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  • Liège: à propos de la fête de saint Lambert et du jubilé épiscopal

    LE CHRIST EN NOS PASTEURS

    ET LA VERTU D’OBÉISSANCE

    08b St Lambert.jpg Le 3juin 2011 a marqué pour Liège le 10eme anniversaire de l'installation de son 91e évêque, Mgr Aloys Jousten, dont le jubilé épiscopal fut célébré à la cathédrale Saint-Paul le samedi 17 septembre, en la fête de saint Lambert, patron de la cité et du diocèse. Une belle occasion de méditer sur le thème qu'un de nos amis développe ci-après:

    Comme chaque année, au mois de septembre, nous avons fêté dans la joie saint Lambert, patron du diocèse et de la ville de Liège et chanté sa messe solennelle à l’église du Saint-Sacrement (Liège) comme à l’église Saint-Lambert(Verviers) : selon la forme extraordinaire du rite romain et en grégorien « more leodiense ».

     Nous connaissons la vie de notre Saint par la relation qu'en a laissée sur le vif un de ses contemporains, puis d’autres après lui ; l’existence même de Liège, née de la présence de son corps qui y repose aujourd’hui encore, lui rend au surplus un pertinent témoignage. Bien campé dans l’histoire – ce qui importe ici, nous le verrons – il est aussi pour nous plus qu’un personnage historique.

    Car saint Lambert est évêque, autrement dit « pontife ». Et pontife veut dire : celui qui fait un pont. Le pont entre Dieu et nous.

     Or saint Paul dit bien qu’il n’y a qu’un seul pontife, Jésus-Christ. Saint Lambert, c’est donc notre Jésus-Christ. Il est par participation notre Jésus, Dieu-fait-homme, dont la vie a commencé au Oui de la Vierge Marie, il y a un peu plus de deux mille ans ; lui dont la vie aussi a été de « faire la volonté du Père », en se rendant « obéissant jusqu’à la mort, et la mort de la croix ».

     

     L’Église est le Corps du Christ. Corps mystique du Christ, l’Église est physique, on peut la toucher. Elle n’existe d’ailleurs que par le toucher physique qui de proche en proche nous relie à Jésus, Dieu-fait-homme.

    Saint Lambert est pontife parce que saint Théodard lui a imposé les mains : saint Théodard, parce que saint Remacle ; saint Remacle, parce que saint Amand, et ainsi de suite, de mains en mains, par contact physique, jusqu’à l’un des Douze, touchés de Jésus-Christ.

     « Qui vous écoute, m’écoute ».La crédibilité de l’Église tient en cette parole, fondement aussi de la distinction entre l’Église enseignée et l’Église enseignante. Il n’est, qui autorise à s’en prévaloir, qu’une succession apostolique ininterrompue et physique, en communion avec le siège de Pierre, d’évêque en évêque. « Nul ne s’attribue lui-même cette charge ».

    L’Église n’est pas auto-proclamée comme sont tous ceux qui courent sans avoir été envoyés. Dans l’Église, et dans l’Église seule, le mandat du Christ est palpable, traçable, contrôlable, de mains en mains.

    Remarquons bien que si une paire de mains sales se glisse dans la série, Jésus passe par elles tout autant que par les propres. De façon moins lumineuse, oui, mais tout autant : ce n’est pas la vertu de l’ homme qui donne le Christ, c’est le Christ qui se donne par l’homme. Il est le trésor porté dans des « vases d’argile », comme dit saint Paul.

    Le Christ s’est donné à nous par Henri de Gueldre, évêque scandaleux du treizième siècle, sans qu’on le voie briller en lui. C’est le même Christ, le même trésor, quel que soit le vase. Quelle que soit la vase…

    Nous ne vénérons pas nos pasteurs pour l’argile dont ils sont faits, nous les vénérons pour ce qu’ils portent, le trésor : le Christ. Le vase est précieux par ce qu’il contient.

    Si l’on rejette le vase parce qu’il est vaseux, on rejette en même temps le contenu précieux. Ce contenu précieux, le Christ, qui, lui, n’a pas refusé de se laisser porter dans ce vase vaseux. Quelle leçon pour nous qui faisons les difficiles !

    Nous pouvons aimer l’Église de tout cœur, car elle est sainte. Toute argileuse sans doute, elle est sainte. Que l’homme ne s’en attribue pas la sainteté, lui qui barbouille son trésor lumineux d’une grasse couche d’argile ! Qu’il se laisse plutôt rendre transparent à sa lumière, comme le fit saint Lambert.

    Que l’homme n’en nie pas non plus la sainteté, lui qui a tant besoin de lumière. Qu’il accepte plutôt qu’elle lui soit donnée dans ces vases d’argile, pétris de la même pâte que lui. Il n’est pas juste que l’argile fasse reproche à l’argile. "Ôte d’abord la poutre…"

     

    Qu’il importe de prononcer le "Oui" de notre obéissance ! Par motif surnaturel de foi, d’espérance et de charité.

    De foi en cette parole « Qui vous écoute m’écoute » ; d’espérance en cette autre : »Voici que je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde » ; de charité enfin, et surtout, car l’amour de Dieu consiste à embrasser toutes ses voies : »J’aime le Père, et selon que m’en a donné ordre le Père, c’est ainsi que j’agis. »

    « Dieu, personne ne l’a jamais vu : le Fils unique, qui est dans le sein du Père, c’est lui qui l’a manifesté ». De la façon qu’il a voulue, selon les moyens qu’il a voulus.

    Nous ne pouvons connaître le Père, et sa volonté, que par le Fils ; nous ne pouvons agir selon la volonté du Père qu’en nous conformant à la parole de son Fils : en écoutant ceux qu’il nous a dit d’écouter.

    Suivre le Bon Pasteur, c’est suivre les pasteurs qu’il a institués et fait instituer.

    Parce qu’elle s’adresse au Christ, cette obéissance par motif surnaturel de foi, d’espérance et de charité  comporte en soi l’antidote à toute dérive où peuvent se laisser entraîner ces pasteurs, qui, bien qu’assis « sur la chaire » du nouveau « Moïse », restent néanmoins des vases d’argile : elle a pour pierre de touche la Révélation contenue dans l’ Écriture etla Tradition.

    En tout état de cause cependant, quand, à Antioche, Paul « résiste en face » à Pierre « parce qu’il était répréhensible » et qu’il « ne marchait pas droit selon la vérité de l’Évangile », ce n’est pas pour se soustraire à sa juridiction, mais bien au contraire pour y faire appel. Il réclame le jugement de Pierre, qui, selon le beau mot de saint Grégoire « se rangea à s’accorder à son frère inférieur, de sorte que là encore il marchait en tête : dans la mesure où lui qui était le premier au sommet de l’apostolat, fut premier aussi en humilité » (In Ezech. I. II, Hom. VI, § 9.)

    Ainsi se règlent à la gloire de Dieu et pour une plus grande sainteté de ses enfants les différends qui peuvent surgir entre ceux dont le cœur n’a d’autre attache que le Christ Vérité. Rien de bon ne se fait dans l’Église que par l’obéissance respectueuse de l’unité. L’unité du diocèse, c’est l’évêque. L’unité des évêques, c’est le successeur de Pierre, l’unité de tous, c’est le Oui au Père, par le Christ Vérité, en conformité à l’action du Saint-Esprit.

     

     Par le Oui de Notre-Dame, Dieu s’est fait homme.

    Puissance de l’obéissance à la volonté du Père ! Jésus fut dans le corps de Notre-Dame ; il fut dans ses bras, dans sa maison ; sur les chemins d’une terre que des pieds foulent encore aujourd’hui ; surla Croix.« Femme, voici ton fils ».

    Jésus n’est dès lors plus seulement lui, Jésus, mais saint Jean, et les autres. Pas seulement eux, mais ceux qu’ils ont lavés dans le sang de l’Agneau, de proche en proche, par contact physique ininterrompu.

    Tous nous avons été baptisés, par tel qui a été baptisé, et ainsi de suite, sans une seule déchirure, par contact physique ininterrompu, jusqu’aux Apôtres, jusqu’àla Croix, par la grâce dela Résurrection.

    Telle est la grâce que nous avons reçue, qui met notre main au contact de la main du Christ.

     

    Ce courant de grâce ne peut passer que par le Oui de l’obéissance, qui fait de la personne ce qu’elle est dans le dessein de Dieu.

    Saint Lambert, ramené à son essentiel, est un Oui. Retirez son Oui qui est l’actualisation du Oui de Notre-Dame…et qu’en est-il de nous ?

    Et nous, que faisons-nous de cet Oui arrivé jusqu’à nous ? arrivé par son sang jusqu’à nous ? Allons-nous dire un Non ? Nous avons reçula Vie. Jésus. Jésus Dieu. Nous avonsla Vie entre les mains. Que faisons-nous ?

    Passe encore que nous ayons les mains sales. C’est bien assez que nous ayons les mains sales, n’y ajoutons pas encore le Non. Le Non d’orgueil, d’égoïsme, d’incrédulité, d’indifférence, de défiance…Le Non mortel. Recueillons et transmettons - «  je vous donne ce que j’ai moi-même reçu »- : la Vie rayonnera dans notre argile. Ce n’est pas nous qui ferons cela, notre médiocrité ne doit pas nous arrêter. Jésus rayonnera. D’autant plus que notre vase d’argile s’identifiera davantage, par la grâce de Dieu, au trésor qu’il porte par cette même grâce de Dieu.

     

    Saint Lambert s’est identifié à Jésus. On le voit bien en lisant le vieux manuscrit qui raconte sa vie. On le voit tout au long des pages de sa vie. Prenons la dernière. Des assassins sont là –toute une bande- pour le tuer. Ils encerclent le lieu où il se trouve avec deux de ses neveux et quelques compagnons. L’attaque est déclenchée. Lisons le manuscrit, aux vers 364 et suivants :

     Alors la compagnie, et les gens de maison,

    et les neveux aussi dont nous avons parlé,

    saisissent leur épée et vaillamment résistent :

    ils ont tant le dessus qu’ils les boutent dehors.

    Ainsi donc le combat fait rage, et les amis de Lambert ont le dessus. Mais que va faire l’évêque ? Saint Lambert n’est pas homme de trempe moins valeureuse que ses fidèles compagnons : il est de noble lignage : on lui sait une certaine expérience militaire et il lui en faut plus que cette poignée de gredins pour être impressionné, fussent-ils armés de pied en cap.

     Vers 367 et suivants : 

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     Alors le Saint de Dieu, d’un cœur plein de vigueur,

    prend des armes de guerre et commence à en être,

    tout comme s’il allait se mêler au combat ;

    puis, il repasse en soi l’enseignement du Christ,

    -        qu’un homme desservant les autels consacrés

    n’avait pas à porter sur soi cette ferraille

    ni tout cet armement ; qu’il ne devait plus craindre

    ceux qui tuent les corps mais qui par aucun trait ne peuvent réussir

    à supprimer une âme;

    il laisse alors tomber ses armes sur le sol

    et fait voir son regret de les avoir saisies

    alors qu’il était là comme soldat du Christ.

    Voyez-vous le vase d’argile qui devient vase de lumière ? qui se fait transparent à la lumière ? Plutôt que de sauver sa vie, il la donne. En donnant sa vie, il gagne la Vie. Pour lui, pour ses amis, pour nous. Il laisse rayonner le beau jour du Christ dans sa splendeur.

    Dans ses yeux il n’y a plus que l’amour. Lui-même n’est plus qu’amour. Il donne sa vie et tout ce qui était en elle mort devient Vie.

    Saint Lambert recommande donc à ses neveux, dont la conduite n’avait pas été irréprochable, de faire saintement pénitence, puis il reste seul, prosterné devant la croix, où il sera bientôt transpercé d’un coup de lance.

     

    Au fond, c’est tout simple d’être un Saint : il suffit de dire Oui.

    Ce Oui, on n’a même pas à l’inventer, il suffit de répéter celui dela Vierge Marie. C’est le même. A tout bien considérer, on ne le répète pas, plutôt, on le prolonge.

    Le Corps mystique de Jésus se forme alors dans nos cœurs aussi sûrement que son Corps physique dans le sein de Marie pour le salut du monde. Par ce Oui unique d’obéissance, qui laisse jaillirla Vie.

    Saint Lambert s’est donc identifié à Jésus. Au Bon Pasteur. Comme Jésus, sa vie, il la donne. Et son sang uni à celui de Jésus féconde encore notre terre liégeoise. Le sang de Jésus est un sang donné. Le sang de Lambert est un sang donné.

    Notre sang aussi doit être un sang donné. Il importe peu qu’il soit donné en coulant hors de nos veines ou dans nos veines, mais il importe qu’il soit donné.

    Car un sang de chrétien est un sang donné. D’avance. Définitivement. Donné au Père. Voilà pourquoi le chrétien est un martyr quand les circonstances l’exigent. La façon de donner son sang change alors, mais le sang était déjà donné.

    L’Église est le corps dont le Christ est la tête. Il n’y a qu’un même sang dans la tête et dans le corps. Dans chacun des membres du corps, c’est le même sang. Un sang donné.

    Le sang donné par le Christ sur la croix nous a été donné, il n’a pas été versé dans le vide, il a été donné. Il nous a été donné. Il est devenu nôtre.

    Mais ce sang ne nous vient pas immédiatement de la Tête.

    Il nous vient par le Corps, c'est-à-dire par l’Eglise. A nous qui lisons ces lignes, par l’un des douze, lequel ? je ne sais, Dieu le sait ; puis de pasteur en pasteur, par Amand, Remacle, Théodard, Lambert. Puis d’Ubert en Floribert, en passant ensuite par Etienne, Notger, Wazon…et par Henri-le-scandaleux- par des saints, des moins saints, des pas saints- par des pauvres pécheurs toujours, des pauvres pécheurs lumineux parfois ; plus récemment enfin par nos contemporains Louis-Joseph, Guillaume-Marie, Albert, et jusqu’à notre Aloys : c’est le sang de Jésus qui est en nous.

    Sang qu’eux tous à la suite ont bien ou mal donné, sang qu’ils ont donné tant bien que mal, mais sang toujours donné.

    Que serait-il de nous sans eux tous ? Que serait-il de nous, si un seul parmi eux avait manqué ?

    Que serait-il de nous si notre lignage s’arrêtait à l’un de ces auto-proclamés qui prétendent un jour donner ce qu’ils n’ont pas reçu, servir l’Evangile du Christ, en lâchant la main dans laquelle il a été remis ? Qui prétendent sauver l’Eglise –on ne sauve pas l’Eglise, c’est en elle qu’on est sauvé !- en s’arrachant à elle ?

    Que serait-il de nous si notre lignage s’arrêtait à l’un de ces auto-proclamés qui, butant contre l’argile du vase, ont perdu le trésor ?

    Le trésor, il est toujours, ici et maintenant, dans le pasteur auquel l’Eglise donne ce nom qui dit tour : l’Ordinaire.

     

    Alors, soyons-en bien conscients : saint Lambert, notre vieux manuscrit nous dit ce qu’il a été, nous dit ce qu’il a fait ; son corps, conservé dans notre cathédrale nous dit qu’on l’a aimé, prié, vénéré, de génération en génération depuis treize fois cent ans, ce n’est pas rien.

    Son souvenir est bien présent dans nos cœurs : nous savons par la foi que, admis auprès du Père, il veille sur nous, l intercède pour nous. Nous célébrons sa solennité, c’est notre Lambert glorieux, lui

     En qui le Chœur des cieux trouve à se réjouir

    De se savoir augmenté d’un pareil compagnon

     

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    Mais Aloys, notre évêque, notre Ordinaire, c’est Lambert, vivant au milieu de nous : en Aloys, c’est Lambert qu’il faut voir, c’est l’ Apôtre, c’est Jésus, « Emmanuel : Dieu-parmi-nous. »

    Que c’est beau, un évêque, quand on le regarde pour ce qu’il est vraiment.

    Il l’est par la grâce du Oui de la Vierge Marie. Oui continué par Lui, comme un enfant répète le mot de sa Mère, comme il peut.

    Que nos prières et notre filiale affection, vraie, lui obtiennent de manifester toujours plus lumineusement ce Oui confié à ses mains d’homme

     

    à propos de la fête de saint lambert à liège

    Seigneur Dieu, Pasteur et guide de tous les fidèles, regardez avec bienveillance votre serviteur Aloys, que vous avez placé comme pasteur sur le siège de saint Lambert. Accordez-lui d’aider, par la parole et par d’exemple, au bien de ceux dont il est le chef, et de parvenir avec le troupeau qui lui est confié à la vie éternelle. Amen

     JBT