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  • Belgique : le débat sur la laïcité est relancé

    « La loi civile prime sur toute loi religieuse »

    De la revue de presse du service interdiocésain, cet extrait du journal Le Soir :

    VE PN 106 laicite-religion-du-nouvel-ordre-mondial.jpg« C’est une petite phrase qui n’a l’air de rien, mais elle rouvre un débat volcanique dans le monde politique. Richard Miller, député fédéral réformateur, propose d’inscrire dans un préambule à la Constitution les mots suivants : « La loi civile prime sur toute loi religieuse. » Par là, et à la suite du chef de groupe VLD Patrick Dewael, il entend relancer le débat sur une laïcité à la belge. … Richard Miller s’explique. Avec cette formulation, il entend permettre à tous de comprendre « que nous évoluons dans un pays où la croyance religieuse ne dicte pas la loi, ceci avec tout le respect que j’ai pour les convictions et les engagements religieux » . Mais la proposition a-t-elle une chance d’aboutir ? Les socialistes sont favorables (les conclusions du Chantier des idées sont explicites) à l’introduction de la laïcité de l’Etat dans la Constitution. Les amarantes de Défi ont également par le passé donné leur aval. Les verts, eux, sont ouverts à la discussion mais craignent un feu de paille, qui ne réglera pas des problèmes plus profonds dans la société. Les centristes-humanistes, eux, se disent ouverts à une révision constitutionnelle sur ce thème. Evidemment, le CD&V est plus réticent, la N-VA faisant preuve de prudence. Les deux partis sont en effet proches du monde catholique au Nord. »

    Et les droits de la conscience ?

    VE PN 106 louis-leon-christians.jpg« Comme citoyen et comme croyant, l'homme est appelé à la responsabilité d’un être de conscience ». Un témoignage de Louis-Léon Christians, professeur ordinaire à l'UCL, titulaire de la chaire Droit et Religions, expert auprès du Conseil de l'Europe, en tribune sur le site du Soir  (26 janvier 2018):

    La conscience comme droit de l’homme

    « La liberté de conscience semble plus que jamais un acquis précieux, à l’heure où les consciences sont de plus en plus fréquemment perçues comme des « signes faibles » de dangerosité potentielle et justifient de nouvelles références à la « raison d’Etat ».

    Qu’il y ait incompatibilité entre les deux projets humains que sont démocratie et théocratie est toujours utile à rappeler : nos lois sont adoptées par les élus de la Nation, dans le respect de la séparation entre l’Etat et toute organisation religieuse ou philosophique. Il est toujours bon de redire à toutes ces organisations qu’elles ne peuvent nullement s’estimer maîtres de l’Etat, comme ne l’est d’ailleurs aucune autre organisation, professionnelle, politique, syndicale, sportive, scientifique, commerciale, etc. La loi civile, de son point de vue, les prime toutes et se borner à évoquer la loi religieuse semblerait bien discriminatoire.

    Seul le Parlement, à la majorité prévue, fixe la Constitution et les Lois. Est-ce toutefois à dire que la volonté de cette majorité élue « prime » réellement « tout » ? Il faut être attentif à l’ambiguïté qui frappe le verbe « primer ». Il appelle quelque prudence : évoque-t-il le champ du droit, le champ de la morale ? s’oppose-t-il à la violation de la loi ou aussi la critique de la loi ? Sans doute faut-il surtout rappeler la primauté des « droits de l’homme ».

    Première sagesse

    Et parmi les différents droits de l’homme garantis, la liberté de religion et de conviction fixe certaines bornes aux « rapports de primauté » en matière religieuse et convictionnelle. Le pouvoir de l’Etat s’y voit limité, comme le sont aussi les abus de tout tiers, envers ce que chaque personne estimera être les exigences de sa conscience. La légère complexité des formules européennes rappellera, même aux non-experts, que la première sagesse des droits de l’homme tient précisément à rechercher un équilibre raisonnable entre les différentes prétentions de pouvoirs et celles de la libre conscience humaine. Cette dernière ayant, elle aussi, à trouver une voie de coexistence pacifique dans une société pluraliste.

    Il est donc bon, au moment où l’on cherche des formules, de rappeler celle de l’article 9 de la Convention européenne des droits de l’homme, que la Cour du même nom veille à garantir aux huit cents millions d’habitants du Conseil de l’Europe :

    1. Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l’enseignement, les pratiques et l’accomplissement des rites.
    2. La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l’ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d’autrui.

    Une garantie controversée

    Il ne conviendrait pas, sous le vocable lui aussi ambigu de « loi religieuse » de confondre la condamnation européenne de la théocratie avec la protection européenne de la liberté de conscience. Or cette garantie, considérée longtemps comme un progrès des droits, redevient polémique et controversée. Ainsi, les consciences sont de plus en plus fréquemment perçues comme des « signes faibles » de dangerosité potentielle et justifient de nouvelles références à la « raison d’Etat » : une censure discrète à travers des conditions d’accès ou de subventionnement, une extension de l’appareil répressif, une résurgence de nouveaux délits d’opinion. Un ensemble de mesures qui viennent brouiller les frontières entre la libre diversité des convictions et la répression de la violence.

    Un acquis précieux

    Que le passage à la force ou à la violence soit à l’opposé des démocraties est une évidence. De même, les démocraties s’opposent-elles à l’imposition de convictions par la contrainte – physique, psychologique ou économique. Mais en revanche, la libre formation des consciences, y compris dans la diversité de leurs sources d’inspirations et dans la variété de leurs lieux, doit demeurer un acquis précieux, même et surtout en période d’incertitude.

    Aussi bien, la question de la primauté de la loi des hommes sur celle de Dieu, nouveau mantra du débat public, enferme dans des dilemmes et quelques leurres. La question première nous semble avant tout celle de savoir si l’homme, citoyen ou croyant, sera conçu comme un automate soumis à des circuits normatifs qui le téléguideraient, ou s’il est appelé, comme citoyen et comme croyant, à la responsabilité d’un être de conscience, capable d’un décentrement critique et d’une empathie constructive.

    Pour dénoncer certains jeux et abus de pouvoirs religieux ou convictionnels, il conviendrait de les viser tous sans discrimination, et sans prendre le risque d’une limitation subliminale de la liberté des consciences individuelles, religieuses ou convictionnelles. D’autres autorités viendront rappeler le moment venu les règles de primautés des droits de l’homme et l’exercice de proportionnalité qu’ils exigent, loin de toute polarisation facile. »

    Notre commentaire

    Le respect des législations humaines a ses limites et il est regrettable que le droit naturel, depuis la révolution culturelle des années 1970, ne soit plus enseigné dans la plupart de nos facultés de droit. Le respect du droit positif, en ce compris les dispositions internationales relatives aux droits humains fondamentaux, est en effet subordonné à celui de la conscience formée à la lumière de cette loi naturelle qui, dans le patrimoine de l’humanité, représente les valeurs imprescriptibles inscrites dans l'être humain, antérieures à toute juridiction nationale, supra- ou internationale. Pour un croyant, ce patrimoine renvoie finalement au Créateur. Dans son testament spirituel « Mémoire et Identité » (Flammarion , 2005, p. 162), saint Jean-Paul II écrit : « La loi établie par l’homme a des limites précises que l’on ne peut franchir. Ce sont les limites fixées par la loi naturelle, par laquelle c’est Dieu lui-même qui protège les biens fondamentaux de l’homme ». Il rejoint par là toute la tradition antique, immortalisée par l’Antigone de Sophocle et bien sûr, en premier lieu, le Décalogue.

     Lire dans le n° 106 (printemps 2018) du magazine Vérité et Espérance-Pâque Nouvelle

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  • Dieu ou rien : la conférence du Cardinal Robert Sarah à Bruxelles, le 7 février 2018

    Une parole prophétique venue  du plus jeune continent de la planète :

     

    « L’Afrique représente un immense 'poumon' spirituel pour une humanité qui semble en crise de foi et d’espérance.

    « Cette fraîcheur du oui à la vie qu’il y a en Afrique, cette jeunesse qui existe, qui est pleine d’enthousiasme et d’espérance, et aussi d’humour et de joie, nous montre qu’ici il y a une réserve humaine, il y a encore une fraîcheur du sens religieux et de l’espérance. [...] Je dirais donc qu’un humanisme frais qui se trouve dans l’âme jeune de l’Afrique, malgré tous les problèmes qui existent et qui existeront, montre qu’ici il y a encore une réserve de vie et de vitalité pour l’avenir, sur laquelle nous pouvons compter".

    (Benoît XVI aux journalistes accompagnant son voyage au Bénin en 2011)

     

  • Témoignage : Visite du Cardinal Sarah en Belgique

    Lu sur le site interdiocésain « cathobel » :

    "Les 6 et 7 février, le cardinal Robert Sarah, préfet de la congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements, était en Belgique. Il a accordé un entretien exclusif à Cathobel*. Homme profondément spirituel, le cardinal Sarah développe une vision traditionnelle de la foi et porte un regard très critique sur l’évolution de la civilisation occidentale.

    Quels sont aujourd’hui, selon vous, les principaux défis que doit relever l’Eglise catholique, en particulier en Europe occidentale?

    Je crois que l’Eglise affronte aujourd’hui de grandes questions. D’abord, sa fidélité à Jésus, à son Evangile, sa fidélité à l’enseignement qu’elle a toujours reçu des premiers papes, des conciles. C’est le grand défi aujourd’hui. Ce n’est pas évident, parce que l’Eglise désire s’adapter à son milieu, à la culture moderne.

    Le deuxième défi, c’est la foi. La foi a chuté, non seulement au niveau du Peuple de Dieu, mais même parmi les responsables d’Eglise, on peut se demander quelquefois si nous avons vraiment la foi. A Noël, un prêtre, pendant la messe du dimanche, a dit aux chrétiens: « Aujourd’hui, nous n’allons pas réciter le ‘Je crois en Dieu’, parce que moi, je n’y crois plus. Nous allons chanter un chant qui va exprimer notre communion ensemble. » Je pense qu’aujourd’hui, il y a une grande crise de foi, une grande crise aussi de notre relation personnelle à Dieu.

    Après son élection, le pape Benoît XVI, qui percevait les grands défis de l’Eglise, a immédiatement voulu une année saint Paul. Il voulait ainsi nous amener à avoir une relation personnelle avec Jésus. La vie de cet homme, qui persécutait l’Eglise, a été totalement transformée quand il a rencontré Jésus. Il a dit: « Je vis, mais ce n’est plus moi qui vit, c’est le Christ qui vit en moi. Pour moi, vivre, c’est le Christ. »

    Ensuite, Benoît XVI a voulu une année consacrée au sacerdoce. Il y a aussi une grande crise sacerdotale. Non parce qu’il n’y a pas assez de prêtres. Au VIIe siècle, le pape Grégoire le Grand disait déjà qu’il y avait trop de prêtres. Aujourd’hui, il y a 400.000 prêtres. Mais est-ce que les prêtres vivent vraiment leur vocation? Enfin, Benoît XVI a voulu une année de la foi. Ce sont là les trois grands défis de l’Eglise aujourd’hui.

    Comment les chrétiens peuvent-ils davantage découvrir Dieu, et le faire (re)découvrir par celles et ceux qui ne le connaissent pas, ou plus?

    Comment découvre-t-on une amitié? C’est dans la relation. Un ami, je le connais de plus en plus si je le fréquente réellement et en profondeur. Eh bien, Jésus, Dieu, nous le connaissons et nous avons une relation avec lui si nous prions. Or, je crois qu’on discute beaucoup, mais qu’on prie peut-être peu. Je pense qu’une des façons de redécouvrir Dieu et d’avoir une relation personnelle avec lui, c’est la prière, la prière silencieuse, la prière qui est uniquement un vis-à-vis. La prière, ce n’est pas dire des choses, c’est se taire pour écouter Dieu qui prie en nous. Saint Paul dit: « Nous ne savons pas prier. » Laissons l’Esprit Saint nous envahir et prier. Il crie en nous: « Abba, Père« . Et la plus belle prière, c’est le « Notre Père ».

    Sa Parole est également un moyen pour entrer en relation avec Dieu. Sa Parole, c’est Lui-même qui est là, c’est Dieu qui s’est exprimé, et, en lisant sa Parole, nous connaissons davantage son Cœur. Nous connaissons ses grandes ambitions pour l’homme. Il voudrait que nous soyons saints comme Lui, notre Père, est saint.

    Nous pouvons également entrer en relation avec Dieu à travers les mystères des sacrements. Les sacrements, ce sont les moyens que Dieu a inventés pour que nous soyons réellement en lien avec lui. Quand je suis baptisé, comme disait le pape Benoît XVI, je suis plongé dans la Trinité. Quand je reçois le corps du Christ, c’est vraiment le Christ qui vient en moi et je suis en lui. Par la confession, on rétablit les liens qui étaient cassés entre un homme et Dieu. Donc, tous les moyens sont là pour que l’homme puisse retrouver Dieu en vérité.

    Depuis fin 2014, vous aidez le pape à veiller sur la vie liturgique de l’Eglise. En quoi la liturgie, principalement l’eucharistie, est-elle si importante pour l’Eglise?

    L’eucharistie est le sommet et la source de la vie chrétienne. Sans eucharistie, on ne peut pas vivre. Jésus a dit: « Sans moi, vous ne pouvez pas vivre. » C’est pourquoi il faut célébrer l’eucharistie avec beaucoup de dignité. Ce n’est pas un rassemblement entre amis, ce n’est pas un repas qu’on prend de manière légère, c’est vraiment Dieu qui se donne à nous, pour qu’Il reste avec nous. Dieu est notre vie, Dieu est notre nourriture, Dieu est tout pour nous. Et il veut manifester cela dans l’eucharistie. L’eucharistie doit être quelque chose de tellement sacré, de tellement beau!

    Mon dicastère essaie de promouvoir cette beauté de la liturgie. La liturgie n’appartient à personne, elle n’appartient pas à l’évêque, ni au prêtre, qui ne peut décider de faire ceci ou cela. Il doit suivre ce qu’indiquent les rubriques, ce qu’indique la liturgie, les lois de l’Eglise. C’est une forme d’obéissance. Il y a peut-être des choses qui me gênent, qui me paraissent dépassées, mais je les fais parce que c’est le Seigneur qui le demande.

    Nous essayons de faire comprendre que la liturgie est un grand cadeau fait aux chrétiens, qui se doivent de conserver ce qui a toujours été vécu. On s’adapte au moment d’aujourd’hui, on peut s’exprimer et chanter dans nos langues. L’inculturation est possible, mais il faut bien la comprendre. Il ne s’agit pas de mettre de la poudre sur le christianisme, une poudre africaine, une poudre asiatique… L’inculturation, c’est laisser Dieu pénétrer ma culture, laisser Dieu pénétrer ma vie. Et quand Dieu pénètre ma vie, il ne me laisse pas intact, il me transforme. C’est comme l’incarnation: Dieu a pris notre humanité, non pas pour nous laisser à l’horizontale mais pour nous élever à lui. Saint Irénée a dit: « Dieu s’est fait homme pour que l’homme devienne Dieu« . La liturgie, justement, nous fait devenir Dieu, parce que nous communions avec lui, et c’est pourquoi il est également important de soigner le silence dans la liturgie. On demandait à Romano Guardini (théologien allemand du XXe siècle, ndlr.): « Quand commence vraiment la vie liturgique?« . Il répondait: « Par l’apprentissage du silence« .

    Depuis une cinquantaine d’années, notre civilisation occidentale s’éloigne de ses racines chrétiennes, ce qui implique des changements importants dans la vision de l’homme et de la société. Est-ce que, pour vous, l’Occident est en train de perdre son âme?

    Non seulement l’Occident est en train de perdre son âme, mais il est en train de se suicider. Parce qu’un arbre qui n’a plus de racines est condamné à la mort. Je pense que l’Occident ne peut pas renoncer à ses racines qui ont créé sa culture, ses valeurs. Je pense que c’est une crise, mais toute crise finit un jour, nous l’espérons en tout cas.

    Il y a des choses ahurissantes qui se passent en Occident. Je pense qu’un parlement qui autorise la mort d’un enfant innocent, sans défense, est une grave violence faite contre la personne humaine. Quand on impose l’avortement, surtout aux pays en voie de développement, en leur disant que, s’ils ne le font pas, on ne les aidera plus, c’est une violence. Ce n’est pas étonnant. Dès qu’on a abandonné Dieu, on abandonne l’homme, on n’a plus de vision claire de l’homme. Il y a une grande crise anthropologique aujourd’hui en Occident. Et cela mène à traiter la personne comme un objet.

    Je suis certain que, si l’Occident, si l’Europe renonce absolument à son identité chrétienne, la face du monde changera tragiquement. Vous avez été amenés à apporter la civilisation chrétienne en Asie, en Afrique… et vous ne pouvez pas dire d’un seul coup que ce que vous nous avez donné n’a aucune valeur. Parmi les jeunes, on voit apparaître une certaine opposition à cette manière de de traiter l’homme. Il faut prier pour que l’Occident reste ce qu’il est.

    En 2012, l’Eglise catholique a célébré les cinquante ans de l’ouverture du Concile Vatican II. Peut-on dire aujourd’hui que le Concile Vatican II a été effectivement appliqué dans l’Eglise?

    Je ne peux que vous répéter ce que Benoît XVI a dit. Il y a deux conciles. D’une part, le vrai concile, qui a donné des textes, et d’autre part le concile des médias, qui ont commenté les textes du concile; et les gens ne connaissent que le concile des médias. Et donc, on a négligé d’aller aux textes. Je prends par exemple la liturgie. Aujourd’hui, on applique la liturgie, mais sans aller au texte, Sacrosanctum Concilium (Constitution du concile Vatican II sur la liturgie, ndlr.)

    Par exemple, au numéro 22, au paragraphe 3, il est dit qu’aucun prêtre ne peut ni changer, ni modifier, ni retrancher ce qui est écrit dans les livres sacrés. Mais aujourd’hui, on improvise, on invente des choses, donc on ne peut pas dire qu’on applique le concile. Je pense que nous avons encore beaucoup à faire pour connaître le concile. C’est-à-dire aller aux textes, et essayer de les vivre comme si c’étaient des textes révélés, parce que c’est l’Esprit Saint qui était présent durant ce concile.

    Dans le domaine de la liturgie, il y a eu beaucoup d’abus. Beaucoup ont cru qu’ils pouvaient inventer de nouvelles liturgies, alors qu’il y a une continuité à maintenir. Il n’y a aucune rupture dans l’Eglise, il y a toujours une continuité. Le concile a effectivement provoqué une autre vision de la place de l’Eglise par rapport au monde, mais je pense que si on avait respecté les textes, nous ne vivrions pas ce que nous vivons aujourd’hui.

    La réforme liturgique voulait que tous ceux qui croient au Christ soient unis en vivant bien la liturgie, et que tous ceux qui ne croient pas au Christ viennent dans l’Eglise de Dieu. Mais, en vérité, il y en a qui partent de l’Eglise, et ceux qui ne connaissent pas le Christ ne viennent pas non plus. Il y a des choses qui ont été bien appliquées, mais nous avons appliqué le concile comme nous l’avons voulu, sans aucune règle.

    Le pape François a entamé certaines réformes dans l’Eglise. Est-ce que l’Eglise doit être constamment réformée? Et si oui, en quel sens?

    Oui, parce que l’Eglise est formée des pauvres pécheurs que nous sommes. Donc, nous avons toujours besoin d’une conversion, de nous réformer. Je ne pense pas que cette réforme concerne uniquement les structures de l’Eglise. Parce que si les structures sont bien réorganisées, il faut encore qu’elles fonctionnent bien. Or, ce sont les hommes qui les font fonctionner. Et si nous-mêmes ne sommes pas réformés, changés, il n’y a pas de réforme.

    Et puis, il y a deux façons de réformer l’Eglise. Ou on réforme l’Eglise à la manière de Luther, en critiquant l’Eglise, en l’abandonnant. Ou bien, nous pouvons réformer l’Eglise à la manière de saint François d’Assise, par la radicalité de l’Evangile, la pauvreté radicale. Or, c’est cela la vraie réforme de l’Eglise: vivre pleinement l’Evangile, vivre pleinement ce que nous avons reçu de Jésus-Christ et de la tradition.

    Je pense que la vraie réforme est cet appel constant à la conversion. La vraie réforme, c’est ce que nous dit le concile, c’est l’appel universel à la sainteté. La beauté de l’Eglise, ce sont les saints. Le printemps de l’Eglise, ce sont les saints qui le réalisent. Ce n’est pas le nombre des chrétiens, ce ne sont pas les nouvelles structures que nous faisons, mais la sainteté de la vie chrétienne.

    Quel est le cœur du christianisme?

    C’est « Dieu est Amour ». Et l’amour est exigeant. L’amour vrai va jusqu’à la mort. Aimer vraiment, c’est mourir. L’exemple nous est donné par Jésus. Il nous a aimé jusqu’à la fin, jusqu’à donner sa vie. Si nous arrivions à vivre pleinement selon cet exemple de Dieu qui se révèle comme le Dieu d’amour, et qui veut que nous soyons nous-mêmes amour, parce que nous sommes Christ, nous arriverions à changer le monde. Dieu est Amour. C’est le cœur du christianisme.

    Propos recueillis par Christophe HERINCKX

    *Retrouvez l’intégralité de cette interview sur www.cathobel.be, ainsi que l’entretien que le cardinal Sarah a accordé à l’hebdomadaire Tertio