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Réflexion faite - Page 82

  • Vient de paraître : Vérité et Espérance/Pâque Nouvelle, 4e trimestre 2013

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    SOMMAIRE

    Editorial : Une Parole dans la nuit 

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    Liturgie : embrouilles sur la traduction du « Notre Père »

    « Evangelii gaudium » : le pape François persiste et signe

    Europe : le Parlement rejette le « rapport Estrela »

    Belgique : la culture de mort se porte bien

    Des bourgeons sous la neige ? 

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    Projet d’amour fou : le tout-puissant se fait tout-petit

    Esotérisme et mystère chrétien

    L’Eglise et les personnes divorcées remariées

     

    Secrétaires de Rédaction : Jean-Paul Schyns et Ghislain Lahaye

    Editeur responsable: SURSUM CORDA a.s.b.l. ,

    Vinâve d’île, 20 bte 64 à B- 4000 LIEGE.

    La revue est disponible gratuitement sur simple demande :

    Tél. 04.344.10.89  e-mail : sursumcorda@skynet.be 

    Les dons de soutien sont reçus au compte IBAN:  BE58 0016 3718 3679   BIC: GEBABEBB de Vérité et Espérance 3000, B-4000 Liège

     

  • L’Eglise et les personnes divorcées remariées

    divorces.jpgLe pape François a convoqué un synode sur la famille pour l’automne 2014. On y traitera notamment de la délicate question des personnes divorcées-remariées et de leur accès à l’Eucharistie.

    A ce sujet, Mgr Gerhard Ludwig Müller, préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, a rappelé dans un article récent (Osservatore Romano du 23-10) la position de l’Eglise. Comme le signale Cathobel, il a pris cette initiative avec l’autorisation du pape. Le contraire eut été étonnant.

    Les personnes divorcées-remariées souffrent. Beaucoup veulent vivre sincèrement leur foi. Pour ce faire, elles ont droit à ce que les représentants de l’Eglise les aident à se situer dans la vérité. Celle-ci est double : d’une part, l’existence d’une blessure objective et, d’autre part, la révélation de la miséricorde inépuisable et du pouvoir infini de guérison de Dieu. Les deux vérités sont inséparables, car, pour guérir d’une blessure, il faut d’abord en reconnaître l’existence.

    Qu’a dit Mgr Müller ?

    Dans un texte à la fois nuancé et bien argumenté, l’archevêque commence par rappeler l’exégèse communément admise de l’Ecriture, la Tradition constante de l’Eglise ainsi que les prises de positions doctrinales les plus récentes sur la question. Plus loin, il évoque aussi les appels répétés des papes pour ne pas exclure les personnes divorcées-remariées de la communion de l’Eglise.

    Il rappelle bien entendu aussi le noyau du problème soulevé par l’état de divorcé-remarié (je dis bien « l’état », c’est-à-dire la situation objective, sans présumer des dispositions du cœur qui, à un moment du cheminement de la foi, peuvent se révéler bien meilleures que celles de beaucoup d’autres chrétiens). On pourrait le résumer ainsi : si l’on désire recevoir l’Eucharistie, c’est que l’on croit fermement à la parole de Jésus « Prenez et mangez, ceci est mon corps » et « Buvez-en tous, car ceci est mon sang, le sang de l’alliance, répandu pour beaucoup en rémission des péchés » (Mt26, 26-28) ; mais alors il faut croire tout aussi fermement cette autre parole du Seigneur, à propos du mariage : « Ainsi ils ne sont plus deux, mais une seule chair. Que l’homme ne sépare donc pas ce que Dieu a uni ! » (Mt 19, 6). Le sacrement du mariage est le signe efficace qui inscrit les conjoints dans une alliance qui les habilite à être fidèles, l’alliance « nouvelle et éternelle » du Christ et de l’Eglise, son Epouse, alliance qui est précisément célébrée dans chaque Eucharistie.

    Une réalité nouvelle

    Dans Familiaris Consortio, une exhortation apostolique de 1981, fruit d’un synode desS357.jpg évêques, Jean-Paul II, au n. 68, se posait la grave question de savoir si l’on pouvait accorder la célébration d’un mariage chrétien à qui ne vit pas la foi (et dont la demande répond par exemple à des motivations de caractère social). S’appuyant sur le droit fondamental au mariage et sur le fait que, pour un catholique, il n’y a pas de mariage en dehors du sacrement, le pape considérait que la simple demande du sacrement traduisait le minimum de foi nécessaire. Cette attitude manifeste la sollicitude maternelle de l’Eglise pour tous ses fidèles.

    Mais, chaque jour davantage, l’ignorance morale et religieuse se généralise, la notion de mariage est contredite par la pratique d’un grand nombre et battue en brèche par certaines législations.

    Dans ce contexte, de plus en plus de jeunes demandent le mariage chrétien, non seulement avec une foi déficiente, mais aussi avec une méconnaissance profonde des propriétés essentielles du mariage. En d’autres mots, ils vont au mariage sans savoir de quoi il s’agit.

    Ce constat et ses conséquences constituent, à mon sens, le point central de l’article de Mgr Müller : « La mentalité contemporaine se place largement en opposition à la compréhension chrétienne du mariage, notamment par rapport à son indissolubilité ou à l’ouverture à la vie. Étant donné que beaucoup de chrétiens sont influencés par cette mentalité, les mariages sont probablement plus souvent invalides de nos jours qu’ils ne l’étaient par le passé, parce que manque la volonté de se marier selon le sens de la doctrine matrimoniale catholique et que la socialisation dans le contexte vivant de foi est trop réduite. C’est pourquoi une vérification de la validité du mariage est importante et peut conduire à une solution de problèmes. »

    Il ne fait que relayer un souci déjà exprimé par Benoît XVI, partagé sans doute aussi par François : « Il faut œuvrer afin que s’interrompe, dans la mesure du possible, le cercle vicieux qui a souvent lieu entre une admission facile au mariage, sans une préparation adéquate et un examen sérieux des qualités prévues pour sa célébration, et une déclaration judiciaire parfois tout aussi facile, mais de sens inverse, où le même mariage est considéré nul uniquement sur la base de la constatation de son échec » (discours à la Rote Romaine, 22-1-11).

    Les voies de solution

    VanderWeydenmariageAnvers.jpgCes deux textes évoquent deux voies de solution. La première est « curative » : pour ceux qui ont eu recours au divorce, il faut, comme le dit Mgr Müller, examiner s’ils sont vraiment mariés. Si leur mariage est nul, leur divorce est inexistant et ils peuvent, dûment préparés, se marier à l’Eglise et bien évidemment recevoir l’Eucharistie. Il ne faut pas cacher que cette voie entraîne un défi, celui de prouver, devant le tribunal ecclésiastique, que manquait le discernement concernant les propriétés essentielles du mariage au moment de sa célébration. C’est sans doute l’une des questions qui sera abordée par le synode sur la famille convoqué par le pape François pour l’automne 2014.

    La deuxième voie est « préventive » et est évoquée par Benoît XVI dans le discours déjà cité. Il y rappelle la nécessité de veiller à ce que les jeunes soient pleinement conscients des caractéristiques essentielles du mariage, à savoir qu’il s’agit de l’union d’un homme et d’une femme pour toujours et ouverte à la vie, et de favoriser leur retour à une foi vivante. Pour ce faire, il signale l’importance fondamentale d’une préparation sérieuse au mariage et de l’examen prématrimonial réalisé par le curé. 

    Il y a ici un splendide défi pour les prêtres et les laïcs : « Le mariage sacramentel est un témoignage de la puissance de la grâce qui transforme l’homme et prépare toute l’Église pour la cité sainte, la nouvelle Jérusalem, l’Église, prête “comme une épouse parée pour son époux” (Ap 21, 2). L’Évangile de la sainteté du mariage doit être annoncé avec une audace prophétique. Un prophète fatigué cherche dans l’adaptation à l’esprit du temps son propre salut, mais pas le salut du monde en Jésus-Christ. (…) En vertu du sacrement du mariage, les époux participent à l’amour définitif et irrévocable de Dieu. Aussi peuvent-ils être des témoins de l’amour fidèle de Dieu, mais ils doivent nourrir constamment leur amour à travers une vie de foi et de charité. » (Mgr Müller).

    L’archevêque rappelle bien entendu aussi « les situations dans lesquelles la coexistence matrimoniale devient pratiquement impossible à cause de graves motifs » et qui peuvent justifier une séparation, sans rupture du lien conjugal.

    Loin de constituer une « ouverture doctrinale », comme préconisé par certains, les voies de solutions évoquées confirment la doctrine de toujours face à un monde changeant. Du reste, les « ouvertures doctrinales », en théologie catholique, ne naissent pas tant des idées personnelles des théologiens que de l’ouverture du cœur et de l’intelligence à la parole de Dieu, dont « la Tradition sacrée et la Sainte Écriture constituent l’unique dépôt sacré (…) qui ait été confié à l’Église » et au service duquel se place le Magistère qui « écoute pieusement la parole, la garde religieusement, l’explique fidèlement, et puise dans cet unique dépôt de la foi tout ce qu’il nous propose à croire comme étant divinement révélé » (Concile Vatican II, constitution dogmatique Dei Verbum, 10). 

    Abbé Stéphane Seminckx

    Source : didoc.be

    ___________ 

    Le texte de l’article de Mgr Müller peut être lu sur le site web du Vatican (http://www.vatican.va/roman_curia/congregations/cfaith/muller/rc_con_cfaith_20131023_divorziati-risposati-casramenti_fr.html)

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    Extrait :

    …dans chaque célébration de la Messe les fidèles sont tenus de s’examiner dans leur conscience s’il est possible de recevoir la Communion, ce à quoi s’oppose toujours un péché grave non confessé. Ils ont donc l’obligation de former leur conscience et de l’orienter selon la vérité ; ce faisant, ils obéissent également au magistère de l’Église, qui les aide « à ne pas dévier de la vérité sur le bien de l’homme, mais, surtout dans les questions les plus difficiles, à atteindre sûrement la vérité et à demeurer en elle » (Jean-Paul II, Lettre encyclique Veritatis splendor, n. 64).

    Lorsque des divorcés remariés sont subjectivement convaincus dans leur conscience qu’un précédent mariage n’était pas valide, cela doit être objectivement démontré par les tribunaux compétents en matière matrimoniale. En effet, le mariage ne concerne pas seulement le rapport entre deux personnes et Dieu ; il est aussi une réalité de l’Église, un sacrement, sur la validité duquel l’individu ne décide pas pour lui-même, mais l’Église, dans laquelle il est incorporé par la foi et le baptême. « Si le mariage précédent de fidèles divorcés et remariés est valide, leur nouvelle union ne peut être considérée en aucune circonstance comme conforme au droit et donc, pour des motifs intrinsèques, la réception des sacrements n’est pas possible. La conscience de chacun est liée, sans exception, par cette norme » (Card. Joseph Ratzinger, La pastorale du mariage doit se fonder sur la vérité, L’Osservatore Romano. Édition hebdomadaire en langue française, 8 décembre 2011, p. 5).

    La doctrine de l’epicheia, selon laquelle une loi est certes valable en termes généraux, mais ne recouvre pas toujours adéquatement l’agir humain concret, ne peut pas non plus être appliquée dans ce cas, car l’indissolubilité du mariage sacramentel est une norme de droit divin, qui n’est pas à la disposition du pouvoir discrétionnaire de l’Église. Celle-ci a cependant plein pouvoir – dans la ligne du privilège paulin – pour clarifier quelles conditions doivent être remplies pour qu’un mariage indissoluble existe selon le sens qui lui est attribué par Jésus. À partir de là, l’Église a établi des empêchements de mariage, reconnu des motifs de nullité de mariage et mis au point une procédure judiciaire détaillée.Une proposition supplémentaire en faveur de l’admission des divorcés remariés aux sacrements consiste à invoquer l’argument de la miséricorde. Étant donné que Jésus lui-même s’est solidarisé avec les personnes qui souffrent en leur donnant son amour miséricordieux, la miséricorde serait un signe spécial d’une sequela authentique. Cela est vrai, mais c’est un argument insuffisant en matière théologico-sacramentaire, parce que tout l’ordre sacramentel est une œuvre de la divine miséricorde et ne peut pas être révoqué en faisant appel à cette même miséricorde. À travers ce qui est objectivement un faux appel à la miséricorde, on court de plus le risque d’une banalisation de l’image de Dieu, selon laquelle Dieu ne pourrait rien faire d’autre que pardonner. Au mystère de Dieu appartiennent, outre la miséricorde, également sa sainteté et sa justice. Si l’on occulte ces attributs de Dieu et que l’on ne prend pas au sérieux la réalité du péché, on ne peut finalement pas non plus communiquer sa miséricorde aux hommes. Jésus a rencontré la femme adultère avec une grande compassion, mais il lui a aussi dit : « Va, ne pèche plus » (Jn 8, 11). La miséricorde de Dieu n’est pas une dispense des commandements de Dieu et des instructions de l’Église. Elle accorde plutôt la force de la grâce pour leur accomplissement, pour se relever après la chute et pour une vie de perfection à l’image du Père céleste.

  • Esotérisme et mystère chrétien

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    « Rien n’est caché qui ne deviendra manifeste, rien non plus n’est secret qui ne doive être connu et venir au grand jour » (Lc 8, 17; 12, 2). Cette affirmation catégorique de Jésus, reprise par les évangélistes Matthieu (10, 26) et Marc (4, 22), semble régler définitivement la question des rapports éventuels entre l’ésotérisme et le mystère chrétien : il n’y a pas et il ne peut pas y avoir d’hermétisme ou d’ésotérisme chrétien pour la raison évidente que le christianisme est une Révélation proposée à tous (l’Évangile est cette Bonne Nouvelle) et non une religion à mystères transmise à quelques initiés. Devant cette générosité inimaginable du Père céleste, Jésus a même exulté de joie : « Je te bénis, Père, Seigneur du ciel et de la terre, d’avoir caché cela aux sages et aux intelligents et de l’avoir révélé aux tout-petits » (Mt 11, 25).

    On pourrait en rester là et se contenter d’une simplicité évangélique exotérique, pour ainsi dire. Mais c’est le Maître lui-même qui provoque en nous la réflexion. Pourquoi, par exemple, dit-il à ses disciples en aparté : « À vous il a été donné de connaître les mystères du Royaume de Dieu; mais pour les autres, c’est en paraboles, afin qu’ils voient sans voir et entendent sans comprendre » (Lc 8, 10), comme si Dieu se plaisait à brouiller les pistes, à effacer ses traces… Comme s’il voulait réserver ses mystères à quelques initiés… Peut-il se contredire Celui qui affirme que « personne, après avoir allumé une lampe, ne la recouvre d’un vase ou ne la met sous son lit : on la met au contraire sur un lampadaire, pour que ceux qui pénètrent voient la lumière » (Lc 8, 16).

    « L’homme ne peut me voir sans mourir »  (Ex 33, 20)

    Mais alors à quoi Dieu joue-t-il ? Veut-il se montrer ou veut-il se cachetéléchargement (9).jpgr ? Veut-il se révéler à tous ou à quelques privilégiés? Que signifient ces jeux d’ombre et de lumière entre Lui et nous? En réalité, Dieu se révèle en se cachant et il se cache en se révélant. S’il agit de la sorte c’est par amour pour nous, car sa lumière est trop forte pour nos yeux, sa toute-puissance trop bouleversante pour notre fragilité : « L’homme ne peut me voir sans mourir » (Ex 33, 20), dit-il à Moïse, car il y a un abîme entre la sainteté de Dieu et l’indignité de l’homme, souligne la Bible de Jérusalem en commentant ce verset. Cette prévenance divine, cette souveraine délicatesse est la modeste porte d’entrée qui nous permet d’accéder au sens chrétien du mystère. : les sacrements ne sont rien d’autre que de simples fenêtres ouvertes sur l’infini, des signes matériels tangibles qui révèlent et voilent en même temps des réalités spirituelles agissantes et concrètes quoique ineffables et indicibles. Sous d’humbles apparences matérielles (pain, vin, eau, huile, souffle…), c’est l’Esprit de Dieu qui accepte de se donner par les pauvres mains et les paroles de l’homme. Pourra-t-on jamais mesurer l’humilité d’un tel Dieu qui, par pur amour, ose s’abandonner à nous ! Quand le prêtre élève l’hostie consacrée, c’est non seulement Jésus-Christ qui se montre sous les apparences du pain, c’est aussi le cosmos et tout ce qu’il renferme qui s’offre à nous, car c’est par Lui que tout fut créé (Jn 1, 3), Lui que le Père a aimé avant la fondation du monde (Jn 17, 24). Ainsi, par la foi, nous sont offerts l’amour et la « connaissance du Christ qui surpasse tout » (Ph 3, 8). Or, cette connaissance mystique ne s’analyse pas comme une règle de physique ou de mathématique, elle ne se cherche pas à la manière de l’alchimie quêtant la pierre philosophale, dans la numérologie, dans les astres, le spiritisme ou les cartes à jouer : comme l’écrit saint Paul, elle s’offre à nous et par nous à la manière d’un « parfum » (2 Co 2, 14).

    Le merveilleux chrétien renvoie toujours au mystère

    LABYRINTHE-CATHEDRALE-DAMIENS.jpgSans le savoir, les sciences occultes ont recherché de tous temps cette « bonne odeur du Christ » (2 Co 2, 15) dans les taillis touffus de la connaissance et les âpres maquis de la gnose. Les mythes païens, la connaissance gnostique n’étaient pas inconnus de saint Paul, mais l’Apôtre des nations vouait à la destruction la « sagesse de ce monde et des princes de ce monde » (1 Co 2, 6). Selon Origène (v. 185-v. 253), Paul faisait ainsi référence à la « prétendue philosophie secrète des Égyptiens, à l’astrologie des Chaldéens et des Hindous » et aux « multiples doctrines des Grecs sur la nature du divin ». Clément d’Alexandrie (v. 150-v. 220), son contemporain, investigua longuement les sentiers de la gnose préchrétienne ; il voulait rapatrier vers le Christ les éléments épars de la connaissance que l’Esprit avait disséminé dans les civilisations[1]. Mais tout en faisant converger les éléments positifs des sciences occultes vers leur source divine, « la vieille sagesse chrétienne a lutté farouchement, dès les premiers siècles, contre toute forme de fatalisme et, notamment contre l’astrologie, au nom de la souveraineté et de la liberté de Dieu face à toutes les puissances cosmiques ». Ce faisant, « elle n’a cependant pas nié l’existence de principes terrestres secondaires que la providence met à son service pour diriger le cours des choses ». Rappelant la doctrine paulinienne, le cardinal Balthasar, souligne que les « éléments du monde » (vénérés par beaucoup comme des puissances angéliques), les « dominations », les « autorités » et les « princes de ce monde » sont reconnus dans leur réalité et dans leur compétence, mais n’en doivent pas moins, tenus sous le joug du Christ, précéder son char triomphal (Col, 2, 15). L’ésotérisme et les sciences occultes ne sont jamais que des « réalités pénultièmes, accessibles seulement lorsqu’il est possible de les rapporter au mystère absolu de l’amour divin manifesté dans le Christ »[2]. En dehors de ces rapports de subsidiarité, elles risquent de conduire les téméraires sur des chemins d’orgueil vers des culs-de-sac spirituels ou des ronds-points sans issue. Dans la foi nous comprenons que le merveilleux chrétien renvoie toujours au mystère d’où il tire sa saveur particulière et que le mystère lui-même trouve sa source dans la puissance divine. « Le Puissant fit pour moi des merveilles », s’exclame la Vierge Marie ; ces merveilles sont comme le parfum qui émane de la fleur du mystère, sachant que le mystère chrétien n’est pas un secret caché, mais une lumière tellement intense qu’elle ne peut être supportée et manifestée qu’à travers le filtre de ce que nous appelons le miraculeux ou le merveilleux.[3] Le miracle tamise la puissance divine en même temps qu’il la manifeste, car ce que nous considérons comme merveilleux ou miraculeux constitue l’ordinaire de Dieu, si l’on peut dire.

    Dieu ne se révèle pas aux orgueilleux

    Dieu ne se révèle pas aux orgueilleux. La simplicité et l’humilité du cœur sont les seulesimages15.jpg clefs de l’amour et de la connaissance. Si Moïse a été initié aux mystères de Dieu pour tenir tête aux prêtres égyptiens et à leur magie, c’est qu’il fut « l’homme le plus humble que la terre ait porté » (Nb 12, 3). Quant à la mère du Christ, épouse de l’Esprit Saint, qui forma en son sein la Sagesse éternelle, elle peut être à juste titre qualifiée de sedes sapientiae, siège de la Sagesse. Son cœur immaculé fait déborder la connaissance divine sur ceux qui la vénère d’un cœur simple et droit.

    L’homme qui cherche à établir un contact avec le monde invisible est un homme normal, même s’il s’égare dans des chemins sans issue. L’homme qui cherche la clef de la connaissance répond à un appel profond qui retentit en son cœur. N’oublions pas que nous sommes d’abord des êtres spirituels qui faisons l’expérience de l’incarnation et non l’inverse, car nous sommes faits à l’image et à la ressemblance de Dieu qui est pur Esprit (Gn 1, 26). L’Église a reçu du Christ les clefs de la connaissance et la gestion des mystères sacrés : elle peut et elle doit enseigner à tous les hommes les voies de la connaissance qui mènent à l’union à Dieu, fussent-elles surprenantes et inattendues, car l’Esprit souffle non seulement où il veut, mais aussi comme il veut et quand il veut… « Malheur à vous, les légistes, parce que vous avez enlevé la clef de la science! Vous-mêmes n’êtes pas entrés, et ceux qui voulaient entrer vous les en avez empêchés! » (Lc 11, 52). Souhaitons que cette admonestation de la Sagesse incarnée ne s’adresse pas à nos pasteurs!

    En mangeant, à l’invitation de Satan, le fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal, l’homme primordial est entré par effraction dans l’enceinte de la connaissance parfaite et il en a goûté le fruit doux-amer : douceur du bien, amertume du mal. Et ce péché d’orgueil l’a conduit à la mort (Gn 2, 17). Ève chercha la connaissance dans les artifices du démon, Marie la trouva dans l’humilité et l’Esprit Saint : « Il s’est penché sur son humble servante » (Lc 1, 48).

    Seul le Ressuscité, véritable « arbre de vie », pouvait restaurer l’homme dans sa dignité première et le réintroduire dans l’enceinte sacrée de la con-naissance, le Cœur du Christ, là où « amour et vérité se ren-contrent » (Ps 84, 11).

     

     Pierre René Mélon

     

    [1]  Voir en particulier le livre VI des Stromates, Sources chrétiennes, éd. du Cerf.

    [2]  Hans Urs von Balthasar, in Méditations sur les 22 arcanes majeurs du Tarot,  Avant-Propos, pp. 14-15, Aubier, 1984.

    [3]  Voir le Dictionnaire des miracles et de l’extraordinaire chrétiens, collectif, sous la direction de P. Sbalchiero, Fayard, 2002.