces et dans la messe selon le missel de Paul VI pourra être manifestée de façon plus forte que cela ne l’a été souvent fait jusqu’à présent, cette sacralité qui attire de nombreuses personnes vers le rite ancien ».         

    4. ANALYSE DE LA FORME EXTRAORDINAIRE

    La forme extraordinaire du rite romain, c’est la messe latine traditionnmesse_13.jpgelle, la messe issue de la tradition apostolique romaine qui commença à se fixer à partir de la fin des temps antiques et dont, en 1570, le missel révisé par le pape saint Pie V rendit l’usage obligatoire  pour toutes les Eglises de rite latin, sauf pour celles qui auraient un usage particulier vieux d’au moins deux cents ans.

    Les pages qui suivent expliquent quels sont les actes liturgiques, les vêtements, les objets et la langue du culte prescrits par ce missel et, pour conclure, les normes qui régissent actuellement son usage dans l’Eglise latine. 

    4.1 SES STRUCTURES

     La première partie de la messe s’intitule « messe des catéchumènes » parce que celle-ci était, autrefois, la seule à laquelle les catéchumènes étaient admis. Elle comporte une série de rites pénitentiels suivis de chants et de lectures qui se concluent par une profession de foi : le « Credo »

    La seconde partie constitue la messe proprement dite ou « messe des fidèles ». Elle se déroule en trois temps : l’offertoire ou préparation du sacrifice, le canon ou offrande du sacrifice et enfin la communion au sacrifice.

    Les commentaires qui y sont consacrés ci-après s’inspirent largement de l’opuscule « Introibo ad altare Dei » publié en 1994 par l’abbaye bénédictine de Fontgombault.

     4.11.  LA MESSE DES CATECHUMENES

      Prières au bas de l’autel

    prières bas autel540.jpgDans la messe romaine traditionnelle, les rites de préparation pénitentielle sont nettement plus développés que dans le missel du pape Paul VI (1970). Après l’aspersion d’eau bénite, qui précède chaque grand’messe dominicale, la messe elle-même débute par la récitation, au pied de l’autel, du psaume 42 encadré par l’antienne « Introibo ad altare Dei, ad Deum qui laetificat iuventutem meam ». Je m’approcherai de l’autel de Dieu, Dieu qui réjouit ma jeunesse : c'est-à-dire notre âme, toujours jeune dans la mesure où elle reste claire comme celle des enfants. Saint Ambroise († 397) nous apprend (De mysteriis, 43) que les nouveaux chrétiens chantaient cette antienne aussitôt après leur baptême, en se dirigeant vers l’autel pour y entendre la messe et communier.

    Suit le « Confiteor ». Je confesse à Dieu…Le Christ a dit : va d’abord te réconcilier avec ton frère et, alors, présente ton offrande à l’autel (St. Matthieu, 5-24). C’est pour lui obéir que l’on confesse ses péchés au début de la messe. Dans la forme traditionnelle du rite romain, le prêtre le fait d’abord tout seul afin de montrer qu’il n’est, de lui-même, qu’un pauvre pécheur, même s’il va recevoir ensuite les honneurs dus au représentant du Christ. Servants et fidèles lui répondent, confessant de même leur propre indignité.

    Si le texte traditionnel du confiteor ne date que du VIIIe siècle, la confession des péchés a toujours précédé la messe, comme le montre un document du 1er siècle : la didachè.

    Après avoir conclu le dialogue de la pénitence, le prêtre monte à l’autel en priant et il embrasse la table du sacrifice, en signe de respect et d’amour pour le Christ que cet autel symbolise et qui y sera sacramentellement présent à partir de la consécration.

    Au centre du sanctuaire de l’église, « l’autel est le trône du Corps et du Sang du Christ » (saint Optat de Milève, IVe siècle). Il contient aussi les reliques de saints, ce qui rappelle les messes autrefois célébrées sur les tombes des martyrs, dans les catacombes romaines en particulier : les saints, les martyrs spécialement, se sont unis par toute leur vie au sacrifice du Christ ; toute leur vie a été comme une messe. Enfin, dans la liturgie traditionnelle, l’autel supporte souvent le tabernacle, avec la présence réelle de Jésus lui-même. Tout ceci explique qu’il reçoive des marques de vénération et d’amour : baisers, encensements, génuflexions et inclinations, fleurs et chandeliers.

     Chants et lectures

    En règle générale, les chants qui expriment la prière liturgique de l’Eglise sont -même s’il peut y avoir d’autres formes de composition- interprétés en grégorien.

    Les uns (kyrie, gloria, sanctus, agnus), dont le texte est fixe, forment le « Kyriale » : les mélodies plus ou moins ornées du Kyriale varient selon le temps et les fêtes liturgiques.

    Les autres chants sont « propres » à chaque messe et très souvent extraits des livres bibliques. Parmi eux, trois chants de procession : introït, offertoire et communion. Il y a aussi les chants entre les lectures : graduel, alleluia ou trait et, parfois, séquence.

    Le premier chant propre à la messe s’intitule, logiquement, « introït » (introire=entrer). Il se compose d’une antienne (refrain), d’un verset de psaume suivi du « gloria Patri », doxologie en l’honneur de la Trinité et de la reprise de l’antienne. Il indique souvent l’idée dominante de la messe. Les dimanches sont parfois nommés par le premier mot de leur introït : « Gaudete » (3e dimanche de l’avent), « Laetare » (4e dimanche du carême ),« Quasimodo » (1er dimanche après Pâques).

    Implorer Dieu et Le glorifier : voilà deux intentions inséparables, deux thèmes qui vont sans cesse revenir dans la messe, comme les motifs d’une grande symphonie : ils sont associés dans le « Kyrie eleison » et le « Gloria in excelsis Deo ». « Seigneur, ayez pitié de moi » disait la Cananéenne à Jésus, en l’implorant pour sa fille malade (saint Matthieu).

     C’est ainsi que l’Eglise implore la Sainte Trinité. Dans la liturgie de la tradition, les trois invocations « Seigneur…Christ…Seigneur » sont répétées trois fois « pour signifier que les trois Personnes se contiennent réciproquement » (St.Thomas d’Aquin, III, 83/4/C). On a souvent rapproché les neuf invocations du Kyrie des neufs chœurs des anges dont la prière s’élève sans cesse vers Dieu. Cette prière, chantée en grec, est le reste d’une litanie introduite dans la messe romaine par un pape d’origine africaine, saint Gélase (492-496). 

    Chaque dimanche (sauf dans les temps de pénitence) et jours de fête, on chante ensuite le « Gloria ». En partant du chant des anges dans la nuit de Noël, le texte s’élabora peu à peu dès le IIe siècle. Il était achevé au IVe siècle, où on le chantait à l’office du matin. De là, il passa à la messe qui suivait cet office, mais seulement à Noël et à Pâques. Son usage s’étendit progressivement aux autres fêtes et devint général à partir du IXe siècle. Au départ du chant entendu par les bergers à la crèche (saint Luc, 2, 14), le Gloria se développe en une louange trinitaire : à Dieu le Père, Seigneur Roi du Ciel Tout-Puissant, au Fils Agneau de Dieu, lui-même seul Saint, seul Seigneur, seul Très-Haut, pour s’achever par l’invocation du Saint-Esprit, dont la Gloire est inséparable de celle du Père et du Fils.

    Après le « Gloria », le prêtre prononce la « collecte », une oraison qui réunit, qui collecte les intentions du cœur des fidèles vers Dieu, avant de lire, les mains posées sur le missel ou sur l’autel, l’ « Epître » ou lecture généralement extraite d’une lettre (epistola, en latin) d’un apôtre, quelquefois d’un autre livre de la bible.

     Comme dans la liturgie juive qui alternait lectures et chants, suivent le « Graduel », ainsi appelé parce qu’il se chantait sur les marches (gradus) du chœur, et l’ « Alléluia », mot hébreu qui signifie « louez Dieu » et sert de refrain pour encadrer un psaume. En diverses occasions, sévèrement réduites au XVIe siècle par le concile de Trente, le moyen âge ajouta des « Séquences » (suites), sortes de commentaires poétiques de la ferveur chrétienne, dont il nous reste quelques traces : à Pâques (Victimae paschali laudes), à la Pentecôte (Veni Sancte Spiritus), à la Fête-Dieu (Lauda Sion) et dans certaines circonstances particulières (Dies irae de la messe des défunts, Stabat Mater de la fête de Notre- Dame des sept douleurs, Christi nomine laetemur de la fête liégeoise de notre saint Lambert).

    Aux temps de pénitence, l’alleluia est remplacé par le « Trait », alors qu’au temps de Pâques un premier alleluia se substitue au graduel.

    Ce patrimoine musical liturgique reste vivant dans la messe traditionnelle, alors qu’il a été exclu en fait sinon en droit (un nouveau Graduale Romanum a été publié par les moines de Solesmes en 1974) de l’immense majorité des messes de Paul VI.

    wi2007-42 évangile.jpgLa lecture de l’ «Evangile » est le point culminant de cette première partie de la messe. C’est un enseignement mais aussi un acte d’hommage (Evangile est un mot d’origine grecque (« έυ-άγγελίον », offrande pour une bonne nouvelle) envers le Seigneur, véritable auteur de l’Evangile. C’est l’Evangile de Jésus-Christ plus encore que celui de saint Jean ou de saint Marc. C’est pourquoi les fidèles se lèvent et se signent le front (notre intelligence adhère au Christ par la foi), les lèvres (nous sommes prêts à proclamer cette foi), le cœur (nous recevons le message avec amour). La lecture de l’Evangile est un sacramental qui procure des grâces à ceux qui l’écoutent avec ferveur : des grâces de pardon, en particulier.

     S’il n’y a pas de sermon, le « Credo » suit aussitôt l’Evangile parce que notre foi est fondée sur la parole de Dieu. Il est reconnu par tous les chrétiens : catholiques, « orthodoxes » (13) et « protestants » (14). Le Credo souligne les vérités les plus contestées par les hérétiques à l’époque où il fut composé.

     Dès la fin du premier siècle, le Symbole des Apôtres, le « Je crois en Dieu », faisait partie de la liturgie du baptême. C’était un résumé de la foi (« Συμβολον », en grec : signe, marque) pour les catéchumènes. Son texte fut développé au concile de Nicée (325) pour préciser la foi contre l’hérésie d’Arius qui niait la divinité du Christ. Le concile de Constantinople (381) le compléta pour répondre à d’autres hérétiques qui niaient la divinité du Saint-Esprit, d’où son nom de « Symbole de Nicée-Constantinople ».

    Le Credo n’apparut dans la liturgie de la messe qu’à partir du VIe siècle : d’abord à Antioche, puis à Constantinople et en Espagne. Pour  repousser une résurgence de l’hérésie d’Arius,   Charlemagne ordonna de le réciter à la chapelle de son palais. Ensuite, toute la Gaule en fit autant. Comme le chant du Credo à la messe avait pour but de combattre les erreurs, Rome n’en voulait pas car elle avait toujours été pure de toute hérésie. Elle l’admit, finalement, au XIe siècle, sous l’influence de l’empereur d’Allemagne saint Henri II

    4.12  LA MESSE DES FIDELES

    La messe des fidèles, c’est le sacrifice que l’on prépare, que l’on offre et auquel on communie. 

    L’offertoire, préparation du Sacrifice

     Le chant d’offertoire accompagnait autrefois la procession des fidèles apportant leoffertoire542.jpg pain et le vin destinés à la messe mais aussi des offrandes pour l’entretien du clergé et des pauvres. Cette participation matérielle des fidèles est aujourd’hui remplacée par la quête (la collecte) et les honoraires de messes. Dans la liturgie romaine, à l’origine, le clergé préparait les « oblats » (pain et vin) pendant le chant d’offertoire, sans prières spéciales. Avant le VIIIe siècle, la « secrète » existe déjà mais, comme aujourd’hui (voir infra p. 25), elle se prie après le rite de préparation. Puis, l’usage se répandit d’accompagner la préparation elle-même par des prières personnelles qui varièrent jusqu’à ce que Rome en fixe le texte. Saint Pie V les rendit obligatoires dans sa réforme du missel en 1570, pour confirmer la foi face aux erreurs. Luther, entre autres plus radicaux encore (Calvin, Zwingli, Münzer etc.), s’en était pris à la messe catholique (et notamment à l’offertoire, qualifié d’abomination) parce que celle-ci exprime fortement l’idée de sacrifice, de messe salvatrice.

    Par la messe, l’Eglise offre, en effet, les sacrifices méritoires des fidèles avec celui du Christ, rendu substantiellement présent sur l’autel et qui les assume dans sa perfection. Or, pour le Réformateur, la foi seule suffit et justifie : « on a fait de la messe un sacrifice, on a ajouté les offertoires… », écrit-il, et il veut aussi changer le nom de la messe : « appelons-là eucharistie ou mémoire du Seigneur » (sermon du 1er dimanche de l’avent).

     Dans la messe traditionnelle, le prêtre qui offre d’abord l’hostie récite la prière « suscipe, sancte Pater » (elle se trouve déjà dans le livre de prière de l’empereur Charles-le-Chauve, au IXe siècle), puis l’admirable « Deus qui humanae substantiae », une ancienne secrète de la messe de Noël (VIe siècle). Pendant ce temps, il prépare le calice en mêlant l’eau au vin : c’est un usage très ancien (témoignage de saint Justin, IIe siècle), attesté aussi chez les Juifs : il est probable que Jésus lui-même fit ainsi.

     Suivent l’offrande du calice de vin (« offerimus », prière d’origine mozarabe), l’offrande du prêtre lui-même et des fidèles (« in spiritu humilitatis »), inspirée du récit de Daniel : les enfants jetés dans la fournaise par le roi de Babylone demandent à Dieu de les accepter eux-mêmes en sacrifice) et l’épiclèse « veni, Sanctificator », (du grec έπικαλειν, invoquer, appeler) s’adressant à l’une des trois Personnes de la Trinité, sans doute ici au Père.

    A la fin de l’offertoire, le prêtre se lave les mains en récitant quelques versets du psaume 25 : « Lavabo » (manus meas inter innocentes etc.) : cela signifie qu’il doit avoir les mains nettes pour toucher le Corps du Seigneur et, surtout, qu’au moment d’agir à la place du Christ il doit purifier son âme. 

     Viennent ensuite une prière à la Sainte Trinité (« Suscipe Sancta Trinitas ») et l’ « orate, fratres », sorte de grand « Dominus vobiscum » que l’on retrouve dans le sacramentaire (ancêtre de nos missels) d’Amiens au IXe siècle.

     L’offertoire se conclut par la « Secrète ». C’est la deuxième des trois oraisons qui changent selon la messe du jour, après la « collecte » et avant la « postcommunion ». Les « secrètes » font allusion aux offrandes, au pain et au vin qui se trouvent « mis à part » (secreta, en latin) sur l’autel pour devenir le Corps et le Sang du Christ. Elles ont une teneur sacrificielle et propitiatoire très marquée. C’est à partir de la théologie des secrètes que se sont développées les prières fixes de l’offertoire de la messe traditionnelle (cfr. supra).

     Le canon : offrande du Sacrifice

     Le « canon » est au cœur du mystère eucharistique. Canon, κανων en grec, signifie « règle », la prière qui est de règle et s’ouvre par la « Préface » dont l’objet est de rendre grâce (c’est le sens du mot « eucharistie »). Le dialogue de la préface se trouve dans toutes les liturgies d’Orient et d’Occident, depuis le IIe ou le IIIe siècle. Sa psalmodie latine (il y a deux tons) est très ancienne et si belle que Mozart a dit qu’il donnerait toutes ses œuvres pour l’avoir composée. Son texte varie selon la fête ou le temps liturgique mais il obéit toujours au même schéma : louer la Sainte Trinité, en particulier pour le mystère liturgique propre à la célébration du jour, en union avec le chœur des anges.  

    Avec ceux-ci, on chante alors le « Sanctus » : c’est le cantique de la liturgie céleste, écrivit St Jean (Apocalypse, 4, 8). La première partie est inspirée du prophète Isaïe (6,3), qui entendit les séraphins louer le Seigneur « Sabaoth », le Maître de l’armée des anges. La deuxième partie évoque les acclamations des enfants de Jérusalem adressées à Jésus, le jour des Rameaux (St Matthieu, 21,9) : « Hosanna », qui signifie « sauve-moi » ou « salut » et « benedictus » : bénir, c’est aussi rendre grâce. A Celui qui vient : le Fils de Dieu, à la consécration.

    Après le Saconsécration544.jpgnctus, l’action sacrée s’engage. Le prêtre entre dans le « silence » du Canon. Dans les liturgies orientales, des rideaux sont même tirés et cachent l’autel. A propos de ce silence, le pape Benoît XVI, alors qu’il était encore le cardinal Ratzinger (préfet de la Congrégation romaine pour la doctrine de la foi), a écrit (dans la Revue Communio, 1978-6) : « La liturgie exige la parole et le silence. Le silence, cette démarche commune vers ce qui est intérieur, est indispensable pour une véritable participation active. Il donne du temps au temps, il permet (…) de prendre conscience de ce qui dure (…).  Quoi que disent sur ce point les articles 30 et 32 de l’Institutio Generalis de la messe réformée de Paul VI, il affirme : «On n’est nullement obligé de dire à haute voix la totalité du Canon ». Lors de sa XXIIe session, le concile de Trente avait déjà précisé à cet égard « Si quelqu’un dit qu’il faut réprouver [damnandum] le rite de l’Eglise romaine qui consiste à proférer à voix basse le canon et les paroles de la consécration […], qu’il soit anathème ».

     A la messe traditionnelle, le prêtre dit le « canon romain ». Celui-ci est constitué presque entièrement depuis le pape saint Grégoire le Grand (590-604). La partie centrale trouve mot pour mot dans le De Sacramentis (vers 380) et certaines prières qui le composent remontent sans doute aux temps apostoliques eux-mêmes.

    D’une valeur théologique et spirituelle éprouvée au cours de cette élaboration de plusieurs siècles, les prières du canon romain, prononcées sans interruption par les saints de l’Eglise latine depuis quinze cents ans au moins, sont tout à fait dignes de vénération.

    Leur utilisation est obligatoire lorsqu’on célèbre la messe selon la forme traditionnelle du rite latin. La possibilité de l’usage de ce canon est même prévue dans le missel réformé du pape Paul VI (constitution apostolique « missale romanum » du 3 avril 1969) et, sans vouloir polémiquer, il est permis de se demander pourquoi il n’est, en fait, pratiquement jamais utilisé dans le cadre de cette nouvelle messe.

    Avant et après les paroles de la « Consécration », qui nous viennent directement du Christ, le canon romain groupe, dans un dessein de parallélisme, un « memento » et une liste de martyrs.

    Avant de consacrer, le prêtre signe trois fois (Ste Trinité) les oblats qu’il offre pour l’Eglise pérégrinant sur cette terre : le pape, l’évêque, les fidèles (« Te igitur »), en particulier aux intentions de ceux qui ont demandé cette messe et pour ceux qui y participent (« Memento des Vivants »), en invoquant l’intercession de Marie et de Joseph des douze apôtres, de douze martyrs insignes et la communion de tous les saints (« communicantes ») .

     Alors les fidèles se mettent à genoux. Le prêtre étend les mains sur les oblats, comme faisait autrefois le grand-prêtre sur la victime du sacrifice au temple de Jérusalem (Lévitique, 16), en prononçant la prière « hanc igitur oblationem » suivie de « quam oblationem ».

     Aux mots « qui pridie » commence le rite de la Consécration du pain. Ici, le ton change. Le prêtre ne supplie plus mais agit au nom du Christ : prenant l’hostie, il la bénit et, s’appuyant sur l’autel, symbole du Christ auquel il s’identifie, dit non pas ceci est le Corps du Christ mais « Ceci est mon Corps » et élève l’hostie transsubstantiée.

    De même (« similimodo »), il prend le calice, le bénit, consacre le vin : « Ceci est mon Sang » et élève le calice. Chaque parole est accompagnée du geste correspondant pour accentuer l’identification du prêtre au Christ. Les mots « mysterium fidei » ont été ajoutés au VIIe siècle pour signifier que l’eucharistie résume les mystères de la foi.

    Le prêtre s’agenouille avant et après chacune des élévations et il le fera aussi chaque fois qu’il prendra en mains les « saintes espèces ». La génuflexion est la marque de l’adoration chez les Latins. Elle date du XIe siècle (la sonnerie de clochette du XIIIe). L’élévation aussi date du moyen âge qui voulait mieux voir pour adorer et affirmer le dogme de la présence réelle.

    A la cène, le jeudi saint, Jésus avait anticipé sacramentellement le sacrifice qu’il allait offrir le lendemain sur la croix. A la messe aussi, Jésus, par les mains du prêtre, rend présent sacramentellement ce sacrifice.

     Un sacrement est un signe sensible, institué par le Christ, qui nous donne la grâce si la matière, la forme, l’intention et le ministre requis sont là : pour l’eucharistie, la matière ce sont impérativement le pain de blé et le vin de raisin ; la forme les paroles consécratoires prescrites ; le ministre, un prêtre même indigne mais validement ordonné, s’il a l’intention de consacrer comme le fait l’Eglise : si ces conditions sont respectées, alors nous sommes sûrs que le Seigneur est bien présent sur l’autel.

    Après la consécration, le prêtre signe trois fois (Ste Trinité) les espèces consacrées qu’il prie Dieu d’accepter (« unde et memores ») puisqu’il accepta les présents sacrificiels de l’ancien testament qui en étaient seulement les figures (« supra quae »). Le célébrant supplie le Seigneur de nous accorder les fruits du sacrifice : c’est le sens de sa profonde inclination au « Supplices te rogamus » (Ve siècle) et des signes de croix qu’il trace sur l’hostie, le calice et lui-même.

    Suit le « Memento des défunts » qui est le pendant du « Memento des Vivants » prononcé avant la consécration. On prie ici pour les âmes du purgatoire, spécialement celles à l’intention desquelles la messe est célébrée, pour subvenir à leur purification. L’Eglise a repris cet usage de l’ancien testament. L’existence du purgatoire, contestée par bon nombre d’ « orthodoxes », et par les « protestants » –qui ne prient pas pour les morts-, est une vérité de foi définie aux conciles de Lyon (1274), Florence (1439) et Trente (1563).

     Puis, comme il l’avait fait après le memento des vivants, le prêtre invoque au bénéfice des fidèles les mérites de la communion des saints et nomme plus particulièrement ici saint Jean-Baptiste, sept clercs et sept saintes femmes martyrs du Christ (« nobis quoque peccatoribus »).

     Il conclut par la « petite élévation » : après avoir tracé trois signes de croix avec l’hostie au dessus du calice, il les élève, l’un et l’autre, en invoquant le Christ unique médiateur par lequel nous puissions rendre gloire à Dieu (« Per ipsum, cum ipso et in ipso ») et s’agenouille pour l’adorer.

    La Communion au Sacrifice

    agnus Dei547.jpgLa messe des fidèles s’achève par la communion au Corps et au Sang du Seigneur, offerts pour la rémission de nos péchés.

    Le rite commence par le chant du « Pater » qui fut placé à ce moment de la messe, à l’imitation de l’usage grec, par saint Grégoire le Grand (VIe siècle). C’est sans doute lui également qui ajouta la mention de saint André, l’apôtre des Grecs, à côté des saints Pierre et Paul, dans le « Libera nos » qui suit l’oraison dominicale.

    Puis le prêtre rompt le pain consacré, comme le fit Jésus à la Cène et à Emmaüs : c’est la fraction de l’hostie (hostia=victime expiatoire) et il en dépose une parcelle dans le vin consacré : c’est la commixtion qui symbolise l’unité du sacrifice et du sacerdoce.

    L’ « Agnus Dei » fut introduit à ce point de la messe romaine au VIIe siècle, sous le règne d’un pape oriental Serge 1er, pape de 687 à 701 : il nous renvoie à une figure juive du Christ : l’agneau que les fils d’Israël offraient en sacrifice et mangeaient pour célébrer la Pâque. 

    Les prières avant la communion se sont imposées peu à peu au cours du moyen âge et précèdent la communion du prêtre au Corps et au Sang du Christ. Dès que celle-ci est accomplie, le sacrifice de la messe est parfait.

    Suit la communion des fidèles à la seule hostie. Depuis le XIIe siècle, pour des raisons pratiques, ceux-ci ne reçoivent habituellement plus le précieux Sang. En un certain sens, la communion au vin consacré n’ajoutait rien puisque le Christ est tout entier présent sous chaque parcelle des saintes espèces. Pour communier, on s’agenouille, le regard baissé et on ouvre la bouche en avançant la langue.

    Aucune parcelle du Corps du Seigneur, aucune goutte de son Sang ne doivent se perdre : c’est pourquoi le prêtre, après la communion, purifie le calice et la patène, puis ses doigts au dessus du calice. Autrefois existaient des purifications pour les fidèles : elles disparurent lorsque ceux-ci cessèrent de communier au calice et dans la main.

    Le chant processionnel de communion, alterné avec les versets d’un psaume, s’exécute pendant la communion des fidèles.

    Après l’action de grâce, le prêtre recouvre le calice, chante la postcommunion puis l’ite missa est qui, autrefois, clôturait la messe. On a ensuite ajouté une bénédiction et le beau prologue de l’Evangile selon saint Jean.

    Des prières sont habituellement dites ou chantées après la messe. Ce peuvent être une antienne à la Vierge Marie, les prières léonines (du nom de Léon XIII, mais en fait introduites par Pie IX) ou, à la grand’messe du dimanche, la prière pour le Roi (« Domine, salvum fac Regem »).

     4.2  LES ORNEMENTS, LES OBJETS ET LA LANGUE DU CULTE

    Trois considérations encore qui, sans prétendre à l’exhaustivité, concernent les vêtements, les objets et la langue du culte catholique traditionnel.

    Les ornements

    ivr74_96230624x_vétole manipule chasuble.jpgLes ornements liturgiques sont postérieurs à la structuration de la messe elle-même et se sont d’abord imposés dans la mesure où l’Eglise s’acculturait, s’intégrait dans les hiérarchies de l’antiquité tardive (IVe-VIe siècles) et fit des emprunts à ses usages ou à ses marques d’honneur. Ainsi, la chasuble est-elle dérivée du manteau romain, l’aube, que serre le cordon et couvre l’amict aux épaules, n’est rien d’autre qu’une longue tunique de toile blanche (alba), l’étole une écharpe, le manipule une serviette.

    La dalmatique des diacres est une tunique, comme celle des sous-diacres, mais elle porte des bandes laticlaves comme celles ornant les toges des sénateurs romains et le pallium  du pape et des archevêques est celui-là même que portaient les hauts fonctionnaires romains.

    On pourrait continuer la liste : la chape des offices solennels est une caobjet41chape et dalmatique.jpgpe, le surplis liturgique des clercs est un abrégé de l’aube, la mitre s’apparente au bonnet phrygien,  la crosse au bâton des pasteurs…

     

     

    Ces vêtements ont donc souvent une origine profane mais, avec le décalage du temps et des modes vestimentaires, ils ont changé de signification, pour acquérir un sens « à part », c'est-à-dire sacré et  être perçus comme tels. La couleurdes principaux ornements -chasuble, dalmatique, tunique, étole, manipule, voile de calice, bourse contenant le corporal …- varie selon les messes ou le temps liturgique : blanc (ou or) pour le temps de Noël, de l’Epiphanier et de Pâques, les fêtes du Christ ou de la sainte Vierge ; rouge (et or) pour le Saint-Esprit et les martyrs ; vert pour le temps ordinaire (après l’Epiphanue et la Pentecôte) ; violet pour les temps de pénitence (avent, septuagésime, carême, passion) mais rose pour les dimanches de Gaudete et de Laetare, noir leVendredi-Saint et à la messe des défunts.

     

      

     

    La langue

     Un mot de la langue du culte : à l’origine, l’Eglise de Rome célébrait en grec, la langue   de culture universelle -celle des concepts et de la pensée- du monde hellénistique, assortie d’hébraïsmes « orientalisants » évocateurs de l’inspiration divine. Le latin liturgique progressera plus tard, dans la mesure où les populations occidentales se christianisent et où, à partir du IVe siècle, il s’y substitue au grec comme langue de référence : Orient et Occident se distancient peu à peu, comme en témoigne le partage de l’empire. A l’époque des grandes invasions (Ve siècle), le latin populaire commence à se corrompre pour évoluer vers les langues romanes : le latin cultivé s’en distingue et, parallèlement, se sacralise (comme les vêtements) dans la liturgie. C’est chose faite dans les temps carolingiens, au IXe siècle.                            

     

    orant.jpgDès lors, dans la liturgie romaine, le latin -comme la pergola à courtines et le banc de communion qui lui succède en Occident- clôt le sanctuaire. Avec les vêtements, les gestes rubricisés et l’antique posture de prière orientée (« ad orientem », versus apsidem : vers l’abside, vers le soleil levant qui symbolise le Christ), il contraint le célébrant à effacer son personnage devant la personne même du Seigneur qu’il représente dans un « espace sacré » . Nous sommes là très loin de la mentalité qui inspira la réforme de Paul VI.

    Durant tout le moyen âge et au-delà, le latin demeurera la langue de communication civilisée, dans l’Europe et la chrétienté occidentales, celle de la science, du droit, de la philosophie, de la théologie et donc du culte. A partir du XVIe siècle, les principales langues modernes arrivent à maturité et donnent leurs premiers chefs d’œuvre mais elles sont aussi le support des nationalismes naissants et des cultes hérétiques : deux raisons suffisantes pour que le concile œcuménique réuni à Trente les maintienne à l’écart du culte latin, même s’il reconnaît qu’en principe la liturgie n’est indissolublement liée à aucune langue.

     

    Il faudra attendre la réforme de Paul VI (1970) pour que ce pape introduise les langues « profanes » dans une nouvelle liturgie, non sans que cette réforme entraîne les inconvénients et les abus redoutés par les Pères du concile de Trente. Reste qu’en droit, le latin demeure la langue-étalon  de la messe réformée et que son emploi est obligatoire dans la messe traditionnelle.  

     

    dyn002_original_360_294_gif_2625226_4bc75e1d97bc02f3d9d7ec895bc0380c.gifAvec cette dernière, il offre à l’Eglise d’aujourd’hui un témoignage et une assurance indispensables :

     

    -         d’unité d’abord. Dans le temps : les principales formules latines du canon traditionnel sont employées depuis l’époque patristique sans solution de continuité. Dans l’espace aussi : il est bon qu’une langue symbolise la catholicité par-delà les nations, races et continents ;

     -         de fidélité ensuite : n’étant plus une langue d’usage livrée à l’évolution du sens des mots, le latin minimise le risque de les affadir ou de les déformer au fil du temps ;

     -         de transcendance (15) enfin : si bien exprimée par le chant grégorien qui lui est consubstantiel. Ses modulations du texte latin de la Parole divine nous introduisent, avec une note de jubilation sereine qui n’appartient qu’à lui, dans le monde d’une poésie intemporelle dont les accents sont, comme l’a écrit Gustave Thibon, « un écho du cantique des élus ». N’est-ce pas là, en définitive, une forme supérieure de communication, directement intelligible pour le cœur et l’esprit ?

     

     4.3 SON STATUT ACTUEL

    roma 116bis.jpg

     Le droit aux usages liturgiques traditionnels est actuellement réglé par le motu proprio « Summorum Pontificum » publié par le pape Benoît XVI le 7 juillet 2007. Contrairement à ce que pourrait laisser croire sa qualification de « Lettre apostolique », c’est un texte normatif. Il en possède d’ailleurs toute la morphologie : un préambule exprimant les motifs qui le fondent et un dispositif énonçant, article par article, les conditions d’accès aux usages anciens. Il précise, pour terminer, la date d’entrée en vigueur de cette réglementation nouvelle. Les règles ainsi fixées sont juridiquement contraignantes : leur transgression est passible de sanctions prononcées par les tribunaux prévus par la législation canonique.

    43.1. Préambule

     Ce préambule expose que :

     - les souverains pontifes ont toujours veillé à ce que la « loi de la prière » (lex orandi) de l’Eglise corresponde à la « loi de la foi » (lex credendi) ;

    - il en va notamment ainsi pour les  livres liturgiques du rite romain, dont le préambule évoque le développement organique de saint Grégoire le Grand (pape de 590 à 604) au bienheureux Jean XXIII (pape de 1958 à 1963) ;

     - en 1970, pour répondre au désir du concile Vatican II, le pape Paul VI (1963-1978) approuva lui-même une réforme qui, selon l’ «institutio generalis » du nouveau missel, ambitionne d’ « adapter la liturgie aux nécessités de notre temps » ;

    - en 1984, pour tenir compte de l’attachement de certains prêtres et fidèles aux formes liturgiques antérieures, le pape Jean-Paul II (1978-2005) approuva un indult spécial (défini par l’instruction « Quattuor abhinc annos » de la congrégation du culte divin) permettant aux évêques d’accorder, sous les conditions fixées par le dicastère précité, l’usage du missel antérieur (édition de 1962) à la réforme de 1970 ;

     - en 1988, dans le motu proprio « Ecclesia Dei », le même pape exhorta les évêques à appliquer largement cet indult ;

     - par le présent motu proprio du 7 juillet, le pape Benoît XVI veut répondre en des termes nouveaux à toutes les « prières instantes » formulées par de « nombreux fidèles » liés aux anciens usages liturgiques.

    43. 2. Dispositif

    Ce dispositif comporte 12 articles. Il énonce un principe fondamental (article 1er), définit le champ et des conditions d’application (ratione materiae, personae et loci) des usages anciens (articles 2, 3, 4, 5, 6,9, 10), des voies de recours (articles 7 et 8), un organe de contrôle (articles 11 et 12§1) et la date d’entrée en vigueur (article 12§2) des normes ainsi édictées.

    43.21. principe fondamental

    L’article 1er du motu proprio postule que le rite romain actuel de la messe comporte deux formes : l’une « ordinaire » déterminée par le missel réformé de Paul VI (1970), l’autre « extraordinaire » par la dernière édition (1962) du missel romain traditionnel.

    L’article précise que ces deux expressions de la « lex orandi » sont d’égale valeur : elles n’induisent « aucune division de la lex credendi » et constituent deux modes coexistants d’expression du même et unique rite romain (16).  

    L’article prend d’ailleurs soin d’ajouter que le missel traditionnel en vigueur en 1962 n’a jamais été aboli et que les dispositions du présent motu proprio relatives aux modalités de son usage remplacent celles qui avaient été établies par l’instruction « Quattuor abhinc annos » (1984) et le motu proprio « Ecclesia Dei » (1988) (17)

    Désormais, l’usage de la forme ancienne du rite de la messe n’est plus considéré comme une dérogation (indult) à la règle, susceptible d’être concédée par « miséricorde », il est reconnu et réglementé comme partie intégrante de la norme, au même titre que l’usage de la forme nouvelle.

    Le motu proprio « Ecclesia Dei » du 2 juillet 1988 se situe dans le contexte de l’excommunication de Mgr Lefèbvre. Pour contrebalancer l’aspect forcément négatif de la sanction qu’il exprime, ce motu proprio encourage par ailleurs les évêques à faire une application « large et généreuse » de l’instruction de 1984.

    Le motu proprio s’intitule « summorum pontificum cura sur l’usage de la forme ancienne du rite romain » puisqu’en effet les articles 2 à 6 et 9 traitent aussi de l’usage des autres livres liturgiques antérieurs à la réforme de Paul VI. Même si l’article 1er ne parle que du missel, par analogie et identité de motif, ceux-ci font donc -comme le missel de la tradition-  partie de cette forme du rite. Ceci concerne le bréviaire, le rituel, le pontifical et, logiquement, le graduel et l’antiphonaire des chants grégoriens de la messe et de l’office (18) : les articles précités vont en effet décrire sous quelles conditions il peut être fait usage de la forme antérieure du rite romain non seulement pour la célébration de l’eucharistie mais aussi de cinq autres sacrements : baptême, pénitence, confirmation, mariage, extrême-onction (19), ainsi que pour la prière de l’office des heures. 

    43.22    Droits et prérogatives des bénéficiaires

    Le « motu proprio » reconnaît (bis repetita placent) l’égale légitimité des deux formes possibles du rite romain :

     -l’une « ordinaire », accessible de plein droit, est réglée par les dispositions liturgiques réformées à l’issue du concile Vatican II ;

     -l’autre « extraordinaire », accessible, selon le cas, de plein droit ou moyennant les formalités spécifiques énoncées par le présent « motu proprio », obéit aux règles liturgiques en vigueur au moment de l’ouverture du concile précité (20).

    Voici, par catégories de titulaires des droits et prérogatives qu’il reconnaît, comment le motu proprio organise l’accès à l’usage de cette forme « extraordinaire » du rite romain :

    43.22.1      les clercs

    Tout clerc de rite latin est tenu de réciter le bréviaire, contenant la Liturgie des heures. L’article 9§3 précise à cet égard qu’il peut, de plein droit, utiliser l’édition en usage antérieurement à la réforme de Paul VI.

    La Liturgie des heures n’étant pas réservée aux clercs, on peut en inférer que cette disposition s’applique a fortiori aux laïcs, qui ne doivent pas mais peuvent aussi la prier. On songe par exemple aux vêpres, dont la pratique populaire subsiste ça et là, ou aux heures conventuelles ouvertes au public.

    43.22.2      les prêtres

    S’il n’est pas empêché par le droit (article 5§4), par exemple sous le coup d’une censure ecclésiastique, tout prêtre de rite romain peut, de plein droit, célébrer sa messe privée (21) selon le missel en usage avant la réforme de Paul VI (édition de 1962) sauf pendant le triduum pascal. Il n’a besoin à cet égard d’aucune autorisation de quiconque (article 2) et, dans le respect du droit ecclésiastique, les fidèles qui le demandent spontanément peuvent assister à cette messe (article 4).

    S’il n’est pas empêché par le droit (article 5§4), tout prêtre de rite romain peut célébrer publiquement (21) la messe selon le missel dit de 1962, à titre circonstanciel (mariage, obsèques, pèlerinage, etc.) ou régulier (pour un « groupe stable de fidèles ») moyennant (dans les deux cas) l’accord du curé de la paroisse (article 5 §§ 1 et 3) ou du recteur du lieu de culte, si celui-ci n’est ni paroissial ni conventuel (article 5 § 5, 1 et 3 combinés).

    Il résulte clairement des termes très positifs employés par l’article 5 §§ 1 et 3 (« accueillera volontiers », « autorisera », « veillera ») que le curé ou le recteur ne disposent ici d’aucun pouvoir discrétionnaire : dès lors que la demande est conforme au droit et n’entrave pas l’administration du lieu de culte, ils doivent marquer leur consentement.

    L’article 5§1 relatif aux messes régulières destinées à un groupe stable ajoute que le curé « appréciera ce qui convient en harmonie avec la sollicitude pastorale de la paroisse, sous le gouvernement de l’évêque selon les normes du canon 392 » : cette précision n’a évidemment pas pour objet de favoriser une forme d’arbitraire puisqu’elle renvoie à un canon qui prescrit à l’évêque d’ « urger l’observation des lois ecclésiastiques » telles que le présent motu proprio.

    La célébration doit se faire en latin et selon les rites décrits par l’édition de 1962 du missel traditionnel : cela signifie qu’il n’est pas prévu de mélanger les missels (22), notamment pour le texte des lectures. Toutefois, s’il s’agit d’une messe publique, la proclamation de celles-ci est permise dans la langue vernaculaire, en utilisant une traduction reconnue par le Saint-Siège (article 6)

    Pour les célébrations occasionnelles, l’accord est donné soit aux prêtres soit aux fidèles requérants (article 5 § 3).

    Pour les célébrations régulières (dimanches, jours de fêtes et jours ordinaires), cet accord est donné en réponse à la requête d’un « groupe stable de fidèles » (article 5 § 1) lequel dispose, en cas de refus, d’un droit de recours, spécifiquement prévu par le motu proprio, devant l’évêque diocésain et, en dernier ressort, la commission pontificale « Ecclesia Dei » (article 7). S’agissant de la qualification de ce groupe, les seules conditions à remplir pour satisfaire aux exigences exprimées par le motu proprio sont qu’il s’agisse bien d’un groupe existant dans la paroisse et qu’il soit stable. En l’état de l’article 5  § 1, imposer des conditions supplémentaires relatives, par exemple, au nombre ou à la domiciliation de ses membres serait abusif. Un lien réel du groupe doit certes exister avec la paroisse où il célèbre mais ceci n’implique pas que ses membres doivent tous relever canoniquement de celle-ci. A ce égard l’instruction « Universae ecclesiae » du 8 avril 2011 explicite clairement que ce groupe « peut être composé de personnes provenant de différentes paroisses et même de diocèses différents et qu’aucun nombre minimum de fidèles n’est requis.

    Pour la célébration des sacrements de baptême, pénitence, mariage et extrême-onction, l’utilisation du rituel ancien est également permise moyennant l’accord du curé de la paroisse (article 9 § 1) qui dispose ici d’une marge d’appréciation (« tout bien pesé », « peut concéder la licence » », « le bien des âmes y invitant »)

    43.22.3 les curés de paroisses et recteurs d’églises non paroissiales ni conventuelles

    Il tombe sous le sens que ce qui vient d’être dit pour les prêtres en général vaut a fortiori pour les curés, recteurs ou chapelains: ils peuvent naturellement pratiquer eux-mêmes, conformément à l’article 5, les usages que cet article les invite à accorder à des tiers (43.22.2 ci-dessus).

    43.22.4 les communautés d’instituts de vie consacrée et de sociétés de vie apostolique.

    Ces communautés ont le droit d’utiliser le missel ancien (édition de 1962) pour célébrer la messe conventuelle dans leur oratoire propre. Mais si cet usage est permanent ou fréquent il doit être déterminé par le supérieur majeur dans le respect du droit et des statuts de la société ou de l’institut dont relève la communauté (article 3).

    43.22.5 les évêques

    Dans le ressort de sa juridiction, tout ordinaire (évêque diocésain) a le droit de célébrer le sacrement de confirmation en utilisant le pontifical romain ancien (article 9 § 2). Il s’agit d’une « faculté » dont l’usage (« si le bien des âmes y invite ») est laissé à son jugement.

    Pour les célébrations (offices, messes, sacrements) selon la forme ancienne du rite romain, l’ordinaire a aussi le pouvoir d’ériger une paroisse personnelle ou de nommer soit un recteur soit un chapelain, selon les règles du droit canon (article 10). Ici encore il s’agit d’une possibilité livrée au jugement d’opportunité de l’évêque, conformément aux articles 518 et suivants du code de droit canonique.

    43.22.6 les fidèles

    Le motu proprio reconnaît aux fidèles un droit à bénéficier de la « forme extraordinaire » du rite romain. L’accès à cette forme du rite doit cependant être sollicité auprès de l’autorité indiquée par le motu proprio : celle-ci varie selon l’objet de la demande.

    L’autorité dispose d’une marge d’appréciation plus ou moins étroite selon la formulation des articles mais son accord est toujours requis, restant saufs les recours prévus par le motu proprio lui-même ou la législation canonique en général : l’Eglise n’est pas une société arbitraire.

    43.22.61  individuellement

    Les fidèles peuvent :

    -participer à une messe privée selon l’ancien missel, dans le respect du droit et moyennant l’accord du célébrant de celle-ci (article 4) ;

    -obtenir à titre circonstanciel (mariage, obsèques, pèlerinage, etc.) la célébration d’une messe publique (ouverte à tous) selon l’ancien missel, moyennant l’accord du curé de la paroisse ou du responsable (recteur, chapelain) s’il s’agit d’un lieu de culte non paroissial (article 5 §§ 3 et 5) : cet accord est délivré dans les conditions d’application précisées au point 43.22.2 ci-dessus ;

    -recevoir selon l’ancien rituel les sacrements de baptême, pénitence, mariage et extrême-onction, moyennant l’accord du curé de la paroisse (article 9 § 1) délivré comme il est dit au point 43.22.2 ci-dessus ;

    -recevoir selon l’ancien pontifical le sacrement de confirmation, si l’évêque diocésain le permet ou accepte de le conférer lui-même (article 9 § 2) comme il est dit au point 43.22.5 ci-dessus.

     43.22.62 collectivement

    des « groupes stables de fidèles » (au sens décrit sous le point 43.22.2, avant-dernier alinéa) peuvent obtenir :

    fc04746b-f960-471c-88ff-840ee37bf312.jpg-la célébration régulière et publique de la messe selon l’ancien missel (article 5 § 1) et selon l’ancien rituel pour les sacrements de baptême, pénitence, mariage et extrême-onction (article 9 § 1) (23). Selon le cas, l’accord du curé de la paroisse ou du desservant (recteur, chapelain) s’il s’agit d’un lieu de culte non paroissial est toujours requis dans les conditions d’application exprimées au point 43.22.2 ci-dessus. En cas de refus pour la célébration publique régulière de l’eucharistie (il n’est rien dit des autres sacrements), le  « groupe stable de fidèles » dispose d’une voie de recours spécifique auprès de l’évêque du lieu « qui est instamment prié d’exaucer son désir » et si cet évêque refuse (« si ille non vult »), il en sera référé (referatur),  à la commission pontificale « Ecclesia Dei » (article 7). Cette commission peut aussi « aider et conseiller » l’évêque à la demande de celui-ci (article 8) ; ill.ci-contre chapelle des Capucins à Malmedy.CID-u0083355-25 confirmation.jpg

    -la célébration du sacrement de confirmation par l’évêque du lieu ou de son délégué (article 9 § 2) dans les conditions exprimées au point 43.22.5 ci-dessus; ill.: Mgr Léonard confirmant selon l' "usus antiquior". 

     -l’érection par l’évêque du lieu d’une paroisse personnelle (24) utilisant les livres liturgiques traditionnels « pour les célébrations » dit le texte (donc les offices, messes, sacrements) ou la nomination, à ce même effet et par le même évêque, d’un recteur (25) ou d’un chapelain (26) (article 10), dans les conditions exprimées au point 43.22.5 ci-dessus.                                           

    43.23    organe de contrôle

    La commission pontificale « Ecclesia Dei », créée en 1988 par le motu proprio du même nom, est chargée de veiller à l’application et à la bonne observance des dispositions du présent motu proprio  « Summorum Pontificum » (article 12 § 1). L’article 11 § 2 ajoute qu’elle aura la forme, la charge et les normes que le pontife romain lui-même voudra lui attribuer : ceci vise les règles de compétence, d’organisation et de fonctionnement de la commission relatives à l’application du motu proprio de Benoît XVI.

    Un motu proprio « Ecclesiae unitatem » du 2 juillet 2009 a rattaché cette commission à la congrégation pour la doctrine de la foi et l’a placée sous la présidence du préfet de ce dicastère. : la commission est dotée de son propre organigramme avec un secrétaire  et des officials.  Depuis peu, un poste de vice-président a aussi été créé. Comme dans un bel élan d’optimisme le motu proprio « Summorum Pontificum » ne dit rien, hormis le cas de son article 7, des voies de recours utilisables en cas de litige survenant dans le cadre de sa mise en œuvre, il faut s’en référer à cet égard au droit commun de l’Eglise. Des précisions pouvaient cependant être apportées par les dispositions complémentaires qu’évoque l’article 11 § 2.

     A cet égard l’instruction « Universae ecclesiae » du 8 avril 2011 a explicité que la Commission a le droit, en tant que supérieur hiérarchique d’exprimer une décision au sujet des recours qui lui sont légitimement présentés contre l’acte administratif d’un évêque qui semblerait contraire au motu proprio : ce qui pourrait sembler une lapalissade à la lecture de l’article 7 (par exemple) du motu proprio va semble-t-il beaucoup mieux en le disant.

     L’instruction ajoute que les décisions  de la Commission seront exprimées dans des « décrets » qui pourront eux-mêmes faire l’objet d’un recours devant le tribunal suprême de la Signature apostolique. Le principe même de cette « judiciarisation » de l’activité de la Commission est important, même si le mode d’exercice des recours n’est pas (encore) précisé.

    43.24    entrée en vigueur

    Le motu proprio « Summorum Pontificum » est daté du 7 juillet 2007 et son entrée en vigueur est intervenue le 14 septembre de la même année (article 12 §§ 2 et 3).

    Cette dernière date n’a pas été choisie au hasard : c’est celle de la fête de l’Exaltation de la Sainte Croix, dont la messe célèbre le Sacrifice.

    ____________________ 

    notes:

    (1) Louis SALLERON, Ce qu’est le mystère à l’intelligence. Propos sur la foi, 200 pp., éditions du Cèdre, 1977.

    (2) Dom Guy OURY, La messe romaine et le peuple de Dieu dans l’histoire, Solesmes, 1981, pp.11 et 12

    (3) cité par Joseph Ratzinger dans « L’Esprit dela Liturgie », éd. Ad solem, p. 129

    (4) La Lettre de saint Paul aux Philippiens emploie l’expression « έαυτόν έκένωσεν ». Être Dieu, c’est se déposséder parfaitement en faveur de l’autre et dans le langage évangélique cela signifie donner sa vie « jusqu’à la mort, la mort même de la Croix » précise le texte.  

    (5) Voir sur ce point l’abbé Jager, professeur d’histoire à la Sorbonne, Histoire de Photius, éd. Fonteyn, Louvain, 1845. pp. I et XVIII.  Ces questions de formation des rites liturgiques et de leur filiation sont complexes. Se reportant au 6e canon du concile de Nicée, Joseph Ratzinger, devenu aujourd’hui Benoît XVI, écrit dans son « Esprit de la Liturgie » (Ad Solem, 2001, page 130) : «  Ce canon fait référence à trois primaties, chacune liée à l’apôtre Pierre ; Rome, Alexandrie et Antioche, d’où rayonnent trois traditions liturgiques particulières. Au IVe siècle, peu après le concile de Nicée, apparaît un quatrième centre régulateur de la vie ecclésiale et donc liturgique : Byzance, qui, après le transfert de l’Empire sur les rives du Bosphore, va se considérer comme la nouvelle Rome et en assumer les prérogatives. Antioche perd alors progressivement de son importance au profit de Byzance. Nous pourrions ainsi parler de quatre grands cercles de la tradition liturgique, avec des liens plus étroits entre Rome et Alexandrie d’une part, Byzance et Antioche d’autre part. »    

    (6) Sur la formation des différents rites liturgiques nous renvoyons à la  synthèse dont ces notes s’inspirent, en partie. Elle a été publiée par un moine de Fontgombault dans le périodique « La Nef », n° 108, janvier 2001. Sur l’historique de la messe romaine, il est utile de lire aussi l’ouvrage déjà cité de Dom Guy Oury, même si l’on ne partage pas son analyse lénifiante de la réforme de Paul VI.

    (7) Présentement, l’Eglise catholique reconnaît en son sein sept rites majeurs pour l’Orient : byzantin (patriarcat melkite d’Antioche, Alexandrie et Jérusalem), copte (patriarcat d’Alexandrie), chaldéen (patriarcat de Babylone), arménien (patriarcat de Cilicie), syrien (patriarcat d’Antioche), maronite (patriarcat d’Antioche et de tout l’Orient) et latin (patriarcat de Jérusalem).

    (8) Aussi mais pas seulement, si l’on se réfère, notamment, aux critiques exprimées dès 1977 par le cardinal Ratzinger. Dans une interview publiée alors par la revue « Communio » (Cahier n° 6, 1977) le cardinal se dit d’abord reconnaissant au missel de Paul VI « d’avoir agrandi le trésor des préfaces, d’avoir institué de nouveaux canons, multiplié les formulaires de semaine etc., sans parler de la possibilité d’utiliser la langue maternelle ».

    Nonobstant quoi, il estime qu’une nouvelle édition devrait « montrer et dire clairement que ce missel dit de Paul VI n’est rien d’autre qu’une version renouvelée d’un unique missel, à l’élaboration duquel ont déjà participé Pie X, Urbain VIII, Pie V et leurs prédécesseurs, ceci jusqu’à l’époque de l’Eglise naissante (…) » car « malgré toutes ses qualités, le nouveau missel a été édité comme s’il était un ouvrage revu et corrigé par des professeurs, et non l’une des phases d’une évolution continue. Jamais, poursuit-il, chose semblable ne s’est produite : cela s’oppose à l’essence même de l’évolution de la liturgie. C’est ce seul fait qui a fait naître l’idée absurde que le concile de Trente et Pie V auraient eux-mêmes rédigé un missel il y a quatre cents ans » et Joseph Ratzinger de conclure : «  la liturgie ne naît pas de décrets et l’une des faiblesses de la réforme liturgique postconciliaire réside sans aucun doute dans le zèle des professeurs qui, de leur bureau, mettent en œuvre un travail qui nécessiterait une croissance vivante ». Dans cette critique transparaissent deux thèmes chers à Benoît XVI, trente ans plus tard : il faut promouvoir une « herméneutique » (du verbe grec έρμηνευειν, expliquer) de la continuité et une « réforme de la réforme » liturgique s’impose en ce sens.

    (9) L’expression, qui stigmatise la déliquescence du rite romain, est du cardinal Ratzinger dans  l’ « Esprit de la Liturgie », déjà cité, p.132. Le cardinal y dénonce la dissolution du rite dans une créativité arbitraire incompatible avec l’essence de la foi et de la liturgie. Les rites, écrit-il, ne sont pas en premier lieu le résultat d’une acculturation mais l’aboutissement de la Tradition apostolique. Un rite a donc une composante diachronique. En plus, il importe que les grands rites de l’Eglise créent des communautés embrassant plusieurs cultures ou civilisations, même si des variantes peuvent exister au sein d’un rite. Quoi qu’il en soit, ce n’est pas un mécanisme démontable et réparable à volonté mais un organisme vivant dont les lois internes déterminent le développement. Ceci exclut absolument l’arbitraire, remarque qui vaut pour l’individu, la communauté des fidèles, la hiérarchie et les laïcs. Même le pape, observe-t-il, n’est que l’humble serviteur de l’homogénéité et de l’intégrité identitaire de ce développement.  Reconstruire la liturgie sur la « sola scriptura », à la manière de Luther ou des exégètes historico-critiques radicaux d’aujourd’hui, en assimilant l’Ecriture aux opinions exégétiques régnantes, revient à fabriquer une liturgie bâtie sur le sable des discours humains : une liturgie qui sonne creux. (cfr. pp. 129 à 136).

    (10) Dans une allocution consistoriale du 24 mai 1976, le pape Paul VI précise que le nouvel ordo « a été promulgué pour se substituer à l’ancien » et qu’il ordonne à cet égard « une prompte soumission » avec, ajoute-t-il, « l’autorité suprême qui Nous vient du Christ Jésus ». Se référant à une instruction du 14 juin 1971, il concède seulement que « la messe selon l’ancien rite » puisse « avec l’autorisation de l’ordinaire » (l’évêque du diocèse) être célébrée « uniquement par des prêtres âgés ou malades qui offrent le sacrifice divin sine populo » c'est-à-dire en privé.

    (11) Instruction de la Sacrée Congrégation romaine du culte divin « Quattuor abhinc annos » du 3 octobre 1984 (cfr infra, chapitre sur le statut de la forme extraordinaire du rite romain).

    (12) Motu proprio « Ecclesia Dei » du 2 juillet 1988 (cfr infra, chapitre sur le statut de la forme extraordinaire du rite romain)

    (13) abstraction faite de la querelle sur la « procession du Saint-Esprit ». Du Saint-Esprit, le Credo disait seulement, à l’origine, « qui ex Patre procedit » (qui procède du Père), sans « Filioque » (et du Fils). Mais le Saint-Esprit procède du Père et du Fils : c’est une vérité indirectement révélée par Jésus (St Jean, 15, 7) et mise en lumière par les Pères de l’Eglise comme saint Cyrille d’Alexandrie († en 444) et surtout saint Augustin († en 430). Lorsqu’on ajouta le Filioque dans le Credo (en Espagne, au concile de Tolède, en 653), les Grecs s’y opposèrent et ce fut une des causes du schisme.

    (14) les erreurs protestantes portent sur d’autres vérités de la foi (doctrine de la grâce, du sacerdoce, de la messe et des sacrements…) que celles énoncées dans le Credo.

    (15)  « Le langage de la liturgie est bien entendu humain, mais les modes de communication qu’on y vise transcendent les notions humaines ordinaires de l’utilisation intentionnelle du langage. On rencontre ici un argument en faveur d’un langage sacré inhabituel (latin, slavon d’église, grec prémoderne) ou la préservation d’une variante relativement archaïsante ou recherchée du langage vernaculaire qui la différencie de son usage profane » (Aidan Nichols, op. Regard sur la liturgie et la modernité, ad solem, 1998, p.111). Avis aux liturgistes modernes qui voudraient voir la célébration eucharistique primitive comme un rassemblement convivial autour d’une table de cuisine.

    (16) Ceci règle la question parfois posée de savoir si Paul VI avait outrepassé ses droits en créant de toutes pièces un nouveau rite mais laisse entière celle de la réforme éventuelle du missel de 1970 dans un sens plus conforme àla Tradition.

    (17) L’instruction de la S.C.du culte divin « Quattuor abhinc annos » du 3 octobre 1984 permettait aux évêques de concéder l’usage de l’ancien missel à des prêtres et fidèles répondant aux conditions suivantes : 1°) être explicitement désignés dans la requête adressée pour ce faire à l’évêque diocésain ; 2°) professer publiquement et sans ambiguïté le caractère légitime de la messe de Paul VI ; 3°) célébrer aux jours et lieu assignés par l’évêque, à l’exclusion (sauf cas extraordinaires) des églises paroissiales ; 4°) à charge pour l’évêque d’informer la sacrée congrégation des concessions ainsi accordées et, dans l’année, du résultat de leur application.

    Le motu proprio « Ecclesia Dei » du 2 juillet 1988 se situe dans le contexte de l’excommunication de Mgr Lefèbvre. Pour contrebalancer l’aspect forcément négatif de la sanction qu’il exprime, ce motu proprio encourage par ailleurs les évêques à faire une application « large et généreuse » de l’instruction de 1984.

    (18) En droit (mais non en fait) le chant grégorien dispose d’un statut prééminent dans la liturgie romaine. « L’Eglise reconnaît dans le chant grégorien le chant propre de la liturgie romaine : c’est lui qui, dans les actions liturgiques, toutes choses égales d’ailleurs, doit occuper la première place » (Constitution « Sacrosanctum Concilium » du concile Vatican II, n° 116).

    (19) Il n’est pas question du sacrement de l’ordre, sans doute parce que ce « casus » ne relève pas de la vie quotidienne de l’Eglise et se trouve largement réglé par les constitutions ou statuts des communautés « Ecclesia Dei » approuvés par le Saint-Siège

    (20) Ceci ne signifie pas que les livres liturgiques traditionnels sont « clichés » à tout jamais dans leur état de 1962 : au même titre que les autres, ils sont susceptibles de révisions fidèles à la tradition qui doit les inspirer. Benoît XVI en a donné un très bel exemple avec le remaniement de la prière du vendredi saint pour la conversion des Juifs.  

    (21) Contrairement à une réunion privée, une réunion publique est, en droit, une réunion qui n’est pas fondée sur un lien personnel individuel entre invitant et invité : elle est librement accessible à tous, restant sauve la répression des délits et la prévention des désordres dans les conditions prévues par la loi.

    (22) L’indult du 3 octobre 1984 prescrivait déjà : « On ne devra faire aucun mélange entre les textes et les rites des deux missels » (traditionnel de 1962 et réformé de 1970)

    (23) Pour la célébration régulière des sacrements autres que l’eucharistie cette interprétation se fonde sur le caractère très général de l’article 9§1 et le fait qu’en vertu de l’article 10 qui suit l’évêque peut en outre ériger des paroisses personnelles et des chapellenies « pour les célébrations selon la forme ancienne du rite romain », expression qui vise sans aucun doute l’ensemble des manifestations du culte pour des groupes stables de fidèles.

    (24) Une paroisse est une communauté stable dans une Eglise particulière, confiée à la sollicitude pastorale d’un curé (pour annoncer l’évangile, exercer la charité, célébrer la messe et les autres sacrements, accomplir les actes administratifs qui s’y rapportent) sous l’autorité de l’évêque diocésain (cf. art 528 et svts du C.I.C). En règle générale, la paroisse est territoriale c'est-à-dire qu’elle comprend tous les fidèles d’un territoire donné mais, là où c’est utile, peuvent être créés des paroisses personnelles « déterminées par le rite, la langue, la nationalité des fidèles d’un territoire et encore pour tout autre motif » (art. 518 du C.I.C.).

    (25) Un recteur d’église est un prêtre auquel est confiée la charge d’une église qui n’est ni paroissiale, ni capitulaire, ni attachée à la maison d’une communauté religieuse ou d’une société de vie religieuse qui y célèbre ses offices.  Ce recteur est nommé par l’évêque diocésain ou du moins institué ou confirmé par celui-ci. Il ne peut remplir des fonctions spécifiques au curé que par délégation de celui-ci ou décision épiscopale (cf. art.556 et alii du C.I.C.).

    (26)  Un chapelain est un prêtre auquel est confiée de façon stable la charge d’une communauté ou d’un groupe particulier de fidèles. Il est nommé par l’évêque du lieu ou du moins institué ou confirmé par celui-ci. Il annonce l’évangile à sa communauté, célèbre pour elle la messe et les sacrements. Dans l’exercice de sa fonction pastorale, il gardera avec le curé les relations voulues par le droit ecclésiastique (cf. art. 564 et alii du C.I.C.)

     QUELQUES SOURCES BIBLIOGRAPHIQUES

    † CALVET, Dom Gérard, osb, Liturgie et civilisation, Revue « Una Voce », n° 158, 1991.

    de THOREY, Lionel, Histoire de la messe, Perrin, Paris, 1984.

    NICOLS Aidan, op, Regard sur la liturgie et la modernité, Ad Solem, Genève, 1998

    OURY, Dom Guy, osb, La messe romaine et le peuple de Dieu dans l’histoire,  Solesmes, 1981.

    RATZINGER, Joseph, L’esprit de la liturgie, Ad Solem, Genève, 2000

    RATZINGER, Joseph, Interview, Revue « Communio », cahier n°6, 1977.

    SALLERON, Louis, Ce qu’est le mystère à l’intelligence. Propos sur la foi, Cèdre, Paris, 1977.

    THIBAUX, Jean-Baptiste, Motu proprio Summorum Pontificum, traduction à partir du texte latin (Libreria Editrice Vaticana) et notes de lecture, Revue « Ephémérides de Saint-Lambert », n° 3-2007.

    Un moine de l’abbaye de Fontgombault, Les différents rites liturgiques, Revue «La Nef », n° 108, janvier 2001.

    Un moine de l’abbaye de Fontgombault, La messe commentée. Introibo ad altare Dei, Fontgombault, 1994.

     TABLE DES MATIERES

     

    Avant-propos                                                                                

    1. La nature de la messe                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                 

    2. Ses références scripturaires                                                      

    3. Les rites liturgiques dans l’Eglise                                             

    3.1. Définitions                                                                             

    3.2. Diversité des rites                                                               

    3.3. La forme extraordinaire du rite romain                               

    4. Analyse de la forme extraordinaire                                         

     4.1. Ses structures                                                                    

     

           4.11. La messe des catéchumènes

                      Prières au bas de l’autel

                  Chants et lectures

           4.12. La messe des fidèles                

                   Offertoire, préparation du sacrifice

                   Canon, offrande du sacrifice

                   Communion au sacrifice

    4.2. Ornements, objets, langue du culte                                                                                                                                  

    4.3. Son statut actuel                                                                

           Le Motu proprio Summorum Pontificum : analyse juridique

           4.31. Préambule                                                                  

           4.32. Dispositif                                                                  

                  43.21 Principe fondamental

                   43.22 Droits et prérogatives des bénéficiaires

                   43.23 Organe de contrôle

                   43.24 Entrée en vigueur

     

     Sources bibliographiques                                                            

      

      

     

     

     

  • L’académie de chant grégorien à Liège a fêté ses dix années d’existence

     

    1316118213bmx.jpgLe 11 mai dernier, deux cents personnes ont fêté avec près de cinquante choristes le dixième anniversaire de l’académie de chant grégorien à Liège,  dont le siège se trouve à l’église du Saint-Sacrement, au Boulevard d’Avroy (photo ci-contre).

    Pour la circonstance, l’excellent Ensemble «Psallentes ♀», dirigé par Hendrik Vanden Abeele, professeur aux Conservatoires de Leuven, Rotterdam et La Haye, s’était joint  aux trente-cinq élèves liégeois du cycle de cours de chant grégorien 2012-2013, animé avec beaucoup d’allant et de compétence par Stéphan Junker, professeur au conservatoire de Verviers.

    Lors d’un concert donné à 16 heures dans l’église des Bénédictines de Liège, les deux formations ont illustré devant une nombreuse assemblée les chants de pèlerinage au temps des cathédrales, en interprétant des mélodies grégoriennes, diaphoniques et polyphoniques du XII au XVe siècles.

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    Cette belle prestation fut suivie, à 18 heures, de la messe votive du Saint-Sacrement célébrée dans l’église du même nom, selon la forme traditionnelle du rite romain. Au cours de cette célébration, les choristes ont chanté, outre le propre de la messe et le kyriale « Pater Cuncta », des extraits de l’office liégeois primitif (Jean de Cornillon, 1246) de la Fête-Dieu, du Codex Callixtinus (Saint-Jacques de Compostelle, XIIe s.) et du Livre Vermeil de  Montserrat ( XIVe s.).

    Comme lors du concert à l’église des Bénédictines, c’est Patrick Wilwerth, professeur au conservatoire de Verviers, qui a tenu les parties d’orgue de cette prestation.

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    La  messe fut célébrée par l’abbé Jean-Pierre Delville, professeur d’histoire ecclésiastique à l’U.C.L. et lui-même premier prix d’orgue du conservatoire de Liège (classe d’Hubert Schoonbroodt).

    Voici le texte de l’homélie  prononcée en cette circonstance jubilaire par celui qui est devenu, entre-temps, le 92eme évêque de Liège (nommé le 31 mai, il sera consacré le 14 juillet prochain) (1) Le futur pasteur du diocèse  commente ci-dessous les témoignages fondamentaux de saint Paul (1 Cor 11, 23-30) et de saint Jean (Jn 6, 56-58) sur la signification du très saint sacrement de l’autel

    « Chers Frères et Sœurs,

    C’est avant tout la joie qui marque notre célébration !

    Les chorales ont mis tout leur cœur à exécuter les chants du concert qui a précédé et ceux de la messe que nous célébrons. Nous y retrouvons en particulier les œuvres de Jean de Cornillon, le prêtre qui a aidé sainte Julienne de Cornillon au XIIIe siècle à composer un office complet pour la fête du Saint-Sacrement.

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    Si la joie est présente en nous, c’est aussi parce que nos chants célèbrent un mystère très profond, celui de l’amour de Dieu pour nous, qui se manifeste dans le don que Jésus nous a fait de son corps et de son sang, c'est-à-dire le don de toute sa vie. Nous découvrons que nous sommes des gens qui sont aimés, et non pas des gens lancés dans la vie par le hasard des choses. Chacun de nous est aimé par Dieu et nous sommes invités à répondre à cet amour en communiant avec lui et en recevant son corps du Christ Jésus.

    Jésus nous a aimés le premier. Il est mort pour nous, c'est-à-dire qu’il est allé jusqu’au bout de sa vie d’amour, il n’a pas reculé au dernier cmoment. Mais il a voulu donner un signe qu’il offrait sa vie pour nous. Ce signe a tellement marqué les disciples qu’il a fait l’objet d’une transmission officielle. Déjà 15 ans à peine après la mort de Jésus, St. Paul écrit aux Corinthiens : « J’ai reçu du Seigneur ce que je vous ai transmis ensuite ». Et St Paul raconte alors la dernière Cène de Jésus et comment Jésus a pris du pain, la rompu et l’a donné à ses disciples en disant : ceci est mon corps, faites cela en mémoire de moi. Donc ce que  nous célébrons aujourd’hui s’est transmis depuis le tout début du christianisme.

    C’est un geste d’espérance pour tous les disciples, malgré la mort qui va frapper Jésus. Car Jésus dit : « Toutes les fois que vous mangerez ce pain et boirez ce calice, vous annoncerez la mort du Seigneur, jusqu’à ce qu’il vienne ». Jésus annonçait sa résurrection et son retour, son retour dans chacune de nos vies et son retour à la fin des temps. Il ne nous abandonne pas et non message n’est pas mis aux archives, classé dans un classeur sur une étagère. Jésus est présent et nous soutient par la nourriture qu’il nous donne.

    C’est ainsi qu’il avait dit, d’après l’évangile de St Jean : « Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi et moi en lui ». Jésus explique que la communion à son corps nous fait entrer dans sa vie et dans la vie de son Père. Il nous rappelle que notre vie ne vient pas de nous-mêmes, mais que nous la tenons d’un autre. Jésus lui-même dit bien qu’il vit « par le Père ». De même, nous, nous tenons notre vie de nos parents ; mais nous savons qu’il ne suffit pas d’être né physiquement pour grandir psychiquement dans la vie. Ce qui nous fait grandir et nous développer, c’est l’amour que nous avons reçu de nos parents et de tout notre entourage. Sans l’amour qu’on reçoit comme enfant, on ne se développerait pas psychiquement, on resterait même à l’état d’animal. Ce qui nous fait vraiment grandir, c’est l’amour que nous recevons. Mais d’où vient cet amour ? Ce mystère de l’amour qui donne vie ? Nous croyons qu’il vient de Dieu et se révèle spécialement en Jésus. La source de l’amour, celle qui tient en main toute l’humanité, c’est Dieu lui-même. Il nous a aimés le premier. Et Jésus nous montre que même face à l’échec, à la souffrance et à la mort, cet amour reste plus fort. Car si Jésus  a été vu vivant après sa mort, c’est que sa vie d’amour était plus forte que la mort. Le signe qu’il nous a laissé de cela, c’est le pain rompu et le vin partagé, sur lesquels il a rendu grâce, il a remercié le Père. Remercier dans ces circonstances était un défi, c’était un signe d’espérance définitif. Le remerciement de Jésus, en grec eucharisteia, l’eucharistie, est resté pour les premiers disciples et pour chacun d’entre nous le signe vital de l’amour de Dieu pour nous et le signe de la vie qu’il nous donne en plénitude.

    Ainsi, Frères et Sœurs, notre joie est-elle profonde aujourd’hui de pouvoir participer à cet acte d’amour de Jésus. Nous découvrons que, comme des enfants grandissent grâce à l’amour des parents, ainsi nous grandissons jour après jour grâce à l’amour que Jésus nous manifeste. Nous répondons à cet amour en communiant au pain de vie. Nous entrons donc en communion –en union- avec le Christ. Nous participons à son geste d’amour, alors que par nos seules forces nous n’en serions pas capables. Comme dit Jésus : « Celui qui me mange vivra par moi ». « Qui mange de ce pain, vivra éternellement ».

    Jésus nourrit notre vie avec sa vie. Il nous nourrit de l’amour. C’est l’amour qui tient le monde. Mais il a besoin d’être nourri ! Puissions-nous recevoir cette nourriture de vie éternelle et la diffuser autour de nous ! »

     _______________       

    (1) à ce propos, voir aussi :

    - Liège: Mgr Delville a célébré la solennité de la Fête-Dieu à l'église du Saint-Sacrement

    - 1er juin 2013: Fête-Dieu à l'église du Saint-Sacrement à Liège

    - Journée grégorienne à Liège le samedi 11 mai 2013

     Et visiter le site

    http://www.gregorien.be