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Conférences - Page 9

  • Mgr Mazurkiewicz à l'Ulg: la religion, la politique, la neutralité et la laïcité.

    LA LAÏCITÉ DANS LE CADRE DE L’UNION EUROPÉENNE

     

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    Le mardi 28 février dernier, Mgr Piotr Mazurkiewicz (1), secrétaire général de la COMECE (Commission des Episcopats de la Communauté Européenne) (2), était l’invité d’un lunch-débat organisé à l’Université de Liège par l’Union des étudiants catholiques liégeois (3) et le Groupe éthique sociale, associés au forum de conférences Calpurnia. Le thème de la communication que Mgr Mazurkiewicz a prononcée, à titre personnel, portait sur la laïcité dans l’Union européenne (4). Ce thème s’inscrit dans le cadre d’un cycle de rencontres « Neutralité ou pluralisme : dialogue entre religions et philosophies non confessionnelles »

    Voici la transcription de l’exposé (les intertitres sont de notre fait) :

    La Comece n’est pas un lobbie auprès de l’Union européenne 

    En tant que représentants de l’Eglise auprès des Communautés européennes, je peux dire que nous ne faisons pas de lobbying, dans ce sens que, si on parle de lobbying, on pense immédiatement à des intérêts matériels ou à des organismes qui se battent pour des intérêts particuliers avec des stratégies plus ou moins transparentes. Tandis que, représentant l’Eglise catholique, ce que nous sommes est clair et transparent. Dans la pratique, c’est un service que nous rendons en vue du bien commun ; on essaie de travailler sur la qualité éthique de la vie politique, en nous référant à notre vision de la personne humaine, et de l’éthique, pour servir l’Europe dans cette perspective du bien commun qui est le nôtre.

    Je vais me référer à l’Union Européenne, mais pas  trop, et surtout partager mon expérience concernant la religion, la politique, la neutralité, la laïcité.

    Je suis Polonais, en Belgique depuis 4 ans, je me sens bien ici, mais aussi mon expérience personnelle me fait percevoir les choses de façon différente (de la façon dont on la perçoit ici).

    Spécificité culturelle de l’Europe

    L’Europe, je pense que ce n’est pas un continent au sens géographique mais bien « un appendice occidental de l’Asie » (Valéry). On peut regarder l’Europe comme espace géographique, mais surtout relié à un espace culturel. Quand on pense à l’Europe, nous pensons à un « continent de la culture » différent de l’Asie et des autres continents de par sa culture spécifique. Une grande différence qui n’est pas un motif à développer un complexe de supériorité. Si on regarde de quoi il s’agit, on pense à une histoire marquée par les trois villes : Athènes, Rome, Jérusalem, on pense à la philosophie grecque, au droit romain, à la foi et à la morale judéo-chrétienne.

    Quel est l’axe de cette culture ? Qu’est ce qui fait la différence avec les autres continents ? C’est la conception personnaliste de l’homme installée dans la culture européenne par le christianisme avec des valeurs comme l’inviolabilité de la personne humaine, le mariage monogamique (union d’un homme et d’une femme, en lien avec le monothéisme), la  laïcité de l’Etat (distinction entre ce qui relève de Dieu et de César), la démocratie au sens substantiel (basée sur l’égalité des hommes devant Dieu), la « réserve eschatologique ». Cette dernière signifie que nous, comme chrétiens, n’attendons pas tout de la politique laquelle n’est pas capable de nous sauver ou de créer le royaume de Dieu sur la terre. On s’engage dans la vie politique avec cette réserve eschatologique, en n’attendant pas de la politique qu’elle soit l’achèvement de notre vie car celui-ci ne se fera que dans un au-delà de la politique. Cela nous fait rejeter les utopies.

    Si  l’on regarde cette vision personnaliste de l’être humain, on voit que tout ce qui était avant la chrétienté, la culture proto-européenne (romaine et grecque), n’aurait pu, sans l’apport chrétien, déboucher sur cette Europe que nous évoquons. On peut le comprendre facilement en nous livrant à cet exercice du penseur italien Giovanni Sartori qui essaie d’imaginer comment, nous levant d’un lit athénien de l’Antiquité, on répondrait à la question de savoir quel régime politique est en vigueur : si l’on est un citoyen, on répondra que c’est la démocratie, mais si l’on se lève du lit d’un esclave on considérera que c’est un régime totalitaire puisqu’on y traite des humains comme des choses.

    Quand on considère les immigrés chez nous aujourd’hui, même s’ils n’ont pas les droits des autres citoyens, on a pourtant l’exigence de les traiter comme des personnes. Cette exigence a été introduite par le christianisme.

    Entre le XIe et le XVIIe siècle, la « res publica christiana », la « christianitas » et l’Europe sont des notions équivalentes, notamment aux yeux de ceux qui nous regardent de l’extérieur, des arabes par exemple. Cela a changé à partir du 18e s. Cela ne veut pas dire que l’Europe n’existe que par le christianisme mais elle lui est redevable de beaucoup.

    Aujourd’hui l’anthropologie de l’Europe est-elle toujours chrétienne ?

    Aujourd’hui, l’Europe est-elle toujours chrétienne ? Si l’on se réfère à un texte fondamental dans la réflexion de l’Eglise, « Ecclesia in Europa », on y voit Jean-Paul II affirmer que l’on a l’impression, dans l’Europe contemporaine, d’une apostasie silencieuse de la part de l’homme comblé comme si Dieu n’existait pas. Benoît XVI, de son côté, évoque « une haine pathologique de l’Occident envers soi même ». Ainsi, aujourd’hui, on a tendance à exclure la chrétienté non seulement de la vie politique et sociale mais aussi de l’histoire et de la mémoire. C’est la portée de tout le débat relatif au préambule du traité constitutionnel  dela Communauté Européenne.On ne parlait pourtant que de racines, de la réalité historique, mais la décision qui l’emporta fut de rejeter cela.

    Je suis frappé, lorsqu’on évoque l’Europe sur le plan culturel, par deux faits, notamment. L’un est toujours débattu actuellement dans le cadre du programme de recherche scientifique dans l’Union Européenne, même si ce n’est pas encore décidé, à savoir cette question à l’ordre du jour « peut-on remplacer les tests sur les animaux par des tests sur les embryons humains ?». C’est une rupture avec la pensée anthropologique traditionnelle où l’on considérait qu’il y a un gouffre ontologique entre les animaux et les êtres humains.

    Le deuxième est la question de l’euthanasie. Dans sa lettre aux personnes âgées, au sujet de l’euthanasie, Jean-Paul II il disait que le simple fait que d’évoquer cette question -simplement que la perspective de l’euthanasie soit possible- constitue une chose horrible.

    Aujourd’hui, on évoque bien sûr la crise financière etc, mais il faut prendre en compte, prioritairement, la crise anthropologique avec cette question : comment traite-t-on la personne humaine, les autres et donc nous-mêmes ?

    La liberté religieuse a-t-elle pour objet de privatiser la religion ?

    Dans ce cadre entre également la question de la présence de la chrétienté dans l’espace politique, public. Dans certains pays, en Belgique notamment mais aussi ailleurs, certains problèmes sont d’actualité : ainsi, les signes religieux (dans les écoles, ou la croix au parlement polonais, etc.) posent problème. Il s’agit de la question de  la neutralité. L’Etat, ou l’Union Européenne, devrait rester neutre. Ce débat a eu lieu, dans les années 70, aux USA au sujet de l’espace public.

    On a tendance à regarder la religion comme quelque chose de privé. La liberté religieuse est comprise comme quelque chose qui est offert à la personne pour son espace privé, comme prier chez soi ou aller à l’église. La question est de savoir si on garantit bien la liberté religieuse aux gens lorsqu’on confine la religion dans l’espace privé et qu’on leur interdit d’entrer avec leur religion dans l’espace public.

    Ici, il faut dire qu’en Europe on a différentes traditions de « neutralisation de l’espace public » ; ainsi cela a été réalisé, en France, il y a plus de cent ans et, à présent, tout le monde, catholiques et évêques compris, est habitué à vivre dans ce pays avec un espace évacué par la religion.

    Pour nous, Polonais, et c’est une expérience de ma génération, cette conception de la religion vue comme une affaire privée correspond à ce qui nous était garanti à la fin du communisme comme liberté religieuse. Chacun pouvait être croyant si les autres ne le savaient pas. J’ai été ordonné prêtre, en 1988, à la fin du communisme, et il était très intéressant de vivre au début de cette nouvelle période. Ainsi, la tradition que les prêtres visitent les paroissiens après Noël était bien établie ; dans le centre de Varsovie, je travaillais dans une paroisse où l’église était entourée par les bâtiments officiels utilisés à l’époque du communisme et j’ai pu constater que les gens assistaient aux offices mais pas dans leurs paroisses pour ne pas être repérés.

    Lors d’un voyage en Pologne, Jean-Paul II a évoqué cette question de la présence du religieux dans l’espace public ; il disait notamment que la religion est affaire privée dans ce sens que nous ne pouvons pas être remplacés par une autre personne concernant les choix que nous faisons. Pour être religieux, pour être croyant, nous devons faire des choix personnels, privés. Personne ne peut le faire à notre place, mais quand cette décision est prise, cela a des conséquences publiques car, avec ma foi, je rentre dans l’espace public et, partout où je suis, je suis une personne croyante. Le communisme attendait de nous que nous nous comportions dans l’espace public comme des non croyants. Il nous imposait un comportement schizophrénique : une éthique dans la vie privée, une autre dans la vie publique. Le pape a souligné que cela condamnait les catholiques à vivre dans un ghetto.

    Aujourd’hui, il faut détruire les ghettos et permettre au croyant de vivre libre dans l’espace public, d’y entrer avec sa foi et d’exprimer ce qu’il est.

    Il est vrai qu’en ce moment, nous ne sommes pas les seuls, qu’il faut respecter les autres et donc trouver des formes d’expression qui les respectent. Tous ensemble, chrétiens, juifs, musulmans, non croyants, nous devons chercher comment nous exprimer librement tout en respectant les autres. L’Etat doit garantir à chaque groupe de citoyens les mêmes droits sans privilégier l’un ou l’autre.

    Ce qui est neutre, laïc, sécularisé est-il impartial ?

    Il y  a une conception erronée lorsqu’on considère que ce qui est neutre, laïc, sécularisé, est « impartial ». Lorsque quelqu’un dit « je ne crois pas en Dieu », est-ce une affirmation neutre ? Non c’est un choix religieux.

    Lorsqu’un groupe (lié avec Richard Dawkins) met des affiches sur les bus en Grande-Bretagne avec l’inscription « Dieu n’existe pas », c’est bien sûr un acte religieux.

    S’il n’y a pas de signe religieux dans cette salle, est-ce neutre ? Si j’apposais un signe de croix sur le mur, pour chacun ce serait un acte religieux. Si quelqu’un l’enlevait, ce serait tout autant un acte religieux. Si l’on croit en Dieu ou si l’on n’y croit pas, c’est un acte religieux. Ainsi, lors d’un débat entre l’archevêque Nichols et Richard Dawkins, ce dernier a déclaré : « je ne peux pas dire que Dieu n’existe pas, je ne suis pas sûr, je crois qu’il n’existe pas ». Cela constitue donc une prise de position religieuse.

    Cette question soulevée par le concept de neutralité dans le temps présent est assez cruciale dans certaines régions d’Europe en raison de tendances sécularistes où l’on essaie d’évacuer la religion de l’espace public. Cela soulève la question de l’impartialité mais, d’autre part, cela semble infaisable parce que la religion revient. L’Europe est une exception dans ce sens que le pourcentage de croyants dans le monde augmente, de même que le nombre de vocations, à l’exception de l’Europe. Avec des réalités très différentes d’un pays à l’autre d’ailleurs.

    Ainsi, 65% de Français se déclarent catholiques mais seule une toute petite minorité pratique ;la République Tchèquevient elle en tête des pays déchristianisés ;la Suèdeest un pays très sécularisé où la religion n’exerce pas d’influence sur la vie publique et pourtant la plupart des gens sont baptisés et fréquentent l’église luthérienne aux grands moments de la vie, mais cela n’a aucun retentissement dans l’espace public. La religion est par nature est un acte public, appelé à une dimension sociale, et quand on essaie de l’enfermer dans l’espace privé, cela pose problème. Il suffit de voir ce qui se passe avec l’Islam.

    Lorsqu’on évoque cela avec des fonctionnaires européens dans le cadre de la politique extérieure, ils reconnaissent que, quand on ignore ce qu’est la religion, on ne peut rien comprendre par exemple à ce qui se passe en Egypte. Il faut donc avoir des notions religieuses. On doit aussi savoir ce dont il s’agit quand on évoque les persécutions religieuses si l’on veut défendre les droits de l’homme.

    La religion comme facteur fondamental de la création de l’espace public

    La religion continue de jouer un rôle important dans nos sociétés. On le voit bien avec cette notion de « laïcité positive ». Le concept ancien de laïcité ne cadre pas avec la situation actuelle.

    Il suffit d’évoquer les musulmans qui occupent la rue pour y prier. On constate aussi que, dans le ministère des affaires étrangères français, on a créé un « pôle religions ». Les Français poussent à considérer la religion comme un facteur important dans la politique. D’autre part, il y a cet article 17 dans le traité de l’UE qui, pour la 1ère fois, a mentionné la religion et les Eglises, dans un contexte de dialogue avec l’Union. Ainsi, les institutions sont obligées par l’UE d’être en dialogue avec les Eglises. Il est donc contradictoire de vouloir expulser la religion de l’espace public et, d’autre part, essayer d’organiser un dialogue entre les institutions et les religions. On peut évoquer, à titre anecdotique, ces débats àla Cour des droits de l’homme à Strasbourg concernant l’interdiction des signes religieux.

    Pourtant, sur les drapeaux de l’Europe, la croix est très présente au point qu’on avait songé à la mettre sur le drapeau européen ! Même chose pour l’euro : chaque pays pouvait introduire ses symboles mais il était interdit d’y faire figurer des symboles religieux (sauf le pape pour l’euro au Vatican). Or, sur la monnaie slovaque, on a quand même fait figurer la double croix, après avoir consulté la population par un referendum à ce sujet ; à Bruxelles, on  priait pourtant les diplomates slovaques de changer cela en catimini.

    Et en Grande-Bretagne, comment dissocier la reine comme tête de l’Eglise (anglicane en Angleterre, presbytérienne en Ecosse !) de la reine comme tête de l’Etat ? Faut-il également supprimer la mention FD (« fidei defensor ») ? Et en Belgique ? La religion joue un rôle important au fondement de cet état au point que plus ce pays se sécularise plus il se fragilise parce que ce qui réunissait les Belges, c’était la religion. Beaucoup de questions comme on le voit...

    Si on regarde la réalité contemporaine, il faut dire que cette problématique provient aussi d’une réflexion « in abstracto », d’une pensée déconnectée du réel où l’on élabore des concepts détachés de l’histoire, en oubliant qui nous sommes.

    L’exemple de la question de la croix et de la première décision prise par un juge qui ne prenait pas en compte ce qui se passe en Italie est éloquent. Il faut tenir compte de la réalité concrète, de notre tradition, de nos coutumes, de notre histoire, de notre perception du monde. Ainsi, la croix est absente en France dans la vie publique mais elle est très présente en Italie. Il faut tenir compte des réalités culturelles et historiques pour ne pas organiser une révolution contre nous-mêmes. 

    « Siamo parte di te »

    Cette problématique est également liée avec la présence de l’islam en Europe où deux options différentes se présentent pour les chrétiens : ou avec l’islam contre les sécularistes pour protéger la liberté religieuse, - mais, alors, il faudrait autoriser toutes les habitudes qui ne sont pas les  nôtres, même celles qui sont parfois contraires aux droits humains -, ou faire une alliance avec les sécularistes contre l’islam en acceptant de diminuer la présence religieuse dans l’espace public pour diminuer celle de l’islam - ce qui amène à renoncer à la présence de symboles religieux chrétiens simplement pour faire reculer l’islam.

    Ce sont de mauvaises réponses. Elles ne sont pas dignes de notre héritage. Elles ne considèrent pas la réalité de notre culture ou de notre histoire. La religion a créé notre culture avec tous ces éléments qui sont précieux pour les sécularistes : la liberté humaine, la dignité humaine, la différence entre l’état et la religion, etc.

    Si on prend la Charte des droits fondamentaux etla Convention des droits de l’homme européenne, lorsqu’on parle des valeurs, on évoque ce qui est nôtre, nos valeurs. Ce n’est pas dit ouvertement mais c’est très clair. Sans la chrétienté, les sécularistes ne professeraient pas ces valeurs.

    Beaucoup de personnes comprennent bien qu’il est très risqué de séparer ces valeurs de la réalité religieuse. Pour le séculariste, est-il égal de vivre à l’ombre des clochers ou à celle des minarets ? N’y aurait-il aucune différence ? On peut trouver la solution si on considère que la chrétienté est cet acteur qui a construit notre culture, notre civilisation, et ne peut pas être considéré comme un danger pour cette culture.

    Cela me fait penser à cette phrase qui m’a interpellé à Rome, lorsque je visitais le forum : « siamo parte di te ». Jean-Paul II a dit à Prague, cet endroit le plus sécularisé, en 1990 : « Remarquons combien serait appauvrie l’admirable beauté de cette ville à cent tours s’il y manquait la silhouette de la cathédrale et des milliers d’autres bijoux de la culture chrétienne. Combien serait appauvrie la vie spirituelle, morale et culturelle de cette nation si était exclu ou oublié ce qui était, est et sera inspiré par la foi chrétienne. Si l’on réussissait à vous rendre sourds et aveugles à ces valeurs, au Christ, à l’Eglise, à la Bible, vous deviendriez des étrangers dans votre propre culture.

    Vous perdriez la sensibilité et la clef pour comprendre de si nombreuses valeurs de la philosophie, de la littérature, de la musique, de l’architecture, des arts plastiques, et de tout le domaine de l’esprit de votre propre nation mais aussi de toute la tradition européenne. »  Siamo parte di te !

    Pour tous renseignements ou s'inscrire aux lunch-débats:

     tél. 04.344.10.89 ou info@ethiquesociale.org

     

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      (1) Monseigneur Piotr Mazurkiewicz est secrétaire général de la COMECE depuis  2008. Né en 1960, il a été ordonné prêtre en 1988 et incardiné dans l’archidiocèse de Varsovie. Il y est professeur à l'Université Cardinal Stefan Wyszynski (UKSW) où il occupe la Chaire d'Ethique politique et sociale du Département d'Etudes Historiques et sociales. Il est également membre du Conseil de la Recherche de l'Institut de Science politique de l'Académie des Sciences de Pologne, membre du Conseil d'Administration de la Société européenne de recherche en éthique « Societas Ethica ».

    Le Père Mazurkiewicz est spécialiste des questions européennes, de philosophie politique, de la doctrine sociale de l'Eglise et d'éthique politique et sociale. En 1996, il a soutenu une thèse de Doctorat sur le thème «l'Eglise dans une société ouverte. Débat sur la présence de l'Eglise dans la société polonaise durant la période de transformation» au sein du Département des Etudes ecclésiastiques, historiques et sociales de l'Académie de théologie catholique de Varsovie. En 2002, il a soutenu sa thèse d'habilitation sur «l'Européanisation de l'Europe. L'identité culturelle de l'Europe dans le contexte du processus d'intégration» à l'Institut d'Etudes politiques de l'Académie des Sciences de Pologne.

     (2) La Commission des Episcopats de la Communauté Européenne (COMECE)  est composée d'évêques délégués par les conférences épiscopales des Etats membres de l'Union européenne et possède un Secrétariat permanent à Bruxelles. Elle a pour objet :d’accompagner et analyser le processus politique de l’Union européenne ; d’informer et conscientiser l'Eglise sur les développements de la législation et des politiques européennes ; de maintenir un dialogue régulier avec les Institutions de l'Union (Commission européenne, Conseil de l'Union européenne et Parlement européen) à travers la rencontre annuelle des principaux responsables religieux, des Séminaires de Dialogue et de multiples conférences et en prenant part aux consultations organisées par la Commission européenne ; d’encourager la réflexion, basée sur l'enseignement social de l'Eglise, sur les défis posés par la construction d'une Europe unie.

    Dans les relations entretenues par l’Eglise catholique avec l’Union européenne, il convient de distinguer le rôle de la COMECE  de celui du Saint-Siège, lequel est un sujet souverain de droit international public et dispose, à ce titre, d’une Représentation permanente auprès de l’Union.

    (3) L’Union des Etudiants Catholiques de Liège est membre de l’asbl « Sursum Corda » vouée à la sauvegarde de l’église du Saint-Sacrement, aux activités de laquelle l' "Union" est étroitement liée.

    (4) S’agissant des relations entre  institutions européennes et Eglises, communautés associations religieuses ou organisations philosophiques, l’article 17 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne précise que : 

    - « L’Union respecte et ne préjuge pas du statut dont bénéficient, en vertu du droit national, les Eglises et les associations ou communautés religieuses dans les Etats membres » ;

    -« L’Union respecte également le statut dont bénéficient, en vertu du droit national, les organisations philosophiques et non confessionnelles » ;

    -« Reconnaissant leur identité et leur contribution spécifique, l’Union maintient un dialogue ouvert, transparent et régulier avec ces Eglises et organisations ».

  • Lunch-débat de l'Union des Etudiants Catholiques à l'Université de Liège

    À l’Université de Liège (Place du XX août, 7),

    le mercredi 20 juin 2012 à 18h00 

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    Lunch-débat avec le Professeur Louis-Léon Christians (UCL):

    LA RELIGION EN DROIT COMPARÉ À L’AUBE DU XXIe SIÈCLE

    conférence 23 novembre 025.JPGPour conclure son cycle de rencontres 2011-2012, l’Union des Etudiants catholiques de Liège et le Groupe « Ethique sociale » organisent avec le Forum de conférences « Calpurnia », ce mercredi 20 juin à 18h., un lunch-débat sur  « La religion en droit comparé, à l’aube du XXIe siècle » et présenteront ensuite le programme du cycle prévu pour la prochaine année académique.

    La parole sera donnée à Louis-Léon CHRISTIANS, professeur de droit des religions à la Faculté de Théologie de l’Université Catholique de Louvain (U.C.L.), avec cinq thèmes de questions traitant de la situation des religions sur notre continent : Quelles sont les grandes typologies traditionnelles du régime des cultes en Europe ? Sont-elles dépassées ? Sur les concepts de la sphère religieuse aujourd’hui : quelles sont les convergences et les divergences entre les Etats européens ?  Les solutions des droits étrangers sont-elles importables ? Quels sont les grands enjeux juridiques de l’avenir des religions ? LLChristians_photo.jpg

    Réponse au lunch-débat du mercredi 20 juin prochain à 18 heures à l’Université de Liège, place du XX août, 7, 1er étage (salle des professeurs). Accès par la grande entrée, parcours fléché. Horaire : apéritif à 18h00 ; exposé suivi du lunch-débat : de 18h15 à 20h30. P.A.F :10 € (à régler sur place). Inscription obligatoire trois jours à l’avance par tél. 04.344.10.89 ou e-mail à  info@ethiquesociale.org

     

    L’Union des Etudiants Catholiques de Liège est membre de l’asbl « Sursum Corda » vouée à la sauvegarde de l’église du Saint-Sacrement, aux activités de laquelle l' "Union" est étroitement liée.

  • A l’initiative de l’Union des Etudiants Catholiques de Liège et du Groupe Ethique sociale

    Lunch-débat à l’Université de Liège le mercredi 25 avril 2012 à 18h

    un débat à l'université de liège avec francis delpérée

    un débat à l'université de liège avec francis delpérée

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     NEUTRALITÉ OU PLURALISME DANS L’ESPACE PUBLIC

    conférence 23 novembre 025.JPGDans le cadre de son cycle de rencontres 2011-2012, l’Union des Etudiants catholiques de Liège et le groupe « Ethique sociale » organisent (avec le Forum de Conférences "Calpurnia") un lunch-débat sur le thème « Neutralité ou Pluralisme dans l’Espace public ». La parole sera donnée à un éminent spécialiste du droit public: Francis DELPÉRÉE, sénateur et professeur ém. de droit constitutionnel à l’Université Catholique de Louvain (U.C.L.)

    Les collectivités publiques peuvent-elles se passer de références fondamentales en amont de la loi positive qu’elles édictent ? Comment aboutir à un consensus sur la reconnaissance de ces valeurs ? Existe-t-il un droit naturel fait de postulats ou d’acquis irréversibles pour l’humanité ? Les Eglises, les communautés religieuses ou philosophiques ont-elles un rôle à jouer dans l’espace public pour construire les collectivités politiques nationales ou internationales qui rassemblent les citoyens ? Quel est le statut de ces Eglises ou communautés dans le droit belge ? Peut-on comparer leur rôle dans la société belge à celui du communautarisme aux Etats-Unis ? En quoi le régime des cultes en Belgique diffère-t-il de la laïcité de l’Etat qui prévaut dans le modèle français ?

    Réponse au lunch-débat que le Professeur Francis Delpérée animera le mercredi 25 avrilP1000051.JPG prochain à 18 heures à l’Université de Liège, place du XX août, 7 1er étage (accès par la grande entrée). Horaire : apéritif à 18h00 ; exposé suivi du lunch-débat : de 18h15 à 20h00. P.A.F :10 € (à régler sur place). Inscription obligatoire trois jours à l’avance par tel. 04.344.10.89 ou info@ethiquesociale.org

     Professeur (désormais émérite) à l’UCL, docteur honoris causa des universités d’Aix- Marseille, de Genève, d’Ottawa, d’Athènes et de Szeged, assesseur à la section de législation du Conseil d’Etat, correspondant de l’Institut de France, delperee_photo.jpgmembre de l’Académie royale de Belgique, Francis Delpérée (photo ci-contre) est, depuis des années, l’une des figures emblématiques du droit public belge. Pédagogue hors pair, grand voyageur, initiateur et entrepreneur de multiples projets novateurs, il a marqué plusieurs générations d’étudiants et largement contribué à faire progresser la science du droit constitutionnel. Homme d’idées et de convictions, il a récemment osé s’engager sur le terrain délicat de la politique.

    L'Union des Etudiants Catholiques de Liège est membre de l'asbl "Sursum Corda" vouée à la sauvegarde de l'église du Saint-Sacrement, aux activités de laquelle l' "Union" est étroitement liée.

  • À l’Université de Liège, le mardi 27 mars à 18h00:

    politique et religion dans la pensée grecque 

     politique et religion dans la pensée grecque

     

    POLITIQUE ET RELIGION DANS LA PENSEE GRECQUE

    un lunch-débat avec le professeur André Motte 

    politique et religion dans la pensée grecqueLa rencontre sur ce thème aura lieu le mardi 27 mars 2012 de 18h00 à 20h00 à l’Université de Liège dans le bâtiment du Rectorat (place du XX  août 7, salle des professeurs). Elle est organisée par le Groupe de réflexion « Ethique sociale » et l’Union des étudiants catholiques de Liège,avec le concours du forum de conférences "Calpurnia", dans le cadre d’un cycle de « lunch-débats »  sur le thème « Neutralité ou Pluralisme ».

    Entre liberté des consciences et marché libre de la pensée, quelle est la place légitime des religions et des idéologies dans l’espace public ? Entre neutralité et pluralisme, quelle doit être l’attitude des institutions de l’Etat ? Ce thème soulève beaucoup de questions de principe ou d’actualité introduites par huit orateurs spécialisés.  

    politique et religion dans la pensée grecquepolitique et religion dans la pensée grecque

    Les 23 novembre et 5 décembre 2011, 25 janvier et 28 février 2012, le Chanoine Éric de Beukelaer, Doyen de l’Unité pastorale « Rive Gauche » de Liège, auteur du livre « Credo politique », Laurent de Briey, Directeur du CEPESS, professeur aux Facultés Universitaires Notre-Dame de la Paix à Namur,  Philippe Deitz, membre de la grande loge régulière de Belgique (GLRB) et Mgr Piotr Mazurkiewicz,  Secrétaire général de la Commission des Episcopats de la Communauté européenne ont abordé respectivement, le rapport des catholiques à la politique, l’analyse de trois courants de la pensée économique et sociale : libéralisme, socialisme, humanisme ainsi que les questions relatives à la compatibilité entre le catholicisme et la franc-maçonnerie  et à la laïcité dans les institutions européennes

    La parole est donnée cette fois à un spécialiste de la philosophie morale et de la pensée religieuse de l’antiquité grecque : André Motte, professeur hre à l’Université de Liège, directeur de la revue internationale « Kernos ».

    Quelle leçon peut-on tirer aujourd’hui de l’histoire des rapports entre la religion, la philosophie et la politique dans la Grèce antique ?

    Les cités grecques ont toujours imbriqué la politique et la religion.  Est-ce à dire que la puissance publique était totalitaire sur ce point (comme sur d’autres) ? Quels liens unissent exactement la religion, les mœurs et les convenances sociales de l’antiquité ?  Jusqu’où la vie religieuse était-elle encadrée par le pouvoir politique ? L’impiété était-elle admise ? Pourquoi Socrate fut-il condamné ? Comment les Grecs ont-ils concilié l’essor de la philosophie et les mythes du polythéisme ? La raison qui engendre la morale a-t-elle transformé l’image des dieux ? Pour les Grecs, existe-t-il une morale et un droit naturels fondés sur la raison, la nature, l’intuition, voire la providence ? Les dieux sont-ils justes ? La loi naturelle vient-elle des dieux ou s’impose-t-elle à eux aussi par une fatalité immuable ? L’Antigone de Sophocle est-elle l’illustration tragique de cette loi et ou du devoir d’agir selon sa conscience individuelle face aux décisions du pouvoir politique ?

    Ces questions ne sont pas anachroniques : elles rejoignent l’éternel débat sur les rapports entre la foi et la raison, la morale sociale, l’ordre et la liberté.

    politique et religion dans la pensée grecquepolitique et religion dans la pensée grecque

    Réponse au lunch-débat que le Professeur André Motte animera le mardi 27 mars prochain à 18 heures  à l’Université de Liège, place du XX août, 7 1er étage (accès par la grande entrée, parcours fléché). Horaire : apéritif à 18h00 ; exposé suivi du lunch-débat : de 18h15 à 20h00. P.A.F :10 €  (à régler sur place).  Inscription obligatoire trois jours à l’avance par tel. 04.344.10.89 ou info@ethiquesociale.org

     Quelques informations sur la suite du cycle

    Les rencontres suivant le débat sur Politique et Religion dans la Pensée grecque sont programmées comme suit (aux mêmes lieu et heures) :

    Mercredi 25 avril 2012 :

    Neutralité ou pluralisme dans l’espace public : avec Francis Delpérée, sénateur, professeur ém. de droit constitutionnel à la Faculté de droit de l'Université Catholique de Louvain (UCL) 

    Mardi 29 mai 2012 :

    Religions et État et dans l’Islam : avec Vincent LEGRAND, professeur à  la Faculté des sciences économiques, sociales, politiques de l’Université Catholique de Louvain (UCL), ancien chargé de cours au Centre interdisciplinaire d'étude des religions et de la laïcité de l’ULB à Bruxelles

    Mercredi 20 juin 2012 :

    la religion en droit comparé à l'aube du XXIe siècle : avec Louis-Léon Christians, professeur de droit des religions à la Faculté de Théologie de l’Université Catholique de Louvain (UCL), Vice-Président de l’Institut de recherche Religions, Spiritualités, Cultures, Sociétés.

    Renseignements et inscriptions :

    e-mail : à info@ethiquesociale.org

    téléphone : 04.344.10.89 ou 04.253.25.15, portable : 0475.83.61.61 

  • Invitation à un week-end de réflexion

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    Régulation des naissances, avortement, procréation médicalement assistée, expérimentations sur les embryons…

    L’EGLISE FACE AUX PROGRÈS DE LA SCIENCE

    Que dit l’Eglise ?  Comment justifie-t-elle ses positions ?

    Peut-elle/doit-elle changer de discours ?  Pourquoi (pas) ?

    Du samedi 17 mars 2012 à 10h30

    au dimanche 18 mars 2012 à 16h00

    (Possibilité de loger sur place)

     

    Avec le Dr. Jean-Benoît Linsmaux, médecin psychiatre
    et l’abbé Bruno Jacobs, aumônier au CHU de Mont-Godinne

    Lieu : Rue des Capucins 19, 5590 Ciney

    PAF libre

    Renseignements et inscriptions :  bjacobs@gmx.com

     

  • Un débat à l’université de Liège, le mardi 28 février 2012 à 18h00 :

    « La laïcité dans le cadre des institutions de l’Union européenne »

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    Dans le cadre de son cycle de rencontres 2011-2012 « neutralité ou pluralisme », l’Union des Etudiants catholiques de Liège (Cercle « Ethique sociale ») organise un lunch-débat  sur le thème « La laïcité dans le cadre des institutions de l’Union européenne ».

    Qu’est-ce que la laïcité ? En quel sens les institutions publiques peuvent-elles ou doivent-elles être laïques ? A l'heure du pluralisme et du sécularisme, l'Eglise n'a-t-elle plus rien à leur dire, ni à la société civile? Ces pouvoirs sont-ils à ce point séparés?Qu’en est-il de la laïcité dans le droit positif et la pratique de l’Union européenne et de ses Etats membres ?

    C’est Monseigneur Piotr Mazurkiewicz (photo), Secrétaire général de la Commission des Episcopats de la Communauté européenne (COMECE) qui a été invité à débattre de ces questions avec le public. Mgr Mazurkiewicz est aussi professeur ordinaire d’Ethique politique à la faculté  des Sciences politiques de l’Université de Varsovie. La rencontre aura lieu en présence de Mgr Jousten, évêque de Liège,

     le mardi 28 février 2012 à 18h00, au bâtiment du Rectorat de l’Université de Liège, Place du XX août, 7, 1er étage: salle des professeurs (accès par la grande entrée de l'immeuble) .

     Horaire : apéritif à 18h00 ; exposé suivi du lunch-débat : de 18h15 à 20h00. P.A.F : 10 €  (à régler sur place). Inscription à l’avance par tel 04.344.10.89 ou e-mail info@ethiquesociale.org

     

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    Dans la perspective de ces échanges, voici quelques réflexions sur la notion de laïcité telle qu’elle s’est développée au cours des siècles et qui est loin de faire l’unanimité même au sein de l’Europe, la moindre des difficultés n’étant pas celle de savoir de quoi l’on parle exactement :

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    La notion de laïcité (le mot dérive de laïc, non clerc, qui est d’origine ecclésiale) n’est, en effet, pas univoque, ni en termes de sociologie, ni en termes de droit positif. La question se pose alors de savoir si une notion aussi imprécise, voire confuse, présente une vraie utilité opérationnelle pour les sciences humaines.

    Le terme laicus est utilisé dans le vocabulaire des églises chrétiennes dès l'Antiquité tardive pour désigner toute personne de la communauté qui n’est ni clerc, ni religieux; c'est-à-dire profane en matière de théologie : λαϊκός, laikos, « commun, du peuple, laos », par opposition à κληρικός, klerikos, clerc.[

    Par ailleurs, le concept de laïcité, en tant que distinction du pouvoir ecclésiastique et du pouvoir séculier, est aussi ancien que le christianisme, même s’il ne s'exprime pas d'emblée dans le champ lexical du laïcat.

    « Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu » dit Jésus aux princes des prêtres et aux scribes (Lc 20, 20-26 ;  Mc 12, 13-17 et Mt 22, 15-22) . C'est le point de confrontation proprement dit entre le christianisme et l'Empire romain: L'Etat tolérait parfaitement les religions privées, à la condition toutefois qu'elles reconnaissent le culte de l'Etat lui-même,  Les chrétiens refusent cette « totalité fusionnelle » des pouvoirs, qui est de règle dans la cité antique.

    Mais il faut se garder de tout anachronisme : il s’agit d’une distinction plus que d’une séparation au sens laïciste. Pie XII, dans une allocution du 23 mars 1958,  parlait encore d’une « saine » laïcité s’inspirant (sans le dire) de la théorie catholique classique des « deux glaives » : il s’agit, disait le Saint-Père,  de maintenir les deux pouvoirs (spirituel et temporel) « distincts mais aussi toujours unis, selon de justes principes ».  Selon cette théorie, le pouvoir spirituel de l’Eglise, qui commande et ordonne le bien commun surnaturel, et le pouvoir temporel de la société civile, qui commande et ordonne le bien commun naturel, ne peuvent s’opposer : ils se complètent et doivent s’aider mutuellement, sachant que le pouvoir spirituel prime sur le pouvoir temporel (comme l’explique saint Thomas d’Aquin dans le De Regno). Les deux ont le même objet sous des modalités différentes : le bien des âmes.

    En revanche, issu de l’esprit des Lumières du XVIIIe siècle, le concept moderne de laïcité a un tout autre sens, selon lequel l’Etat, séparé de l’Eglise, serait porteur de valeurs publiques transcendant les religions, renvoyées à la sphère privée. Comme le note Benoît XVI (dans "Le sel de la terre". Flammarion/Cerf, 1997)  « ce qui est négatif, là, c'est que la modernité entraîne avec soi la réduction de la religion au subjectif -et rend ainsi de nouveau un caractère absolu à l'Etat ».

    D'une part, explique Joseph Ratzinger, « le christianisme n'a jamais voulu se considérer comme religion d'Etat, du moins dans ses commencements, mais se distinguer de l'Etat. Il était prêt à prier pour les empereurs, mais non à leur offrir des sacrifices ». D'autre part, « il a toujours officiellement tenu à ne pas être un sentiment subjectif -"le sentiment est tout" dit Faust- mais il voulait être une Vérité propagée au coeur de l'opinion publique, qui lui donne des critères de valeur et qui, dans une certaine mesure, engage aussi l'Etat et les puissants de ce monde. Je crois qu'en ce sens le développement de la modernité apporte un côté négatif: le retour de la subjectivité ».

    Qu’en est-il de la laïcité dans le droit positif des pays européens et de l’Union qui les lient aujourd’hui ?

    De la laïcité de l’Etat affirmée, non sans ambiguïtés, comme principe identitaire (France*, Portugal **) aux pays professant une (ou plusieurs) religions d’Etat (Danemark, Grèce, Norvège, Royaume-Uni), en passant par les régimes concordataires (du type espagnol, italien, polonais, allemand et même portugais ou alsacien-mosellan) et les situations sui generis (comme en Belgique *** ou en Irlande), l’Union européenne respecte et s’accommode des divers statuts conférés aux cultes par les droits nationaux de ses Etats membres.

    Reflet de cette diversité, l’article 17 du « traité sur le fonctionnement de l’Union européenne » (Lisbonne 2009) énonce que : 

    - « L’Union respecte et ne préjuge pas du statut dont bénéficient, en vertu du droit national, les Eglises et les associations ou communautés religieuses dans les Etats membres » ;

    -« L’Union respecte également le statut dont bénéficient, en vertu du droit national, les organisations philosophiques et non confessionnelles » ;

    -« Reconnaissant leur identité et leur contribution spécifique, l’Union maintient un dialogue ouvert, transparent et régulier avec ces Eglises et organisations ».

    En France, certains esprits se sont élevés contre l’alinéa 3 de cet article 17, estimant qu’il accordait aux Églises des privilèges incompatibles avec une constitution « laïque ».

    A contrario, d’autres en Europe ont regretté que dans le préambule du « traité de l’Union » tel qu’il a aussi été adopté à Lisbonne (et avant celui-ci, dans le projet avorté de constitution européenne) aucune référence explicite ne soit faite à l’héritage chrétien des pays membres. L’un des considérants se borne en effet à évoquer les « héritages culturels, religieux et humanistes de l'Europe, à partir desquels se sont développées les valeurs universelles que constituent les droits inviolables et inaliénables de la personne humaine, ainsi que la liberté, la démocratie, l'égalité et l'État de droit ».

    Quoi qu’il en soit, à la différence de  l’article 17 du traité « sur le fonctionnement de l’Union », le considérant précité du préambule du « traité de l’Union » ne constitue pas une disposition de droit positif.

    ________

    (*) l’article 1er de la constitution française de 1958 proclame que la France est un Etat laïc, sans définir ce qu’il entend par là. Et à cet égard, rien n’est simple. Ainsi, le concept de laïcité n’est pas forcément synonyme de séparation des Eglises et de l’Etat. De ce point de vue même, la célèbre loi de 1905 expulsant l’Eglise de la sphère publique française n’a pas empêchéla République d’entretenir des liens avec elle : loi sur les édifices publics mis à la disposition du culte (1907), rétablissement des relations diplomatiques avec le Saint-Siège (1921), applicabilité du concordat de 1801 en Alsace-Moselle (1925), loi Debré sur les rapports entre l’Etat et les établissements scolaires privés (1959), accord avec le Saint-Siège sur la reconnaissance des diplômes délivrés par l’enseignement supérieur catholique (2008) etc.

    Ajoutant à la perplexité de l’observateur étranger, l’actuel président de la Républiquefrançaise, lors de sa réception paradoxale ( pour le Chef d’un Etat séparé de l’Eglise) comme chanoine honoraire de l’archi-basilique du Latran à Rome (2007), a appelé de ses vœux l’avènement d’une laïcité positive reconnaissant que les religions constituent un atout sociétal. Là encore l’éclairage des Lumières s’en trouve singulièrement biaisé. 

    (**) L’article 41, paragraphe 4 de la constitution portugaise de 1976 votée à la faveur de la « révolution des œillets », établit que l’État est  « laïc » mais le nouveau concordat établi en 2004 avec le Saint-Siège « garantit le caractère exceptionnel des relations entre le Portugal et l’Église catholique sans que rien n’entre en contradiction avec l’ordre juridique portugais », ce qui éloigne la laïcité portugaise de celle des Lumières.

    (***) L’Etat belge n’est pas laïc en ce sens qu’il serait porteur d’une éthique « citoyenne » transcendant les convictions individuelles, ni obligatoirement agnostique devant le phénomène religieux : la laïcité est assimilée, par la loi, aux cultes reconnus, en tant que philosophie du « libre examen ». 

    Parler de séparation de l’Eglise et de l’Etat serait aussi inapproprié, si l’on entend par là qu’ils n’ont rien à voir ensemble. Les dispositions constitutionnelles et légales organisent plutôt une certaine indépendance dans le respect mutuel. Et même un peu plus : à ce titre, on peut citer, la rémunération par l’Etat des ministres des cultes reconnus et divers privilèges ou contraintes connexes, la répression pénale propre aux désordres et outrages touchant à l’exercice ou aux objets du culte, à la personne de ses ministres ou à leur habit officiel ; l’organisation de préséances protocolaires ou diplomatiques; les honneurs civils et militaires rendus lors de certaines cérémonies religieuses officielles, comme le « Te Deum », mais aussi les poursuites pénales spécifiques contre les ministres du culte qui attaqueraient « directement » un acte de l’autorité publique ou célébreraient le mariage religieux des époux avant leur mariage civil.

    On comprend ainsi pourquoi la neutralité des pouvoirs publics n’est, pas plus que la laïcité, mentionnée comme telle dans la constitution, même si certains la déduisent de l’interdiction des discriminations et du principe d’égalité qui y sont inscrits. Face à la pluralité des religions, cette neutralité est, pour le moins, toute relative puisque l’Etat (et à sa suite les autres pouvoirs publics) soutient le libre développement des activités religieuses et apporte son aide et sa protection aux sept cultes (laïcité comprise) qu’il reconnaît, parmi lesquels – primus inter pares – le catholicisme romain. Il faut donc, à tout le moins, parler d’une neutralité « positive ».  

  • Carême 2011

     

    MERCI !

     Heureuse surprise pour la récollection de carême organisée à l'église du Saint-Sacrement le samedi 26 mars de 9h à 17h. Vingt cinq retraitants s'étaient annoncés. Ils furent en réalité une quarantaine, de tous âges (y compris des enfants et sans compter les visiteurs s'associant aux moments de prière). Merci à l'abbé Germeau qui, dans ses enseignements, a mis en lumière le coeur de la foi chrétienne, dépouillé des oripeaux idéologiques et des artifices mondains qui le voilent si souvent. Merci à l'abbé Arimont qui a confessé les pénitents et conduit les moments d'adoration avec l'abbé Germeau et le Frère Jérémie-Marie de l'Eucharistie. Merci, enfin, aux jeunes et moins jeunes qui ont assuré l'accueil et l'intendance de cette rencontre paisible, illuminée aussi par le grand soleil du printemps: tout un symbole !

     

    À L’ÉGLISE DU SAINT SACREMENT

    Boulevard d’Avroy, 132 à Liège 

                                                

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    LE SAMEDI 26 MARS 2011 DE 9h30 À 17h

      

    L’ABBÉ CLAUDE GERMEAU

    Fondateur et directeur du Foyer d’Accueil de Herstal

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    vous invite à 

    UNE JOURNÉE DE PRIÈRE ET DE RÉFLEXION 

     Quels sont l'avenir et la force du Christianisme ?

     

    Dans un monde qui perd ses repères, seuls des témoins nous montrent les vraies valeurs par le témoignage de leur vie. Ils nous fournissent le bon ciment pour construire le monde de demain.  

      PROGRAMME DE LA JOURNEE 

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      09 h 30                                          accueil

      10 h 00                               enseignement

      11 h 30                                      adoration

       12 h  30                     repas « tiré du sac »

                                             boissons sur place 

        14 h  00                                        chapelet 

       14 h  30                               enseignement 

       16 h  00                                      adoration 

       17 h 00       Bénédiction du St-Sacrement 

    Possibilité de se confesser durant la récollection 

     

    "La période du carême est un temps favorable pour reconnaître notre fragilité, pour accueillir, à travers une sincère révision de vie, la grâce rénovatrice du sacrement de pénitence et marcher résolument vers le Christ" (Benoît XVI, message pour le carême 2011)

     

     Renseignements et inscriptions : tél. 04.344.10.89

    e-mail  foyer.herstal@live.fr

    ou sursumcorda@skynet.be

     

    QUARANTE ANS D’APOSTOLAT PARMI LES JEUNES 

    image_035.jpgDans notre monde actuel, peut-on encore trouver des réponses aux questions que tout le monde se pose et qui sont fondamentales pour notre vie : Pourquoi la vie ? Pourquoi la mort ? Qu’est-ce quel’homme ? D’où venons-nous, où allons-nous ? Pourquoi le mal ? Sur quelles bases, sur quelles valeurs construire sa vie ? Face aux nombreuses remises en question et aux incertitudes actuelles, s’impose la nécessité de témoignages concrets, forts, au coeur de la vie.Pour recevoir ce livre du Foyer d’Accueil de H159494_fr_137.jpgerstal (prix recommandé en librairie,20€), merci de nous écrire, en nous laissant vos coordonnées. Le foyer ne vivant que de dons, nous vous laissons le choix du montant de votre participation aux frais d’édition (cpte 240-0666386-97 de l’asbl Foyer d’Accueil de Herstal).

     

  • Une parole, une prière pour la vie naissante

     

    A l'exception de Monseigneur Léonard

     

    LES EVÊQUES BELGES N'ONT PAS PRIE

    POUR LA VIE NAISSANTE

    en union avec le pape le 27 novembre 2010

     

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    Le 14 juin dernier, les cardinaux Canizares (préfet de la congrégation du culte divin et de la discipline des sacrements) et Antonelli (président du conseil pontifical pour la famille) avaient adressé une lettre aux présidents des conférences épiscopales pour leur annoncer que Benoît XVI présiderait à Saint-Pierre de Rome, le 27 novembre 2010, une veillée solennelle de prière pour la vie naissante, ajoutant que le Souverain Pontife désirait que les évêques du monde entier organisent au même moment des cérémonies analogues, en y faisant participer les paroisses, les communautés religieuses, les associations et mouvements catholiques.

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    A l'exception notable de Monseigneur André-Joseph Léonard, aucun évêque belge n'a déféré à la demande du Saint-Père, se dissociant parfois  même ouvertement de l'initiative.

    Des informations publiées fin novembre par l'agence Cathobel (émanation du service de presse interdiocésain) il résulte que:

    - seul l'archevêque de Malines-Bruxelles a organisé une cérémonie officielle, qu'il a présidée dans la cathédrale des Saints Michel-et-Gudule;

    - aucune célébration n'a été prévue en Flandre;

    - deux célébrations se sont signalées "motu proprio" en Wallonie : l'une à l'initiative de la Communauté de Tibériade, à la Chapelle du Coeur de Jésus à Namur; l'autre à l'initiative des jeunes du mouvement "Génération pour la Vie" , de l'Union des Etudiants Catholiques de Liège et de l'association "Sursum Corda", à l'église du Saint-Sacrement au Boulevard d'Avroy à Liège.

    A l'église du Saint-Sacrement, la cérémonie était présidée par l'abbé Claude Germeau, directeur du Foyer des Jeunes (Herstal). Elle fut précédée d'une conférence de Mme Anne-Marie Libert, professeur au Séminaire de Namur et collaboratrice de Mgr Michel Schooyans, consulteur du conseil pontifical pour la famille.

    Nous reproduisons ci-après le texte de cette conférence. L'exposé jette une lumière crue sur l'idéologie qui anime les services de santé reproductive et autres instances qui, sous l'égide des Nations-Unies, oeuvrent à la désertification morale et religieuse dans le monde entier. En conclusion, Mme Libert  a résumé comme suit les objectifs mortifères inclus dans les programmes de ces services : mort à la vie en ses sources, mort à l'enfant, mort à la famille, mort à l'amour. Mais sommes-nous encore capables de résister aux mystifications du terrorisme à visage humain qui s'impose, comme dans le "meilleur des mondes" prédit par Aldous Huxley (1931)?

     

    Conférence du samedi 27 novembre 2010

    à l’église du Saint-Sacrement à Liège:

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    L'ONU NUIT GRAVEMENT A LA VIE

     

    par Mme Anne-Marie LIBERT

    Professeur de philosophie au Séminaire de Namur

     

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              En 1798, Thomas Robert Malthus (1766-1834) publie un Essai sur le principe de population. Selon ce principe, la population augmente de manière géométrique, c'est-à-dire double tous les 25 ans, tandis que la nourriture ne s'accroît que de façon arithmétique, donc beaucoup plus lentement. Malthus voit donc le rapport entre population et nourriture de manière pessimiste. Selon lui, c'est Dieu qui a voulu qu'il n'y ait pas assez de nourriture pour tout le monde et qu'il y ait des pauvres et des riches. On ne peut rien y faire. Comme la population augmente plus vite que la nourriture, il ne faut surtout pas courir le risque de favoriser cet accroissement de la population en aidant les pauvres.

     

    Le pessimisme de Malthus est partagé par son contemporain Jeremy Bentham(1748-1832). Bentham est d'accord avec le principe de population formulé par Malthus, mais Bentham, qui est athée, remplace Dieu par la Nature. La Nature est violente et a voulu un accroissement différent de l'homme et de la nourriture. Dans ce monde violent, l'homme va rechercher ce qui lui fait plaisir et éviter ce qui lui amène de la douleur. Bentham recommande en termes voilés l'emploi de moyens contraceptifs.

     

    Il y a dans le cercle des amis de Jeremy Bentham des gens qui vont se lancer dans la publication et la distribution de brochures prônant la contraception. C'est la naissance du mouvement néo-malthusien. Les néo-malthusiens combinent la thèse malthusienne sur le rapport population-nourriture avec la thèse du droit au plaisir sexuel sans risque de procréation.

     

    La lecture de l'Essai de Malthus inspire à Charles Darwin l'idée de sélection naturelle des espèces. Seules les espèces vigoureuses, et dans ces espèces, les êtres forts, en bonne santé survivent et se multiplient. Les faibles sont condamnés à disparaître. Darwin parle de "struggle for life" (lutte pour la vie), expression qu'il a trouvée chez Malthus. C'est la Nature elle-même qui a décidé que tous ne pourraient pas survivre.

     

    Galton, cousin de Charles Darwin, applique cette théorie aux hommes. Il crée en 1883 le mot eugénique (art de bien engendrer). Le mouvement eugéniste va défendre l'idée selon laquelle une charité peu réfléchie encourage les faibles, les pauvres, les inadaptés à avoir des enfants. Elle aide ces enfants pauvres, sans instruction, à vivre, survivre et se reproduire. La fécondité des pauvres étant plus élevée que celle des classes sociales plus instruites, les pauvres risquent à terme d'être par leur nombre une menace pour les classes instruites. Galton estime que la sélection naturelle est insuffisante; il préconise la sélection artificielle afin d'empêcher la reproduction des déficients et de permettre aux forts de s'épanouir. Le discours tenu à propos des familles pauvres l'est aussi à propos des nations pauvres. La situation démographique de l'Inde préoccupe la Grande-Bretagne et y est étudiée.

     

    Aux États-Unis, une figure de poids du mouvement néo-malthusien apparaît: Margaret Sanger, née en 1879 et décédée en 1966. Se présentant comme un esprit éclairé désireux d'aider les pauvres, Margaret Sanger mêle dans ses écrits féminisme, néo-malthusianisme et eugénisme. Elle plaide pour l'accès à la contraception pour les femmes afin qu'elles puissent vivre librement leur sexualité. Elles doivent pouvoir jouir du plaisir sexuel comme les hommes, sans craindre la maternité. Son discours aux classes sociales pauvres décrit avec force détails leur condition misérable. Mrs Sanger déclare que seul le contrôle des naissances fera sortir les pauvres de la misère. Aux classes sociales favorisées, elle déclare que l'amélioration de la race passe par l'accès des individus les moins sains à la contraception et à la stérilisation. Margaret Sanger ne remet nullement en question les inégalités sociales.

     

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    Margaret Sanger a forgé l'expression Birth Control. Le terme est très clair: il faut contrôler les naissances. Au niveau international, les races autres que la race blanche, occidentale, anglo-saxonne, risquent d'envahir le monde. Dans un discours prononcé en 1920, Margaret Sanger dit clairement qu'on ne peut demander aux autres races de diminuer leur population alors que l'on encourage les naissances en Amérique. Margaret Sanger organise des conférences, fait campagne au niveau international: il est temps de prendre conscience du danger que représente l'accroissement de population face aux ressources de la terre. La solution viendra du contrôle conscient de la population mondiale par l'homme.

     

    Le discours adressé aux pauvres est clair: faites comme nous, les riches: contrôlez vos naissances, et vous deviendrez riches comme nous.

     

    Aux États-Unis, la population la plus visée par les organismes de planning familial mis en place par Margaret Sanger sera la population pauvre et surtout noire. Margaret Sanger a tenu des propos racistes et eugénistes sous couvert d’aide aux pauvres. Elle a par exemple prôné la stérilisation de ceux qui étaient jugés inaptes. Le mouvement de Margaret Sanger a eu beaucoup de succès parmi une bourgeoisie libertine qui se prend pour la race supérieure et veut éliminer les pauvres en leur imposant un contrôle des naissances.

     

    Margaret Sanger a fait campagne aux Etats-Unis mais aussi au niveau international. Grâce à la fortune de son mari, Margaret Sanger met sur pied la première conférence mondiale sur la population, qui a lieu à Genève en 1927. Dans ses mémoires, elle écrit que, selon elle, la Société des Nations doit inclure dans son programme le contrôle des naissances et déclarer officiellement que chaque nation a le devoir de limiter ses habitants au prorata de ses ressources afin que la paix internationale soit sauvegardée.

     

    Les Nations Unies sont fondées en 1945. En 1948, Margaret Sanger organise en Angleterre une conférence internationale sur la population et les ressources mondiales. Cette conférence a lieu sous les auspices de l'association britannique du planning familial, très eugéniste. D'autres conférences l'ont précédée et la suivront, mais cette conférence de 1948 est particulièrement intéressante car les grandes orientations des prochaines décennies s'y dessinent déjà.

     

    150 ans après la publication de l'Essai sur le principe de population, l'heure de Malthus a sonné (comme le dira Margaret Sanger): il est temps de prendre conscience du danger que représente l'accroissement de population face aux ressources de la terre. La solution viendra du contrôle conscient de la population mondiale par l'homme. Les méthodes contraceptives doivent être améliorées.

     

    Margaret Sanger a estimé qu’il était urgent de mettre au point des méthodes contraceptives efficaces et bon marché destinées aux masses. Dans les années 1950, Margaret Sanger rencontre le Dr Pincus et lui trouve des fonds pour ses recherches. Elles aboutiront à la mise au point de la pilule contraceptive. Dans ses écrits, Pincus dit clairement qu'il faut trouver un produit qui agira sur le contrôle des premiers stades du processus de la reproduction humaine: blocage de l'ovulation, modification du mucus cervical pour bloquer les spermatozoïdes, et s'il y a quand même eu fécondation, empêchement de la nidation. La pilule est née. Les textes médicaux de l’époque qui parlent de ces recherches ne font pas de différence entre contraception (blocage de l'ovulation) et empêchement de la nidation, c'est-à-dire un avortement précoce ! Pincus et d’autres chercheurs ne sont guère embarrassés par cette possibilité d’avortement précoce ! Pour le grand public, l’argument qui sera employé est que la pilule est un contraceptif destiné à diminuer le nombre d’avortements. La pilule contraceptive sera présentée dans les pays occidentaux comme le symbole de la libération de la femme.

     

                Margaret Sanger a œuvré à la fondation d’une organisation non gouvernementale internationale qui, parmi ses missions, « aiderait » l’ONU. L'IPPF (la Fédération internationale pour la planification familiale) sera fondée à Bombay en 1952. En 1954, la première Conférence mondiale sur la population a lieu à Rome sous l'égide des Nations Unies.

     

    La proposition de réunir cette conférence est venue de Julian Huxley, qui a été le premier directeur général de l'UNESCO de 1946 à 1948. Le but de Julian Huxley est très clair: éviter que la planète ne soit atteinte par le cancer! Et quel est le cancer de la planète? L'homme. Le temps presse. Futur fondateur du Fonds mondial pour la nature (WWF), Julian Huxley est préoccupé par les effets de l'explosion de la population sur l'environnement. Il faut réagir, éduquer les personnes aux dangers de la situation.

     

    Un point important est à retenir: la toute jeune organisation des Nations Unies est déjà aperçue comme pouvant jouer un rôle central dans le contrôle de la population.

     

    Une famille nord-américaine va jouer un rôle très important dans cette implication des Nations-Unies dans les campagnes de contrôle de la population. C'est la famille Rockefeller. Dès 1913, la Fondation Rockefeller a financé des recherches sur le contrôle des naissances, l'éducation sexuelle, les différents facteurs qui influencent le comportement sexuel de l'être humain. Dès les années 30, cette fondation se penche sur le fonctionnement hormonal de l'être humain afin de mettre au point des contraceptifs plus efficaces. Quand on analyse la liste des projets financés jusqu'à présent par la fondation Rockefeller, mais aussi par d’autres fondations comme le Population Council, la fondation Bill Gates ou la fondation Ted Turner, on retrouve, pêle-mêle, l'envoi de missions dans différents pays en voie de développement pour recenser la population, en étudier la structure et surtout aider les gouvernements à contrôler leur population, la formation de ressortissants des pays pauvres pour intervenir en matière de population, les recherches en matière de nouveaux contraceptifs et abortifs.

     

    Il faut que toute personne dans le monde puisse utiliser la contraception! Derrière tout ceci se cache l'idée selon laquelle il faut construire un ordre mondial qui garantisse la sécurité économique dans le monde, surtout pour les riches. Un pays s’estime fondé à s’octroyer une mission de leadership mondial : les Etats-Unis. A cette mission doivent être associées les nations riches et les classes riches du monde entier. Tout ce bloc constitué par les nations riches devra s'employer à contrôler le développement dans le monde en général. Or le grand risque, c'est la croissance démographique des pays pauvres. Il faut endiguer l'essor de la population pauvre.

     

    En décembre 1946, John D. Rockefeller Junior fait un don qui permet l'achat du terrain pour le siège permanent des Nations Unies à New York: ainsi cette organisation sera installée de manière permanente aux Etats-Unis.

     

    La pensée de Malthus se retrouve dans les textes de l’ONU. La croissance de la population –assure-t-on– est exponentielle. La production alimentaire ne suit pas; la terre ne peut alimenter tout le monde. Les pauvres du Tiers-Monde ont trop d'enfants et sont responsables de leur propre misère. La croissance de la population est cause de pauvreté et de chômage; elle fait obstacle au développement.

      

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    Sans contrôle de la population, pas de développement possible. A partir de la IIe Conférence internationale sur la Population (Belgrade, 1965), la planification des naissances est présentée comme une forme d'aide au développement. L'utilisation du stérilet, présenté comme une méthode d'avenir, est prônée. En effet, même l'utilisation de la pilule est encore trop dépendante de la motivation des femmes. Les pratiques contraceptives efficaces ne sont souvent adoptées que par des groupes très limités, occidentalisés et à haut niveau de vie et d'éducation. Il faut donc aussi envisager d'autoriser l'avortement.

     

    Dans les années 1960-1970, les expressions "explosion démographique", "contrôle des naissances" sont souvent employées. Dans les congrès internationaux du planning familial, de nombreux orateurs insistent sur le fait que le planning familial laissé à la discrétion des couples ne suffit pas. A lui seul, il ne saurait réduire la croissance démographique à un niveau acceptable, tant dans les pays industrialisés que dans les pays en développement. L'exemple des pays de l'Est ou du Japon est mis en avant: l'avortement y joue un rôle important dans le contrôle des naissances. Comme les pays riches doivent montrer l'exemple aux pays pauvres, la lutte contre l'augmentation de population doit avoir lieu à l'échelle mondiale. Frederick Jaffe, collaborateur du Président du Population Council Bernard Berelson, publie en 1969 un petit tableau reprenant des exemples de mesures proposées pour réduire la fécondité aux États-Unis. Une de ces mesures propose d'"améliorer les soins médicaux maternels, avec le planning familial comme élément central". Ce tableau est bien sûr destiné à servir de modèle pour les pays pauvres!

     

    Dans un ouvrage intitulé "Les Nations Unies dans la vie quotidienne", le FNUAP (Fonds des Nations Unies pour la population) est présenté de la manière suivante:

     

     Le FNUAP en quelques mots

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    Le FNUAP a commencé ses activités en 1969, avec les objectifs suivants:

     

    • Aider à mettre en place des programmes de santé en matière de reproduction, y compris la planification des naissances et l'hygiène sexuelle;
    • Appeler l'attention sur les problèmes liés à une croissance démographique rapide;
    • Aider les pays en développement, sur leur demande, à résoudre leurs problèmes de population;
    • Contribuer à améliorer la santé en matière de reproduction; et
    • Promouvoir l'égalité des hommes et des femmes, la responsabilisation des femmes et la stabilisation de la population mondiale.

     

    Le rapport du National Security Council, préparé en 1974 sous la direction d'Henry Kissinger, déclare très clairement qu'aucun pays n'a réduit la croissance de sa population sans passer par l'avortement.

     

    Le danger d'augmentation de la population réside surtout dans les pays pauvres, qui sont souvent des anciennes colonies des pays européens. Pour que ces pays acceptent une loi sur l'avortement, il faut leur donner l'exemple. En 1974, lors du débat à l'Assemblée Nationale française, Madame Veil affirmait que certaines personnes "présentent (…) l'avortement comme un moyen de contention de la natalité et/ou comme complément à la contraception."

     

    En effet, l'avortement est vu comme un moyen de limiter les naissances dans le Tiers-Monde. Des milieux nord-américains soucieux de la sécurité démographique de leur pays ne peuvent se dispenser du concours de l'Europe. Il faut encourager l'avortement. Il fallait que les USA permettent l'avortement pour être crédibles à l'étranger. Il fallait que l'Angleterre soit pionnière en matière de libéralisation de l'avortement (loi de 1967) pour que son exemple soit plus facilement suivi dans son ancien Empire, notamment en Inde (loi de 1971). Il fallait que la France lui emboîte le pays pour convaincre, à terme, les populations d'Afrique francophone, de suivre son exemple. La libéralisation de l'avortement est le prix que les pays développés payent pour contenir la poussée démographique du Tiers-Monde. En Europe, le discours sera un discours féministe: "Mon corps est à moi".

     

    La première conférence internationale explicitement consacrée aux femmes est organisée à Mexico en 1975, année internationale de la femme.

     

    Pourquoi s'intéresse-t-on tout à coup aux droits de la femme?

     

    Le succès des politiques de contrôle de population dépend du succès du contrôle de la fécondité de la femme. Pour y arriver, des mesures doivent être prises: non seulement il faut éduquer les femmes, leur donner une indépendance économique, mais surtout il faut un changement radical de la vision de la femme. Considérer la femme comme mère relève d'une conception stéréotypée dont il faut se débarrasser.

     

    Des voix s’élèvent pour dénoncer les politiques de stérilisation de masse, comme en Inde. Il faut donc changer de tactique. Dès la fin des années 1970, l’OMS commence à utiliser les mots « santé reproductive ». Le terme a une connotation positive qui remplace avantageusement le terme "contrôle des naissances". Des ressources énormes sont mises au service de la recherche en matière de contraception. Que ne ferait-on pour la santé des femmes!

                

                1984  Mexico Conférence sur la population

     

                Lors du discours d'ouverture, M. Salas, secrétaire général de la Conférence, indique clairement que l'objectif prédominant des politiques de population est la stabilisation rapide de la population globale, si possible avant la fin du siècle.

     

                Pour y parvenir, plusieurs recommandations sont formulées par la Conférence: accès de tous, y compris des adolescents, à la planification des naissances, implications des gouvernements et coopération avec des ONG comme l'IPPF.

     

    L'article 11 de la Déclaration finale souhaite que le statut des femmes soit amélioré. La taille des familles en sera modifiée.

     

                           1992: Rio Conférence sur l'environnement et le développement

     

    Le message de la Conférence de Rio est clair: la planète est en danger. Il faut la sauver. Comment ? Un des moyens est la stabilisation rapide de la population mondiale, et le meilleur moyen est d'agir sur la fécondité des femmes. 

     

               1994: Conférence du Caire: Population et développement

     

    Le terme "santé reproductive" est publiquement employé. On pourrait croire que l’expression signifie les soins préventifs et curatifs dont peut disposer la mère pendant sa grossesse, lors de son accouchement et du suivi de celui-ci, ainsi que des soins offerts en cas de stérilité ou de maladies sexuellement transmissibles. En réalité, l’expression "santé reproductive" a des significations multiples. Si elle peut renvoyer aux soins que nous venons de mentionner, elle renvoie aussi à la contraception, à l’avortement sûr, à une certaine éducation sexuelle des adolescents, au changement des lois, etc. La santé reproductive est une affaire d'individus, non de couples. La définition de la santé reproductive ne fait pas clairement mention de l'avortement mais parle de la "régulation des naissances". Pour l’OMPS, la régulation des naissances comprend l’interruption des grossesses non désirées, c’est-à-dire l’avortement légal.

     

    De son côté, l’IPPF milite pour l’avortement légal et sans limitation de date, le refus pour le personnel de santé d’utiliser la clause de conscience, l’obligation pour les services de santé de proposer toutes les méthodes de contraception et d’avortement, etc. Ils sont appuyés dans leurs campagnes par le mouvement des "Catholiques pour un libre choix".

      

      1995  Pékin Conférence sur les femmes

     

    Relevons que la conférence de Pékin insiste sur le fait que les femmes doivent sortir de la famille et trouver leur épanouissement dans le travail à l'extérieur. Le fait de s'occuper de ses enfants est un signe d'inégalité, d'infériorité. Pour que la femme devienne l'égale de l'homme, il faut qu'elle puisse occuper un emploi rémunéré et non se consacrer à sa famille. Elle y parviendra en passant par la planification familiale. Mention est également faite de la problématique de la croissance de la population mondiale.

      

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    A la conférence de Pékin, les féministes radicales emploient le mot « gender » « genre », entré depuis dans les mœurs. Derrière les mots "homme", « masculin » et "femme", « féminin » , se cache une vision du "mâle" et de la "femelle" qui est construite par la société. Le genre est une construction sociale qui crée la nature de chaque individu. C'est la société qui modèle le comportement masculin ou féminin. Selon les féministes radicales actuelles, il faut déconstruire le modèle que la société impose à la femme, mais aussi à l’homme; il faut abolir les genres, afin qu'il n'y ait plus ni hommes, ni femmes. Les hommes et les femmes n'existent pas, ce sont des catégories sociales oppressives.

     

    Comme Margaret Sanger, les féministes radicales veulent détruire la famille, déconstruire la société.

     

    -         Il faut dénoncer les rôles assignés à l’homme et à la femme dans toutes les sociétés. Nous devons comprendre que notre perception de la réalité repose sur des constructions sociales marquées par le patriarcat.  

    -         Il faut ouvrir les yeux et prendre conscience du contrôle permanent de l'homme sur la femme et les enfants, qui perpétue la position subordonnée de la femme.  

    -         Les hommes et les femmes ne ressentent pas d'attraction pour les personnes du sexe opposé par nature, mais plutôt à cause d'un conditionnement de la société. L'hétérosexualité n'est plus l'orientation sexuelle habituelle du comportement de l'être humain. Si les chromosomes X et Y sont une réalité, les orientations que se donnent les individus peuvent être tout autres: hétérosexuels, homosexuels, bisexuels, transsexuels, travestis, etc. Je peux à tout moment changer mon orientation sexuelle selon ma recherche de tel ou tel plaisir corporel, d'où l'importance des expériences érotiques. Par conséquent, le désir sexuel est orienté vers qui l'on désire à ce moment de notre existence. La dualité traditionnelle, masculin-féminin, vole en éclat.  

    -         Le droit à la liberté sexuelle des individus doit être proclamé; il ne doit être assorti d'aucune contrainte, d'aucune limitation. L'individu n'a à répondre de ses actes que devant lui-même, et surtout pas devant un dieu qui n’existe pas. Contraception et avortement doivent être accessibles à tous, sans exception. 

    -         Les mots comme "mère", "famille", "maternité", "fils/fille", "père", etc. sont vidés de toute pertinence et sont affublés de significations tout à fait déroutantes. Le monde naturel est nié au profit d'un monde imaginaire qui va remplacer le monde réel.  

    -         Les normes de la morale familiale traditionnelle doivent être enterrées. Le législateur est pressé d'entériner les comportements les plus bizarres. Les "modèles" les plus étonnants d’union ou de désunion bénéficient d’une couverture légale. Toute personne qui se présente comme hétérosexuelle est soupçonnée d'homophobie.  

    -         L'éducation est une stratégie importante pour changer les préjugés concernant les rôles de l'homme et de la femme dans la société. La destruction de la famille biologique permettra l'émergence d'hommes et de femmes nouveaux, libérés de toutes les formes d'oppression. 

     

    En résumé, il faut déconstruire la famille, le mariage, la maternité, la féminité même pour que le monde puisse être libre.

     

     

    Les nombreuses réunions qui ont eu lieu après la Conférence de Pékin continuent à insister sur la stabilisation de la population mondiale, l'accès de tous, y compris des adolescents, à la planification familiale, l'avortement sans risques, la sauvegarde de la planète (Gaïa a besoin que certains de ses enfants avortent), la lutte contre l'image stéréotypée de la femme réduite à son rôle traditionnel de mère (théorie du gender).

     

     

    Dans plusieurs textes récents publiés par l’OMS, nous trouvons l’idée selon laquelle l’OMS a résolu de développer une stratégie en vue de faire progresser la santé reproductive. Il faut par exemple fournir des services d’avortement dans les soins de santé de base. N’oublions pas que dans le rapport Kissinger par exemple, le contrôle de la croissance de la population des pays pauvres passe par l'avortement. Seul l'avortement risqué est indésirable. C'est la raison pour laquelle l'OMS finance depuis des années des recherches sur l'avortement, par exemple sur les "bons" dosages à employer en cas d'avortement médicamenteux. Des chercheurs effectuent également des recherches sur l'implantation de l'embryon dans l'utérus afin de mettre au point des abortifs précoces qui empêcheraient la nidation et le développement de l'embryon. Une étude est en cours afin d'étudier les effets de certaines hormones sur la fixation d'embryons. Pour effectuer cette recherche, les collaborateurs de l'OMS utilisent des embryons humains (embryons surnuméraires ou embryons congelés depuis 5 ans ou plus) et provoquent leur nidation sur des tissus d'endomètre reconstitués in vitro. Des dosages sont effectués afin de voir si les tissus utérins acceptent ou non les embryons, ceci bien sûr afin de mettre au point des agents anti-implantation! Présentées au grand public comme des contraceptifs, ces préparations provoqueront des avortements précoces. La femme qui aura ingurgité ces produits n'aura plus à se demander si elle est enceinte ou non: son corps rejettera automatiquement l'enfant. De plus, selon la définition de l'avortement donnée dans certains textes de l'OMS, avant la nidation, ce n'est pas un avortement.

     

    Dans tous les pays, spécialement là où la contraception n’est guère utilisée (ex. : certains pays d’Afrique), il faut renforcer les services de planning familial. Il faut revoir, et si nécessaire modifier, les lois et les politiques afin qu'elles facilitent l'accès à la santé reproductive et sexuelle. Il faut aussi, dans la mesure où la loi le permet, que l’on fournisse des services d’avortement dans les soins de santé de base.

      

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    Pour mener à bien cette stratégie, l’OMS continuera à renforcer son partenariat avec d’autres organisations au sein du système des Nations Unies (en particulier avec le FNUAP, l’UNICEF et l’UNAIDS), la Banque mondiale, les associations de professionnels de la santé, les ONG et d’autres partenaires. Si l’OMS met en exergue la santé reproductive, le FNUAP met l’accent sur le contrôle démographique; l’UNICEF sur l’éducation des adolescents ; l’UNAIDS sur le sida. La Banque mondiale aborde les mêmes problèmes du point de vue économique et financier.

     

    Bien entendu, ces documents et en particulier ceux publiés par l’OMS, comportent des recommandations tellement acceptables qu’on ne peut qu'y adhérer. Qui ne souscrirait, en effet, à des programmes visant à réduire la morbidité et la mortalité maternelles, la mortalité infantile, les maladies sexuellement transmissibles et, de façon plus générale, à rendre accessibles au plus grand nombre tous les soins de base en matière de santé?

     

    Mais en réalité, ces bonnes intentions déclarées ne suffisent pas à occulter la forte teneur idéologique de ces documents. Tout converge vers un point focal : la nécessité supposée de contrôler la croissance de la population des pays pauvres. Cette question centrale n’est jamais mentionnée, encore moins discutée, dans les rapports de l’OMS, ni dans ceux du FNUAP, ni d’ailleurs dans le Programme d’action du Caire. Le postulat malthusien est admis comme allant de soi, et par conséquent ne nécessitant pas de démonstration.

      

    Pour arriver à implanter partout dans le monde la santé reproductive telle que vue par l'OMS, le FNUAP ou la Banque Mondiale, il faut changer les lois. Un des principaux obstacles au changement des lois, ce sont les leaders religieux. C'est la raison pour laquelle l'OMS ou le FNUAP disent clairement qu'il faut impliquer des chefs religieux dans les changements culturels et législatifs.

     

    En 2004, le Fond des Nations Unies pour la Population a publié un document dans lequel il explique comment il a infiltré des leaders culturels et des milieux religieux afin de changer les mentalités, les valeurs auxquelles on fait traditionnellement référence. En clair : il s’agit de faire une nouvelle révolution culturelle. Il ne suffit pas de changer les structures ; il faut changer radicalement les mentalités. Il faut distiller le message non pas de l'extérieur, mais de l'intérieur. Pour ce faire, il s’agit de compromettre des leaders, en particulier religieux, en les entraînant dans un engrenage d’alliances dont ils ne pourront pas se dépêtrer.

     

    Dans les situations présentées par l’étude du FNUAP (Guatemala, Iran, Ouganda, Inde, Ghana, Yémen, Brésil, Cambodge, Malawi), on observe une grande diversité. Dans certains pays, la présence catholique est marquée ; ailleurs l’accent est mis sur la présence protestante ou anglicane. Dans d’autres pays l’islam ou le bouddhisme sont actifs. On est aussi frappé par la grande diversité des cultures. Ces situations contrastées font que le FNUAP peut s’employer à influencer des personnalités émanant des milieux les plus divers : prêtres, évêques, pasteurs, agents pastoraux, imams, bonzes, etc. A des degrés divers, tous sont ciblés par le FNUAP qui veut reprogrammer ces leaders culturels et religieux et en faire des agents de la santé reproductive. Au Brésil, la porte d'entrée fut, dans l'Église catholique, la pastorale de l'enfance.

     

     

    Nous avons vu l’importance de l'avortement comme moyen de limiter les naissances dans les pays pauvres. Il fallait que les USA permettent l'avortement pour être crédibles à l'étranger. Encore actuellement, il faut que les États-Unis donnent l'exemple aux autres nations. Ne nous étonnons donc pas que dès son accession à la Maison Blanche, Barack Obama ait nommé dans son staff des personnes pro-avortement. Aidé de Madame Hillary Clinton, le Président Obama apparaît comme un des principaux responsables des programmes de contrôle de la natalité présentés comme condition préalable au développement.

     

                Dans un discours prononcé lorsqu'elle a reçu le prix Margaret Sanger de la Fédération américaine du planning familial, Hillary Clinton a dit clairement qu'il y avait beaucoup à faire pour restaurer la réputation (standing) et le leadership des États-Unis. La santé reproductive fait partie intégrante des missions américaines en matière de développement. Les États-Unis doivent prendre le leadership du Global Health Initiative afin d'aider à la mise en place de services de santé, dans lesquels les services de santé reproductive auront une place de choix. La santé et la stabilité des pays dans le monde ont un impact direct sur la sécurité et la prospérité des Etats-Unis.

     

    L'administration Obama est en train de débloquer des millions de dollars pour de nombreux programmes de santé reproductive dans le monde. Or dès lors que le poids des États-Unis est celui qui pèse le plus dans les relations internationales, bi- et multilatérales, et spécialement dans le cadre de l’ONU, on peut prévoir que tôt ou tard, l’avortement sera présenté à l’ONU comme un « nouveau droit humain », un droit permettant d’exiger l’avortement. Quant aux Européens, ils n'auront plus rien à dire puisque leurs rangs auront été décimés par le vieillissement de leur population, vieillissement accéléré par la santé reproductive!

     

     

    En guise de conclusion:

     

    Il existe heureusement partout des hommes et des femmes de bonne volonté qui refusent cette culture de mort et veulent instaurer une culture de vie, comme l’a si bien dit le pape Jean-Paul II. C'est à nous qu'incombe la tâche urgentissime de mettre nos communautés nationales et toute la communauté humaine à l'abri des métamorphoses de la pensée de ce cher Malthus. C'est à nous de démystifier les "plans d'action" largement fondés sur un gigantesque bluff idéologique. Les "services de santé reproductive" sont des programmes de désertification morale et religieuse: mort à la vie en ses sources, mort à l'enfant, mort à la famille, mort à l'amour. Nous tardons trop à dénoncer cette culture de la mort. Si le mensonge fait bon ménage avec la violence, la justice ne peut se faire que dans la vérité. Il faut que nous nous engagions sans ambiguïté au service de la famille, qui est hétérosexuelle et monogamique. Il est notamment urgent d'instaurer des politiques reconnaissant l'apport décisif de la famille, et en particulier de la mère, à la formation du capital humain. Dans de nombreux pays développés, le remplacement des générations n'est plus assuré depuis de nombreuses années déjà. Après l’avortement, allons-nous nous engager dans la voie de l’euthanasie afin d’à nouveau montrer l’exemple aux pays pauvres ? Grâce à la fidélité à l’Evangile et à la prière, nous sommes capables de résister aux mystifications qu'on nous propose. Merci de votre attention.

     

    ________

    Nota bene: Les illustrations et les grasses sont de notre initiative

     

     

     

     

     

     

  • Génération Pour la Vie:

     

    A L'EGLISE DE SAINT-SACREMENT

    Boulevard d'Avroy, 132 à Liège

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    CONFERENCE ET VEILLEE POUR LA VIE NAISSANTE

    le samedi 27 novembre 2010 à 18 heures

     

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    A l’initiative des jeunes du mouvement « Génération Pour la Vie », une conférence suivie d’une veillée de prière aura lieu le samedi 27 novembre 2010 à 18h, à l’église du Saint-Sacrement (Boulevard d’Avroy, 132 à Liège), sur le thème de la protection de la vie naissante.

     

    auton21-8e588.jpgLa conférence (18h) sera donnée par Mme Anne-Marie Libert, professeur au Séminaire de Namur et collaboratrice de Mgr Michel Schooyans, consulteur du Conseil pontifical pour la famille. Ensemble, ils ont publié aux éditions F.-X. de Guibert "Le terrorisme à visage humain", une analyse de la révolution culturelle de portée mondiale, fermée à toute transcendance, qui tend à imposer aujourd'hui une société interdite d'espérance. 

     

    Cette conférence sera suivie (19h) par une veillée de prière que présidera M. l’abbé Claude Germeau, directeur du foyer d’accueil des jeunes (Herstal). La veillée se déroulera en communion avec toutes celles qui seront organisées au même moment dans le monde et en particulier à la basilique Saint-Pierre de Rome, sous la présidence du pape. BenoîDARET_Jacques_Visitation_m.jpgt XVI a en effet souhaité que les fidèles des paroisses, les communautés religieuses, associations et mouvements de l’Église entière s’associent à sa prière.

     Nous invitons tous ceux qui partagent ce souci de la protection de la vie à répondre généreusement à notre appel en participant à cette soirée du samedi 27 novembre, qui ouvre aussi la nouvelle année liturgique.

     

     

    Infos et renseignements: GSM 0498.51.88.77 Tel.04.344.10.89

    http://www.generationpourlavie.com 

     

     

  • les actes de la manifestation du 25 septembre 2010 à l'église du Saint-Sacrement

     

    BENOÎT XVI

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    UNE PENSEE THEOLOGIQUE POUR NOTRE TEMPS

    par l'abbé Eric Iborra

    enseignant au collège des Bernardins et vicaire à l'église Saint-Eugène (Paris) 

    Samedi dernier, 25 septembre 2010, l'Union des Etudiants Catholiques de Liège, en collaboration avec l'asbl Sursum Corda, a réuni près de deux cents personnes dans l'église du Saint-Sacrement pour une conférence de rentrée, sur la pensée théologique de Benoît XVI: exposé magistral de l'abbé Eric Iborra, dont nous reproduisons le texte intégral ci-dessous.

    La conférence fut suivie de la "Messe du Saint-Esprit", célébrée dans la forme extraordinaire du rite romain, avec le concours très apprécié de l'Ensemble vocal "Praeludium" et du Choeur grégorien du Saint-Sacrement (solistes: Erna Verlinden et Patricia Moulan). Le texte de l'homélie qu'a également prononcée l'abbé Iborra est publié à la suite de celui de la conférence.

    Nous remercions encore chaleureusement Monsieur l'abbé Iborra pour la qualité de sa communication. 

    LA CONFERENCE

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                Je vais m'efforcer de répondre aux questions posées à cette conférence en deux étapes : d'abord en étudiant la pensée du théologien Joseph Ratzinger, puis celle du pape Benoît XVI. Cela nous permettra de repérer quelques points d'inflexion. Un temps d'échange pourra, je l'espère, compléter cet exposé.

                Mais tout d'abord une brève présentation de celui dont la pensée nous réunit ce soir. Né en 1927, Joseph Ratzinger est ordonné au lendemain de la guerre, en 1951, pour être précis. Il commence sa carrière en enseignant au séminaire diocésain avant d'être nommé professeur à l'Université de Bonn en 1959. Remarqué par le cardinal Frings, archevêque de Cologne, la grande cité voisine, il l'accompagne à Rome pour participer aux travaux du 2e Concile du Vatican en qualité d'expert. Il enseignera par la suite la théologie dogmatique dans différentes universités allemandes jusqu'en 1977, date à laquelle il accepte la charge d'archevêque de Munich que lui confie Paul VI qui l'élève presque aussitôt au cardinalat. En 1981, le pape Jean-Paul II l'appelle à ses côtés pour présider la Congrégation de la doctrine de la Foi et ses organes annexes, la Commission théologique internationale et la Commission pontificale biblique. Le 19 avril 2005, âgé de 78 ans, il est lui-même élu pape et prend le nom de Benoît XVI.

                L'étudiant qui pour la première fois se plonge dans la bibliographie de Joseph Ratzinger est sans aucun doute déconcerté, voire désemparé, par son volume des dizaines de livres, des centaines d'articles – et par sa diversité – une multitude de thèmes relevant de tous les secteurs philosophiques, théologiques et politiques qui sont connexes à la vie chrétienne dans l'Église. Ce qui frappe aussi, c'est l'absence de ces grandes dogmatiques qui font le renom des professeurs d'Outre-Rhin. Rien de tout cela chez Joseph Ratzinger, mais bien plutôt une approche impressionniste faite d'une multitude de touches. On peine à trouver un écrit dont on puisse dire qu'il renferme le cœur de sa pensée. Certains, au titre trompeur (Principes de la théologie catholique par exemple), sont des compilations d'articles et de conférences, d'autres – aux dires de l'auteur les plus achevés qu'il ait produit (Foi chrétienne hier et aujourd'hui, La mort et l'au-delà) – nous donnent aussitôt à désirer suite et approfondissement. L'œuvre de Joseph Ratzinger apparaît ainsi morcelée, d'un côté inachevée, étroitement liée aux aléas de l'enseignement de la dogmatique dans différentes universités, et en même temps, de l'autre, prolongée par les fulgurances qui émaillent ses nombreux discours et conférences. Mais ce qu'elle aborde, elle le fait avec maîtrise, clarté et sagesse.

      

    I – Les caractéristiques d'une pensée

     

                Est-il cependant possible de ressaisir toute cette diversité dans l'unité ? Un fil rouge, un Leitfaden, relie-t-il ces écrits brillants, mais disparates, qui traitent aussi bien de théologie fondamentale que de spiritualité, de théologie politique que de musique sacrée, de réflexions œcuméniques que d'analyses de la crise que traverse l'Église ?

                Il me semble que l'on puisse dégager trois axes principaux, trois angles qui reviennent à travers la diversité des thèmes abordés. Trois points d'attention qui finalement laissent apparaître une forme théologique. La théologie de Joseph Ratzinger m'apparaît comme une théologie pratique du Verbe, du Logos divin, c'est-à-dire comme une christologie du vrai et du beau dans sa dimension ecclésiale. Voyons cela de plus près.

     

    1– La raison dans le monde postmoderne

     

                La première caractéristique de la pensée de Ratzinger, c'est son recours constant à la raison. Un recours qui n'aboutit cependant pas à ce rationalisme qui a tant marqué, dans un sens ou dans l'autre, la pensée catholique du siècle dernier. Car la raison, pour Ratzinger, ne se situe pas que du côté du sujet, héritier des Lumières. Elle ne se confond pas avec la faculté, nécessairement limitée et même obscurcie à cause du péché originel, par laquelle l'homme cherche à connaître. Renouant en cela avec la grande tradition antique et médiévale, Ratzinger pense que la raison dépasse le sujet par ses deux extrémités, si l'on peut dire : elle lui est extérieure, présente dans le cosmos, parce qu'en fait elle lui est antérieure, présente au plus profond de son être, constituant même le fondement transcendantal de celui-ci. Cette raison, c'est le Logos divin qui habite l'âme produite à son image. C'est le même Logos divin dont tous les objets, dans l'univers, sont comme les foisonnantes effigies à travers la diversité de leurs essences et de leurs individualités. La théologie de Ratzinger, on l'aura compris, est donc avant tout une théologie de la Création, création dont le Verbe est le médiateur et dont nous, nous sommes des éléments privilégiés, à cause de la raison qui nous est donnée en partage. L'intelligence du sujet connaissant, autant que l'intelligibilité qui gît dans l'objet connu, sont deux instances créées, participées, du Logos divin.

                Il en résulte une conséquence importante pour notre époque. Ratzinger ne cesse de déplorer le mauvais usage de la raison par nos contemporains. Fascinés par les progrès techniques de la modernité, ils ont restreint le champ d'application de la raison au domaine des sciences de la nature, abandonnant, entre autres choses, le champ de la métaphysique, et donc aussi celui de l'anthropologie, à l'irrationnel, au subjectivisme, ce qui conduit à l'anomie du relativisme éthique qui caractérise nos malheureuses sociétés modernes et les ronge de l'intérieur avec la complicité de l'esprit démocratique. C'est le constat qu'il faisait encore samedi dernier devant les parlementaires britanniques réunis au Westminster Hall de Londres. Ratzinger déplore cette frilosité de l'esprit moderne pour la capacité qu'a la raison de connaître au-delà de ce qui est purement quantifiable. En exaltant la raison et en la cantonnant dans le domaine où elle a réalisé ses exploits les plus visibles, les modernes l'ont finalement dépréciée en lui interdisant l'exploration des domaines les plus graves, les plus riches de sens, qui sont évidemment aussi les moins quantifiables.

                Cette exploration est possible, mais à condition de l'entendre d'une raison constitutivement ouverte sur l'être en totalité, dont l'objet produit par la technique n'occupe qu'une fraction du spectre. Elle est possible parce que la raison humaine participe du Logos divin. Ce qui laisse aussi entendre que la science telle qu'elle est comprise aujourd'hui n'est qu'une dimension du savoir total, une dimension qui doit se soumettre à une sagesse supérieure, tout aussi rationnelle et peut-être même davantage, qui s'exprime par la loi morale naturelle.

                Et à cet égard, la pensée de Ratzinger se fait incisive. Le théologien marqué par la pensée historique de saint Augustin et de saint Bonaventure sait que l'homme ne peut s'accomplir par lui-même, qu'en outre sa nature est loin d'être indemne. A l'optimisme anthropologique qui avait pu saisir les théologiens néothomistes du Concile, il opposait déjà, celui-ci à peine clos, les considérations réservées de l'augustinien qu'il n'avait jamais cessé d'être. Non, sans Dieu, sans la religion, et une religion inscrite organiquement dans la société, l'homme ne peut parvenir au bonheur, pas même terrestre. Le monde qu'il cherche à édifier s'effondre irrémédiablement, et cela dans un grand fracas, celui des totalitarismes ouverts – celui qu'il a connu dans sa jeunesse – ou sournois – celui que nous connaissons à présent dans nos sociétés démocratiques.

     

               Ce qui semblait alors une marque de manque d'enthousiasme à une époque de modernité triomphante retentit aujourd'hui comme le cri de Cassandre : l'homme postmoderne, désabusé, revenu de toutes les utopies et de toutes les chimères, « déconstruit » de tous côtés, s'il ne veut pas se « divertir » dans le consumérisme a besoin d'une conception rénovée de la raison. La pensée de Ratzinger, nettement antimoderne, peut constituer l'antidote théologique au poison qui ronge le monde actuel. Joseph Ratzinger apparaît ainsi comme le penseur chrétien dont le monde postmoderne a besoin, car il l'interpelle en lui montrant l'issue de secours : sans Dieu, l'homme ne peut subsister. C'est ce qu'il a encore rappelé aux parlementaires britanniques en parlant du « rôle correctif de la religion à l'égard de la raison » et en appelant au moins à un dialogue constructif entre ces deux mondes : « Je voudrais suggérer, disait-il, que le monde de la raison et de la foi, le monde de la rationalité séculière et le monde de la croyance religieuse reconnaissent qu'ils ont besoin l'un de l'autre, qu'ils ne doivent pas craindre d'entrer dans un profond dialogue permanent, et cela pour le bien de notre civilisation ». Soulignons au passage qu'il s'agit d'une aide mutuelle, ce qui suppose que sans la raison la religion s'égare. Ce qui, vous vous en doutez, permet de comprendre que toutes les religions, et même tous les denominations chrétiennes, ne sont pas à mettre sur le même plan. Ce qui m'amène au point suivant : l'Église. 

      

    2 – Un milieu ecclésial

     

                Théologie du Verbe divin, la pensée de Ratzinger est une théologie du Verbe total, c'est-à-dire prolongé dans ses membres qui tous ensemble forment l'Église. A la différence d'Augustin, Ratzinger n'a pas eu à découvrir l'Église puisqu'il a toujours baigné dans ses eaux depuis son enfance bavaroise, mais il a su en saisir l'importance justement à travers la découverte qu'en fit le philosophe d'Afrique du Nord, chercheur solitaire de Dieu, qui finit théologien, pasteur d'âmes, docteur de l'Église dans tous les sens du terme.

                Ratzinger a mis sa pensée et son énergie au service de l'Église, au point de renoncer à l'élaboration d'une théologie originale lorsqu'il finit par accepter, après bien des atermoiements, les lourdes charges ecclésiales que Paul VI puis Jean-Paul II lui confièrent. Ce sacrifice, pour un intellectuel de sa trempe, en dit long sur l'attachement de l'actuel Pape à l'Église et à son peuple.

                Cette dimension ecclésiale de sa pensée est apparue dans le souci constant qu'il a eu, au long de sa mission à la Congrégation pour la doctrine de la foi, de permettre aux « plus petits » d'avoir accès à l'intégralité de la foi authentique de l'Église par delà les recherches – largement médiatisées – de quelques théologiens en mal de renom et aux doctrines aventureuses. Ce souci des faibles, là aussi très augustinien – pensons à la controverse donatiste –, qui s'est centré à un moment sur la question de la « théologie de la libération », trouve son cœur dans la question liturgique. Loin d'être un aspect anecdotique de la vie de l'Église, la liturgie – comme l'a d'ailleurs proclamé le dernier Concile – en est bien plutôt le centre. La liturgie est en effet le lieu où le Verbe est accessible par-delà l'épaisseur de l'histoire : par la liturgie s'actualise la présence de Celui qui est le médiateur et le contenu de la Révélation, l'interlocuteur divin par excellence. C'est ce qui a vivement impressionné des convertis du protestantisme aussi profonds que J.H. Newman ou R.H. Benson. Par la liturgie nous pouvons être rendus participants du dialogue intratrinitaire entre le Père et le Fils, trouver notre véritable « demeure » en tant que chrétiens.

                C'est la communauté liturgique aussi qui permet d'avoir une vision plus juste de la Révélation et de son support, l'Ecriture. Il n'y a en effet pas de compréhension possible des Ecritures en dehors de la communauté qui les a produites et qui, dès lors, est seule apte à les interpréter. C'est ce que Benoît XVI rappelait lors de son discours sur le monachisme bénédictin dans l'enceinte du Collège des Bernardins en septembre 2008. Dans l'acte liturgique les verba multa des livres bibliques deviennent le Verbum unum, à la fois parole et nourriture dans l'eucharistie. La liturgie est ainsi un lieu théologique, sinon le lieu théologique par excellence. Elle est ce qui fait que la doctrine chrétienne ne dégénère pas en idéologie mais fructifie en confession. C'est cette alliance vitale nouée entre l'intelligence et l'agir que Benoît XVI a louée dans la personnalité du bienheureux John Henry Newman, et ce par-delà toutes ses qualités intellectuelles.

     

    3 – Une théologie du culte chrétien

     

                L'existence chrétienne est cultuelle : elle consiste à rendre à Dieu un culte raisonnable, une logikè latreia, un culte selon le Logos, terme que Ratzinger emprunte à S. Paul (Rm 12, 1). Rendre un culte à Dieu, c'est vivre selon le Logos fait chair, selon le Christ qui s'offre au Père dans l'acte central de sa vie, le sacrifice de la croix. Le culte de l'eucharistie est ainsi au centre de la vie chrétienne. La beauté du geste de Dieu qui offre son Fils et la beauté du geste du Christ qui s'offre – avec nous tous – à son Père doit transparaître dans la beauté du culte. Pour Ratzinger, la beauté n'est pas de l'ordre du subjectif ou de l'accidentel. Elle a un fondement dans l'être, elle est rationnelle, elle est « selon le Logos ». Ses écrits sur la liturgie occupent une place importante dans son œuvre, et par leur volume, et par leur diversité, et par leur qualité. Par l'attachement aussi qu'il leur porte : il a voulu que le premier tome de ses Gesamtliche Werke les contienne. Comme il l'a dit un jour à V. Messori ou à P. Seewald, au centre de la crise actuelle de l'Église, il y a la désintégration de la liturgie.

                Toucher en effet à la liturgie, c'est toucher à la relation vitale entre le chrétien et Dieu. C'est pourquoi il a très rapidement déploré le tour pris par l'application de la constitution conciliaire sur la liturgie. Il voit dans la « créativité liturgique » – terme qu'il exècre – l'expression d'une mainmise qui hypertrophie la dimension subjective de l'anthropologie en la déséquilibrant au détriment de ses dimensions cosmologique (dans laquelle elle doit s'insérer) et théologale (qui en est le fondement et le terme). La communauté finit par s'autocélébrer, reproduisant « la danse des Hébreux autour du veau d'or », cherchant ainsi à mettre la main sur Dieu, le ravalant du coup à l'état d'idole. Elle pâtit d'un néocléricalisme qu'autorisent trop souvent les multiples possibilités laissées au choix du célébrant par les livres réformés, néocléricalisme qui touche tant le clergé que les laïcs qui cherchent, avec la complicité de celui-ci parfois, à s'y substituer.

                Ratzinger milite aussi pour une redécouverte de l'orientation. La liturgie eucharistique se célèbre face à l'Orient, face au Christ ressuscité symbolisé cosmiquement par le soleil levant qui dissipe les ténèbres du péché et de la mort. A la rigueur, faute de mieux, par la croix posée sur l'autel. La « participation active des fidèles », voulue par le Mouvement liturgique de l'entre deux guerres, se réalise avant tout par l'union des fidèles à l'action qu'accomplit le Christ représenté sacramentellement par le prêtre et non par des tâches à accomplir pendant les cérémonies. Cette participation requiert une certaine séparation d'avec l'agitation et les habitudes du monde, elle suppose un silence intérieur et extérieur propice à l'union et à la conversion. Elle a besoin du chant, dans ce qu'il a de meilleur, c'est-à-dire de plus contemplatif, pour sublimer la parole – toujours prompte au verbiage – et retrouver le chant secret qui gît au fond des choses – de la mer dirait Tolkien –, la louange muette du cosmos dans laquelle elle a à s'insérer pour la récapituler et l'offrir. La liturgie devient ainsi le lieu de ce colloque spirituel avec le Seigneur. C'est le lieu de rappeler la devise cardinalice de Newman : cor ad cor loquitur.

                C'est ainsi que la pensée théologique de Ratzinger est éminemment christocentrique et ecclésiale en même temps que pratique, c'est-à-dire visant la sanctification des chrétiens. Elle se méfie de l'esprit du temps qui  cherche soit à séculariser la transcendance du salut dans des réalisations utopiques et souvent destructrices (du joachimisme au marxisme ou à l'écologisme), soit à étouffer toute vie intérieure par le matérialisme pratique du consumérisme et de l'hédonisme érigé en unique norme de vie qui aboutit au relativisme éthique, destructeur de toute société humaine véritable. 

     

    II – Les inflexions d'un pontificat

     

                L'élection du doyen du Sacré Collège à la charge de Pontife Romain a inquiété les uns, réjoui les autres. Chacun s'attendait à voir le Préfet de la doctrine de la foi occuper le siège de Pierre. Ce ne fut donc pas sans une certaine surprise que l'on vit Benoît XVI se dégager du rôle que le cardinal Ratzinger avait accepté d'endosser en 1981. Le Panzerkardinal faisait place à « l'humble travailleur dans la vigne du Seigneur ». Bonté et fragilité semblaient se substituer à l'autoritarisme supposé  du Préfet. Au thème de la vérité, si fermement défendu au palais du Saint-Office, succédait, sur la place Saint-Pierre, celui de la charité, de la bonté de Dieu. La défense de la rectitude du dogme semblait faire place à la promotion de ses aspects sociaux, avec une insistance particulière sur la question écologique. Ce qui ne manqua pas de surprendre... un observateur superficiel. Car Benoît XVI pratique pour lui-même « l'herméneutique de la continuité ». C'est pourquoi je parlerais volontiers de persistance et de renouvellement des thèmes centraux de sa théologie.

     

    1 – Persistance des thèmes anciens

     

                Le thème de la raison affrontée à la modernité, et confrontée à la crise postmoderne qui réintroduit la question de la foi dans un monde d'abord désenchanté puis dévasté, constitue la ligne directrice de ses adresses universitaires. Dans le discours de Ratisbonne (12 septembre 2006), relevant l'élément platonicien à l'œuvre dans la raison moderne, il montre que celle-ci ne peut s'exonérer de la question du sens, qui transcende la technique et l'utilitarisme qui en découle, pour renouer avec les réponses que la foi procure à l'interrogation philosophique. A Rome (17 janvier 2008), il rappelait que l'essor de cette même raison a été conditionné par la foi et que, aujourd'hui, « détachée des racines qui lui ont donné vie, elle ne devient pas plus raisonnable et plus pure, mais qu'elle se décompose et se brise ». A Paris (12 septembre 2008), il montrait comment les arts et les techniques, dont la modernité a pu s'enorgueillir, sont en fait les sous-produits de la quête médiévale de Dieu poursuivie dans les monastères.

                Autre thème qui transparaît, la restitution de l'homme dans son environnement, le cosmos. Autrement dit, la théologie de la Création qui resitue la dimension anthropologique dans la dimension cosmologique et qui met ainsi en lumière l'organicité du projet divin. Cela se traduit par son insistance – inédite jusqu'à présent dans l'enseignement pontifical – sur la question écologique, une écologie qui, là aussi, n'en reste pas qu'à la dimension environnementale – au grand dam des modernes –, mais qui s'élève jusqu'à cette écologie humaine qui n'est autre qu'une manière nouvelle d'aborder la loi morale naturelle, fondement de la morale tant individuelle que collective.

                Mentionnons aussi la permanence du thème eschatologique, particulièrement bien mis en valeur dans l'étonnante encyclique Spe salvi, où le disciple de saint Bonaventure traite des formes modernes du millénarisme. Mentionnons encore la persistance de la méthode scripturaire, héritée des Pères, qui lui est familière, jamais réduite à l'historico-critique, et qui se déploie dans Jésus de Nazareth. Son intelligence de l'Ecriture est toujours ecclésiale, conforme à l'analogie de la foi, en vue d'édifier.

                Le patient travail de raccommodage de la tunique déchirée du Christ qu'il a entrepris comme Pontife Romain, tant envers les chrétiens séparés que les catholiques dissidents, s'inscrit lui aussi dans la ligne augustinienne qui n'a jamais cessé de l'habiter. Benoît XVI apparaît comme tout le contraire d'un doctrinaire, mais bien plutôt comme cherchant pragmatiquement le moyen de réconcilier ce qui était divisé, sans pour autant rien renier de la vérité reçue d'en haut. Son travail est celui d'un restaurateur, d'un humble artisan qui cherche à rendre sa splendeur première à une œuvre d'art abimée. Ce souci apparaît dans la manière, là aussi patiente, par laquelle il cherche à réformer la liturgie pour la rendre plus conforme aux vœux des pères conciliaires, dépassés par la tourmente de ce qu'il faudra bien un jour appeler « les années folles » de l'histoire de l'Église. En ce sens, on pourrait dire que toute l'œuvre de Joseph Ratzinger, de ses débuts à Bonn jusqu'à ses prises de position pontificales à Rome, est placée sous le signe de la réception vraie et plénière du dernier Concile.

     

    2 – Le renouvellement des thèmes

     

             Tous les observateurs ont noté un glissement de perspective. C'est que bien souvent ils avaient sous les yeux les travaux du Préfet de la doctrine de la foi. Ce glissement est cependant réel par delà la persistance des thèmes centraux. Tout le monde attendait en effet une encyclique programmatique sur la foi et donc sur la question connexe de la vérité, à tonalité doctrinale. Or la première encyclique fut consacrée à la charité, avec une partie spéculative, certes, mais suivie d'une partie pastorale consacrée précisément à la pratique de la charité dans l'Église. Thème repris et prolongé dans le cadre plus large de la société postmoderne dans la troisième encyclique, Caritas in veritate. Benoît XVI n'abandonne pas le thème de la vérité, mais il le ressitue dans son cadre théologal, dont la source est la parole johannique : « Dieu est Amour ». La vérité, en Dieu, est une instance de l'amour : « Définir la vérité, la proposer avec humilité et conviction et en témoigner dans la vie sont par conséquent des formes exigeantes et irremplaçables de la charité. En effet, celle-ci 'trouve sa joie dans ce qui est vrai' (1 Cor 13,6) ».

                Benoît XVI propose ici une foi intégrale et cohérente, qui part de la confession trinitaire du Dieu révélé et qui descend jusqu'aux détails de l'éthique chrétienne, non seulement dans sa dimension individuelle mais aussi communautaire et sociale, en vue de l'institution de cette « civilisation de l'amour » qui constitue la seule alternative possible dans un monde qui a fait l'expérience des ravages d'une raison livrée à elle-même, aussi bien dans les domaines politiques, économiques que culturels. Pour Benoît XVI, le véritable enjeu est celui du cœur, champ de bataille (ou de décombres) où cherchent à s'édifier deux cités antagonistes, celle du ciel et celle de la terre.

     

                Et comme je l'écrivais dans un périodique catholique il y a quelques mois, avec persévérance et un mépris complet du qu'en dira-t-on, le Pontife ami des chats et de Mozart continue de nous dispenser sa petite musique. Puisse-t-elle encore longtemps nous enchanter, elle qui, à l'instar de la liturgie, « capte l'harmonie cachée de la Création, nous révélant le chant qui sommeille au fond des choses ».

     

    Questions et Réponses

     

     

    Question :

     

    Après les nombreuses encycliques des papes consacrées à la morale sociale, peut-on espérer de Benoît XVI un grand texte mettant au jour les dimensions morales fondamentales d’une écologie véritable ?

     

    Réponse :

     

    Une encyclique, dont le thème m’échappe, est en préparation. Quoiqu’il en soit, souvent chez Joseph Ratzinger, dans ses discours, à travers son regard de contemplatif et de poète, il y a une remarque, une observation sur un paysage, un édifice (par exemple, aux Journées Mondiales de la Jeunesse  de Sydney, il a décrit le paysage qu’il venait de survoler en avion). Chez lui, cela correspond certainement à un goût de la nature qu’il ramène à son créateur : l’homme peut apercevoir le dessein de Dieu à travers sa création, pour le faire remonter vers Dieu comme une offrande. A cet égard, la quatrième prière eucharistique -qu’on n’utilise pas très souvent- parle de « la création qui t’acclame par nos voix ». C’est très juste. Comme l’écrit saint Thomas d’Aquin, nous sommes à l’horizon de deux mondes : celui de la matière et celui de l’esprit. Nous tous, en tant que créatures rationnelles, nous sommes des pontifes, nous faisons le pont entre une création matérielle dénuée de raison mais intelligible en son essence, l’intelligibilité qui gît au fond de chaque chose, bien qu’elle soit incapable de l’exprimer. Mais nous, en connaissant la réalité créée, les objets de la création, nous les lisons et faisons remonter leur louange muette vers le Ciel : d’où l’importance de la liturgie et de son chant.

     

    Il est clair que pour Ratzinger la nature n’est pas simplement un décor. Elle est le lieu de l’exercice de notre humanité, si bien que, comme vous le suggériez, son interprétation de l’écologie ne sera pas simplement subordonnée à des questions économiques du type «  soyons sobres pour avoir plus longtemps du pétrole à brûler » : certes on a raison de le dire pour retrouver ainsi la simplicité d’une vie sobre, très bonne aussi pour la vie chrétienne, mais il y a plus car la création elle-même est un personnage de la « théo-dramatique ». A ce titre on peut espérer de Benoît XVI, ou de l’un de ses successeurs, un texte qui montrerait davantage, de ce point de vue, l’importance de la nature, à laquelle nous appartenons aussi, du reste. A cet égard, il existe un très bon petit livre publié dans les années 1970 chez Communio-Fayard : « Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre ». C’est une compilation de discours et homélies de Joseph Ratzinger sur ces questions-là.

     

    Question :

     

     Pourquoi l’œuvre de Joseph Ratzinger n’est-elle pas enseignée dans les séminaires ?

     

    Réponse :

     

    C’est une très bonne question. La difficulté vient de ce que l’œuvre de Joseph Ratzinger est extrêmement éclatée, qu’il n’a pas rédigé de cours ou de grands traités. Ce sont, avant tout, des « flash » sur divers sujets. Il fait le pont entre beaucoup de choses et, du coup, il n’est pas commode à utiliser pour un enseignement systématique de la sacramentaire, de la morale etc.

    C’est plutôt un auteur à lire en parallèle, pas un auteur de manuel mais quelqu’un qui jette de la lumière sur les cours. A la limite, le seul ouvrage qui pourrait faire l’objet d’un cours c’est « La mort et l’au-delà ». Quand j’enseignais au séminaire de Paris, c’est le seul ouvrage de lui que j’ai pu utiliser comme support de cours. J’espérais beaucoup de ses « Principes de la théologie catholique », pour m’apercevoir que c’était, en fait, une collection d’articles et, donc, assez décousu.

     

     Sur sa piété, on a un certain nombre de textes : des méditations pour les jours de la semaine, sur la vie des saints etc. Il a une piété de prêtre diocésain, très centrée sur le ministère et en particulier la liturgie. On se souvient que Jean-Paul II, dans son cœur, était un carme : il avait une théologie et une spiritualité carmélitaine. Ses grands auteurs étaient saint Jean de la Croix sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, sainte Thérèse d’Avila. On ne peut pas dire de Benoît XVI qu’il se rattache à une spiritualité particulière : bénédictine, dominicaine, carme… Celui qui le guide, c’est l’un des plus grands évêques, théologiens et spirituels de l’Eglise : saint Augustin. A partir de là, il intègre, comme doit le faire un prêtre diocésain, ce qu’il y a de meilleur dans les différentes spiritualités mais sa spiritualité à lui passe par la liturgie et son attachement à saint Augustin, non seulement comme maître à penser, mais maître à prier et il l’exprime dans nombre de petits textes. Il s’apparente aussi à saint Bonaventure (auquel il a consacré sa deuxième thèse de doctorat), avec son souci de l’écologie et de la nature propre aux franciscains.

     

    Question :

     

     L’esprit de revanche pourrait-il animer Benoît XVI face aux attaques  qui ont émaillé l’exercice de ses fonctions ?

     

    Réponse :

     

     L’esprit de revanche est étranger à Joseph Ratzinger. C’est un homme foncièrement bon. J’ai eu l’occasion de le rencontrer lorsque j’étais étudiant à Rome. Quand vous êtes face à un cardinal qui vous écoute comme un petit élève, parce qu’il est foncièrement bon et ouvert, c’est impressionnant. Dans son travail à la tête de la congrégation pour la doctrine de la foi, il avait, lui qui est polyglotte, instauré un système selon lequel chaque fonctionnaire, quand il avait quelque chose à présenter, s’exprimait dans sa propre langue et c’est lui, le préfet, qui faisait l’effort de le comprendre en disant : un jeune théologien a sans doute plus de difficulté à s’exprimer dans une langue étrangère à la sienne et c’est moi qui vais faire l’effort.

     

    En fait de revanche, c’est un homme passionné par l’unité. Il n’a jamais cessé de dire que saint Augustin était son maître. Or, l’œuvre de saint Augustin, c’est aussi du raccommodage : il a raccommodé des gens divisés de son temps : les romains avec les kabyles, les chrétiens de la Grande Eglise avec les donatistes ou avec la foule des hérésies et des schismes qui pullulaient en Afrique du Nord, au Ve siècle. Comme lui, Benoît XVI est passionné par l’unité et essaie de toutes ses forces de retrouver déjà cette unité à l’intérieur du catholicisme, d’autant plus qu’il est convaincu qu’un certain nombre de raisons qui ont amené ces dissidences sont valables. Il a le souci de les dépasser mais il est patient  car il sait que cela ne se fera pas en un tournemain. Peut-être avez-vous aussi été frappé par son affabilité avec les orthodoxes et même les anglicans, parce que, là aussi, il a le souci de l’unité de tous les chrétiens et a bien conscience qu’étant le pape de Rome il est le chef spirituel de tous les chrétiens. Le fait que Sa Majesté la Reine Elizabeth II l’ait invité à faire une visite d’Etat au Royaume-Uni pour s’exprimer non seulement devant quatre ou cinq millions de catholiques anglais et écossais mais devant la nation entière, s'explique probablement aussi parce que, dans l’esprit de la Reine, il est plus que le chef de l’Eglise catholique.

     

         

     

     

    LE SERMON DE LA MESSE

     

    Célébrer la messe du Saint-Esprit, au commencement d'une nouvelle année académique par exemple, comme nous aujourd'hui, ce n'est pas d'abord implorer Dieu de bien vouloir nous accorder son Esprit. Car nous accorder son Esprit, c'est précisément le vœu le plus cher du Seigneur. C'est bien plutôt prendre la résolution de vouloir recevoir le don de Dieu, de vouloir se laisser transformer par ce même Esprit, dans toutes les dimensions de sa vie, c'est-à-dire bien sûr dans le domaine intellectuel, mais aussi dans les domaines si divers et parfois si rebelles que sont ceux des affections, des goûts et des choix moraux de l'existence. C'est accepter que le Saint-Esprit devienne l'âme de notre âme, qu'il fasse de chacun de nous une anima ecclesiastica, quelqu'un qui vive toutes les dimensions de sa vie en tant que membre de l'Église, soumis en tout à Dieu, désireux d'étendre le règne du Christ  : à l'extérieur, en témoignant du sens que la foi procure à sa vie, et en profondeur, en laissant évangéliser toutes les strates de son existence, pour parvenir à l'unité intérieure, condition de la véracité du témoignage. Les interventions de Benoît XVI en Grande Bretagne pourront guider notre méditation de ce soir.

    Dieu veut avant tout notre bonheur. C'est ce que Benoît XVI rappelait aux étudiants réunis autour de lui à Londres. Et qui dit bonheur dit aussi sainteté : « Quand je vous invite à devenir des saints, je vous demande de ne pas vous contenter de la seconde place. Je vous demande de ne pas poursuivre un but limité en ignorant tous les autres. L’argent permet d’être généreux et de faire du bien dans le monde, mais à lui seul, il ne suffit pas à nous rendre heureux. La haute qualification dans l’activité professionnelle est une bonne chose, mais elle ne nous satisfait pas si nous n’avons pas en vue quelque chose de bien plus grand. Elle peut nous rendre célèbre, mais elle ne nous rendra pas heureux. Le bonheur est quelque chose que nous voulons tous, mais un des grands drames de ce monde est que tant de personnes ne le trouvent jamais, parce qu’elles le cherchent là où il n’est pas. La clef du bonheur est très simple – le vrai bonheur se trouve en Dieu. Nous devons avoir le courage de mettre nos espérances les plus profondes en Dieu seul, non pas dans l’argent, dans la carrière, dans les succès de ce monde, ou dans nos relations avec d’autres personnes, mais en Dieu. Lui seul peut satisfaire les exigences profondes de nos cœurs ». Cette quête du bonheur, John Henry Newman l'a illustrée par l'itinéraire de sa vie : une vive expérience de conversion dans sa jeunesse à laquelle il a été fidèle toute sa vie en appliquant inlassablement sa raison à scruter les profondeurs de Dieu à travers le donné révélé tel qu'il lui avait été transmis pour, le moment venu, par fidélité à sa conscience, caisse de résonance de la vérité de Dieu, opter pour l'Église romaine, quitte à en subir les conséquences. « La vie de Newman nous enseigne aussi, commentait le Pape, que la passion pour la vérité, l'honnêteté intellectuelle et la conversion authentique ont un prix élevé ».

     L'expérience intérieure de la vérité a pour conséquence logique le témoignage extérieur. Ce témoignage, aujourd'hui, nous expose souvent à l'ironie, voire à l'hostilité. Il heurte notre désir inné de paix. «  À notre époque, le prix à payer pour la fidélité à l’Évangile n’est plus la condamnation à mort par pendaison ou par écartèlement, mais cela entraîne souvent d’être exclus, ridiculisés ou caricaturés. Et cependant, l’Église ne peut renoncer à sa tâche : proclamer le Christ et son Évangile comme vérité salvifique, source de notre bonheur individuel ultime et fondement d’une société juste et humaine ». Et ce témoignage est d'autant plus nécessaire que sans la Vérité révélée que véhicule la religion, la raison laissée à ses seules forces se retourne contre l'homme et le conduit au malheur. C'est une des constantes de l'enseignement de Benoît XVI au sujet de la société postmoderne. C'est l'appel qu'il lançait aux Ecossais à Glasgow : « L’évangélisation de la culture est d’autant plus importante de nos jours, alors qu’une “dictature du relativisme” menace d’obscurcir l’immuable vérité sur la nature humaine, sa destinée et son bien suprême. Certains cherchent aujourd’hui à exclure la croyance religieuse du discours public, à la limiter à la sphère privée ou même à la dépeindre comme une menace pour l’égalité et pour la liberté. Pourtant, la religion est en fait une garantie de liberté et de respect authentiques, car elle nous conduit à considérer chaque personne comme un frère ou une sœur. Pour cette raison, je lance un appel particulier à vous les fidèles laïcs, en accord avec votre vocation et votre mission baptismales, à être non seulement des exemples de foi dans la vie publique, mais aussi à introduire et à promouvoir dans le débat public l’argument d’une sagesse et d’une vision de foi. La société d’aujourd’hui a besoin de voix claires qui prônent notre droit de vivre, non pas dans une jungle de libertés autodestructrices et arbitraires, mais dans une société qui travaille pour le vrai bien-être de ses citoyens et qui, face à leurs fragilités et leurs faiblesses, leur offre conseils et protection ». C'est ce qu'il répètera devant les parlementaires britanniques au palais de Westminster. Si la loi naturelle, de soi, suffit à régir droitement les sociétés, concrètement, nos contemporains sont devenus incapables d'en découvrir et d'en observer les exigences. Ils ont besoin du « correctif » de la religion, qui les aide à purifier leur raison et à fortifier leur volonté. Et après avoir mentionnées les déviations qui menacent également la religion, il concluait par ces mots : « La religion, en d’autres termes, n’est pas un problème que les législateurs doivent résoudre, mais elle est une contribution vitale au dialogue national ».

     Cette contribution que les chrétiens sont les seuls à apporter en plénitude à la société doit être humble, c'est-à-dire émaner non de perroquets qui récitent une leçon, mais de gens ayant fait l'expérience intérieure de la vérité, dans un cœur à cœur avec le Seigneur, cor ad cor loquitur. La collecte de la messe nous invitait à « goûter dans l'Esprit ce qui est bien ». « Finalement, disait le Pape aux fidèles réunis à Hyde Park, Newman nous enseigne que, si nous avons accepté la vérité du Christ et lui avons donné notre vie, il ne peut y avoir de différence entre ce que nous croyons et notre manière de vivre. Toutes nos pensées, nos paroles et nos actions doivent être pour la gloire de Dieu et pour l’avènement de son Royaume. Newman a compris cela et il a été le grand défenseur de la mission prophétique des laïcs chrétiens. Il a vu clairement qu’il ne s’agissait pas tant d’accepter la vérité par un acte purement intellectuel que de l’embrasser dans une dynamique spirituelle qui pénètre jusqu’au cœur de notre être. La vérité est transmise non seulement par un enseignement en bonne et due forme, aussi important soit-il, mais aussi par le témoignage de vies vécues dans l’intégrité, la fidélité et la sainteté. Ceux qui vivent dans et par la vérité reconnaissent instinctivement ce qui est faux et, précisément parce que faux, hostile à la beauté et à la bonté qui sont inhérentes à la splendeur de la vérité, Veritatis splendor ».

    Notre engagement, dès lors, n'est pas un engagement de militants. C'est un engagement spirituel, un engagement de martyrs, c'est-à-dire de témoins de cette splendeur de la vérité. C'est un engagement qui, parce qu'il provient des profondeurs de l'âme, du tréfonds de la conscience, est propre à chacun et, en un sens, unique. « Dieu m’a créé pour un service précis. Il m’a confié un travail qu’il n’a confié à personne d’autre » écrivait-il. Cet engagement, aujourd'hui, se fait pressant : « Pour qui regarde avec réalisme notre monde d’aujourd’hui, continuait le Pape à Hyde Park, il est manifeste que les chrétiens ne peuvent plus se permettre de mener leurs affaires comme avant. Ils ne peuvent ignorer la profonde crise de la foi qui a ébranlé notre société, ni même être sûrs que le patrimoine des valeurs transmises par des siècles de chrétienté, va continuer d’inspirer et de modeler l’avenir de notre société. Nous savons qu’en des temps de crise et de bouleversement, Dieu a suscité de grands saints et prophètes pour le renouveau de l’Église et de la société chrétienne ». Ces saints, ce sont les chrétiens qui prennent au sérieux l'appel de l'Esprit Saint en eux, lui qui utilise aussi bien leurs forces que leurs faiblesses, leurs richesses que leur pauvretés, pour apporter une réponse appropriée aux défis de notre temps. A Birmingham, le Pape citait cet appel de Newman : « Je désire un laïcat qui ne soit pas arrogant, ni âpre dans son langage, ni prompt à la dispute, mais des personnes qui connaissent leur religion, qui pénètrent en ses profondeurs, qui savent précisément où ils sont, qui savent ce qu’ils ont et ce qu’ils n’ont pas, qui connaissent si bien leur foi qu’ils peuvent en rendre compte, qui connaissent assez leur histoire pour pouvoir la défendre ». Et à Hyde Park, il concluait : « À ce point, je désire m’adresser spécialement aux nombreux jeunes ici présents. Chers jeunes amis : seul Jésus sait quel « service précis » il a pensé pour vous. Soyez ouverts à sa voix qui résonne au fond de votre cœur : maintenant encore son cœur parle à votre cœur. Le Christ a besoin de familles qui rappellent au monde la dignité de l’amour humain et la beauté de la vie de famille. Il a besoin d’hommes et de femmes qui consacrent leur vie à la noble tâche de l’éducation, veillant sur les jeunes et les entraînant sur les chemins de l’Évangile. Il a besoin de personnes qui consacrent leur vie à s’efforcer de vivre la charité parfaite, en le suivant dans la chasteté, la pauvreté et l’obéissance, et en le servant dans le plus petit de nos frères et sœurs. Il a besoin de la force de l’amour des religieux contemplatifs qui soutiennent le témoignage et l’activité de l’Église par leur prière constante. Et il a besoin de prêtres, de bons et saints prêtres, d’hommes prêts à offrir leur vie pour leurs brebis. Demandez au Seigneur ce qu’il a désiré pour vous ! Demandez-lui la générosité pour dire oui ! N’ayez pas peur de vous donner totalement à Jésus. Il vous donnera la grâce dont vous avez besoin pour réaliser votre vocation. Je termine ces quelques mots en vous invitant chaleureusement à vous joindre à moi l’année prochaine à Madrid pour la Journée Mondiale de la Jeunesse ». Ce que je vous invite moi aussi à faire en rejoignant les rangs de l'association internationale Juventutem !

     

                Mais maintenant répondons – cor ad cor loquitur – à la parole que Dieu nous adresse par les paroles qu'à travers la liturgie il met sur nos lèvres.

     

     

     

     

    blason du cardinal Newman avec sa devise :

    "cor ad cor loquitur"

     

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