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Le Père Zanotti-Sorkine répond aux questions de La Libre

Témoins

Interview du Père Zanotti-Sorkine

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Par Dorian de Meeûs

 

Sur le site de la Libre.be :

Il y a dix ans à Marseille, en haut de La Canebière, l’église Saint Vincent de Paul, dite "des Réformés", était menacée de fermeture, car très peu fréquentée. L’évêque tente une dernière chance et en confie la charge au père Michel-Marie Zanotti-Sorkine (55 ans). Rapidement, dans ce quartier où les catholiques sont minoritaires, l’église est archi-pleine tous les dimanches. Plus de 1.000 baptêmes seront célébrés en dix ans dont 262 baptêmes d’adultes au cours des fêtes pascales. Depuis plusieurs semaines, trois prêtres de la Fraternité des Saints Apôtres – inspirée par le Père Zanotti-Sorkine - sont installés à l’Eglise Sainte-Catherine de Bruxelles.

Entretien avec un prêtre médiatisé, voire encombrant pour certains...

Vous êtes un ancien chanteur de cabaret. Comment s’est faite cette transition ?

Tout naturellement. Je portais en moi depuis l'enfance le désir de la prêtrise, mais avec la volonté de rejoindre ceux qui étaient éloignés de la foi. Pendant une dizaine d'années, j'ai chanté tous les soirs de cabarets en pianos-bars la poésie française, j'ai vu les amours se faire et se défaire, la misère morale mais aussi la beauté intrinsèque de l'homme cachée dans des lieux d'enfer. Ce furent des années magnifiques où le Christ m'apprit que chaque être, quels que soient ses choix, son histoire, ses déviances, reste son enfant et continue mystérieusement d'être habité par son amour.

Pourquoi avez-vous abandonné l’ordre des Dominicains, puis celui des Franciscains ?

Je n'ai rien à reprocher à ces deux familles religieuses. Je les ai quittées pour des raisons diverses. Permettez-moi de penser qu'il me fallait en partir. Personne ne maitrise le cours de sa propre existence. Sans doute était-ce nécessaire que j'exprime d'une manière plus personnelle ce que je portais en moi d'idéal apostolique. Quelle est votre recette pour attirer les fidèles à la messe ? Les églises se rempliront si elles ouvrent leurs portes douze heures par jour, afin que l'on y perçoive avec ses sens la présence du Christ et de sa mère, que le silence y soit respecté pour permettre à l'âme de rejoindre l'amour qui est Dieu, que la liturgie eucharistique ne soit ni plate ni insipide ni bavarde, qu'elle soit célébrée sans pompe excessive mais avec soin et beauté. Il faut que le prêtre soit présent dans son église plusieurs heures par jour, qu'il n'ait rien du fonctionnaire, qu'il reçoive sans rendez-vous, qu'il parcoure les rues de son quartier et de la ville, parlant avec les uns et les autres…

Et en soutane, comme vous ?

Si possible en soutane ou en clergyman pour donner une chance à ceux qui ne pratiquent pas de voir un prêtre, de le reconnaître et de lui parler. Le prêtre ne doit pas être un homme de structure, de plans, dans lesquels les personnes se doivent absolument d'entrer, que l'on sente en lui qu'il n'est qu'un intendant des mystères de Dieu, un gérant et non le propriétaire des richesses divines.

Malgré votre succès pastoral et en librairie, vous êtes fortement critiqué au sein de l’Eglise. Jugé encombrant et trop médiatique, comment percevez-vous ces critiques ?

Ces critiques viennent en effet de l'intérieur de l'Eglise et dans la plupart des cas, de personnes qui ne m'ont jamais rencontré et qui fondent leur jugement sur leur propre sensibilité religieuse ou à partir de "on-dit". Comment voulez-vous alors que je les considère ? Je les laisse courir. Ce qui m'intéresse, c'est la foule des petits et des humbles qui ont besoin de Dieu et qui eux ne vous jugent pas parce qu'ils ne sont jamais idéologiques.

Votre site internet est très impressionnant. Vous comprenez que vos détracteurs dénoncent ce côté bling-bling ?

Très franchement, je n'ai pas l'impression que mon site soit bling-bling ! Il contient tout au plus des centaines d'homélies et quelque articles de presse... mais dites-moi, puisque nous en sommes à cette question, le prêtre doit-il rester dans son coin, effacé, couleur gris muraille, loin de la modernité, adepte du minima dans tout ce qu'il propose ? Je ne le crois pas. Nous sommes les représentants d'un Christ solaire et rayonnant qui, avant de monter sur la croix, a été suivi par des milliers de personnes à qui il a adressé sa parole de feu ! Et nous devons l'imiter... avant l'incontournable croix !

Il est de notoriété publique que vos relations avec votre archevêque, Mgr Pontier, étaient mauvaises. Est-ce là la raison de votre départ de Marseille ?

Rien de plus faux. Mes relations avec Mgr Pontier sont excellentes. Je dois notamment à Isabelle de Gaulmyn, rédactrice en chef au journal de La Croix, d'avoir insinué dans un de ses articles que je n’obéissais pas à mon évêque ! Cette dame que j’entends cependant respecter, elle non plus, ne m'a jamais rencontré ! Je constate encore que c'est de "l'intérieur" que le mal s'accomplit et se répand, et c'est ainsi que les chrétiens se divisent et que l'évangélisation piétine. Mais là encore, je passe sous les aboiements qui ne gênent en rien l'œuvre de Dieu…

Même en Belgique, l’ordination des 3 prêtres qui suivent votre courant est perçue par certains comme une mauvaise nouvelle. Envisagez-vous de venir vous installer en Belgique ?

Je demande à tous ceux qui formulent des critiques à leur sujet d'avoir la bonté d'aller les rencontrer et de se rendre compte de ce qu'ils sont, et de ce qu'ils font. De passage à Bruxelles pour une journée la semaine dernière, je suis allé les visiter, et j'ai été émerveillé de voir à quel point ils étaient déjà insérés dans le tissu social de leur quartier et combien les commerçants les apprécient et les entourent d'une grande gentillesse. Par pitié, arrêtons de critiquer, de détruire, de juger gravement des personnes qui ont donné leur vie au Christ ! La Belgique est-elle si riche en vocations pour ne pas se réjouir de l'arrivée de ces jeunes frères qui ont pour idéal de vie de rejoindre ceux qui se sont éloignés, ceux qui, bien que baptisés, ne pratiquent plus ? Un prêtre de plus dans une ville, ça vaut de l'or ! Alors plusieurs, quel don ! Réjouissons-nous ! Et surtout ne jugeons pas sur l'apparence, sur leur soutane, sur leur liturgie qui n'est rien d'autre que catholique ! L’amour de la différence si souvent prôné par les uns et les autres doit aussi se manifester au sein même de l'église où toutes les sensibilités sont les bienvenues.

A vos yeux, un prêtre doit-il aujourd’hui être médiatique et visible, à l’instar des évangélistes américains ?

Uniquement ceux qui doivent l'être. Le but n'est pas d'être médiatique mais de travailler ardemment jusqu'à susciter l’intérêt du grand nombre et son questionnement. "Allez de toutes les nations, faites des disciples !" Quant à être visible, c'est vital ! Un prêtre doit être reconnaissable. Le dernier des athées doit pouvoir lui cracher dessus ou lui parler. Il n'est pas l'homme d'un sérail, de sa petite chapelle, fut-elle ardente et sympathique.

Vous dénoncez les artistes qui s’attaquent au Christ et vous appelez les chrétiens à s’indigner face à cela. Les religions ne doivent-elles pas accepter les critiques, comme elles dénoncent parfois elles-mêmes certains comportements humains ou évolutions sociétales ?

Vous faites sans doute allusion au spectacle de Monsieur Castellucci qui eut lieu à Paris au Châtelet il y a quelques années et où l'un des protagonistes jetait des excréments sur le visage du Christ ! Tout en sauvegardant une saine liberté d'expression, je ne crois pas qu'il soit bon de rire de tout ou encore de porter atteinte à certaines réalités qui, pour des êtres, sont sacrées. Et il est bon que de temps en temps, instinctivement, le sang monte au visage face à l'insulte. A l'heure la plus tragique de l’expansion du SIDA dans les années 80, je me souviens qu'un mot d'ordre avait été donné : il était alors interdit de se moquer de ce fléau et des personnes atteintes. Je partage ce point de vue. Il y a des réalités intouchables : la souffrance des êtres, et les croyances les plus sacrées. Quant aux artistes, qu'ils écoutent encore ce que François Mauriac disaient d'eux : « l'artiste est celui qui sauve le monde de la douleur en lui donnant les formes les plus belles de l’amour. »

Le pape François appelle les prêtres à éviter de faire "comme on a toujours fait", c’est pourtant ce que vous faites en restant très traditionnaliste, non ?

Pourquoi me rangez-vous dans une catégorie ? Je suis un homme et un ami du Christ et cela suffit. Depuis deux mille ans, les prêtres célèbrent l'eucharistie et accordent le pardon de Dieu, depuis deux mille ans, ils cherchent à aimer avec démesure tous les êtres qu'ils rencontrent, à commencer par les plus abjects, depuis deux mille ans, ils tiennent à ne juger personne, depuis deux mille ans, ils cherchent des voies nouvelles pour annoncer l'évangile, et à ce sujet, je fais ce que je peux avec mes livres et mes chansons. Le drame c'est que si vous sortez des sentiers battus comme je le fais là, on vous accuse de mettre le système en péril, de sortir de l'institution, de ne plus faire corps avec l'establishment, d'exprimer librement ce que vous portez en vous. Et si vous êtes complètement « dedans », on vous accuse d'être ringard ! Il faudrait tout de même se mettre d'accord ! Et par rapport au pape ? Je reçois la pensée du pape comme une invitation à sortir de nos plans pastoraux souvent dépassés. Regardez par exemple, pour le baptême : tout le monde est obligé de faire deux à trois ans de préparation pour le recevoir, alors qu'il faudrait faire du sur-mesure, en tenant compte de ce que sont les personnes ! Nous absolutisons les moyens. Sur ce point, le pape François, lorsqu'il était archevêque de Buenos Aires, avait réglé la question en simplifiant au maximum la procédure ! En ce sens, il faut entrer dans des perspectives nouvelles et abandonner nos systèmes étroits et caducs.

Quelles sont vos relations avec les musulmans ? Est-ce vrai que vous avez baptisé des musulmans ?

J'ai trouvé chez mes frères musulmans que je croisais tous les jours dans les cafés et dans la rue une gentillesse et un accueil que je n'ai pas toujours trouvés dans le monde chrétien. Ils m'ont toujours respecté et considéré comme un serviteur de Dieu. L’amitié était au rendez-vous. Et, en effet, j'ai baptisé plusieurs d'entre eux tout simplement parce qu'ils désiraient être immergés dans sa grâce !

Entretien : Dorian de Meeûs"

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